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Embrasser

Définitions de « embrasser »

Trésor de la Langue Française informatisé

EMBRASSER, verbe trans.

I.− Prendre entre ses bras en serrant contre soi.
A.− [Le suj. désigne une pers.]
1. [Le compl. d'obj. désigne une chose] Embrasser qqc. (vieilli).Embrasser un tronc d'arbre, tenir qqc. embrassé. Je me dépouille de mon habit, j'embrasse l'orme et je commence à monter (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 81):
1. Elle marchait derrière les faucheurs en tordant un lien de javelle. Tous les sept pas (...) elle se baissait, elle embrassait sur la terre les épis renversés, elle les serrait contre elle, elle les attachait d'un lien, elle rejetait sur la terre une gerbe... Giono, Que ma joie demeure,1935, p. 449.
P. ext.
[Avec un seul bras] Un de mes bras nus, presque horizontal, embrassait le dossier (Arnoux, Roi,1956, p. 257).
[Avec les mains, les cuisses ou les jambes] D'admirables mains de soldat, (...) des mains qui avaient embrassé la poignée du sabre (Balzac, Béatrix,1839-45, p. 20).Gassien, dont les cuisses embrassaient une sorte de créneau (Arnoux, Suite var.,1925, p. 165).
2. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Embrasser qqn.Tenir qqn embrassé. Il aurait voulu l'embrasser des deux bras et la battre (Pourrat, Gaspard,1931, p. 186).
Loc. Embrasser les pieds, les genoux de qqn. Se prosterner à ses pieds, serrer ses genoux en l'implorant, (formule de supplication). Ma part dans ta vengeance! Oh! Fais-moi cette grâce! Et s'il faut embrasser tes pieds, je les embrasse! (Hugo, Hernani,1830, III, 8, p. 91).Les habitans embrassèrent les genoux du Vercingétorix, et le supplièrent de ne pas ruiner la plus belle ville des Gaules (Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 248).
Emploi pronom. réciproque. Je les jetai dehors [les deux hommes] si brusquement qu'ils s'embrassèrent avec violence deux fois de suite (Maupass., Mt-Oriol,1887, p. 86).
Spéc. Étreindre (quelqu'un) avec ses bras pour exprimer son amitié, son affection, sa tendresse, son amour... Il s'avança précipitamment vers lui, et l'embrassa avec toutes les démonstrations d'une vive amitié (Genlis, Chev. Cygne,t. 2, 1795, p. 180).En parlant ainsi, il [Musdoemon] étreignait en ennemi celui qu'il venait d'embrasser en frère (Hugo, Han d'Isl.,1823, p. 554):
2. ... nous étions dans les bras l'un de l'autre. Marguerite cachait sa figure sur mon épaule; elle était à moi. Quel bonheur de pouvoir embrasser ainsi celle qu'on aime, devant tout le monde, devant ses parents, devant ses amis! ... Ah! qu'on est fier de la tenir, et quelle force il faudrait pour vous l'ôter! Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 1, 1870, p. 494.
P. méton. Ces bras qui embrassent si tendrement (E. de Guérin, Lettres,1840, p. 384).
Emploi pronom. réciproque. Nous nous embrassâmes à tour de bras et nous baisâmes à pleines lèvres (Verlaine, Œuvres complètes,t. 5, Confess., 1895, p. 155).
Rem. 1. Cette étreinte s'accompagne souvent d'un baiser (cf. citation de Verlaine), d'où l'emploi extensif (infra), rendu d'autant plus nécessaire que le verbe baiser évoluait vulgairement. 2. Il n'est pas toujours aisé, lorsque le cont. n'apporte pas la précision, de discerner si l'étreinte s'accompagne ou non d'un baiser.
P. ext. Donner un ou plusieurs baisers (à quelqu'un) généralement en le prenant et le serrant dans ses bras. Embrasser sa mère, sa femme, ses enfants. Kobus, entourant Iôsef de ses deux bras, se mit à l'embrasser les larmes aux yeux (Erckm.-Chatr., Ami Fritz,1864, p. 204).Il avait un furieux désir d'elle, et il aurait bien voulu l'embrasser à la bouche et la baiser (Jouve, Scène capit.,1935, p. 22):
3. ... sans parler, elle l'étreignait de nouveau et l'embrassait jusqu'à l'étouffement. − L'enfant redoutait fort ces rudes et silencieuses caresses. Reider, MlleVallantin,1862, p. 43.
SYNT. Embrasser ses parents, un ami; embrasser les joues de qqn, embrasser qqn sur les (deux) joues; embrasser qqn au front, sur le front; embrasser les yeux, les cheveux, le cou de qqn; embrasser qqn sur la bouche/sur les lèvres, embrasser qqn à pleine bouche/à pleines lèvres; embrasser qqn avec amour, ardeur; embrasser qqn très fort, de toutes ses forces, de tout son cœur; embrasser qqn en cachette; embrasser qqn longuement, tendrement, passionnément; ne pas oser embrasser qqn, avoir envie d'embrasser qqn, permettre à qqn de nous embrasser, se laisser embrasser par qqn; charger qqn d'embrasser qqn; embrassons-nous.
[Formules épistolaires] Votre fille qui vous embrasse; je t'embrasse cordialement, tendrement; je t'embrasse en cœur et en esprit; je t'embrasse comme je t'aime; en attendant, je t'embrasse mille fois sur tes lèvres adorées; je n'ai plus que la place de vous embrasser. Je vous embrasse et vous serre contre un cœur qui vous est dévoué (Balzac, Corresp.,1838, p. 367).
En partic. Embrasser la main de qqn.
[D'une femme] Lui faire le baisemain *. Synon. baiser sa main :
4. ... son fils ayant embrassé la main dudit [Jacques Blanche], comme elle lui avait dit : « On n'embrasse que la main d'une femme », son enfant lui avait répondu : « Mais maman, il a l'air d'une vieille demoiselle. » Goncourt, Journal,1892, p. 237.
Rem. Littré, condamnant l'emploi de embrasser dans le sens « donner un/des baisers », note, à propos de l'expr. embrasser la main (d'une femme) : ,,On lit parfois dans les auteurs contemporains : il lui embrasse la main. C'est mal parler; il faut dire : il lui baise la main. Embrasser c'est non appliquer la bouche, mais serrer dans les bras``.
[D'un homme d'Église, en signe de respect] :
5. Sa piété c'est une drôle de piété! C'est de s'enfermer, se mettre sous clef, le jour, chez elle; et puis d'aller embrasser les mains des abbés, ces sales mains-là! Goncourt, Journal,1868, p. 449.
