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Dieu
Sommaire
- Définitions de « dieu »
- Étymologie de « dieu »
- Phonétique de « dieu »
- Fréquence d'apparition du mot « dieu » dans le journal Le Monde
- Évolution historique de l’usage du mot « dieu »
- Citations contenant le mot « dieu »
- Images d'illustration du mot « dieu »
- Vidéos relatives au mot « dieu »
- Traductions du mot « dieu »
- Synonymes de « dieu »
- Antonymes de « dieu »
- Combien de points fait le mot dieu au Scrabble ?
Variantes | Singulier | Pluriel |
---|---|---|
Masculin | dieu | dieux |
Définitions de « dieu »
Trésor de la Langue Française informatisé
DIEU, subst. masc.
Wiktionnaire
Nom commun - français
dieu \djø\ masculin (pour les êtres de même nature mais considérés comme du sexe féminin, on dit déesse).
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(Religion) Être surnaturel objet de déférence d’une religion.
- Rôde-t-il de par l’univers je ne sais quel dieu de la malédiction et du carnage ayant pouvoir à de certaines heures d’arracher de la vie les fils aînés de la famille humaine taillés pour lui faire obstacle ? — (Joseph Caillaux, Mes Mémoires, I, Ma jeunesse orgueilleuse, 1942)
- Mais le diable a soufflé là-dessus, de son haleine fiévreuse et empestée, et les pires billevesées ont pris leur vol. L’homme a inventé les dieux et il a créé l’amour avec son cortège de sensibleries ridicules ou criminelles. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 118)
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Malheur dieu pâle aux yeux d’ivoire
Tes prêtres fous t’ont-ils paré
Tes victimes en robe noire
Ont-elles vainement pleuré
Malheur dieu qu’il ne faut pas croire. — (Guillaume Apollinaire, « La Chanson du mal-aimé » in Alcools, 1913) - Vivre comme un dieu exige que l’on cesse de croire aux dieux. Ainsi, la leçon des épicuriens est que la philosophie change les hommes en dieux en leur enseignant qu’il n’y a pas sur cette terre d’autres dieux qu’eux-mêmes dès lors qu’ils auront cessé de croire et vainement d’espérer. — (Robert Redeker, Les épicuriens, professeurs de liberté, dans Marianne du 5 au 11 février 2011, p.72-73)
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(Figuré) Celui qui est l’objet d’un grand enthousiasme, d’une vénération profonde, d’une vive reconnaissance, d’un extrême attachement.
- Goldsmith, l’auteur d’Obermann, Charles Nodier, Maturin, les plus pauvres, les plus souffrants étaient ses dieux; elle devinait leurs douleurs, elle s’initiait à ces dénûments entremêlés de contemplations célestes, elle y versait les trésors de son cœur; […] — (Honoré de Balzac, Modeste Mignon, 1844)
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(En particulier) Personne qui démontre un talent exceptionnel dans un domaine particulier.
- Il est le dieu du jazz.
- (Islam) Être ou objet adoré.
Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)
Être suprême, créateur de l'univers. L'idée de Dieu. La croyance en Dieu. Nier qu'il y ait un Dieu. Nier Dieu. Dieu est infini, éternel, immuable, tout-puissant, tout bon, tout miséricordieux. Dieu est la souveraine sagesse. Traité de l'existence de Dieu. Les attributs de Dieu. La toute-puissance, la majesté infinie de Dieu. Le tribunal de Dieu. C'est une grâce de Dieu, une bénédiction de Dieu, un don de Dieu, une protection visible de Dieu. Croire en Dieu. Croire à Dieu. Aimer, adorer, honorer Dieu. Prier Dieu. Invoquer le nom de Dieu. Se recommander à Dieu. Servir Dieu. Obéir à Dieu. Mettre sa confiance, son espérance en Dieu. Dieu puissant, secourez-nous. Pardonnez-moi, grand Dieu. Ô mon Dieu, je vous implore. Élever ses enfants dans la crainte de Dieu. Rendre gloire à Dieu. Revenir à Dieu. Dieu l'a touché. Blasphémer le nom de Dieu. Le bras de Dieu l'a frappé. On reconnaît en cela le doigt de Dieu. JÉSUS-CHRIST est Dieu-Homme, est Homme-Dieu. Le Fils de Dieu. La Vierge est appelée la Mère de Dieu. Par opposition aux divinités du paganisme, on dit Le vrai Dieu. Le Dieu des chrétiens. Le bon Dieu s'emploie souvent, dans la religion catholique, pour Dieu. Prier le bon Dieu. Le bon Dieu vous bénira, vous récompensera. Il a reçu le bon Dieu, Il a communié. Porter le bon Dieu à un malade. Être devant Dieu, Être mort. Paraître devant Dieu, Mourir. Prov., L'homme propose et Dieu dispose. Voyez PROPOSER. Prov., La voix du peuple est la voix de Dieu, Proverbe qui suppose que le sentiment général est fondé sur la vérité. Prov., Ce que femme veut, Dieu le veut. Voyez FEMME. Fig., Cela va comme il plaît à Dieu, se dit d'une Affaire qui n'est pas dirigée. Tout va, dans cette maison, comme il plaît à Dieu. Fig., Ne craindre ni Dieu, ni diable. Voyez CRAINDRE. C'est un homme de Dieu, tout en Dieu, se dit d'un Homme fort pieux, fort dévot. On dit dans le même sens Être abîmé en Dieu. Fig., Cela lui vient de la grâce de Dieu. Voyez GRÂCE. À la grâce de Dieu! Voyez GRÂCE. Par la grâce de Dieu. Voyez GRÂCE. S'il plaît à Dieu. Façon de parler conditionnelle dont on se sert en parlant des Choses qu'on souhaite ou qu'on a intention de faire. Il en réchappera, s'il plaît à Dieu. Je compte arriver demain, s'il plaît à Dieu. Dans une acception à peu près semblable, on dit aussi Avec l'aide de Dieu, et familièrement, Dieu aidant. Dieu le veuille; Plaise à Dieu; Plût à Dieu; Dieu vous entende, Façons de parler qui servent à marquer le désir que l'on a qu'une chose soit. On dit dans un sens contraire Dieu m'en garde. Dieu m'en préserve. À Dieu ne plaise. Dieu vous bénisse, Façon de parler familière qui s'emploie lorsqu'une personne éternue. Dieu vous aide; Dieu vous le rende, Façons de parler qu'on emploie pour souhaiter du bien à quelqu'un ou pour le remercier de celui qu'on en a reçu. À Dieu vat, Locution usitée, en termes de Marine, au moment où le bateau part. Que Dieu vous ait en sa sainte et digne garde! Formule de salutation employée autrefois par les souverains à la fin de leurs lettres. Grâce à Dieu; Dieu merci; Dieu soit loué, en soit loué, Façons de parler qui s'emploient pour exprimer que l'on reconnaît tenir une chose de la bonté de Dieu. Elles servent quelquefois à témoigner le contentement qu'on éprouve de quelque chose. Dieu soit loué! nous voilà délivrés de cet importun. Pour l'amour de Dieu, Dans la seule vue de plaire à Dieu. Faire quelque chose pour l'amour de Dieu. Cette locution signifie, dans le discours familier, D'une façon désintéressée. On lui a donné cela pour l'amour de Dieu. Elle s'emploie aussi lorsqu'on prie instamment quelqu'un en vue d'obtenir quelque chose : ainsi les mendiants demandent qu'on leur fasse l'aumône pour l'amour de Dieu. On dit ironiquement Pour l'amour de Dieu, pour exprimer qu'une chose est faite ou donnée à contre-cur, ou qu'elle est mal faite. Ce travail a été fait pour l'amour de Dieu, Sans soin, sans bonne volonté. Au nom de Dieu s'emploie lorsqu'on veut prier quelqu'un avec plus d'instance. Devant Dieu; Dieu m'est témoin; Dieu m'en est témoin, Locutions qui marquent affirmation et serment. Dieu sait se dit pour assurer fortement ce qu'on veut dire. Dieu sait si vous serez bien reçu. Dieu sait comme vous vous réjouirez. Il se dit aussi pour affirmer qu'on n'a point fait une chose. Dieu sait si je l'ai fait. Dieu sait si j'en ai eu la pensée. Il se dit encore pour marquer l'incertitude où l'on est de quelque chose. Dieu sait ce qui en arrivera. Ce qui en arrivera, Dieu le sait. Tout cela va Dieu sait comme. Entre Dieu et soi, Secrètement. Dieu! Bon Dieu! Mon Dieu! Grand Dieu! Juste Dieu! Pour Dieu! etc. Exclamations d'étonnement, d'admiration, d'impatience, de douleur, d'inquiétude, de crainte, etc. Dieu, que cela est beau! Dieu, qu'il est laid! Eh! mon Dieu, laissons cela. Bon Dieu, qu'il est lent! Oh Dieu, que je souffre! Mon Dieu, que va-t-il arriver? Mon Dieu, ayez pitié de moi! Dieu, quel malheur! Ah! mon Dieu, qu'avez-vous fait?
