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Baiser

Variantes Singulier Pluriel
Masculin baiser baisers

Définitions de « baiser »

Trésor de la Langue Française informatisé

BAISER1, verbe trans.

I.− Emploi trans.
A.− Effleurer, toucher de ses lèvres quelque partie d'une personne (surtout la main, la joue) ou quelque objet la symbolisant.
1. Domaine des rapports affectifs.[En signe d'affection, d'amitié, etc.] :
1. Enfin la tentation l'emporta, − la tentation de voir son fils heureux et de le voir heureux à cause d'elle. Elle accorda sa permission. Elle avait espéré un élan, qu'il l'embrasserait, qu'il aurait un mot du cœur. Mais il ne pouvait pas avoir d'élan pour quelqu'un qu'il ne désirait pas. C'était devenu pour Mmede Bricoule une véritable désespérance qu'il ne la baisât jamais spontanément, qu'elle non plus ne pût pas le baiser sans qu'il se crispât, ... Montherlant, Les Bestiaires,1926, p. 391.
P. ext. [L'obj. désigne un animal] ... flattant ses longues oreilles, la baisant sur le museau... (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Mademoiselle Cocotte,1883, p. 813).
2. Domaine des rapports soc.
a) [En signe de soumission, de réconciliation] Baiser humblement. Humilié aux genoux de l'impitoyable Achille, baisant les mains terribles... (Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 1, 1803, p. 326).
Baiser la poussière des pieds (de qqn). César (...) de mes pieds baisant la poussière (Quinet, Napoléon,1836, p. 239).
b) [En signe de respect, par règle d'étiquette] Baiser (avec respect, respectueusement) la main du roi :
2. On raconte qu'un jour Napoléon se promenait dans l'une des salles du palais des Tuileries, recevant divers grands personnages qui étaient admis à l'entrée et venaient lui baiser la main. Plusieurs membres de la famille impériale se trouvaient de ce nombre. Madame Bonaparte arriva lorsqu'il ne restait plus que quelques-uns de ces derniers. Lorsqu'elle s'approcha, l'Empereur, avec un gracieux sourire, lui présenta sa main à baiser, ainsi qu'il avait fait avec ses sœurs et ses frères. Mais elle, la repoussant doucement, et offrant au contraire la sienne aux lèvres de son fils, lui dit en italien : « Vous êtes l'empereur, le souverain de tous les autres, mais vous êtes mon fils! » et l'Empereur saisissant cette main qu'elle lui tendait, l'embrassa avec tendresse et respect, ... Musset, Revue des Deux Mondes,1833, p. 241.
c) [En signe de politesse, en hommage galant] :
3. Au moment du départ, Marat leur baisa la main, − parce que cela lui faisait plaisir de presser leur main contre ses lèvres et aussi de s'incliner devant elles; et ce fut certainement ainsi qu'elles l'entendirent. Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 137.
Baiser la (les) main(s), etc. Formule de politesse utilisée à la fin d'une lettre, d'une visite. ... vous baiser la main et (...) mettre mes hommages et mon admiration à vos pieds (Hugo, Correspondance,1831, p. 487).
P. iron., littér., vieilli. Je vous baise les mains. Se dit pour signifier un refus (cf. la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes.).
3. Domaine des rapports spirituels.[En signe de déférence, de vénération] Baiser l'anneau (de l'Évêque), le crucifix, la mule (du pape) :
4. ... le Révérendissime lava les deux pieds du frère, les essuya, avec une serviette dont il se servit ensuite pour couvrir seulement les doigts, en laissant le reste des pieds à nu, puis il les baisa, et chacun vint à son tour s'agenouiller et les baiser. À la façon dont s'appliquait la bouche, l'on pouvait se rendre compte du plus ou du moins de ferveur et d'affection des pères et des frères; les uns appuyaient les lèvres, embrassaient réellement, voyant en ce nouveau venu, ainsi que dans tout hôte, l'image du Christ; les autres embrassaient aussi fortement, par affection fraternelle; d'autres, au contraire, frôlaient seulement, se bornaient à remplir un devoir, sans y attribuer plus d'importance. Durtal, lui, rêvait à cette coutume, issue des premiers âges, perpétuée par l'Église, à cette leçon d'humilité que saint Benoît infligeait à tous ses moines... Huysmans, L'Oblat,t. 2, 1903, p. 218.
P. ext. Baiser la terre, le sol. Se prosterner et appliquer ses lèvres sur le sol en signe d'humilité. ... punir de la manière la plus bête et la plus humiliante (...) faire (...) baiser la terre (G. Sand, Histoire de ma vie,t. 3,1855, p. 92).
B.− Domaine des rapports amoureux.
1. Appliquer, presser ses lèvres sur quelque partie d'une personne (notamment la bouche, avec mouvement actif de caresse, succion, préhension, etc.) ou sur quelque objet la symbolisant, en signe d'amour. Baiser doucement, tendrement, avec transport :
5. ... se jetant sur le cadavre, elle l'enlaça à pleins bras, le baisant sur les yeux, sur la bouche, ouvrant de ses lèvres les lèvres mortes, y cherchant un souffle, et la profonde caresse des amants. Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Confessions d'une femme, 1882, p. 803.
6. ... il s'agenouilla devant elle, lui prit les mains, les baisa et la regarda longtemps avec un émerveillement craintif et fier. Puis il posa, prosterné, ses lèvres sur le bout de la bottine. − Qu'est-ce que vous faites? − Je baise vos pieds qui sont venus. Il se releva, la tira doucement à lui, et, cherchant ses lèvres, il lui mit un long baiser sur la bouche. Elle restait inerte, la tête renversée, les yeux clos. Sa toque glissa, ses cheveux se répandirent. Elle se donna (...). A. France, Le Lys rouge,1894, p. 211.
7. L'obscur désir qui le gonflait éclata tout d'un coup. Il se jeta sur elle, par derrière, l'empoigna par la taille, lui renversa la tête en arrière, lui enfonça dans la bouche entr'ouverte sa bouche. Il baisa les lèvres sèches et gercées, il se heurta aux dents qui le mordirent de colère. R. Rolland, Jean-Christophe,L'Adolescent, 1905, p. 268.
Baiser les pas/la trace des pas (de qqn) :
8. ... la neige et les chemins des aigles Conviennent, ô déesse, à ta virginité. Car rien ne doit ternir ta pureté première Et souiller par un long baiser matériel Ta belle chair, pétrie avec de la lumière. Ton véritable amant, chaste fille du ciel, Est celui qui, malgré ta voix qui le rassure Et ton regard penché sur lui, n'oserait pas D'une lèvre timide effleurer ta chaussure Et baiser seulement la trace de tes pas. Banville, Les Cariatides,1842, p. 164.
SYNT. Baiser + subst. : baiser le bas (de la robe, etc.), la chevelure, les cheveux, les doigts, le front, les gants, les genoux, la joue, la nuque, la tempe.
Rem. Noter le mot composé baise(z)-moi-(ma)-mignonne, désignant sans doute une couleur. Rubans (...) couleur (...) « baise-moi-ma-mignonne » (E. Rostand, Cyrano de Bergerac, 1898, p. 27), une bouche rose à la baisez-moi-mignonne (H. Bazin, Lève-toi et marche, 1952, p. 26).