Rare. [Le compl. d'obj. désigne une chose] Elle se baissait pour embrasser la pierre du turban ou pour coller son oreille à la tombe (Lamart., Destinées poésie,1834, p. 393).Mais j'aurais aussi bien embrassé un bouquet, ou une pêche mûre. Il y a des parfums qu'on ne respire bien qu'avec la bouche (Colette, Cl. Paris,1901, p. 116).
En partic., dans le domaine relig.Notre Havre-de-Grâce, Garde-nous, etc... (...) Médaille que j'embrasse; Garde-moi (Nouveau, Valentines,1886, p. 243).Paulina embrassait la relique de saint Vincent (Jouve, Paulina,1925, p. 225).Il s'est reprosterné à genoux, il embrassait son crucifix... Il faisait des mille signes de croix... (Céline, Mort à crédit,1936, p. 668).
P. métaph. Mon talon glissa sur une écorce de pastèque, et j'embrassais certainement le sol (...) si la jeune femme n'eût avancé le bras pour me soutenir (France, Le Crime de Sylvestre Bonnard,Paris, Calmann-Lévy, 1900, p. 49).
Emploi pronom. réciproque. Se donner, échanger un/des baisers. Époux qui s'embrassent tendrement, couple qui s'embrasse éperdument. Sur l'écran, deux amoureux s'embrassaient à pleine bouche (Dabit, Hôtel,1929, p. 111).
B.− P. anal. [Le suj. désigne une chose, le compl. d'obj. désigne une chose ou une pers.] Embrasser qqc. ou qqn.L'enserrer, l'entourer. Terre au sein verdoyant, mère antique des choses, Toi qu'embrasse océan de ses flots amoureux (Leconte de Lisle, Poèmes ant.,1852, p. 37).
Emploi pronom. réciproque. Dix châtaigniers s'étaient embrassés sans doute au courant des siècles pour n'en former qu'un (Fabre, Xavière,1890, p. 101).
P. ext., TYPOGR. Le texte embrassé par une accolade doit toujours en être plus ou moins détaché (E. Leclerc, Nouv. manuel typogr.,1932, p. 172).
II.− Au fig.
A.− [Le suj. désigne une pers. ou un attribut de la pers., le compl. d'obj. désigne une chose abstr.]
1. Vx, rare. Prendre à cœur quelque chose, le prendre à son compte, s'en charger. Sa conscience [de Bénédict] embrassait cette tâche [l'éducation de Valentin] avec ardeur (Sand, Valentine,1832, p. 242):
6. Ayant emporté la réforme malgré son père et sa famille, la jeune abbesse en voulut embrasser d'abord les entières conséquences. Afin de rester plus libre dans l'obligation unique et de ne devoir rien à César, elle commença par se retrancher strictement toute demande de secours et d'argent auprès de M. Arnauld, ... Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 187.
P. ext.
a) S'attacher par libre choix à quelque chose, y adhérer, l'adopter et s'y consacrer.
Vx. Embrasser un état; (vieilli) embrasser une carrière, une profession, une religion, un culte... Lopez finit par une prière au Dieu des chrétiens, dont j'avois refusé d'embrasser le culte (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 182).J'ai été journaliste (...) Durant vingt années, (...) je n'avais, je l'espère, jamais trahi ma profession, embrassée d'un libre choix (Veuillot, Odeurs de Paris,1866, p. 30):
7. Je me sondais, cherchant un état que je pusse embrasser sans trop de dégoût, quand feu l'Empereur m'en trouva un; il me dit soldat de par la maladresse de sa politique. Huysmans, Les Soirées de Médan,Sac au dos, 1880, p. 110.
Vieilli. Embrasser une opinion, des idées, des principes, une doctrine, une théorie... L'âme mobile de la comtesse embrassa avec enthousiasme l'idée de ce nouveau genre de vie (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 22):
8. [Godefroid :] − Quel est le fait qui vous a conduit à mener la vie que vous menez ici? Car, pour embrasser la doctrine d'un pareil renoncement à tout intérêt, on doit être dégoûté du monde... Balzac, L'Envers de l'hist. contemp.,Madame de La Chanterie, 1850, p. 267.
Embrasser la cause, le parti de qqn ou qqc.; embrasser les intérêts, la querelle, les adversités (vx), la défense de qqn. Si l'intérêt de l'humanité vous touche, osez embrasser la cause de la liberté (Proudhon, Propriété?1840, p. 347):
9. ... combien y en a-t-il qui se mettent à genoux dans l'église qu'ils décorent? − Beaucoup de philosophes embrassent sa cause et la plaident, comme des avocats généreux celle d'un client pauvre et délaissé; (...); mais il est rare que cette croix soit à leur côté dans la solitude. Vigny, Servitude et grandeur militaires,1835, p. 214.
SYNT. Embrasser la cause du plus faible, des opprimés, de la pauvreté, de la paix, du patriotisme, de la Révolution.
b) Vouloir entreprendre, s'engager dans, se lancer dans quelque chose. Embrasser trop de choses à la fois, embrasser moins que qqn, vouloir trop embrasser. La phrénologie embrasse un plus vaste dessein; elle poursuit l'identification du monde moral et du monde physique (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 100):
10. ... il [le fort psychique] est spécialement adapté à la multiplicité : il peut embrasser à la fois plusieurs actions, plusieurs conversations, plusieurs projets, plusieurs moments du temps, même s'ils divergent entre eux. Sa pensée est panoramique et complexe, elle englobe de nombreux points de vue. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 260.
Proverbe. Qui trop embrasse, mal étreint. Qui veut entreprendre trop de choses en même temps s'expose à n'en mener aucune à bien. [P. réf. à ce proverbe] :
11. Je sais bien que j'ai tort, qu'il y a des limites à se donner. À cette condition, l'on crée. Mais il n'y a pas de limites pour aimer et que m'importe de mal étreindre si je peux tout embrasser. Camus, L'Envers et l'endroit,1937, p. 115.
c) Vx. Embrasser une occasion. La saisir, ne pas la laisser échapper :
12. Ce Spartiate possédoit de grandes propriétés, et se trouvoit en même temps écrasé de dettes. Il embrassa donc avidement l'occasion de se décharger de celles-ci, mais il ne voulut plus de la réforme aussitôt qu'elle atteignit ses biens. Chateaubriand, Essai sur les Révolutions,t. 2, 1797, p. 176.