DIEU, nom commun, se dit des Divinités du paganisme ancien et des religions autres que la religion chrétienne. Les dieux des Gentils. Les faux dieux. Les dieux de la Fable. Les dieux de l'Olympe. Les douze grands dieux. Jupiter est le maître des dieux, le père des hommes et des dieux. Mars, dieu de la guerre. Les dieux infernaux. Les dieux marins. Les dieux lares. Mettre au rang des dieux. Les dieux fétiches. Les dieux de l'Inde. Le dieu Vichnou. Ils représentent leurs dieux sous des formes bizarres et monstrueuses. Demi-dieu, Être fabuleux qui est censé participer de la nature divine, comme les faunes. Il se dit aussi d'un Homme que l'on croyait né d'un dieu et d'une mortelle, comme Hercule. Fig. et fam., Promettre, jurer ses grands dieux, Promettre, affirmer avec de grands serments. Fig. et fam., Comme un dieu, D'une façon supérieure, presque surhumaine. Il parle comme un dieu. Il est beau comme un dieu.
DIEU se dit figurément de Celui qui est l'objet d'un grand enthousiasme, d'une vénération profonde, d'une vive reconnaissance, d'un extrême attachement. Ils le regardaient comme leur sauveur et leur dieu. Il fut pour moi comme un dieu bienfaisant. Cette mère est idolâtre de son fils, elle en fait son dieu.
Littré (1872-1877)
- 1Nom du principe, unique ou multiple, qui, dans toutes les religions, est placé au-dessus de la nature.
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2L'être infini créateur et conservateur du monde dans la religion chrétienne, et aussi dans le mahométisme, dans le judaïsme, et parmi ceux qu'on nomme déistes. En ce sens il est employé sans article.
C'est Dieu qui nous fait vivre, C'est Dieu qu'il faut aimer
, Malherbe, I, 3.Et Dieu qui tient votre âme et vos jours dans sa main
, Corneille, Poly. I, 1.Dieu ne veut point d'un cœur où le monde domine
, Corneille, ib. I, 1.Dieu fait part au besoin de sa force infinie
, Corneille, ib. II, 6.Dieu tout juste et tout bon, qui lit dans nos pensées, N'impute point de crime aux actions forcées
, Corneille, Théodore, III, 1.Ce qui nous vient de Dieu, seul exempt de la mort, Est seul indépendant et du temps et du sort
, Rotrou, Bélis. V, 2.L'Écriture qui connaît mieux les choses qui sont de Dieu
, Pascal, dans COUSIN.Considérez, messieurs, ces grandes puissances que nous regardons de si bas ; pendant que nous tremblons sous leur main, Dieu les frappe pour nous avertir
, Bossuet, Duch. d'Orl.Tout est vain en l'homme si nous regardons ce qu'il donne au monde ; mais au contraire tout est important, si nous considérons ce qu'il doit à Dieu
, Bossuet, ib.L'homme que Dieu a fait à son image n'est-il qu'une ombre ?
Bossuet, ib.Tantôt presque prise [la reine d'Angleterre], changeant de fortune à chaque quart d'heure, n'ayant pour elle que Dieu et son courage inébranlable
, Bossuet, Reine d'Anglet.Dieu a tenu douze ans sans relâche, sans aucune consolation de la part des hommes, notre malheureuse reine (donnons-lui hautement ce titre, dont elle a fait un sujet d'actions de grâces), lui faisant étudier sous sa main ces dures mais solides leçons [les leçons du malheur]
, Bossuet, ib.La première époque nous présente d'abord un grand spectacle : Dieu qui crée le ciel et la terre par sa parole, et qui fait l'homme à son image
, Bossuet, Hist. I, 1.J'aurais une extrême curiosité de voir celui qui serait persuadé que Dieu n'est point ; il me dirait du moins la raison invincible qui a su le convaincre
, La Bruyère, XVI.Profanes amateurs de spectacles frivoles, Dont l'oreille s'ennuie au son de mes paroles, Fuyez de mes plaisirs la sainte austérité ; Tout respire ici Dieu, la paix, la vérité
, Racine, Esth. Prol.Dieu tient le cœur des rois entre ses mains puissantes
, Racine, ib. I, 1.Ce Dieu, maître absolu de la terre et des cieux, N'est pas tel que l'erreur le figure à vos yeux ; l'Éternel est son nom, le monde est son ouvrage ; Il entend les soupirs de l'humble qu'on outrage, Juge tous les mortels avec d'égales lois, Et du haut de son trône interroge les rois
, Racine, ib. III, 4.Et comptezvous pour rien Dieu qui combat pour nous ?
Racine, Ath. I, 2.Dieu laissa-t-il jamais ses enfants au besoin ?
Racine, ib. II, 7.Dieu défend-il tout soin et toute prévoyance ? Ne l'offense-t-on point par trop de confiance ?
Racine, ib. III, 6.Un profond philosophe [Malebranche] et qui aurait saisi la vérité s'il n'avait voulu la mêler avec les mensonges des préjugés, a dit que nous voyons tout en Dieu ; mais c'est plutôt Dieu qui voit tout en nous, qui fait tout en nous, puisqu'il est nécessairement le grand, le seul, l'éternel ouvrier de toute la nature
, Voltaire, Dial. 25.Quel commerce entre nous et Dieu ! quelle élévation cela ne donnait-il pas à la nature humaine ! qu'il était étonnant d'oser trouver des conformités entre nos jours mortels et l'éternelle existence du maître du monde !
Chateaubriand, Génie, III, 5, 6.Il est bon, il est beau, quoi qu'on en dise, que toutes nos actions soient pleines de Dieu, et que nous soyons sans cesse environnés de Dieu
, Chateaubriand, ib. III, 5, 6.âme de l'univers, Dieu, père, créateur, Sous tous ces noms divers je crois en toi, Seigneur ; Et, sans avoir besoin d'entendre ta parole, Je lis au front des cieux mon glorieux symbole
, Lamartine, Méd. I, 16.Et moi, pour te louer, Dieu des soleils, qui suis-je ?
Lamartine, Harm. I, 2.Tu voyais tour à tour passer sur ces collines L'esprit de la tempête et le souffle de Dieu
, Lamartine, Harm. I, 11.Porte ailleurs ton regard sur Dieu seul arrêté ; Rien ici-bas qui n'ait en soi sa vanité ; La gloire fuit à tire-d'aile ; Couronnes, mitres d'or brillent, mais durent peu ; Elles ne valent pas le brin d'herbe que Dieu Fait pour le nid de l'hirondelle
, Hugo, F. d'automne, 4.Il est devant Dieu, c'est-à-dire il est mort.
Dieu sur tout, locution dont on se sert pour dire que l'avenir est inconnu et qu'il adviendra selon la volonté de Dieu.
Entre Dieu et soi, secrètement.
Par la grâce de Dieu, formule qu'emploient les princes souverains pour indiquer qu'ils tiennent leur pouvoir de Dieu.
Il ne relève que de Dieu et de son épée, se dit d'un souverain qui n'en reconnaît aucun autre au-dessus de lui, et se disait autrefois particulièrement du roi de France.
Paix ou trêve de Dieu, paix imposée, durant le moyen âge, par l'autorité religieuse aux seigneurs féodaux à des époques déterminées.
Adjectivement. L'Homme-Dieu, Jésus-Christ, par allusion au mystère de l'Incarnation.
Il est aussi adjectif dans cette phrase de Bossuet : Tout était dieu, excepté Dieu lui-même, Hist. II, 3.
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3Locutions composées où le nom de Dieu est employé.
Familièrement. Cela va comme il plaît à Dieu ; cela va Dieu sait comme, se dit d'une affaire dont la conduite est négligée.
S'il plaît à Dieu, avec l'aide de Dieu, Dieu aidant, se dit pour exprimer le désir, l'espoir qu'on a de réussir.
Dieu merci, grâce à Dieu, se dit pour exprimer le contentement.
Ne craindre ni Dieu ni diable, se dit d'un méchant homme ou d'un homme déterminé que rien n'arrête.
C'est un homme de Dieu, tout de Dieu, tout en Dieu, se dit d'un homme fort pieux, fort dévot.
Cela lui vient de la grâce de Dieu, lui vient de Dieu grâce, se dit de tout ce qui arrive d'avantageux sans qu'on y ait contribué par ses soins.