P. anal. [Le suj. ou l'obj. désigne un élément naturel] Attoucher, comme en témoignage de tendresse :
9. − D'où que vienne le vent, Il rapporte de ses voyages, À travers l'infini des champs et des villages, On ne sait quoi de sain, de clair et de fervent. Avec ses lèvres d'or frôlant le sol des plaines, Il a baisé la joie et la douleur humaines... Verhaeren, La Multiple splendeur,1906, p. 82.
P. métaph. [Le suj. ou l'obj. désigne une chose abstr.] Adhérer à, marquer de l'intérêt, de la passion pour... baiser les siècles ses aînés... (M. Blondel, L'Action,1893, p. 5).
Baiser la camarde. Mourir (cf. Sue, Mystères de Paris, 1842-43, p. 45).
2. P. euphém., pop. Baiser qqn.Posséder charnellement quelqu'un :
10. Je jouissais d'elle ici bien plus profondément que je ne fis jamais à Paris, et d'une manière à la fois plus voluptueuse et plus haute. En cette personne innocente, si intelligente (avec tant d'enfance), pure lumière et toujours vierge, j'aimais, admirais, possédais, tranchons le mot : je baisais la nature. Michelet, Journal,1857, p. 344.
Absol. Faire l'amour :
11. Elle pensa : parbleu! il y a six mois qu'il n'a pas eu de femme; il fait l'amour comme un soldat dans un bordel. Quelque chose remua en elle, un battement d'ailes; mais non : rien. (...); il avait pris un air dur et tendu, il baise comme on se saoule, sûrement qu'il veut oublier quelque chose. Il finit par se laisser tomber sur elle, à demi mort; elle lui caressa machinalement la nuque et les cheveux; elle était froide et tranquille mais elle sentait de grands coups de cloche qui lui remontaient à toute volée du ventre à la poitrine : c'était le cœur de Boris qui battait en elle. Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 175.
3. P. ext., arg. Se faire baiser ou baiser (qqn, qqc.).
Prendre (qqn) sur le fait ou tromper, avoir (qqn, qqc.) :
12. Fièvre ou pas, je bourdonne toujours et tellement des deux oreilles que ça peut plus m'apprendre grand'chose. Depuis la guerre ça m'a sonné. Elle a couru derrière moi, la folie... tant et plus pendant vingt-deux ans. C'est coquet. Elle a essayé quinze cents bruits, un vacarme immense, mais j'ai déliré plus vite qu'elle, je l'ai baisée, je l'ai possédée au « finish ». Voilà! Je déconne, je la charme, je la force à m'oublier. Céline, Mort à crédit,1936, p. 40.
Attraper, voler (qqc.) :
13. [Le Marquis à Ducreux, charbonnier] − Tu m'as toujours dévalisé. Y a soixante-sept ans que tu m'as baisé mes billes d'agate, en trichant à la marelle, près de ma grille... J'oublie rien! J. de La Varende, La Dernière fête,1953, p. 30.
II.− Emploi pronom. (réciproque).
A.− Se donner mutuellement des marques d'amour par pression des lèvres :
14. Ils se baisèrent aux lèvres, sans bruit, entre leurs mains qui s'étaient jointes, paume à paume et les ongles hauts. − Chéri! − Chérie! Les mots ne furent pas, ou furent si peu! La confusion de deux souffles, rien de plus... Devant l'avidité gloutonne de la bouche qui pressait la sienne, Gabrielle, pourtant, (...) tâchait à se dérober, charmée et affreusement inquiète, sans force pour ravir ses dents au baiser de ce gentil garçon qu'elle sentait, si vivant contre elle, la respirer comme une fleur, ... Courteline, Messieurs-les-Ronds-de-cuir,1893, p. 145.
P. ext. [Le suj. désigne des animaux] (Quasi-) synon. se becqueter :
15. Elles vont... Elles se promènent en roucoulant au bord de l'eau... Elles boivent, se baignent, mangent; puis sur un rameau leurs becs s'entrelacent, elles se polissent leur plumage l'une à l'autre... (...). Que les deux beaux oiseaux, les colombes fidèles, Se baisent. Pour s'aimer les dieux les firent belles. Chénier, Bucoliques,Les Colombes, 1794, p. 234.
P. anal. [Le suj. désigne des éléments naturels] Entrer en contact avec, se joindre, se frôler :
16. ... Mais la vague endormie et le feuillage épais Se touchaient sur la grève et se baisaient en paix. L'arbre trempait ses pieds dans l'écume des plages; Et les flots attiédis s'obscurcissaient d'ombrages. Le couple voyageur savourait à la fois Les doubles voluptés des ondes et des bois. Lamartine, La Chute d'un ange,1838, p. 915.
B.− P. euphém., pop. Se posséder charnellement :
17. Prédiction : ils se baiseront (...), elle te soutiendra encore qu'il n'y a rien et qu'elle aime seulement notre ami de cœur ou de tête. Ce brave organe génital est le fond des tendresses humaines; ce n'est pas la tendresse, mais c'en est le substratum comme diraient les philosophes. Flaubert, Correspondance,1852, p. 24.
PRONONC. : [bεze] ou [beze], la 2eforme avec la mention ,,cour.`` chez Warn. 1968. Grammont Prononc. 1958 fait intervenir le concept d'harm. vocalique en indiquant : ,,on dit bèz « baise », bèzõ « baisons », bézé « baiser »``.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) 950-1000 trans. « appliquer ses lèvres sur une partie d'un être ou d'une chose en signe d'affection ou de respect » (Passion de Clermont-Ferrand, 28 dans K. Bartsch. Chrestomathie de l'a. fr., p. 7 : Judas li fel ensenna fei : ,,celui prendet cui baisarei``); b) 1578 baiser la (les) main(s) « prendre congé, remercier, ne pas prendre en considération » (H. Estienne, Dial. du lang. franç. ital., II, 108-109 dans Hug.); 2. a) xiies. trans. dans les relations amoureuses (Mém. Ant. Normandie, 3es. VII, 527 : Alques se torne à sa mesure O lie se coche, molt li plest Qu'il la conoisse et qu'il la best, Et si fait il, c'est veritez); b) 1461 intrans. (Villon, Testament, 1478 : Sur mol duvet assis, un gras chanoine [...] A son costé gisant dame Sidoine [...] Boire ypocras, a jour et a nuytes, Rire, jouer, mignonner et baisier, Et nu a nu, pour mieulx des corps s'aisier, Les vy tous deux, par ung trou de mortaise); 3. ca 1500 « posséder, tromper, attraper » (Test. de Path., p. 187 dans Moisy : Je suis basi, se Dieu ne m'ayde), attest. isolée; 1881 « posséder, tromper, attraper » (L. Rigaud, Dict. de l'arg. mod.; Baiser − Se faire −. Se laisser tromper grossièrement, se laisser voler. − Etre baisé, être trompé, avoir le dessous dans une affaire d'amour, dans une affaire quelconque, dans une partie de jeu [...] atout, ratatout, le poil de mes ... moustaches et je prends tout ... vous êtes baisée, ma petite mère). Du lat. basiare « donner un baiser » attesté aussi bien pour désigner un baiser entre amants (Catulle, 8, 18, dans TLL s.v., 1773, 46) qu'un baiser de politesse ou de respect (Martial, 10, 72, 7 dans TLL s.v., 1773, 57).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 3 183.
BBG. − Duch. 1967, § 61, 74. − Gall. 1955, p. 97, 381, 525. − Gottsch. Redens. 1930, passim.Orr (J.). Le Rôle destructeur de l'euphémie. In : O. (J.). Essais d'étymol. et de philol. fr. Paris, 1963, pp. 29-30.