2. [Le suj. désigne une pers. ou un attribut visuel de la pers., le compl. d'obj. désigne qqc. qui se situe dans l'espace et appartient au champ visuel] Saisir quelque chose, globalement et dans toute son étendue, par le regard. Elle embrassait ce spectacle clair d'un regard indolent qui semblait heureux (France, Jocaste,1879, p. 143):
13. Malgré la faible clarté des lanternes, d'un vif regard il embrassa la scène, cette cohue noyée d'ombre, dont il connaissait chaque face, les haveurs, les chargeurs, les moulineurs, les herscheuses, jusqu'aux galibots. Zola, Germinal,1885, p. 1391.
SYNT. Embrasser qqc. du/d'un regard, de l'œil; embrasser tout d'un coup d'œil; regard qui embrasse l'horizon, toute l'étendue de qqc; œil qui embrasse d'un coup une surface, un vaste horizon.
P. anal. Embrassant le fleuve d'un geste emphatique (A. Daudet, Jack,t. 1, 1876, p. 303).Pied-d'Alouette fit un geste vague, embrassant un quart de l'horizon (France, Mannequin,1897, p. 69).
P. ext. [Le suj. désigne une pers. ou l'un de ses attributs intellectuels; le compl. désigne qqc. d'abstr.] Saisir par l'esprit, appréhender quelque chose, dans son ensemble et sous tous ses aspects, par la pensée, l'imagination, la mémoire... Un être (...), à longue portée de regard, capable d'embrasser d'un coup d'œil une suite de situations et leurs conséquences (Taine, Notes Paris,1867, p. 283):
14. Il faudrait, pour qu'une théorie scientifique fût définitive, que l'esprit pût embrasser en bloc la totalité des choses et les situer exactement les unes par rapport aux autres; ... Bergson, L'Évolution créatrice,1907, p. 208.
SYNT. Embrasser qqc. dans son ensemble, sous tous les aspects; embrasser l'ensemble d'un sujet, de sa vie; embrasser plusieurs objets à la fois, embrasser à la fois la théorie et la pratique, embrasser et circonscrire l'étendue de qqc., embrasser (un sujet) dans une vaste synthèse; esprit qui embrasse toutes choses, qui embrasse et combine tout; intelligence qui embrasse tout d'un coup d'œil; génie qui embrasse une multitude d'objets d'un coup d'œil; génie qui embrasse une multitude d'objets d'un coup d'œil; imagination qui embrasse de vastes objets; n'embrasser que les contours des choses.
Emploi abs. Il [M. Cousin] s'élève, il embrasse, il généralise, il a des conceptions d'artiste et des verves d'orateur (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 1, 1851-62, p. 116).
B.− [Le suj. désigne une chose]
1. [Le compl. d'obj. désigne un espace géogr.] Contenir dans son étendue, s'étendre sur l'espace de. La concession embrasse deux mille kilomètres carrés (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 31):
15. [Catherine II] eut à gouverner ce puissant empire qu'elle agrandit dans tous les sens, et qui embrassait le nord jusqu'au pôle et l'orient jusque par delà l'aurore, ... Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 2, 1863-69, p. 205.
Spéc., TYPOGR. Quelle que soit la manière dont elles sont tournées, les accolades sont décollées du côté de la partie qu'elles embrassent (E. Leclerc, Nouv. manuel typogr.,1932, p. 401).La colonne ainsi complétée est recouverte sur la droite par un filet vertical embrassant toute la hauteur (E. Leclerc, Nouv. manuel typogr.,1932p. 389).
2. [Le compl. d'obj. désigne un espace de temps] S'étendre sur, couvrir. Ce Frédéric II domine tout ce demi-siècle que son règne embrasse presque en entier (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. XXII):
16. ... ces pensées qui sommeillent au fond de nous à notre insu, et qui sont plus profondes et plus larges que notre pensée claire, car elles embrassent, dit-on, le passé et l'avenir, ... Barrès, Le Mystère en pleine lumière,1923, p. 16.
3. [Le suj. est au sing., le compl. d'obj. désigne deux ou plusieurs choses] Contenir, englober, renfermer, toucher à. Il convient, (...) de ne pas étendre à tel point la définition du caractère qu'elle embrasse tout le contenu de la vie psychologique (Mounier, Traité caract.,1946, p. 60):
17. ... le christianisme est en particulier compliqué [dit le malade au docteur-citoyen]. Il embrasse tant de contradictions intérieures ou introduites qu'il peut de soi donner réponse à tout. Péguy, De la Grippe II,1900, p. 29.
SYNT. Savoir qui embrasse tous les domaines, distinction qui embrasse un champ immense de cas, unité qui embrasse une multiplicité de parties, école qui embrasse plusieurs nations et bien des systèmes, période qui embrasse les quatre règnes d'une dynastie, amour qui embrasse à la fois la créature et la création; embrasser la totalité des phénomènes dans un principe.
Rem. Les dict., sauf Ac. et Lar. Lang. fr. enregistrent embrassure, subst. fém. [Correspond à embrasser I] Constr. ,,Ceinture formée par une bande de fer, dont on entoure une poutre, une pièce de charpente, un tuyau de cheminée et qui l'embrasse`` (Havard t. 2 1888).
Prononc. et Orth. : [ɑ ̃bʀase], (j')embrasse [ɑ ̃bʀas]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « tenir entre ses bras (le plus souvent en signe d'affection) » [d'où « donner un baiser »] (Roland, éd. Bédier, 2202); 2. ca 1130 enbracier « saisir, se charger de » (Juise, 86 ds T.-L.); 3. 1580 « contenir, comprendre » (Montaigne, Essais, éd. A. Thibaudet, livre I, chap. XX, p. 119); 4. av. 1662 « saisir par la vue, la pensée (une chose dans son étendue) » (Pasc., Pens. III, 16 ds DG). Dér. de bras*; préf. en-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 9 644. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 13 883, b) 24 276; xxes. : a) 15 224, b) 8 274. Bbg. Darm. Vie 1932, p. 154. − Grimaud (F.). Pt Gloss. du jeu de boules. Vie Lang. 1968, p. 194.