Devant Dieu, Dieu m'est témoin, Dieu m'en est témoin, sur mon Dieu, formules d'affirmation.
Dieu sait, locution qui exprime la négation ou le doute. Dieu sait si j'en ai la pensée, c'est-à-dire je n'en ai certainement pas la pensée. Dieu sait ce qu'il en arrivera, c'est-à-dire ce qui arrivera est caché dans l'avenir.
Dieu le sait, locution qui exprime l'affirmation ou qui indique qu'on ignore. Je suis innocent, Dieu le sait. Où serons-nous l'an prochain ? Dieu le sait.
Plaise à Dieu, plût à Dieu ! locution qui exprime le désir. Plaise à Dieu qu'il en soit ainsi ! Plût à Dieu qu'il vécût encore !
On dit dans le même sens : Dieu le veuille !
À Dieu ne plaise ! locution exprimant la crainte. À Dieu ne plaise qu'une vie si précieuse soit tranchée !
Dieu vous bénisse, Dieu vous assiste, Dieu vous entende, Dieu vous soit en aide ; façons de parler qu'on emploie (ou plutôt qu'on employait, car cette habitude se perd) quand quelqu'un éternue, et aussi pour adoucir le refus qu'on fait à un pauvre de lui donner l'aumône.
Ne fût-ce que pour l'heur d'avoir qui vous salue D'un, Dieu vous soit en aide, alors qu'on éternue
, Molière, Sgan. I, 2.Dieu vous entende signifie aussi : Plaise à Dieu. Votre enfant guérira. - Dieu vous entende !
Dieu vous gard' ou vous garde, ancienne façon de parler qui s'employait pour saluer quelqu'un en l'abordant.
Dieu vous gard', mon frère
, Molière, F. sav. II, 2.Dieu merci et vous, Dieu merci et à vous, locution dont le peuple se servait autrefois pour exprimer la reconnaissance d'un service.
Pour l'amour de Dieu, dans la seule vue de plaire à Dieu et, par suite, sans aucun intérêt.
Pour l'amour de Dieu, signifie aussi je vous prie en grâce.
Comme pour l'amour de Dieu, ironiquement, exprime qu'une chose a été dite ou faite à contre-cœur. On lui en a donné comme pour l'amour de Dieu.
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4Locutions archaïques conservées où Dieu est joint sans préposition au mot qu'il détermine. Le lever-Dieu, le moment de la messe où le prêtre élève l'hostie.
La fête-Dieu, la fète du Saint-Sacrement.
Hôtel-Dieu, nom donné à l'hôpital principal de plusieurs villes.
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5Il s'emploie explétivement, dans le langage familier, pour ajouter à la force de l'expression.
Belles comtés, Beaux marquisats de Dieu qu'il possédait
, La Fontaine, Faucon.Diamants, brillants, et belles guinées de Dieu
, Hamilton, Gramm. 6. -
6Diverses interjections, exclamations, où le nom de Dieu est employé.
Dieu ! Mon Dieu ! Grand Dieu ! Juste Dieu ! Bon Dieu ! Pour Dieu ! Bon Dieu ! je tremble
, Corneille, Cid, II, 4.… Mon Dieu ! laissons là vos comparaisons fades
, Molière, Mis. I, 1.Qui frappe l'air, bon Dieu ! de ces lugubres cris ?
Boileau, Sat. VI.Pour Dieu ! laissez pousser l'arbre comme il lui plaît
, Diderot, Lettre à Mme Riccoboni.Dans mes calculs, Dieu ! quel déboire, Si de ton héros je parlais !
Béranger, Poëte de cour.Jour de Dieu, exclamation de colère, d'indignation.
Jour de Dieu ! je l'étranglerais de mes propres mains, s'il fallait qu'elle forlignât de l'honnêteté de sa mère
, Molière, G. Dandin, I, 4.Ainsi Dieu m'aide ou me soit en aide, vieille formule affirmant avec solennité.
Dieu me pardonne, exclamation par laquelle on s'excuse de quelque chose qu'on a fait ou qu'on allait faire.
Dieu me pardonne exprime aussi surprise, indignation. Dieu me pardonne, il m'a pris mon argent !
Dieu me damne, sorte de jurement.
Je confonds, Dieu me damne, et la mère et la fille
, Hauteroche, Bourgeois de qualité. vec un article ou autre déterminatif, Dieu considéré à un point de vue particulier. Le Dieu des juifs. Le Dieu des chrétiens.Le dieu de Polyeucte et celui de Néarque…
, Corneille, Poly. III, 2.Quel dieu ? - Tout beau, Pauline, il entend vos paroles
, Corneille, ib. IV, 3.Les bontés de mon Dieu sont bien plus à chérir
, Corneille, ib. IV, 3.… C'est en vain qu'on se met en défense ; Ce Dieu touche les cœurs lorsque moins on y pense
, Corneille, ib. IV, 3.Les chrétiens n'ont qu'un Dieu, maître absolu de tout
, Corneille, ib. IV, 6.Et ne dédaigne pas de m'instruire en ta foi, Ou toimême à ton Dieu tu répondras de moi
, Corneille, ib. V, 2.Je n'adore qu'un Dieu maître de l'univers
, Corneille, ib. V, 3.Et, fabuleux chrétiens, n'allons point dans nos songes, D'un Dieu de vérité faire un Dieu de mensonges
, Boileau, Art p. III.Quatre cent vingt-six ans après le déluge, comme les peuples marchaient chacun en sa voie et oubliaient celui qui les avait faits, ce grand Dieu, pour empêcher le progrès d'un si grand mal, au milieu de la corruption commença à se séparer un peuple élu
, Bossuet, Hist. I, 3.Je suis le Dieu de votre père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob
, Sacy, Bible, Exode, III, 6.Oui, c'est un Dieu caché que le Dieu qu'il faut croire ; Mais tout caché qu'il est, pour révéler sa gloire, Quels témoins éclatants devant lui rassemblés ! Répondez, cieux et mers ! Et vous, terre, parlez
, Racine L. Religion, I.Du Dieu que nous servons le tombeau profané
, Voltaire, Zaïre, II, 1.Au delà de leur cours [des astres] et loin dans cet espace Où la matière nage et que Dieu seul embrasse, Sont des soleils sans nombre et des mondes sans fin ; Dans cet abîme immense il leur ouvre un chemin ; Au delà de ces cieux le Dieu des cieux réside
, Voltaire, Henr. VII.Le Dieu que nous servons est un Dieu de bonté
, Chénier M. J. Charles IX, II, 2.Ce Dieu quittant le monde y laissa l'espérance ; Lui-même a tant souffert ! il plaindra ma souffrance
, Delavigne, Paria, V, 1.Que ma raison se taise et que mon cœur adore ! La croix à mes regards révèle un nouveau jour ; Aux pieds d'un Dieu mourant puis-je douter encore ? Non ; l'amour m'explique l'amour
, Lamartine, Méd. I, 26.Soleil, premier amour de toute créature, Vastes cieux, qui cachez le Dieu qui vous a faits
, Lamartine, ib. I, 28.Quel fruit porte en son sein le siècle qui va naître ? Que m'apporte, ô mon Dieu, dans ses douteuses mains Ce temps qui fait l'espoir ou l'effroi des humains ?
Lamartine, Harm. I, 4.Ou si d'un Dieu qui dort l'aveugle indifférence Laisse au gré du destin trébucher sa balance, Et livre, en détournant ses yeux indifférents, La nature au hasard et la terre aux tyrans
, Lamartine, Méd. I, 20.Donnez, pour être aimés du Dieu qui se fit homme, Pour que le méchant même en s'inclinant vous nomme, Pour que votre foyer soit calme et fraternel
, Hugo, F. d'automne, 32. -
7Le Dieu vivant, Dieu, l'Éternel.
Le Dieu vivant m'est témoin que son ange m'a gardé
, Sacy, Bible, Judith, XIII, 20.Ainsi du Dieu vivant la colère étincelle
, Racine, Esth. II, 7.Le Dieu fort, le Dieu jaloux, le Dieu des armées, noms que Dieu a dans l'Écriture sainte et que les orateurs chrétiens lui donnent souvent en chaire.
Dans un emploi analogue.
Ô serments, ô Palmire ! ô vous dieu des vengeances !
Voltaire, Fanat. III, 8. -
8Le bon Dieu, Dieu.
Un enfant répète après sa mère une prière au bon Dieu
, Chateaubriand, Génie, I, VI, 4.Par extension, l'hostie consacrée et particulièrement le viatique. Porter, recevoir le bon Dieu.
Un homme du bon Dieu, un homme simple, doux, crédule.