BAISER2, subst. masc.

Action de baiser, résultat de cette action.
A.− Effleurement, attouchement par les lèvres de quelque partie d'une personne ou de quelque objet la symbolisant.
1. Domaine des rapports affectifs.[En signe d'affection, d'amitié, etc.] Baiser du père, baiser maternel, paternel :
1. Il ne me rendra jamais mon baiser. Il lui faudrait une grosse émotion, que je ne prévois pas. Quand c'est l'heure de nous quitter, il y a déjà longtemps qu'il se tait, et que je ne dis rien. Tout à coup : « Allons! » dit-il. Et il me tend la main. Je m'approche de lui. Il a toujours un léger mouvement de recul; vite, il comprend : « Eh! oui, se dit-il sans doute, il veut m'embrasser. » Et, comme je l'attire à moi, il ne résiste pas. Quel singulier baiser, appuyé et pourtant froid, inutile et nécessaire! Baiser de lèvres absentes sur une joue qui n'a aucune saveur, ni celle de la chair, ni celle du bois. Il ne sent rien à sa joue, moi, rien à mes lèvres. Le frisson reste au cœur. Nos pères ne se jettent pas à notre cou. Ils ne nous étouffent pas dans leurs bras. Ils tiennent à nous par d'invisibles attaches, par de souterraines racines. Renard, Journal,1896, p. 365.
Dernier baiser. Baiser les mains et la figure (...), dernière marque d'affection que reçoivent les morts (...), donner un dernier baiser... (About, La Grèce contemporaine,1854, p. 290).
2. Domaine des rapports soc.
a) [En signe de soumission, de réconciliation] :
2. la vice-reine. (...). Que rien n'altère plus l'union dont je veux resserrer les nœuds entre nous; ne nous quittons pas un moment; qu'à la campagne et à la ville on nous voie désormais ensemble. Pardonnez-moi un refroidissement dont m'a punie votre absence; qu'un baiser achève notre réconciliation sincère : embrassez-moi, Madame. la duchesse. − Vous me comblez, Madame. Lemercier, Pinto,1800, II, 8, p. 62.
P. ext.
Baiser féodal. [P. allus. au baiser qu'en signe d'engagement réciproque le seigneur donnait à son vassal lorsqu'il lui prêtait foi] Témoignage de fidélité :
3. ... le drap mortuaire qui servait à l'enterrement d'un monarque très chrétien, était envoyé au tombeau de Charlemagne, comme un drapeau-lige au fief dominant. Nos rois prêtaient ainsi foi et hommage, en prenant possession de l'héritage de l'éternité; ils juraient, entre les genoux de la mort, leur dame, qu'ils lui seraient fidèles, après lui avoir donné le baiser féodal sur la bouche. Du reste, c'était la seule suzeraineté dont la France se reconnût vassale. Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 393.
Baiser Lamourette. [P. allus. à la réconciliation éphémère entre les partis opposés de l'Assemblée législative, provoquée par un appel à l'entente de l'abbé Lamourette en 1792] Accord précaire :
4. ... ils espéraient de lui un peu plus, l'offre d'un concours dans la détresse qu'il dépeignait, la réconciliation momentanée qui permettrait à tous les républicains de franchir ensemble le mauvais pas. C'était une de ces heures où les assemblées sont prêtes pour les baisers Lamourette. De Vogüé, Les Morts qui parlent,1899, p. 368.
b) [En signe de politesse, en hommage galant] :
5. Je voulus l'embrasser pour lui fermer la bouche; mais elle me boudait encore, et il fallut que son frère intervînt pour qu'elle m'offrît sa joue d'un air indifférent. Je n'eus aucune joie de ce baiser dont bien d'autres obtenaient la faveur, car dans ce pays patriarcal où l'on salue tout homme qui passe, un baiser n'est autre chose qu'une politesse entre bonnes gens. Nerval, Les Filles du feu,Sylvie, 1854, p. 601.
Spéc. Formule utilisée à la fin d'une lettre. Mille baisers, envoyer des baisers. Mes hommages respectueux à (...), mille baisers à (...), mille amitiés à (...) (M. de Guérin, Correspondance,1834, p. 185).
3. Domaine des rapports spirituels.[En signe de déférence, de vénération, etc.] Baiser de l'anneau, de l'autel :
6. Le prêtre se releva pour prendre le crucifix; alors elle allongea le cou comme quelqu'un qui a soif, et, collant ses lèvres sur le corps de l'Homme-Dieu, elle y déposa de toute sa force expirante le plus grand baiser d'amour qu'elle eût jamais donné. Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 180.
Baiser au lépreux. Baiser donné à un lépreux, à un malade quelconque, par charité chrétienne (cf. G. Duhamel, Chronique des Pasquier, Les Maîtres, 1937, p. 173); p. ext., témoignage de bonté donné à un déshérité (Le Baiser au lépreux, roman de Mauriac, 1922).
Baiser de Judas. Baiser donné par Judas à Jésus-Christ, en signe de délation (cf. E. de Guérin, Lettres, 1840, p. 365); p. ext., baiser de traître :
7. Alors elle [la Critique] s'approcha de moi, me serra dans ses deux bras longs et secs comme les bras des fantômes de Louis Boulanger; puis elle me donna le baiser de paix, en appliquant sur mon visage un visage d'un âge, d'un embonpoint et d'une fraîcheur très-équivoques. Cependant je la remerciais de ses caresses, quand, portant la main à ma joue, je trouvai que ma joue était sanglante : la déesse m'avait donné le baiser de Judas. Et je m'en consolai en songeant que, dans ma manière d'être isolé et d'écrire au hasard, et peut-être aussi avec les haines politiques dont on commence déjà à m'honorer, la critique ne pouvait m'embrasser autrement. Janin, L'Âne mort et la femme guillotinée,1829, p. 19.
Baiser de paix. Baiser que se donnaient les premiers chrétiens ou que se donnent (notamment pendant la messe) l'officiant et ses ministres, les fidèles, etc., en signe d'union fraternelle :
8. ... c'était enfin, à « L'Agnus Dei » l'Abbé donnant à l'autel le baiser de paix au diacre qui descendait les marches et l'imposait à son tour au sous-diacre, lequel, conduit par un cérémoniaire, dans les stalles des moines, embrassait le plus élevé en grade et celui-ci transmettait le baiser aux autres qui s'accolaient et se saluaient ensuite, en joignant les mains. Ici, Durtal ne regarda plus rien; le moment de la communion était proche; ... Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 262.
P. méton. Objet du culte (en forme de petite plaque, portant une croix) que baisent les fidèles avant la communion. ... les calices, les patènes, les baisers de paix (A. France, Le Miracle du Grand Saint Nicolas,1909, p. 106).
B.− Domaine des rapports amoureux.Appui, pression des lèvres sur quelque partie d'une personne (notamment la bouche, avec mouvement actif de caresse, succion, préhension, etc.) ou sur quelque objet la symbolisant, en signe d'amour. Une pluie de baisers :
9. Marius sentit un démon amoureux qui le poussait; sans parler, il prit les deux mains de Georgette, qui souriait, et appliqua un baiser droit sur ses lèvres épanouies. Elle en fut tout étourdie d'abord; soit éblouissement, soit terreur, soit peut-être aussi parce qu'elle trouvait à ce baiser impertinent je ne sais quelle douceur non encore goûtée, elle ne fit pas un mouvement, et Marius, − les poëtes sont pleins de fatuité, − crut sentir que les lèvres de Georgette ne fuyaient pas trop les siennes. (...). Elle éprouvait intérieurement une sensation étrange, inquiétante, faite de terreur et de plaisir, d'angoisse et de langueur. Quand les lèvres de Marius avaient touché les siennes, il lui avait semblé qu'il lui passait alternativement de la neige et du feu dans les veines, son cœur s'était serré délicieusement, et, − il fallait bien se l'avouer, quoiqu'elle en rougît, − elle avait eu le désir que ce baiser se prolongeât pendant des heures. Maintenant encore elle croyait sentir l'impression de ces lèvres audacieuses sur les siennes, quelque chose comme un fruit savoureux et brûlant écrasé sur la bouche... Theuriet, Le Mariage de Gérard,1875, pp. 196-197.