Wiktionnaire

Verbe - français

embrasser \ɑ̃.bʁa.se\ 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : s’embrasser)

  1. Serrer, étreindre avec les deux bras.
    • Priam se jeta aux pieds d’Achille et lui embrassa les genoux.
    • Cet arbre est si gros, que deux personnes ne sauraient l’embrasser.
    • J’embrassai en partant le bon colonel et son ami le docteur comme on le fait au théâtre, en nous pressant dans les bras l'un de l'autre et en détournant la tête. — (François Auguste Biard, Deux années au Brésil, 1862)
  2. (Par analogie) Entourer, contourner.
    • Le lierre embrasse cet ormeau.
    • Cette rivière se sépare en deux et embrasse une grande étendue de terrain.
  3. Contenir quelque chose dans toute son étendue.
    • L’ancien empire germanique embrassait une grande partie de l’Europe.
  4. (Figuré) Saisir par le regard, par la pensée quelque chose dans toute son étendue.
    • Je me fis conduire les yeux fermés, par mon guide, à l’endroit le plus favorable pour embrasser d’un seul coup-d’œil la double chaîne des Alpes. — (Alexandre Dumas, Impressions de voyage, La Revue des Deux Mondes, tome 1, 1833)
    • Quand on sait peu, on éprouve le besoin de tout embrasser ; quand on sait beaucoup, on sent la nécessité de tout résumer. — (Jean-Jacques Ampère, La Chine et les travaux d’Abel Rémusat, Revue des Deux Mondes, tome 8, 1832)
    • Pour élucider cette idée, je me propose d’embrasser l’Univers dans un seul coup d’œil, de telle sorte que l’esprit puisse en recevoir et en percevoir une impression condensée, comme d’un simple individu. — (Edgar Poe, Eureka, 1848, traduction de Charles Baudelaire)
    • La conviction de l’existence d’un objet éternel, embrassée quand on est jeune, donne à la vie une assiette particulière de solidité. — (Ernest Renan, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, 1883, collection Folio, page 193)
    • La littérature érotique embrasse plus de réalités psychologiques que la morale bourgeoise ne voulait en connaître, et que le puritanisme n’en tolère. — (Denis de Rougemont, Comme toi-même : Essais sur les Mythes de l’Amour, Albin Michel, 1961, page 41)
  5. (Manège) Serrer avec les cuisses son cheval pour être plus ferme.
    • Embrasser bien son cheval.
  6. (Figuré) S’attacher à quelque chose par choix, par préférence.
    • Toute la situation résulte du progrès de la Révolution contre le Christianisme. Eh bien, devons-nous embrasser le dogme de la Révolution ou celui de l'Église ? Pour nous, c'est toute la question — (Antoine Blanc de Saint-Bonnet, La Légitimité, Tournai, Casterman, 1873, page 31).
    • Ces docteurs confondent, par un grossier sophisme, un idéal qui, en tant que non changeant, peut par pure métaphore être qualifié de mort, avec les hommes, les êtres charnels qui embrassent cet idéal, lesquels, en cet embrassement, peuvent être si peu morts qu’ils se battront avec acharnement pour le défendre. — (Julien Benda, La Trahison des clercs, 1927, édition 1946)
    • De très bons dessinateurs embrassent d’autres métiers parce qu’ils estiment que c’est dangereux et que ça ne nourrit pas son homme. — (Emeline Wuilbercq, En Afrique, « la caricature est dangereuse et ne nourrit pas son homme », Le Monde. Mis en ligne le 6 mai 2019)
  7. (Par extension) Serrer quelqu’un entre ses bras et lui donner un baiser.
    • Je ne voulais pas me faire à l’idée que mon père fût mort, et que plus jamais il ne reviendrait. Durant sa maladie, on m’avait défendu de pénétrer dans sa chambre, et il était parti sans que je l’eusse embrassé. — (Octave Mirbeau, Contes cruels : Mon oncle)
    • Mme Pasteur pouvait bientôt écrire : « Grandeau vient d’annoncer au laboratoire que Roux et Chamberland sont décorés et que Pasteur est grand-cordon . On s’est embrassé cordialement au milieu des cochons d’Inde et des lapins. » — (Victor Fraitot, Une page d’histoire du XIXe siècle - Pasteur (l’œuvre, l’homme, le savant), Paris : librairie Vuibert, 1905, page 47)
  8. (Par extension) Donner un ou des baisers à quelqu’un.
    • Ils mangent et boivent, font ripaille, remuent leurs membres, embrassent les filles, sonnent les cloches, s’emplissent de bruit : rudes bacchanales où l’homme se débride, et qui sont la consécration de la vie naturelle : les puritains ne s’y sont pas trompés. — (Hippolyte Taine, Histoire de la littérature anglaise, volume 1, 1856, page 255)
    • Puis, lorsqu’ils arrivèrent à la maison des mégers, ils tombèrent justement sur les amoureux, Sophie et son meunier, qui s’embrassaient à pleine bouche, près du puits. — (Émile Zola, Le Docteur Pascal, G. Charpentier, 1893, chapitre VIII)
    • Des messieurs parfumés, que d’affreux gigolos embrassaient sur la bouche, poussaient des gloussements et, tournoyant avec ivresse, s’abandonnaient. — (Francis Carco, Images cachées, Éditions Albin Michel, Paris, 1928)
    • Un mec qui ne s'encombrera pas des convenances et de la séduction à deux balles, qui rentrera, posera le kébab et sans dire un mot, m’embrassera fougueusement en me disant de ne pas m'inquiéter pour toutes les histoires de couple pourries […]. — (Laura Bernard, Football, amour, kébab, Éditions Publibook, 2012, page 49)
  9. Accepter une idée, adhérer à un concept.
    • Mais apparemment, le gouvernement pense serrer la vis encore un peu plus que prévu. Il joue avec l’idée d’un couvre-feu. (…). L’embrassera-t-il vraiment ou la fait-il circuler pour donner un air de modération à ses autres mesures ? — (Mathieu Bock-Côté, Couvre-feu: résolution ou désespoir?, Le Journal de Québec, 6 janvier 2021)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