Un vrai Parisien de Paris, un archiparisien du bon Dieu
, Rousseau, Conf. IV. -
9Dieu, être surhumain du polythéisme qui présidait au gouvernement d'une classe de phénomènes, d'un astre, d'un domaine de la nature. Les dieux des gentils. Les douze grands dieux, Jupiter, Mars, Neptune, Pluton, Vulcain, Apollon, Junon, Vesta, Minerve, Cérès, Diane et Vénus. Mercure était le dieu du commerce. Un dieu Gaulois. Rome ouvrit son Panthéon aux dieux des nations qu'elle avait soumises. Les dieux du premier, du second ordre.
Trop favorables dieux, vous m'avez écoutée, Quels foudres lancez-vous quand vous vous irritez ?
Corneille, Hor. III, 1.Pensez-vous que les dieux vengeurs des innocents D'une main parricide acceptent de l'encens ?
Corneille, Hor. V, 2.Nos aïeux à leur gré faisaient un dieu d'un homme
, Corneille, Poly. IV, 6.Des crimes les plus noirs vous souillez tous vos dieux
, Corneille, ib. V, 3.J'approuve cependant que chacun ait ses dieux, Qu'il les serve à sa mode et sans peur de la peine
, Corneille, ib. V, 6.Les dieux à qui les sert font espérer des grâces
, Corneille, Tite et Bérén. IV, 3.Et je l'aurai promis à la face des dieux
, Corneille, Agésil. I, 2.Les dieux, premiers auteurs des fortunes des hommes
, Rotrou, St Gen. V, 5.Les hommes portèrent la peine de s'être soumis à leurs sens ; les sens décidèrent de tout et firent, malgré la raison, tous les dieux qu'on adora sur la terre
, Bossuet, Hist. II, 1.Tous les dieux des peuples sont des idoles ; mais c'est le Seigneur qui a fait les cieux
, Sacy, Bible, Paralip. I, 16.Voilà de ces grands dieux la suprême justice
, Racine, Théb. III, 2.Je conçois qu'on reçut d'abord les oracles avec avidité et avec joie, parce que rien n'était plus commode que d'avoir des dieux toujours prêts à répondre sur tout ce qui causait de l'inquiétude ou de la curiosité
, Fontenelle, Oracles, II, 7.La parole des dieux n'est point vaine et trompeuse, Leurs desseins sont couverts d'une nuit ténébreuse
, Voltaire, Oreste, I, 2.S'il est des dieux cruels, il est des dieux propices
, Voltaire, Guèbr. IV, 6.Je ne vous demande pas si une planète est dieu, si le bélier d'Ammon est dieu, si le bœuf Apis est dieu, et si Cambyse a mangé un dieu en le faisant mettre à la broche
, Voltaire, Dial. 29.Des dieux que nous servons connais la différence
, Voltaire, Alz. V, 7.Les dieux de la fable, les dieux du polythéisme, considérés comme appartenant non plus à une religion, mais à la mythologie.
En dieu, comme un dieu, comme un être divin, supérieur.
Agir, parler, punir ou pardonner en dieu
, Voltaire, Fanat. I, 4.Familièrement. Comme un dieu, très bien, parfaitement. Il parle comme un dieu.
Dieux ! Justes dieux ! Grands dieux ! Bons dieux ! loc. interj. dont on se sert pour exprimer des sentiments très divers.
Quelles grâces, bons dieux, ne lui dois-je point rendre !
Corneille, Théodore, IV, 2.Jurer ses grands dieux, affirmer avec de grandes protestations.
La femme, neuve sur ce cas Ainsi que sur mainte autre affaire, Crut la chose et promit ses grands dieux de se taire
, La Fontaine, Fabl. VIII, 6.Magdeleine… jurait ses grands dieux De…
, La Fontaine, Jum.Elle jura ses grands dieux qu'elle ne l'écouterait de sa vie
, Hamilton, Gramm. 10.Elle jure ses grands dieux qu'elle se porte bien
, Sévigné, 243. -
10Demi-dieu, être surhumain d'un ordre inférieur dans le polythéisme, ou homme né d'un dieu et d'une mortelle, comme Hercule.
Par extension, héros, homme supérieur à l'humanité.
C'est par elle [la justice] qu'un roi se fait un demi-dieu
, Corneille, Hor. V, 2.De ces fameux proscrits, ces demi-dieux mortels
, Corneille, Cinna, I, 3.Un homme issu d'un sang fécond en demi-dieux
, Boileau, Sat. V.J'ai vu ce demi-dieu [Alexandre] devenu le plus cruel des barbares, après avoir été le plus humain des Grecs
, Voltaire, Dial. XXIX, 1.[Essex, d'Aumale] Tels qu'aux remparts de Troie on peint les demi-dieux
, Voltaire, Henr. VI. -
11 Par extension, les dieux de la terre, les rois, les puissants du jour.
Ce qui flatte les ambitieux, c'est une image de la toute-puissance qui semble en faire des dieux sur la terre
, Bossuet, Politique, X, 2, 5. -
12Personnage qui excite l'enthousiasme, la vénération, l'amour. Ils le regardaient comme leur sauveur et leur dieu. Pour eux c'était un dieu.
Vous êtes un dieu, se dit à quelqu'un dans l'ivresse de l'admiration et de la reconnaissance.
Il est le dieu du peuple et celui des soldats
, Corneille, Nicom. II, 3.Antoine est-il pour eux un dieu plus favorable ?
Voltaire, Triumv. IV, 4.Celui qui a une grande supériorité, qui domine. Le dieu de la poésie. Vestris fut surnommé le dieu de la danse.
-
13 Fig. L'objet d'un culte. L'argent est le dieu du jour.
Délaissés des faux dieux en qui vous aviez mis votre espérance
, Massillon, Car. Rech.Faire son dieu, se faire un dieu de quelqu'un ou de quelque chose, avoir pour quelqu'un, pour quelque chose un attachement excessif. Il n'aime que les richesses ; il en fait son dieu.
Elle se fait un dieu de ce prince charmant, Et vous doutez encor qu'elle en fasse un amant ?
Racine, Alexand. I, 1.Faire son dieu de soi-même
, Massillon, Car. Immut.Cette engeance, qui ne connaît, comme vous le dites si bien, que deux dieux, l'intérêt et l'orgueil
, D'Alembert, Lettre au roi de Prusse, 10 juillet 1775.
PROVERBES
Ce que femme veut, Dieu le veut, c'est-à-dire les femmes viennent ordinairement à bout de ce qu'elles veulent.
La voix du peuple est la voix de Dieu, d'ordinaire le sentiment général est fondé sur la vérité. Le récit précédent suffit Pour montrer que le peuple est juge récusable ; En quel sens est donc véritable Ce que j'ai lu dans certain lieu, Que sa voix est la voix de Dieu ?
La Fontaine, Fabl. VIII, 26.
Qui donne aux pauvres prête à Dieu, c'est-à-dire que Dieu récompense ceux qui font l'aumône.
L'homme propose et Dieu dispose, c'est-à-dire l'issue de ce que l'homme projette est dans les mains de Dieu.
Chacun pour soi, Dieu pour tous, se dit pour exprimer que chacun défend ses intérêts, sous la protection de Dieu, qui veille sur tous les hommes.
REMARQUE
1. Quand Dieu signifie le créateur incréé du monde, il prend un grand D ; dans les autres cas, il prend un petit d.
2. Hôtel-Dieu, lever-Dieu, fête-Dieu sont non pas des ellipses de la préposition de, mais un archaïsme. L'ancien français, ayant conservé du latin deux cas seulement, le sujet et le régime, marquait la possession en mettant le complément au cas régime.
3. Dans Dieu vous gard', gard' ne devrait pas avoir d'apostrophe, n'étant pas pour garde. Dans l'ancien français le présent du subjonctif se distinguait du présent de l'indicatif en supprimant l'e muet.
HISTORIQUE
IXe s. Pro Deo amur
, Serment. In quant Deus savir et podir me dunat [me donne de savoir et pouvoir]
, ib.
Xe s. Voldrent la veintre li Deo inimi [les ennemis de Dieu voulurent la vaincre]
, Eulalie.
XIe s. Li reis Marsile la tient [l'Espagne] ki Deu nen aime
, Ch. de Rol. 1. Dient Franceis : Deus ! que pourrat-ce estre ?
ib. XX. Cil premier cop est nostre, Deu merci
, ib. XCIII. Por Deu, [je] vous prie que ne seiez fuiant
, ib. CXIV.