10. Sais-tu d'où vient notre vraie puissance? Du baiser, du seul baiser! Quand nous savons tendre et abandonner nos lèvres, nous pouvons devenir des reines. Le baiser n'est qu'une préface, pourtant. Mais une préface charmante, plus délicieuse que l'œuvre elle-même, une préface qu'on relit sans cesse, tandis qu'on ne peut pas toujours... relire le livre. Oui, la rencontre des bouches est la plus parfaite, la plus divine sensation qui soit donnée aux humains, la dernière, la suprême limite du bonheur. C'est dans le baiser, dans le seul baiser qu'on croit parfois sentir cette impossible union des âmes que nous poursuivons, cette confusion des cœurs défaillants. (...). Une seule caresse donne cette sensation profonde, immatérielle des deux êtres ne faisant plus qu'un, c'est le baiser. Tout le délire violent de la complète possession ne vaut cette frémissante approche des bouches, ce premier contact humide et frais, puis cette attache immobile, éperdue et longue, si longue! de l'un à l'autre. Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Le Baiser, 1882, p. 607.
11. On ne regarde rien d'aussi près que le visage de la femme aimée. Vus dans le rapprochement excessif du baiser, les yeux de Chrysis semblent énormes. (...). Ce baiser ne finira plus. Il semble qu'il y ait sous la langue de Chrysis, non pas du miel et du lait comme il est dit dans l'Écriture, mais une eau vivante, mobile, enchantée. Et cette langue elle-même, multiforme, qui se creuse et qui s'enroule, qui se retire et qui s'étire, plus caressante que la main, plus expressive que les yeux, fleur qui s'arrondit en pistil ou s'amincit en pétale, chair qui se raidit pour frémir ou s'amollit pour lécher, Chrysis l'anime de toute sa tendresse et de sa fantaisie passionnée... Louÿs, Aphrodite,1896, p. 182.
12. Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce? Un serment fait d'un peu plus près, une promesse Plus précise, un aveu qui veut se confirmer, Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer; C'est un secret qui prend la bouche pour oreille, Un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille, Une communion ayant un goût de fleur, Une façon d'un peu se respirer le cœur, Et d'un peu se goûter, au bord des lèvres, l'âme! E. Rostand, Cyrano de Bergerac,1898, III, 9, p. 135.
13. ... il porta à ses lèvres la main qu'on venait de mettre dans la sienne, il y déposa un long baiser. Il n'ajouta rien. C'était assez : le premier baiser de l'amant, au lieu de l'étreinte accoutumée du bon camarade. Marie le reconnut, ce premier baiser qu'elle n'avait jamais reçu; elle entendit son langage, que nul ne lui avait jamais appris. Ces lèvres chaudes lui disaient, au plus profond des veines, qu'un homme l'appelait à connaître le trouble attendu des félicités ignorées, tout le mystère de la vie, reçue, rendue, perpétuée. Elles lui disaient que cet homme donnait une part de soi-même, ce qu'ils en peuvent donner, et qu'il demandait en retour toute la femme, qu'il la prenait avidement, comme ils la prennent, pour la meurtrir peut-être, pour en faire sa chose heureuse ou souffrante. De Vogüé, Les Morts qui parlent,1899, p. 276.
14. Et, presque aussitôt, les deux bras de cette femme sans délai se nouèrent autour de son cou, pendant qu'un baiser de vie ou de mort lui mangeait l'âme. Ah! le vorace et fauve baiser que c'était là! Le jeune homme avait tout prévu, excepté ce baiser fougueux, inapaisable, éternel; ce baiser odorant et capiteux où passaient les parfums féroces des Fleurs du Mal, les volatils détraquants de la Venaison et les exécrables poivres du Désir; ce baiser qui avait des griffes comme un aigle et qui allait à la chasse comme un lion, qui entrait en lui de même façon qu'une épée de feu; qui lui mettait dans les oreilles toutes les sonnailles des béliers ou des capricornes des montagnes; cet épouvantable baiser d'opium, de folie furieuse, d'abrutissement et d'extase! Bloy, Histoires désobligeantes,G. Crès, Paris, 1914, p. 100.
SYNT. a) Baiser + adj. : baiser ardent, brûlant, enflammé, muet; adj. + baiser : bon, chaste, doux, furtif, gros, tendre baiser. b) Baiser + d' + subst. : baiser d'adieu, d'amant(e); baiser + sur + subst. : baiser sur la bouche, le cou, le front, la joue. c) Verbe + un/des baiser(s) : échanger, mettre, poser, prendre, rendre un/ des baiser(s); verbe + de baisers : couvrir, dévorer de baisers.
P. ext. [En parlant d'un animal] :
15. Puis, c'est l'amour. L'amour unique. Rien ne sépare un couple d'isards, sinon la mort. Ils se choisissent, s'aiment, s'accouplent. Le moment du désir coincïde avec celui des nourritures exquises. Ils sentent bon toutes les herbes aromatiques broutées, ils sont vêtus d'un poil brillant, lavé d'air chaud. Ils ont des frémissements qui sont des émois, des chevrotements qui sont des aveux, et des frôlements de lèvres, des baisers. Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 35.
P. anal. [En parlant d'un élément naturel] Rapprochement, frôlement semblable à un témoignage de tendresse. Baiser de l'air, de l'onde, du soleil :
16. Sous leurs robes d'azur aux lignes ondoyantes, Le ciel et l'horizon dans un baiser charmant Fondaient avec amour leurs lèvres souriantes. T. Gautier, Poésies,Pétrarque, 1872, p. 205.
[Avec une valeur allégorique] Baiser de la nature :
17. Son amour de l'Océan fut la seconde épopée de ses sub-existences. Agenouillé dans le sable brûlant, il caressait la croupe des flots, dansait nu devant l'Eau amère, s'élançait en elle voluptueux sous la profonde et multiple caresse de bras infinis, dans l'évanouissement d'un baiser universel : la bouche et les mains de l'Eau sont partout en elle et ne peuvent être comptées. Jouhandeau, M. Godeau intime,1926, p. 233.
P. métaph.
[En parlant d'une chose concr.] Arg., pop., p. réf. à l'expr. vieillie baiser la tasse, une outre. Une outre à laquelle on donna de longs baisers (Du Camp, Mémoires d'un suicidé,1853, p. 4);il vidait un litre d'un trait, en lui fichant un tel baiser à la régalade (Zola, L'Assommoir,1877, p. 707).GASTRON. Petites meringues accolées par de la crème, etc. (cf. Ac. Gastr. 1962, Mont. 1967, Lasnet 1970).
[En parlant d'une chose abstr.] Approche, atteinte, adhésion. Baiser de la mort :
18. Heures divines du couchant où parfois la dure vie qui tout le jour nous gênait semble crever dans notre cœur. C'est un délire de poésie. En nous tout est sensible, vivant, s'épanouit. Voici donc qu'enfin nous souffrons! Comme la solitude, à nouveau, se fait belle et parleuse! Minutes étincelantes, baisers du désespoir et de la beauté, effusion de l'heure où les fleurs exagèrent leur coloration tandis que les bêtes inquiètes se lamentent. Barrès, Mes cahiers,t. 3, 1904, p. 221.
Rem. À noter dans la lang. pop. arg. la forme abr. baise, subst. masc. (cf. G. Delesalle, Dict. arg.-fr. et fr.-arg., 1896, pp. 320-352, A. Bruant, Dict. fr.-arg., 1901, p. 43 et Giono, Manosque des plateaux, 1930, p. 102 : ,,les deux joues lessivées d'un « baise » à la gloutonne...``; cf. aussi bise2*).
PRONONC. : [bεze] ou [beze].
ÉTYMOL. ET HIST. − 950-1000 « action d'appliquer ses lèvres sur une partie d'un être ou d'une chose en signe d'affection ou de respect » (Passion de Clermont-Ferrand, 32 dans K. Bartsch, Chrestomathie de l'a. fr., p. 7 : Jhesus li bons nol refuded, al tradetur baisair doned). Substantivation du verbe baiser1.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 4 606.
BBG. − Goosse (A.). Géogr. du baiser. In : [Mél. Legros (É.)]. Liège, 1973, pp. 205-210. − Gottsch. Redens. 1930, p. 358. − Marshall (F. W.). Les Poésies de Blondel de Nesle. Une ét. du lex. d'après l'examen des mss. 1958, p. 43.