EMBRASSER. v. tr.
Serrer, étreindre avec les deux bras. Embrasser étroitement. Priam se jeta aux pieds d'Achille et lui embrassa les genoux. Cet arbre est si gros, que deux personnes ne sauraient l'embrasser. On dit, par analogie, Le lierre embrasse cet ormeau. Cette rivière se sépare en deux et embrasse une grande étendue de terrain. Il signifie aussi Contenir quelque chose dans toute son étendue. L'ancien empire germanique embrassait une grande partie de l'Europe. Il signifie aussi figurément dans cette acception Saisir par le regard, par la pensée quelque chose dans toute son étendue. D'un coup d'œil, il embrassa tout l'horizon. Son vaste génie embrassait toutes les connaissances de son temps. En termes de Manège, Embrasser bien son cheval, Le serrer avec les cuisses pour être plus ferme. Prov. et fig., Qui trop embrasse mal étreint, Qui entreprend trop de choses à la fois ne réussit à rien. Figurément, il signifie aussi S'attacher à quelque chose par choix, par préférence. Embrasser un état, une profession. Embrasser la cause, la querelle de quelqu'un. Embrasser la vie religieuse. Par extension, il signifie Serrer quelqu'un entre ses bras et lui donner un baiser ou tout simplement Lui donner un baiser. Embrasser ses parents, ses enfants. Je vous embrasse, je vous embrasse de tout cœur, Formule finale d'une lettre.

Littré (1872-1877)

EMBRASSER (an-bra-sé) v. a.
  • 1Serrer dans ses bras, caresse qui est souvent accompagnée d'un baiser. Il embrassa son père avec effusion. En arrivant, il embrassa sa femme et ses enfants. Mais il me traite en père, il me flatte, il m'embrasse, Corneille, Héracl. V. 2. Lorsqu'un homme vous vient embrasser avec joie, Il faut bien le payer de la même monnoie, Molière, Mis. I, 1. J'embrasse mon rival, mais c'est pour l'étouffer, Racine, Brit. IV, 3. J'allais, seigneur, pleurer un instant avec lui ; Je ne l'ai point encore embrassé d'aujourd'hui, Racine, Andr. I, 4.

    Formules de salutation épistolaire. Je vous embrasse de tout cœur. Je vous embrasse tendrement.

    Il se dit, par extension, de tout ce qu'on serre, saisit avec les bras, soit que les bras entourent ou n'entourent pas. Embrasser l'autel. Les uns avec transport embrassent le rivage, Racine, Mithr. IV, 6. Je cherche mon enfant avec des cris funèbres, Pleurant, rampant, hurlant, embrassant les ténèbres, Ducis, Rom. IV, 5.

    Embrasser les genoux, se mettre aux pieds de quelqu'un et lui serrer les genoux pour l'implorer. Seigneur, c'est donc à moi d'embrasser vos genoux, Racine, Iphig. III, 5. Par le salut des Juifs, par ces pieds que j'embrasse, Racine, Esth. III, 5.

    Embrasser son écu, se disait du combattant qui empoignait plus fortement son écu pour se couvrir et attaquer.

    Fig. Qu'un stoïque [un stoïcien] aux yeux secs vole embrasser la mort ; Moi je pleure et j'espère ; au noir souffle du nord Je plie et relève la tête, Chénier, la Jeune captive. Dans toute sa grandeur j'embrassai ma misère, Delavigne, Paria, III, 4.

  • 2Entourer, environner, en parlant des choses. Le lierre embrasse l'ormeau. La mer embrasse la terre. À l'ombre des lauriers qui t'embrassent la tête, Malherbe, I, 4. [Draperie] Qui ne s'y colle point, mais en suive la grâce [du corps], Et sans le serrer trop, le caresse et l'embrasse, Molière, Val-de-Grâce.
  • 3Saisir par la vue, par le regard. Il embrassa rapidement tout le champ de bataille et donna ses ordres. Comme, en considérant une carte universelle, vous sortez du pays où vous êtes né et du lieu qui vous renferme, pour parcourir toute la terre habitable que vous embrassez par la pensée avec toutes ses mers et tous ses pays, Bossuet, Hist. Dessein général. Au delà de leur cours et loin dans cet espace, Où la matière nage et que Dieu seul embrasse, Voltaire, Henr. VII, 61. C'est en vain que ma vue De la terre et des mers embrasse l'étendue, Ducis, Oscar, I, 1.