XIIe s. La loi Deo [de Dieu]
, Roncisv. p. 1. Beau sires niés [neveu], entendez moi pour Dé
, ib. p. 35. Qui par nos dex [dieux] veut avoir sauvison
, ib. p. 128. Mi dame deu [mes seigneurs dieux], je vous ai mout servi
, ib. p. 141. Mais se Dieu plaist, ce ne m'aviendra mie
, Couci, II. Jà puis Dex ne me doint Joie en ma vie
, ib. II. Diex ! car [je] la peüsse tenir Un seul jour à ma volenté !
ib. III. Douce dame, car m'otroiez pour Dé Un douz regard de vous…
, ib. XI. L'apostole [il] salue de Deu et de son nom [en son nom]
, Sax. XI. Au jour du jugement quant Dex tiendra ses plais
, ib. X. E que vous eüssiez merci e pieté De mei qui sui mendis en estrange regné ; Mais Deu merci jo ai à mun vivre à plenté
, Th. le mart. 77. Mes fiz [mon fils] estes en Deu : si vus dei chastier
, ib. 78.
XIIIe s. Car il ne plut à Dieu qui tout a à garder
, Berte III. Berte s'est esveillie, si se commande à Dé
, ib. X. Une marastre [j'] avoie, le cors Dieu la gravent
, ib. XLVII. Cele dame morut, l'ame en puist Diex garder
, ib. III. Au departir lor fis la loupe ; Or m'en repent, Diex moie coupe
, Ren. 10818. Renart, dist Grinberz, par ma foi, Ce est le miaudre que g'i voi, Et faites si, ne deloiez, Et je m'en vois, à [avec] Dieu soiez
, ib. 19206. Trestuit se claiment de Renart, Et font une noise si grant Que en n'oïst pas Dieu tonant
, ib. 11898. Dieu merci, teles malveses coustumes ne cueurent pas
, Beaumanoir, XXXVIII, 15. Se Dius m'ahit [m'aide], et li saint, et toutes les saintes…
, Beaumanoir, LXIV, 10. Dix commanda que on amast son proisme [prochain] comme soi meisme
, Beaumanoir, XXXVIII, 12. Ce nous sanle [semble] grans porfis, se noz, par nostre travail, à l'ayde de Diu, lors poons parfere cest livre
, Beaumanoir, ib. Se Diex morut en la croiz, ainsi fist-il [S. Louis]
, Joinville, 192. Dex hait moult poure orgueilleux, jeune paresseux, et vieil luxurieux
, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 18.
XIVe s. Quant le dieu de fortune ou destinée donne du bien assez, quel mestier est il de amis ? nul
, Oresme, Eth. 282. Et se il est nul autre don fait des diex as hommes, il est raisonnable que felicité soit don de dieu
, Oresme, ib. 20. Quand il y a trop grant distance, si come d'un qui soit fait dieu à l'autre qui est encor home, adonques n'y est pas amisté
, Oresme, ib. 242.
XVe s. [La roine d'Angleterre passa la mer pour voir son mari] Et eut si bon vent, Dieu mercy, qu'elle fut tantost outre
, Froissart, I, I, 308. Connestable, dit le roi, Dieu vous en oye !
Froissart, II, II, 196. En nom Dieu, dit messire Robert, le royaume vous loué-je bien vuider, et traire devers l'empire
, Froissart, I, I, 12. En nom de Dieu, seigneurs, ce respondirent les fuyans…
, Froissart, I, I, 133. [Le capitaine voulait qu'on abandonnât les fauxbourgs, les bourgeois dirent :] qu'ils se trairoient sur les champs et attendroient là la puissance du roi d'Angleterre… quand le connestable ouït leur bonne volonté, si respondit : ce soit au nom Dieu, et vous ne combattrez point sans moi et sans mes gens
, Froissart, I, I, 271. La fin de ceulx qui assavourent les choses terriennes est la mort, les quels aussi font de leur ventre leur dieu
, Jeh. de Saintré, ch. 5. Ma fille [Jeanne d'Arc], estes-vous venue pour lever le siege d'Orleans ? à quoy elle respondit : en nom Dé, dist elle
, Chron. du siege d'Orléans, 1429, Bibl. des Chartes, 3e série, t. III, p. 504.
XVIe s. Dieu a cent mille aïes [aides]
, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 15. Dieu sçait qui est bon pelerin
, Leroux de Lincy, ib. p. 17. Il est riche que Dieu aime, il est poure que Dieu hait
, H. Estienne, Precellence, p. 168. Contre Dieu nul ne peut
, H. Estienne, ib. En peu d'heures Dieu labeure
, H. Estienne, ib. L'homme propose et Dieu dispose
, H. Estienne, ib. Dieu paie tout
, H. Estienne, ib. Qui du sien donne, Dieu lui redonne
, H. Estienne, ib. Il ne perd rien qui ne perd Dieu
, H. Estienne, ib. Qui en son vivant met Dieu en oubli, à la mort ne luy souvient de luy
, H. Estienne, ib. Qui s'abbaisse, Dieu l'essauce [exhausse]
, H. Estienne, ib. Dieu donne le fil à toile ourdie
, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 15. Dieu est au prendre et le diable au rendre
, Leroux de Lincy, ib. Dieu me garde de quatre maisons, De la taverne, du lombard [lieu de prêt], De l'hospital et de la prison
, Leroux de Lincy, ib. Dieu donne le froid selon la robbe
, Leroux de Lincy, ib. p. 16. À qui Dieu veut ayder, sa femme meurt
, Leroux de Lincy, ib. p. 18. De Dieu vient le bien, et des aveilles le miel
, Leroux de Lincy, ib. 19. Dict sans faict à Dieu deplaict ; Dict faisant à Dieu plaisant
, Leroux de Lincy, ib. Faites loyaulté, et Dieu vous la fera
, Leroux de Lincy, ib. Il ne croit en Dieu que sur bons gages [il est quelque peu athée]
, Leroux de Lincy, ib. p. 21. Salus nous doint Dieu et florins, Que prou trouverons de cousins
, Leroux de Lincy, ib. p. 22.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
DIEU.2° Ajoutez : Faire Dieu, dans le langage des adversaires du catholicisme, changer l'hostie au corps et au sang de Jésus-Christ.
15° Arbre de Dieu, le ficus religiosa
, Baillon, Dict. de bot. p. 247.
Encyclopédie, 1re édition (1751)
DIEU, s. m. (Métaph. & Théol.) Tertullien rapporte que Thalès étant à la cour de Crésus, ce prince lui demanda une explication claire & nette de la Divinité. Après plusieurs réponses vagues, le philosophe convint qu’il n’avoit rien à dire de satisfaisant. Cicéron avoit remarqué quelque chose de semblable du poëte Simonide : Hieron lui demanda ce que c’est que Dieu, & il promit de répondre en peu de jours. Ce délai passé, il en demanda un autre, & puis un autre encore : à la fin, le roi le pressant vivement, il dit pour toute réponse : Plus j’examine cette matiere, & plus je la trouve au-dessus de mon intelligence. On peut conclure de l’embarras de ces deux philosophes, qu’il n’y a guere de sujet qui mérite plus de circonspection dans nos jugemens, que ce qui regarde la Divinité : elle est inaccessible à nos regards ; on ne peut la dévoiler, quelque soin qu’on prenne. « En effet, comme dit S. Augustin, Dieu est un être dont on parle sans en pouvoir rien dire, & qui est supérieur à toutes les définitions ». Les PP. de l’Eglise, sur-tout ceux qui ont vécu dans les quatre premiers siecles, ont tenu le même langage. Mais quelqu’incompréhensible que soit Dieu, on ne doit pas cependant en inférer qu’il le soit en tout : s’il en étoit ainsi, nous n’aurions de lui nulle idée, & nous n’en aurions rien à dire. Mais nous pouvons & nous devons affirmer de Dieu, qu’il existe, qu’il a de l’intelligence, de la sagesse, de la puissance, de la force, puisqu’il a donné ces prérogatives à ses ouvrages ; mais qu’il a ces qualités dans un degré qui passe ce que nous en pouvons concevoir, les ayant 1°. par sa nature & par la nécessité de son être, non par communication & par emprunt ; 2°. les ayant toutes ensemble & réunies dans un seul être très-simple & indivisible, & non par parties & dispersées, telles qu’elles sont dans les créatures ; 3°. les ayant enfin comme dans leur source, au lieu que nous ne les avons que comme des émanations de l’Etre infini, éternel, ineffable.