Wiktionnaire

Nom commun - français

baiser \bɛ.ze\ masculin

  1. Contact de la bouche sur le visage, sur les lèvres, sur quelque partie du corps d’une personne, par amitié, par amour, par civilité, par respect.
    • Par le baiser que me donne ma pauvre Modeste, je devine ce qui se passe en elle : si elle a reçu ce qu’elle attend, ou si elle est inquiète. Il y a bien des nuances dans les baisers, même dans ceux d’une fille innocente […] — (Honoré de Balzac, Modeste Mignon, 1844)
    • Il y avait en outre une dent d’Abeilard et une dent d’Héloïse, deux blanches incisives, qui, du temps où elles étaient recouvertes par leurs lèvres frémissantes, s’étaient peut-être rencontrées dans un baiser. — (Alexandre Dumas, Les Mille et Un Fantômes)
    • Un baiser légal ne vaut jamais un baiser volé. — (Guy de Maupassant)
    • Poète, prend ton luth et me donne un baiser. — (Alfred de Musset, La Nuit de mai)
    • […] Julie se baissa, lui présenta son front, et y reçut le baiser du soir, ce baiser machinal, sans amour, espèce de grimace qui lui parut alors odieuse. — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832)
    • Un baiser ? Un baiser ? Un baiser ? Un baiser ?
      Pas sur la bouche
      Un baiser ? Un baiser ? Un baiser ? Un baiser ?
      Ça m'effarouche,
      Pas sur la bouche,
      Ça l'effarouche
      La bouche c'est fait pour causer,
      Pas pour baiser