    Saisir par l'esprit. Aristote a embrassé l'ensemble des connaissances humaines de son temps. Il [la Mothe le Vayer] a tout embrassé dans ses écrits, l'ancien, le moderne, le sacré, le profane, mais sans confusion, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 137, dans POUGENS. Le compas d'Uranie a mesuré l'espace ; ô temps, être inconnu que l'âme seule embrasse, Invisible torrent des siècles et des jours, Thomas, Ode, le Temps.

    Saisir par l'imagination. Mon esprit embrassant tout ce qu'il s'imagine, Corneille, Poly. III, 1. Vous qui, de l'Asie embrassant la conquête, Querellez tous les jours le ciel qui vous arrête, Racine, Iphig. IV, 6. Je voudrais embrasser un si doux avenir, Ducis, Oscar, I, 2. Et d'un bonheur prochain embrassez l'espérance, Delavigne, Vêpr. sicil. sc. supprimée.

    Saisir par l'exécution. Dans les grandes affaires, il faut tout envisager, et se contenter de ce qu'on peut exécuter avec succès, sans vouloir embrasser tout à la fois, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. VIII, p. 320, dans POUGENS.

  • 4Adopter, suivre. Il embrassa les opinions des novateurs. Je veux, comme il souhaite, embrasser la douceur, Tristan, M. de Chrispe, II, 7. Non, non, n'embrassez pas de vertu par contrainte, Corneille, Hor. II, 3. Embrasse ma vertu pour vaincre ta faiblesse, Corneille, ib. IV, 7. Impatients désirs d'une illustre vengeance… Que ma douleur séduite embrasse aveuglément, Corneille, Cinna, I, 1. Il est ce que tu dis s'il embrasse leur foi, Corneille, Poly. III, 2. J'embrasse comme vous ces nobles sentiments, Corneille, Rodog. I, 5. J'embrasse un bon avis, de quelque part qu'il vienne, Corneille, Perthar. I, 4. Il est temps de tourner du côté du bonheur, De ne plus embrasser des destins trop sévères, Corneille, ib. IV, 5. Il n'embrassa point de secte particulière, mais il prit ce qu'il y avait de bon en chacune, Perrot D'Ablancourt, Lucien, t. II, dans RICHELET. Qui d'une sainte vie embrasse l'innocence Ne doit point tant prôner son nom et sa naissance, Molière, Tart. II, 2. Il embrasse la religion chrétienne, Bossuet, Hist. I, 10. Un autre secours encore, mais le plus efficace qu'il pût opposer à ses adversités, ce fut la dévotion solide, qu'il embrassa pour le reste de ses jours, et même, si cela se peut, avec quelque sorte d'excès, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 92, dans POUGENS. Je chéris la vertu, mais j'embrasse le crime, Voltaire, Brut. IV, 3. J'embrassai les vertus qu'exigeait mon malheur, Voltaire, Mérope, V, 1. Je l'aimai, je connus ce premier esclavage Qu'embrasse avec transport une âme encor sauvage, Delavigne, Paria, I, 1.

    Se charger de, se mettre du côté de. Vous saurez embrasser bien mieux son intérêt, Corneille, Hor. V, 3. Je ne veux point douter que la vertu romaine N'embrasse avec chaleur l'intérêt de la reine, Corneille, Nicom. I, 1. Du timon qu'il embrasse il se fait le seul guide, Corneille, Othon, III, 4. Il faut premièrement Me rendre un bon office, et nous verrons en suite Si je dois de vos vœux embrasser la conduite, Molière, l'Étour. III, 5. Régner et de l'État embrasser la conduite, Racine, Phèd. III, 1. Vous seul pouvez contre eux embrasser sa défense, Racine, ib. II, 5. Pour oser de ton peuple embrasser l'intérêt, Racine, Esth. I, 4. Les vrais apôtres de notre Seigneur, selon la tradition de tous les Pères, afin de n'être occupés que de Dieu et de l'Évangile, quittaient leurs femmes pour embrasser le célibat, Bossuet, Var. II, § 25. Les Athéniens, commandés par Démosthène et Hippocrate, étaient entrés en Béotie, dans l'espérance que plusieurs villes embrasseraient leur parti dès qu'ils se montreraient, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. III, p. 581, dans POUGENS. Ayant pour cette dame, en quelque différend Et dans l'occasion, embrassé sa querelle, Legrand, Roi de Cocagne, I, 2. J'ose encore embrasser tes projets, tes malheurs, Lemercier, Agam. IV, 4.

    Par extension, saisir, ne pas laisser échapper. À lui rendre service elle m'offre une voie Que tout mon cœur embrasse avec excès de joie, Corneille, Sertor. II, 5. J'ai embrassé cette occasion-ci de me mettre à mon aise, Molière, le Mar. for. 12. L'occasion est belle, il la faut embrasser, Racine, Phèd. V, 1.

  • 5Contenir en soi. Ce royaume embrasse plusieurs provinces. La chimie embrasse un vaste domaine. Un empire qui embrassait tant de nations, Bossuet, Hist. III, 6. Telle a été l'origine de ces fameux empires qui embrassaient une grande partie du monde, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. I, p. 6, dans POUGENS.

    Confondre. Nous ne devons point la tirer [la censure de la comédie] des bornes qu'elle s'est données, l'étendre plus loin qu'il ne faut, et lui faire embrasser l'innocent avec le coupable, Molière, Préf. de Tart.