Il n’y a rien de plus facile que de connoître qu’il y a un Dieu ; que ce Dieu a éternellement existé ; qu’il est impossible qu’il n’ait pas éminemment l’intelligence, & toutes les bonnes qualités qui se trouvent dans les créatures. L’homme le plus grossier & le plus stupide, pour peu qu’il déploye ses idées & qu’il exerce son esprit, reconnoîtra aisément cette vérité. Tout lui parle hautement en faveur de la Divinité. Il la trouve en lui & hors de lui : en lui, 1°. parce qu’il sent bien qu’il n’est pas l’auteur de lui-même, & que pour comprendre comment il existe, il faut de nécessité recourir à une main souveraine qui l’ait tiré du néant ; 2°. au-dehors de lui dans l’univers, qui ressemble à un champ de tableau où l’ouvrier parfait s’est peint lui-même dans son œuvre, autant qu’elle pouvoit en être l’image ; il ne sauroit ouvrir les yeux qu’il ne découvre par-tout autour de lui les traces d’une intelligence puissante & sans bornes.
L’éternel est son nom, le monde est son ouvrage.
Voyez Démonstration, Création, &c.
C’est donc en vain que M. Bayle s’efforce de prouver que le peuple n’est pas juge dans la question de l’existence de Dieu.
En effet, comment le prouve-t-il ? C’est en disant que la nature de Dieu est un sujet que les plus grands philosophes ont trouvé obscur, & sur lequel ils ont été partagés. Cela lui donne occasion de s’ouvrir un vaste champ de réflexions aux dépens des anciens philosophes, dont il tourne en ridicule les sentimens. Après avoir fait toutes ces incursions, il revient à demander s’il est bien facile à l’homme de connoître clairement ce qui convient ou ce qui ne convient pas à une nature infinie ; agit-elle nécessairement ou avec une souveraine liberté d’indifférence ? connoît-elle ? aime-t-elle ? hait-elle par un acte pur, simple, le présent, le passé & l’avenir, le bien & le mal, un même homme successivement juste & pécheur ? est-elle infiniment bonne ? elle le doit être ; mais d’où vient donc le mal ? est-elle immuable, ou change-t-elle ses résolutions fléchie par nos prieres ? est-elle étendue, ou un point indivisible ? si elle n’est point étendue, d’où vient donc l’étendue ? si elle l’est, comment est-elle donc immense ? Voyez l’article. Simonide, dans le dictionnaire dont il s’agit.
Parmi les Chrétiens même, ajoûte-t-il, combien se forment des notions basses & grossieres de la Divinité ? Le sujet en question n’est donc pas si aisé, qu’il ne faille qu’ouvrir les yeux pour le connoître. De très-grands philosophes ont contemplé toute leur vie le ciel & les astres, sans cesser de croire que le Dieu qu’ils reconnoissoient n’avoit point créé le monde, & ne le gouvernoit point.
Il est aisé de voir que tout cela ne prouve rien. Il y a une grande différence entre connoître qu’il y a un Dieu, & entre connoître sa nature. J’avoue que cette derniere connoissance est inaccessible à nos foibles lumieres ; mais je ne vois pas qu’on puisse toucher à l’autre. Il est vrai que l’éternité d’un premier être, qui est l’infinité par rapport à la durée, ne se peut comprendre dans tout ce qu’elle est ; mais tous peuvent & doivent comprendre qu’il a existé quelqu’être dans l’éternité ; autrement un être auroit commencé sans avoir de principe d’existence, ni dans lui ni hors de lui, & ce seroit un premier effet sans cause. C’est donc la nature de l’homme d’être forcé par sa raison d’admettre l’existence de quelque chose qu’il ne comprend pas : il comprend bien la nécessité de cette existence éternelle ; mais il ne comprend pas la nature de cet être existant nécessairement, ni la nature de son éternité ; il comprend qu’elle est, & non pas quelle elle est.
Je dis donc & je soûtiens que l’existence de Dieu est une vérité que la nature a mise dans l’esprit de tous les hommes, qui ne se sont point étudiés à en démentir les sentimens. On peut bien dire ici que la voix du peuple est la voix de Dieu.
M. Bayle a attaqué de toutes ses forces ce consentement unanime des nations, & a voulu prouver qu’il n’étoit point une preuve démonstrative de l’existence de Dieu. Il réduit la question à ces trois principes : le premier, qu’il y a dans l’ame de tous les hommes une idée de la divinité : le second, que c’est une idée préconnue, anticipée, & communiquée par la nature, & non pas par l’éducation : le troisieme, que le consentement de toutes les nations est un caractere infaillible de la vérité. De ces trois principes il n’y a que le dernier qui se rapporte aux questions de droit ; les deux autres sont une matiere de fait : car puisque l’on prouve le second par le premier, il est visible que pour être sûr que l’idée de l’Être divin est innée, & ne vient pas de l’éducation, mais de la nature, il faut chercher dans l’histoire si tous les hommes sont imbus de l’opinion qu’il y a un Dieu. Or ce sont ces trois principes que M. Bayle combat vivement dans ses pensées diverses sur la comete. Voici un précis de ses raisonnemens.
1°. Le consentement de tous les peuples à reconnoître un Dieu, est un fait qu’il est impossible d’éclaircir. Montrez-moi une mappemonde ; voyez-y combien il reste encore de pays à découvrir, & combien sont vastes les terres australes qui ne sont marquées que comme inconnues. Pendant que j’ignorerai ce que l’on pense en ces lieux-là, je ne pourrai point être sûr que tous les peuples de la terre ayent donné le consentement dont vous parlez. Si je vous accorde par grace qu’il doit vous suffire de savoir l’opinion des peuples du monde connu, vous serez encore hors d’état de me donner une entiere certitude : car que me répondrez-vous, si je vous objecte les peuples athées dont Strabon parle, & ceux que les voyageurs modernes ont découverts en Afrique & en Amérique ?
Voici un nouveau champ de recherches très-pénibles & inépuisables. Il resteroit encore à examiner si quelqu’un a nié cette existence. Il se faudroit informer du nombre de ces athées ; si c’étoient des gens d’esprit, & qui se piquassent de méditation. On sait que la Grece fertile en esprits forts, & comme dit un de nos plus beaux esprits, berceau des arts & des erreurs, a produit des athées, qu’elle en a même puni quelques-uns ; ce qui a fait dire que bien d’autres eussent déclaré leur irréligion, s’ils eussent pû s’assûrer de l’impunité.
2°. Il est extrèmement difficile, pour ne pas dire impossible, de discerner ce qui vient de la nature d’avec ce qui vient de l’éducation. Voudriez-vous bien répondre, après y avoir bien pensé, qu’on découvriroit des vestiges de religion dans des enfans à qui l’on n’auroit jamais dit qu’il y a un Dieu ? C’est ordinairement par-là qu’on commence à les instruire, dès qu’ils sont capables de former quelques sons & de bégayer. Cette coûtume est très-loüable ; mais elle empêche qu’on ne vérifie si d’eux-mêmes, & par les seules impressions de la nature, ils se porteroient à reconnoître un Dieu.
3°. Le consentement des nations n’est point une marque caractéristique de la vérité : 1°. parce qu’il n’est point sûr que les impressions de la nature portent ce caractere de la vérité ; 2°. parce que le polythéisme se trouveroit par-là autorisé. Rien ne nous dispense donc d’examiner si ce à quoi la nature de tous les hommes donne son consentement, est nécessairement vrai.
En effet si le consentement des nations étoit de quelque force, il prouveroit plus pour l’existence de plusieurs fausses divinités, que pour celle du vrai Dieu. Il est clair que les Payens considéroient la nature divine comme une espece qui a sous soi un grand nombre d’individus, dont les uns étoient mâles & les autres femelles, & que les peuples étoient imbus de cette opinion ridicule. S’il falloit donc reconnoître le consentement général des nations pour une preuve de vérité, il faudroit rejetter l’unité de Dieu, & embrasser le polythéisme.
Pour répondre à la premiere objection de M. Bayle (voyez l’article Athéisme), on y prouve qu’il n’y a jamais eu de nations athées. Les hommes, dès qu’ils sont hommes, c’est-à-dire capables de société & de raisonnement, reconnoissent un Dieu. Quand même j’accorderois ce que je ne crois pas vrai, que l’athéisme se seroit glissé parmi quelques peuples barbares & féroces, cela ne tireroit point à conséquence ; leur athéisme auroit été tout au plus négatif ; ils n’auroient ignoré Dieu, que parce qu’ils n’auroient pas exercé leur raison. Il faut donc les mettre au rang des enfans qui vivent sans réflexion, & qui ne paroissent capables que des actions animales ; & comme l’on ne doit point conclure qu’il n’est pas naturel à l’homme de se garantir des injures de l’air, parce qu’il y a des sauvages qui ne s’en mettent point en peine, on ne doit pas insérer aussi que parce qu’il y a des gens stupides & abrutis, qui ne tirent aucune conséquence de ce qu’ils voyent, il n’est pas naturel à l’homme de connoître la sagesse d’un Dieu qui agit dans l’univers.