      — (Yves Mirande, Albert Villemetz, Ta bouche, opérette, 1920)
    • Elle ne me demanda ni une parole, ni un baiser. Elle vit que je laissais une distance entre nos bouches. — (Pierre Louÿs, Trois filles de leur mère, René Bonnel, Paris, 1926, chapitre IX)
    • Un baiser sans moustache, disait-on alors, c’est comme un œuf sans sel ; j’ajoute : et comme le Bien sans Mal, comme ma vie entre 1905 et 1914. — (Jean-Paul Sartre, Les mots, 1964, collection Folio, page 36.)
    • couvrir de baisers, dévorer de baisers
    • prendre, cueillir, dérober, ravir un baiser
  2. Geste de simulation d’un baiser où l’on porte sa main aux lèvres, à l’adresse d’une ou plusieurs personnes.
    • Les girls saluaient en ployant les genoux, ainsi que des petites filles qui font la révérence et en envoyant des baisers. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
  3. (Pâtisserie) (Belgique) Sorte de meringue double, spécialité de la ville belge de Malmedy, en Wallonie.

Verbe - français

baiser \be.ze\ ou \bɛ.ze\ intransitif et transitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. (Transitif) Appliquer sa bouche sur le visage, sur les lèvres, sur une partie du corps d’une personne, par amitié, par amour, par civilité, par respect; et par extension, faire le même acte à un objet. — Note d’usage : À cause de la prééminence du sens obscène, ce verbe n’est pratiquement plus utilisé actuellement dans cette acception, sauf dans quelques emplois très spécialisés tels que baiser la main d’une dame ou baiser l’anneau d’un évêque.
    • (Sens vieilli) Maîtresse, embrasse-moi, baise-moi, serre-moi,
      Haleine contre haleine, échauffe-moi la vie,
      Mille et mille baisers donne-moi je te prie,
      Amour veut tout sans nombre, amour n’a point de loi.

      Baise et rebaise-moi ; belle bouche pourquoi
      Te gardes-tu là-bas, quand tu seras blêmie,
      À baiser (de Pluton ou la femme ou l’amie),
      N’ayant plus ni couleur, ni rien semblable à toi ?

      En vivant presse-moi de tes lèvres de roses,
      Bégaie, en me baisant, à lèvres demi-closes
      Mille mots tronçonnés, mourant entre mes bras.
      — (Pierre de Ronsard, « Maîtresse, embrasse-moi, baise-moi, serre-moi », Sonnets pour Hélène, 1578)
    • (Sens vieilli) Viens çà, chère, que je te baise,
      Que je t’embrasse long et fort,
      Mon cœur près de ton cœur bat d’aise
      Et d’amour pour jusqu’à la mort
      — (Paul Verlaine, « Compagne savoureuse et bonne », Chansons pour elle, 1891)
    • Mais, aussitôt après, il tendit sa main à l’ermite. Ce dernier, quelque peu humilié, plia le genou et la baisa. — (Walter Scott, Ivanhoé, traduit de l’anglais par Alexandre Dumas, 1820)
    • Et quand je m’approchai du fauteuil de grand’mère pour lui baiser la main, elle se détourna et cacha sa main sous son mantelet. — (Léon Tolstoï, Souvenirs, 1851-1857, traduction de Ardève Barine, éd. 1922)
    • Les deux hommes se baisèrent sur les joues, vigoureusement. — (Émile Zola, Le Docteur Pascal, G. Charpentier, 1893, chapitre XII)
    • Là, tous les notables défilèrent pour lui baiser la main. Il dit à chacun quelques mots. — (Out-el-Kouloub, Zaheira, dans « Trois contes de l’Amour et de la Mort », 1940)
    • (Par extension)Nous baisâmes les livres saints et nous sortîmes de la chapelle. — (Alexandre Dumas, Les Mille et Un Fantômes)
    • Installée près du lit, […] elle baisait, une à une, des images de piété insérées dans un livre vêtu de drap noir. — (Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale, Plon-Nourrit, 1915)
  2. (Intransitif) (Vulgaire) (Par euphémisme) Euphémisme de coïter, s’accoupler, copuler.
    • Quand je baise, la peur que j'ai d'être enceinte me coupe toute envie de jouir. Je n'aime pas baiser. — (Pierre Louÿs, Trois filles de leur mère, René Bonnel, Paris, 1926, chapitre IV)
    • Colbert disait un jour à Monsieur de Louvois : « Que n’ai-je baisé plus quand baiser je pouvois ? » — (Tristan Bernard, in Pour tout l’or des mots, par Claude Gagnière, Paris, 1996, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins »)
    • C’est très bien qu’ils se soucient de leur coupe de cheveux, de leurs pompes et de leurs fringues et qu’ils veuillent tous, à quinze ans, passez-moi l’expression, baiser à tire-larigot, c’est logique, non ? — (Leonardo Padura, Vents de carême, Métailié, Paris, 2006)
    • Pour baiser à mort, les back-rooms c'était le paradis. On y passait de la techno ou du vieux krautrock, […]. Fabio pouvait baiser des heures. — (Thomas Gunzig, Kuru, Éditions Au Diable Vauvert, 2005, chapitre 4)
    • Et si ma femme me fait pas confiance elle devient casse-burnes, et si elle devient casse-burnes, je m'éloigne, et si je m'éloigne trop, je finis par aller baiser ailleurs. — (Juliette Bouchet, Le Double des corps, Robert Laffont, 2015)
    1. (Transitif) Posséder, prendre, sexuellement.
      • Aristocrates, vous voilà dans le bahut,
        Je baiserons[sic] vos femmes et vous serez cocus,
        Aristocrates, je vous vois tous cornus.
        — (Anonyme, Le Tombeau des aristocrates, 1791)
      • Personne n’y avait rien compris à cet abandon et surtout pas la fille elle-même, parce qu'il avait pris pourtant bien du plaisir à la baiser. — (Louis-Ferdinand Céline [Louis Ferdinand Destouches], Voyage au bout de la nuit, Denoël et Steele, Paris, 1932)
      1. (Par extension) Avoir en son pouvoir, dominer, tromper, berner, piéger, posséder quelqu’un.
        • Note d’usage : Cette acception transporte tous les sens dérivés du verbe sodomiser : avoir quelqu’un en son pouvoir, le dominer, l’avoir, le posséder, et aussi vaincre, l’emporter, tromper, piéger, voler, etc.
        • L’enfoiré croyait m’avoir, mais je l’ai bien baisé.
        • Si la révolution qui abat tout d’un coup est hors de portée, le goutte-à-goutte des fermetures, lui, est bien réel, continu, et il peut être le support d’un début d’alternative anti-capitaliste qui, pour ainsi dire, cheminerait en creusant le capitalisme de l’intérieur. Si on veut, on pourrait appeler ça aussi : baiser le capital dans son sommeil. — (Frédéric Lordon, in Lionel Maurel, Survivre dans les ruines (numériques) du capitalisme, 6 novembre 2018 → lire en ligne)
        • Note : Dans cet exemple, tous les mots principaux renvoient à la sodomie : enfoiré est une variante affaiblie d’enculé ; avoir et baiser sont des variantes de sodomiser.
        1. Casser, détériorer, abîmer.
          • (Par extension) En forçant sur l’écrou, j’ai baisé le filetage.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