  • 6Tenir, occuper, remplir. On voyait les colonnes russes se prolonger et se retrancher sur cette pente rase, d'une demi-lieue de rayon, d'où elles dominaient et embrassaient tout par leur nombre et leur position, Ségur, Hist. de Napol. IX, 2.
  • 7 Terme de manége. Un cheval embrasse la volte ou, simplement, embrasse, quand ses pas embrassent l'espace d'environ un pied et demi.

    Embrasser bien son cheval, le serrer avec les cuisses pour être plus ferme.

  • 8S'embrasser, v. réfl. Se presser dans les bras l'un de l'autre. Femmes, vieillards, enfants, s'embrassant avec joie, Racine, Athal. V, 6.

    PROVERBE

    Qui trop embrasse mal étreint, se dit de celui qui, entreprenant beaucoup, réussit mal à chaque chose.

REMARQUE

1. Racine a dit : Et qu'affectant l'honneur de céder le dernier, L'un ni l'autre ne veut s'embrasser le premier, Racine, Théb. IV, sc. dern. Le second vers est incorrect ; on s'embrasse l'un l'autre, mais on n'est pas le premier à s'embrasser l'un l'autre.

2. On lit parfois dans les auteurs contemporains : il lui embrasse la main. C'est mal parler ; il faut dire : il lui baise la main. Embrasser c'est non appliquer la bouche, mais serrer dans les bras.

HISTORIQUE

XIe s. Contre son piz puis si [il] l'ad embracet, Ch. de Rol. CLIX. De son destrier le col il enbraçat, ib. CCL.

XIIe s. Parmi les flans [il] le courut enbracier, Ronc. p. 97. Ne sunt pas fil Jesu, ainz sunt tuit forslignié ; N'erent una [ne seront cette année], s'il poent, pur Deu crucifié ; Mult enviz perdereient ço qu'il unt enbracié, Th. le mart. 127. E maistre Edwart Grim l'aveit forment saisi, Embracié par dessus, quant l'orent envaï, ib. 149.

XIIIe s. Sa fille [elle] a embracie, si la baise en la chere, Berte, XI. Et li troi serjan l'ont par les flans embracié [saisi], ib. XX.

XIVe s. L'utilité de sa curvation [de l'humérus] fu que il peust miex [mieux] embrachier les choses, H. de Mondeville, f° 20, verso.

XVe s. Si [le varlet] embrassa l'escuyer qui estoit travaillé de longuement combattre et le tourna et l'abattit sous lui à la lutte, Froissart, II, III, 9. Tant embrasse-on que chet la prise, Villon, Ball. Le roy Gadiffer brocha premier, picquant des esperons son cheval, qui print à embrasser la terre comme un fouldre, Perceforest, t. II, f° 46.

XVIe s. Si vous avez prins garde au bransle de mes quatre saisons, elles embrassent l'enfance, l'adolescence, la virilité et la vieillesse, Montaigne, I, 86. Si nous embrassons la vertu d'un desir trop aspre et violent, Montaigne, I, 223. Nous embrassons tout, mais nous n'estreignons que du vent, Montaigne, I, 230. Si les princes et la cour du parlement de Paris veulent sans feintise embrasser l'œuvre de la reconcillation, petit à petit elle se parfera, Lanoue, 36. Faillir à embrasser l'occasion de faire un grand exploit, Amyot, Pér. et Fab. comp. 7. Il atendit le plus qu'il peut les ailes de sa gendarmerie pour embrasser le plus de païs, Amyot, Marcell. 8.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

Embrasser un cheval. (Manége.) Expression assez usitée parmi ceux qui, sans connoissance des principes de notre art, décident des dispositions requises pour y faire des progrès, & croyent pouvoir en juger par l’inspection seule de la taille : un homme très-grand embrasse beaucoup mieux un cheval qu’un autre. Tel est le principe sur lequel ils étayent & fondent leurs prédictions, presque toûjours démenties par l’évenement ; car il est très-rare que celui qui ne sera que d’une taille médiocre, ne l’emporte pas, soit du côté de la fermeté & de la tenue, soit du côté de la finesse & de la précision.

Quelques-uns s’expriment encore ainsi, en parlant d’un cavalier qui serre médiocrement les cuisses, & qui tient ses jambes très-près du ventre de son cheval. L’idée de la signification du mot embrasser seroit peut-être plus nette, s’ils disoient que le cavalier ne peut parfaitement bien embrasser son cheval qu’autant que les cuisses sont exactement tournées, & que le tronc porte véritablement sur l’enfourchure. Voyez Position.

Les auteurs du dictionnaire de Trévoux semblent n’adopter ce mot que dans le cas où un cheval maniant sur les voltes, fait de grands pas & embrasse bien du terrein ; c’est le contraire de battre la poudre, qui se dit lorsque le cheval ne sort presque point de sa place.