On peut renverser avec une égale facilité la seconde objection de M. Bayle. Il n’est pas si mal-aisé qu’il le suppose, de discerner si l’idée que nous avons de Dieu vient seulement de l’éducation & non pas de la nature. Voici les marques à quoi l’on peut le reconnoître. Les principes de l’éducation varient sans cesse ; la succession des tems, la révolution des affaires, les divers intérêts des peuples, le mêlange des nations, les différentes inclinations des hommes, changent l’éducation, donnent cours à d’autres maximes, & établissent d’autres regles d’honneur & de bienséance. Mais la nature est semblable dans tous les hommes qui sont & qui ont été : ils sentent le plaisir, ils desirent l’estime, ils s’aiment eux-mêmes aujourd’hui comme autrefois. Si donc nous trouvons que ce sentiment qu’il y a un Dieu s’est conservé parmi tous les changemens de la société, qu’en pouvons-nous conclure, sinon que ce sentiment ne vient pas de la simple éducation, mais qu’il est fondé sur quelque liaison naturelle qui est entre cette premiere vérité & notre entendement ? Donc ce principe qu’il y a un Dieu est une impression de la nature.
D’où je conclus que ce n’est point l’ouvrage de la politique, toûjours changeante & mobile au gré des différentes passions des hommes. Il n’est point vrai, quoi qu’en dise M. Bayle, que le magistrat législateur soit le premier instituteur de la religion. Pour s’en convaincre il ne faut que jetter les yeux sur l’antiquité greque & romaine, & même barbare ; on y verra que jamais aucun législateur n’a entrepris de policer une nation, quelque barbare ou féroce qu’elle fût, qu’il n’y ait trouvé une religion : au contraire l’on voit que tous les législateurs, depuis celui des Thraces jusqu’à ceux des Amériquains, s’adresseront aux hordes sauvages qui composoient ces nations, comme leur parlant de la part des dieux qu’elles adoroient.
Nous voici enfin à la troisieme objection, qui paroît à M. Bayle la plus forte & la plus solide des trois. La premiere raison qu’il apporte pour ôter au consentement général des nations tout son poids en fait de preuve, est des plus subtiles. Son argument se réduit à cet enthymème. Le fond de notre ame est gâté & corrompu : donc un sentiment que nous inspire la nature, doit pour le moins nous paroître suspect. Je n’aurois jamais crû que nous dûssions nous prémunir contre l’illusion, quand il est question de croire qu’il y a un Dieu. Distinguons en nous deux sentimens, dont l’un nous trompe toûjours, & l’autre ne nous trompe jamais. L’un est le sentiment de l’homme qui pense & qui suit la raison, & l’autre est le sentiment de l’homme de cupidité & de passions : celui-ci trompe la raison, parce qu’il précede toutes les réflexions de l’esprit ; mais l’autre ne la trompe jamais, puisque c’est des plus pures lumieres de la raison qu’il tire sa naissance. Cela posé, venons à l’argument du polythéisme qui auroit été autorisé si le consentement des nations étoit toûjours marqué au sceau de la vérité. Je n’en éluderai point la force en disant que le polythéisme n’a jamais été universel, que le peuple juif n’en a point été infecté, que tous les Philosophes étoient persuadés de l’existence d’un seul Dieu, aussi-bien que ceux qui étoient initiés aux grands mysteres. J’accorde à M. Bayle que le polythéisme a dominé tous les esprits, à quelques philosophes près ; mais je soûtiens que le sentiment que nous avons de l’existence de Dieu, n’est point une erreur universelle, & voici sur quoi je me fonde. Il y a deux sortes de causes dans nos erreurs ; les unes extérieures, & les autres intérieures. Je mets au premier rang l’exemple, l’éducation, les mauvais raisonnemens, & les sophismes du discours. Les causes intérieures de nos erreurs & de nos préjugés se réduisent à trois, qui sont les sens, l’imagination, & les passions du cœur. Si nous examinons les causes extérieures de nos erreurs, nous trouverons qu’elles dépendent des circonstances, des tems, des lieux, & qu’ainsi elles varient perpétuellement. Qu’on considere toutes les erreurs qui regnent, & toutes celles qui ont regné parmi les peuples, l’on trouvera que l’exemple, l’éducation, les sophismes du discours, ou les fausses couleurs de l’éloquence, ont produit des erreurs particulieres, mais non pas des erreurs générales. On peut tromper quelques hommes, ou les tromper tous dans certains lieux & en certains tems, mais non pas tous les hommes dans tous les lieux & dans tous les siecles : or puisque l’existence de Dieu a rempli tous les tems & tous les lieux, elle n’a point sa source dans les causes extérieures de nos erreurs. Pour les causes intérieures de nos erreurs, comme elles se trouvent dans tous les hommes du monde, & que chacun a des sens, une imagination & un cœur qui sont capables de le tromper, quoique cela n’arrive que par accident, & par le mauvais usage que nous en faisons, elles peuvent faire naître des erreurs constantes & universelles.
Ces observations conduisent au dénouement de la difficulté qu’on tire du polythéisme. On conçoit aisément que le polythéisme a pû devenir une erreur universelle, & que par conséquent ce consentement unanime des nations ne prouve rien par rapport à lui ; il n’en faut chercher la source que dans les trois causes intérieures de nos erreurs. Pour contenter les sens, les hommes se firent des dieux visibles & revêtus d’une forme humaine. Il falloit bien que ces êtres-là fussent faits comme des hommes : quelle autre figure eussent-ils pû avoir ? Du moment qu’ils sont de figure humaine, l’imagination leur attribue naturellement tout ce qui est humain : les voilà hommes en toutes manieres, à cela près qu’ils sont toûjours un peu plus puissans que des hommes. Lisez l’origine des fables de M. de Fontenelle, vous y verrez comment l’imagination, de concert avec les passions, a enfanté les dieux & les déesses, & les a souillés de toutes sortes de crimes.
L’existence de Dieu étant une de ces premieres vérités qui s’emparent avec force de tout esprit qui pense & qui réfléchit, il semble que les gros volumes qu’on fait pour la prouver, sont inutiles, & en quelque sorte injurieux aux hommes ; du moins cela devroit être ainsi. Mais enfin, puisque l’impiété produit tous les jours des ouvrages pour détruire cette vérité, ou du moins pour y répandre des nuages, ceux qui sont bien intentionnés pour la religion, doivent employer toute la sagacité de leur esprit pour la soûtenir contre toutes les attaques de l’irreligion.
Pour contenter tous les goûts, je joindrai ici des preuves métaphysiques, historiques & physiques de l’existence de Dieu. M. Clarke, par les mains de qui les matieres les plus obscures, les plus abstruses, ne peuvent passer sans acquérir de l’évidence & de l’ordre, nous fournira les preuves métaphysiques. M. Jaquelot, l’homme du monde qui a réuni le plus de savoir & de raisonnement, & qui a le mieux fondu ensemble la philosophie & la critique, nous fournira les preuves historiques. Nous puiserons dans l’ingénieux Fontenelle les preuves physiques, mais parées de tous les ornemens que l’esprit peut prêter à un fond si sec & si aride de lui-même.
Argumens métaphysiques. Les raisonnemens que met en œuvre M. Clarke, sont un tissu serré, une chaîne suivie de propositions liées étroitement, & nécessairement dépendantes les unes des autres, par lesquelles il démontre la certitude de l’existence de Dieu, & dont il déduit ensuite l’un après l’autre les attributs essentiels de sa nature, que notre raison bornée est capable de découvrir.
Premiere proposition. Que quelque chose a existé de toute éternité. Cette proposition est évidente ; car puisque quelque chose existe aujourd’hui, il est clair que quelque chose a toûjours existé.
Seconde proposition. Qu’un être indépendant & immuable a existé de toute éternité. En effet, si quelqu’être a nécessairement existé de toute éternité, il faut ou que cet être soit immuable & indépendant, ou qu’il y ait eu une succession infinie d’êtres dépendans & sujets au changement, qui se soient produits les uns les autres dans un progrès à l’infini, sans avoir eu aucune cause originale de leur existence. Mais cette derniere supposition est absurde, car cette gradation à l’infini est impossible & visiblement contradictoire. Si on envisage ce progrès à l’infini comme une chaîne infinie d’êtres dépendans qui tiennent les uns aux autres, il est évident que tout cet assemblage d’êtres ne sauroit avoir aucune cause externe de son existence, puisqu’on suppose que tous les êtres qui sont & qui ont été dans l’univers, y entrent. Il est évident, d’un autre côté, qu’il ne peut avoir aucune cause interne de son existence, parce que dans cette chaine infinie d’êtres il n’y en a aucun qui ne dépende de celui qui le précede Or si aucune des parties n’existe nécessairement, il est clair que tout ne peut exister nécessairement, la nécessité absolue d’exister n’étant pas une chose extérieure, relative & accidentelle de l’être qui existe nécessairement. Une succession infinie d’êtres dépendans, sans cause originale & indépendante, est donc la chose du monde la plus impossible.