BAISER. v. tr.
Appliquer sa bouche sur le visage, sur les lèvres, sur quelque partie du corps d'une personne, par amitié, par amour, par civilité, par respect. Baiser quelqu'un. Baiser à la bouche, à la joue, au front. Baiser sur la bouche. Baiser la main d'une femme. Par extension, Il regardait deux pigeons se baiser.

SE BAISER se dit de même, figurément et familièrement, de Certaines choses qui se touchent, qui sont en contact. Deux arbres qui se baisent dans une charmille. Deux pains qui se baisent dans le four. Il n'avait à son feu que deux pauvres tisons qui se baisaient.

BAISER se dit aussi en parlant des Choses sur lesquelles on applique la bouche en signe de vénération et de respect. Baiser la croix, des reliques. Baiser une image par dévotion. Baiser la terre par humilité. Baiser la mule du pape. Baiser l'anneau de l'évêque. Donner la paix, la patène à baiser. Baiser le bas de la robe d'une reine, d'une princesse. Fig., Vous devriez baiser la trace de ses pas, chacun de ses pas, Il vous a rendu de très grands services, vous lui devez beaucoup de reconnaissance. Fig. et fam., Baiser les mains à quelqu'un, Lui faire ses compliments. Je n'ai que le temps de venir vous baiser les mains et je pars. Dites à monsieur un tel, à madame une telle que je lui baise les mains, que je lui baise très humblement les mains. Fam., Je vous baise les mains, se dit ironiquement pour témoigner à une personne qu'on n'approuve point ce qu'elle dit ou qu'on no veut pas faire ce qu'elle demande.

Littré (1872-1877)

BAISER (bè-zé) v. a.
  • 1Appliquer sa bouche sur le visage, la main ou un objet quelconque. Son père le baisa et le congédia. Il portait un reliquaire qu'il baisait avec effusion. Viens baiser cette joue et reconnais la place Où fut jadis l'affront que ton courage efface, Corneille, Cid, III, 6. Et baiser une main qui nous perce le cœur, Corneille, Hor. IV, 4. Apprenons … à trahir nos amis, nos ennemis baiser, Régnier, Sat. IV. Chacun baise en tremblant la main qui nous enchaîne, Voltaire, M. de Cés. II, 2. Il baise avec respect ce vase qu'il me rend, Corneille, Pomp. V, 1. Allons à nos martyrs donner la sépulture, Baiser leurs corps sacrés, les mettre en digne lieu, Corneille, Poly. V, 6. Tu le vois tous les jours, devant toi prosterné, Baiser avec respect le pavé de tes temples, Racine, Esth. Prol. Les colonels [russes] ainsi traités [battus de verges] par leurs soldats, furent encore obligés de les remercier, selon l'usage oriental des criminels, qui, après avoir été punis, baisent la main de leurs juges, Voltaire, Russie, 4.

    Fig. Hé, se peut-il qu'un roi craint de la terre entière, Devant qui tout fléchit et baise la poussière…, Racine, Esth. II, 7. Les rois des nations devant toi prosternés De tes pieds baisent la poussière, Racine, Athal. III, 7. Il faut pouvoir baiser ses fers et aimer son esclavage, Massillon, Bonh. Elle nous fait baiser la main qui nous frappe, Massillon, Dégoûts.

    Baiser la main, porter sa main par respect près de sa bouche, quand on veut présenter ou recevoir quelque chose, ou quand on veut saluer quelqu'un.

    Anciennement, baiser dans le sens de rendre ou de recevoir visite, parce qu'on se baisait à chaque visite. Vous avez donc baisé toute la Provence ? Sévigné, 229.

    Familièrement. Baiser les mains à quelqu'un, lui faire ses compliments. Sur cela je vous baise très humblement les mains, Sévigné, 10. Je baise les mains à monsieur le docteur, Molière, Mar. forcé, 6.

    Ironiquement. Je vous baise les mains, je ne suis pas de cet avis, je ne ferai pas ce que vous voulez. Répare ce malheur et me sois secourable. - Je vous baise les mains, je n'ai pas le loisir, Molière, l'Étour. II, 7. Je vaux bien que de moi l'on fasse plus de cas, Et je baise les mains à qui ne me veut pas, Molière, F. sav. V, 4.

    Fig. Vous devriez baiser la trace de ses pas, c'est-à-dire vous devriez à chaque instant lui prouver votre reconnaissance, votre respect.

    Populairement, à certains jeux, baiser le cul de la vieille, perdre sans prendre un point, sans gagner un coup.

    Terme de féodalité. Baiser le verrou, la serrure, espèce d'hommage du vassal, le seigneur étant absent.

  • 2 Par extension. Toucher légèrement. Ces flots qui baisent sans murmure Les flancs de ce rocher…, Hugo, Orient. 14. L'onde qui baise ce rivage, De quoi se plaint-elle à ses bords ? Lamartine, Méd. II, 15.

    Ancien terme de mathématiques. Avoir une osculation ou un contact de second ordre.