En premier lieu, l’expression d’embrasser le terrein n’est point restrainte aux seules voltes, ni aux seuls changemens de main : nous l’employons pour désigner un cheval déterminé par le droit ; ce cheval embrasse franchement & librement le terrein qu’il découvre devant lui. En second lieu, on ne doit pas croire que le cheval soit contraint sur les voltes pour embrasser bien du terrein, de faire de grands pas : ce bien du terrein ne consiste que dans l’espace nécessaire pour que le cheval ne se retrécisse point (voyez Retrécir), & qu’il avance toûjours insensiblement à chaque tems ; car si ce bien du terrein étoit indéfini & n’étoit point limité, il s’ensuivroit que l’animal fausseroit les lignes qu’il doit décrire, & s’élargiroit trop. (Voyez Elargir.) Quant aux grands pas desirés par les auteurs de ce vocabulaire, comme tout cheval qui manie, doit indispensablement observer une cadence juste, il ne s’agit point de l’immense étendue de sa marche & de son action qui doit être soûtenue & mesurée sans être pressée ; d’ailleurs en faisant des pas aussi grands, il ne seroit pas possible que l’animal travaillât avec grace, d’autant plus que tous ceux dont nous ne modérons pas les mouvemens, se jettent toûjours & se précipitent sur les épaules. Ajoûtons encore que si, lorsqu’ils chevalent, nous les obligions à croiser, pour ainsi dire, de maniere à porter la jambe qui passe sur l’autre, fort en-dedans du terrein qu’ils doivent embrasser, celle qui se trouveroit dessous auroit une peine extrème à se dégager, la position de l’animal seroit très-incertaine, & il s’entableroit incontestablement à l’effet d’éviter sa chûte. Enfin, c’est le contraire de battre la poudre, qui se dit lorsque le cheval ne sort presque point de sa place. L’expression de battre la poudre, n’a point la signification qu’on lui donne ici ; par elle nous désignons un cheval qui trépigne, c’est-à-dire, un cheval qui étant retenu en une seule & même place, & ayant beaucoup d’ardeur, fait de vains efforts pour en sortir, & se remue sans cesse & avec plus ou moins de vivacité, mais le mouvement de ses jambes ne part alors qu’imperceptiblement de ses épaules, & paroît ne dériver que du genou ; car s’il étoit tel que toute l’extrémité fût dans une agitation sensible, l’animal ne battroit pas la poudre & ne trépigneroit pas, mais il piafferoit. Nombre de chevaux, soit par ardeur, soit par mollesse, trépignent & battent la poussiere dans les piliers, au lieu d’y piaffer. Voyez Piliers. C’en est assez de ces définitions pour indiquer le véritable sens du mot embrasser, & pour sauver des esprits trop crédules des erreurs dans lesquelles ils pourroient tomber, en se persuadant que de certains écrivains n’ignorent rien, par la seule raison qu’ils parlent de tout. (e)

Embrasser, terme d’Aiguilletier ; c’est entourer près de son extrémité un ruban de fil, de laine ou de soie, avec un petit morceau de laiton ou d’argent, que l’on ploie sur le ruban, au moyen de l’enclume crenée (fig. premiere.) & du marteau (fig. 2. Pl. de l’Aiguilletier) ensorte que le morceau de laiton forme un anneau ou frette qui embrasse le ruban ou cordon ; on éfile ensuite la partie du ruban ou cordon qui passe outre l’anneau qu’on appelle fer à embrasser, ce qui se fait pour les premiers, en retirant les fils de trame, ensorte qu’il ne reste plus que ceux de la chaine pour les seconds, en démêlant les fils qui composent le cordon.

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Étymologie de « embrasser »

En 1, et bras ; bourguig. ambrassié ; provenç. embrassar ; anc. esp. embrazar ; ital. imbracciare.

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(1080) Verbe dérivé de brasser, avec le préfixe en-, de bras → voir embracier en ancien français.
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Phonétique du mot « embrasser »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
embrasser ɑ̃brase

Fréquence d'apparition du mot « embrasser » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « embrasser »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « embrasser »

  • Quand on joue dans un western, on peut embrasser le cheval mais pas l'actrice.
    Gary Cooper
  • Ma secrétaire a démissionné. Elle m’a surpris en train d’embrasser ma femme.
    Anonyme
  • Quand on veut embrasser une femme frigide, on a l'air de vouloir écarter de la neige.
    Jules Renard — Journal
  • Pour fumer moins, embrasser plus. Se méfier des allumeuses et prendre la précaution d'utiliser des filtres.
    Roland Topor
  • J'adore les huîtres : on a l'impression d'embrasser la mer sur la bouche.
    Léon-Paul Fargue
  • Qui peut lécher peut mordre, et qui peut embrasser peut étouffer.
    Alfred de Musset
  • Plutôt embrasser une vache folle sur le mufle qu’une fumeuse sur la bouche.
    Paul Carvel — Jets d’encre
  • Asseoir ( s') -Contentez, s'il vous plaît, l'envie que ce siège a de vous embrasser.
    Antoine Baudeau de Somaize — Dictionnaire des précieuses
  • Professeure de science politique à l'université de Lyon-2, Sandrine Lévêque relativise les progressions enregistrées les 15 mars et 28 juin en matière de féminisation du personnel politique. Ses travaux concernant la loi sur la parité en politique et son application au niveau local mettent au jour la sélection sexuée qui continue de s’opérer dans la vie politique, et les multiples embûches se posant sur le chemin des élues souhaitant embrasser une carrière politique.
    Courrier des maires — « Malgré la féminisation à la tête des grandes villes, 80 % des maires restent des hommes »
  • On se retrouve dans mon lit, à poil, et là je découvre qu’il s’est rasé de partout. Ça piquait sur le torse. Je commence à l’embrasser un peu partout et à lui tailler une pipe. Et là, l’horreur: ça sent pas bon, une odeur de toilettes. J’essaie vraiment de l’occulter, mais je n’arrive pas à me mettre dedans. Pour couronner le tout, il n’avait pas de préservatif, et le sexe était nul. Il ne pensait pas du tout à mon plaisir. Il a commencé à grogner, ça a duré cinq minutes et c’était fini. C’était vraiment zéro.
    Le Huffington Post — 9 femmes racontent leur coup d'un soir le plus insolite | Le Huffington Post LIFE
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Traductions du mot « embrasser »

Langue Traduction
Anglais embrace
Espagnol besar
Italien baciare
Allemand küssen
Chinois 亲吻
Arabe يقبل
Portugais beijar
Russe целовать
Japonais キスをする
Basque musu egiteko
Corse à basgià
Source : Google Translate API

Synonymes de « embrasser »

Source : synonymes de embrasser sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « embrasser »

Combien de points fait le mot embrasser au Scrabble ?

Nombre de points du mot embrasser au scrabble : 13 points

Embrasser

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