  • 3 Fig. Arriver jusqu'à. Ceux du conseil des finances y entrèrent ce jour-là sans en savoir davantage que le public, ni même si l'affaire baiserait ou non le bureau de ce conseil, Saint-Simon, 284, 113.
  • 4Se baiser, v. réfl. Il est constant qu'elles se baisent de meilleur cœur devant les hommes, Rousseau, Ém. V.

HISTORIQUE

XIe s. Quand l'ot [ouit] Marsile, si l'ad baiset al col, Ch. de Rol. XLIV.

XIIe s. Au departir de li [elle] [il] l'a doucement baisie, Sax. VII. Fait dunc li arcevesques, cui Deus esteit mult près : Sire, à l'onur de Deu e la vostre vus bes, Th. le mart. 109. Si vint devant le rei, si aürad à terre, puis sil baisad li reis, Rois, 172.

XIIIe s. En larmes et en pleurs souvent le baiserai, Berte, VII. La terre mout souvent par humbleté [elle] baisoit, ib. XXVIII. Il deviennent si homme, chascun en foy [il] baisa, ib. CXXXI. Grant joie fait à sa mesnie, Qui devant li est esmaïe, Celui bese et cestui enbrace, Ren. 11851. Et, par behordeïs [combat] de vens, Les undes de mer eslevans, Font les flots as nues baisier, la Rose, 19147. Et tu qui la rose baisas, Par quoi de duel si grant fais as, Que tu ne t'en sez apaisier ? Cuidoies-tu tous jors baisier, Tous jors avoir aide et delice ? ib. 6771. Et ces choses dites, il le doit baisier en fei, et crier quanque il peut : Entrez, Ass. de Jér. I, 30. Et lors vint frere Henri de Ronnay à li, qui avoit passé la riviere, et li besa la main tout armée, Joinville, 228. L'en disoit que la royne Blanche le [le fils d'Élisabeth de Thuringe] besoit ou [au] front par devocion, Joinville, 206.

XIVe s. Toutes bouches qui rient à le fois [parfois], te dist-on, Ne voilent [veulent] pas baisier ; bien souvent le voit-on, Baud. de Seb. XIII, 42.

XVIe s. Ou elle tient Ascaigne qu'elle embrasse, Et baise en luy de son pere la grace, Du Bellay, J. IV, 8, verso. Je sçay le vent Libyen, Je sçay bien Quelz flots ceste coste baisent, Du Bellay, J. IV, 35, recto. De là il donne à ces deux cornettes qui venoient de charger les Suisses, et aux Lanskenets qui ne les avoient fait que baizer [aborder], D'Aubigné, Hist. I, 168. Avant que cette armée eut baisé [gagné] la frontière, D'Aubigné, II, 179. Tout cela exploité si courageusement, que sans la venuë des Anglois ils allaient baiser [atteindre] l'artillerie, D'Aubigné, III, 391. Là sera ajusté et ajencé l'escusson, de telle sorte que l'escorce de la partie superieure baise la ligne traversante [de l'incision de l'arbre], De Serres, 668.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. BAISER. Ajoutez : - REM.

1. Figurément, baiser les mains signifie aussi dire adieu, renoncer. Elle va louer une maison pour cent ans, et baise très humblement les mains à la pauvre Bretagne, Sévigné, 236. S'il est ainsi, je vous baise les mains, Muses ; gardez vos faveurs pour quelqu'autre, Rousseau J.-B. Liv. I, Epître I.

2. C'est à grand tort que plusieurs écrivains remplacent baiser par embrasser. On lit souvent : il lui embrasse les mains. Ainsi défigurée, la locution devient ridicule.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

BAISER, terme de Géométrie. On dit que deux courbes, ou deux branches de courbes se baisent, lorsqu’elles se touchent en tournant leurs concavités vers le même côté ; c’est-à-dire, de maniere que la concavité de l’une regarde la convexité de l’autre : mais si l’une tourne sa concavité d’un côté, & l’autre d’un autre côté, ou ce qui revient au même. si les deux convexités se regardent, alors on dit simplement qu’elles se touchent. Ainsi le point baisant & le point touchant sont différens.

On employe plus particulierement le terme de baiser, pour exprimer le contact de deux courbes qui ont la même courbure au point de contact, c’est-à-dire, le même rayon de développée. Le baisement s’appelle encore alors osculation. V. Osculation, Développée, Courbure, &c. (O)

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Étymologie de « baiser »

Bourguig. boisé ; picard, boisier, bager ; wallon, bâhi ; namurois, bauji ; rouchi, basier ; provenç. baisar ; espagn. bezar ; portug. beijar ; ital. baciare ; du latin, basiare.

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Du latin bāsĭāre qui désignait initialement le baiser donné à des personnes respectées, par exemple au père. Le mot s’est rapidement substitué à suāvĭum (« baiser d’amour ») et à oscŭlum (« petite bouche = arrondissement de la bouche »). Le sens sexuel de baiser est attesté dès le XIIe siècle.
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Phonétique du mot « baiser »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
baiser bɛze

Fréquence d'apparition du mot « baiser » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « baiser »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « baiser »

  • Ca commence par un baiser, ça finit par un bébé.
    Proverbe québécois
  • Il n’est pas aisé de baiser un faux cul.
    José Artur
  • Mieux vaut rater un baiser que baiser un raté.
    Anonyme
  • Chaque baiser est un tremblement de terre.
    George Gordon, Lord Byron
  • L’univers est suspendu à un baiser, l’univers tient dans un baiser.
    Zalman Chneour — Avec le coucher du soleil
  • Un baiser légal ne vaut jamais un baiser volé.
    Guy de Maupassant — Confession d’une femme
  • Seigneur ! Je me demande quel imbécile a inventé le baiser.
    Jonathan Swift
  • Un baiser sans moustache est comme un beefsteak sans moutarde.
    Proverbe italien
  • Le suicide, la seule façon de baiser la mort.
    José Artur — Les Pensées
  • Un baiser est une gourmandise qui ne fait pas grossir.
    Anonyme
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Images d'illustration du mot « baiser »

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Traductions du mot « baiser »

Langue Traduction
Anglais kiss
Espagnol beso
Italien bacio
Allemand kuss
Chinois
Arabe قبلة
Portugais beijo
Russe поцелуй
Japonais 接吻
Basque musu
Corse basse
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Synonymes de « baiser »

Source : synonymes de baiser sur lebonsynonyme.fr

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Nombre de points du mot baiser au scrabble : 8 points

Baiser

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