Troisieme proposition. Que cet être immuable & indépendant, qui a existé de toute éternité, existe aussi par lui-même ; car tout ce qui existe, ou est sorti du néant, sans avoir été produit par aucune cause que ce soit ; ou il a été produit par quelque cause extérieure, ou il existe par lui-même. Or il y a une contradiction formelle à dire qu’une chose est sortie du néant, sans avoir été produite par aucune cause. De plus, il n’est pas possible que tout ce qui existe ait été produit par des causes externes, comme nous venons de le prouver : donc &c.
De cette troisieme proposition je conclus, 1° qu’on ne peut nier, sans une contradiction manifeste, l’existence d’un être qui existe nécessairement & par lui-même ; la nécessité en vertu de laquelle il existe étant absolue, essentielle & naturelle, on ne peut pas plus nier son existence, que la relation d’égalité entre ces deux nombres, deux fois deux est quatre, que la rondeur du cercle, que les trois côtés d’un triangle.
La seconde conséquence que je tire de ce principe, est que le monde matériel ne peut pas être cet être premier, original, incréé, indépendant & éternel par lui-même ; car il a été démontré que tout être qui a existé de toute éternité, qui est indépendant, & qui n’a point de cause externe, doit avoir existé par soi-même, doit nécessairement exister en vertu d’une nécessité naturelle & essentielle. Or de tout cela il suit évidemment que le monde matériel ne peut être indépendant & éternel par lui-même, à moins qu’il n’existe nécessairement, & d’une nécessité si absolue & si naturelle, que la supposition même qu’il n’existe pas soit une contradiction formelle ; car la nécessité absolue d’exister, & la possibilité de n’exister pas, étant des idées contradictoires, il est évident que le monde matériel n’existe pas nécessairement, si je puis sans contradiction concevoir ou qu’il pourroit ne pas être, ou qu’il pourroit être tout autre qu’il n’est aujourd’hui. Or rien n’est plus facile à concevoir ; car soit que je considere la forme de l’univers avec la disposition & le mouvement de ses parties, soit que je fasse attention à la matiere dont il est composé, je n’y vois rien que d’arbitraire : j’y trouve à la vérité une nécessité de convenance, je vois qu’il falloit que ses parties fussent arrangées ; mais je ne vois pas la moindre apparence à cette nécessité de nature & d’essence pour laquelle les Athées combattent. V. Athéisme & Création.
Quatrieme proposition. Que l’être qui existe par lui-même, doit être infini & présent par-tout. L’idée de l’infinité ou de l’immensité, aussi-bien que celle de l’éternité, est si étroitement liée avec l’idée de l’existence par soi-même, que qui pose l’une, pose nécessairement l’autre : en effet, exister par soi-même, c’est exister en vertu d’une nécessité absolue, essentielle & naturelle. Or cette nécessité étant à tous égards absolue, & ne dépendant d’aucune cause intérieure, il est évident qu’elle est d’une maniere inaltérable la même par-tout, aussi-bien que toûjours ; par conséquent tout ce qui existe en vertu d’une nécessité absolue en elle-même, doit nécessairement être infini aussi-bien qu’éternel. C’est une contradiction manifeste que de supposer qu’un être fini puisse exister par lui-même. Si sans contradiction je puis concevoir un être absent d’un lieu, je puis sans contradiction le concevoir absent d’un autre lieu, & puis d’un autre lieu, & enfin de tout lieu ; ainsi quelque nécessité d’exister qu’il ait, il doit l’avoir reçue de quelque cause extérieure : il ne sauroit l’avoir tirée de son propre fonds, & par conséquent il n’existe point par lui-même.
De ce principe avoüé par la raison, je conclus que l’être existant par lui-même doit être un être simple, immuable & incorruptible, sans parties, sans figure, sans mouvement & sans divisibilité ; & pour tout dire en un mot, un être en qui ne se rencontre aucune des propriétés de la matiere : car toutes les propriétés de la matiere nous donnent nécessairement l’idée de quelque chose de fini.
Cinquieme proposition. Que l’être existant par lui-même, doit nécessairement être unique. L’unité de l’être suprème est une conséquence naturelle de son existence nécessaire ; car la nécessité absolue est simple & uniforme, elle ne reconnoît ni différence ni variété, quelle qu’elle soit ; & toute différence ou variété d’existence procede nécessairement de quelque cause extérieure de qui elle dépend. Or il y a une contradiction manifeste à supposer deux ou plusieurs natures différentes, existantes par elles-mêmes nécessairement & indépendamment ; car chacune de ces natures étant indépendante de l’autre, on peut fort bien supposer que chacune d’elles existe toute seule, & il n’y aura point de contradiction à imaginer que l’autre n’existe pas ; d’où il s’ensuit que ni l’une ni l’autre n’existera nécessairement. Il n’y a donc que l’essence simple & unique de l’être existant par lui-même, qui existe nécessairement.
Sixieme proposition. Que l’être existant par lui-même, est un être intelligent. C’est sur cette proposition que roule le fort de la dispute entre les Athées & nous. J’avoue qu’il n’est pas possible de démontrer d’une maniere directe à priori, que l’être existant par lui-même est intelligent & réellement actif ; la raison en est que nous ignorons en quoi l’intelligence consiste, & que nous ne pouvons pas voir qu’il y ait entre l’existence par soi-même & l’intelligence, la même connexion immédiate & nécessaire, qui se trouve entre cette même existence & l’éternité, l’unité, l’infinité, &c. mais, à posteriori, il n’y a rien dans ce vaste univers qui ne nous démontre cette grande vérité, & qui ne nous fournisse des argumens incontestables, qui prouvent que le monde & tout ce qu’il contient, est l’effet d’une cause souverainement intelligente & souverainement sage.
1°. L’être existant par lui-même étant la cause & l’original de toutes choses, doit posséder dans le plus haut degré d’éminence toutes les perfections de tous les êtres. Il est impossible que l’effet soit revêtu d’aucune perfection qui ne se trouve aussi dans la cause : s’il étoit possible que cela fût, il faudroit dire que cette perfection n’auroit été produite par rien, ce qui est absurde.
2°. La beauté, la variété, l’ordre & la symmétrie qui éclatent dans l’univers, & sur-tout la justesse merveilleuse avec laquelle chaque chose se rapporte à sa fin, prouvent l’intelligence d’un premier être. Les moindres plantes & les plus vils animaux sont produits par leurs semblables, il n’y a point en eux de génération équivoque. Ni le soleil, ni la terre, ni l’eau, ni toutes les puissances de la nature unies ensemble, ne sont pas capables de produire un seul être vivant, non pas même d’une vie végétale ; & à l’occasion de cette importante observation je remarquerai ici en passant qu’en matiere même de religion la philosophie naturelle & expérimentale est quelquefois d’un très-grand avantage.
Or les choses étant telles, il faut que l’athée le plus opiniâtre demeure d’accord, malgré qu’il en ait, ou que l’organisation des plantes & des animaux est dans son origine l’ouvrage d’un être intelligent, qui les a créés dans le tems ; ou qu’ayant été de toute éternité construits & arrangés comme nous les voyons aujourd’hui, ils sont une production éternelle d’une cause éternelle & intelligente, qui déploie sans relâche sa puissance & sa sagesse infinie ; ou enfin qu’ils naissent les uns des autres de toute éternité, dans un progrès à l’infini de causes dépendantes, sans cause originale existante par elle-même. La premiere de ces assertions est précisément ce que nous cherchons ; la seconde revient au fond à la même chose, & n’est d’aucune ressource pour l’athée ; & la troisieme est absurde, impossible, contradictoire, comme il a été démontré dans la seconde proposition générale. Voyez Création.
Septieme proposition. Que l’être existant par lui-même doit être un agent libre ; car si la cause suprème est sans liberté & sans choix, il est impossible qu’aucune chose existe ; il n’y aura pas jusqu’aux manieres d’être & aux circonstances de l’existence des choses, qui n’ayent dû être à tous égards précisément ce qu’elles sont aujourd’hui. Or toutes ces conséquences étant évidemment fausses & absurdes, je dis que la cause suprème, bien loin d’être un agent nécessaire, est un être libre & qui agit par choix.
D’ailleurs si la cause suprème étoit un agent purement nécessaire, il seroit impossible qu’aucun effet de cette cause fût une chose finie ; car un être qui agit nécessairement, n’est pas maître de ses actions pour les gouverner ou les désigner comme il lui plaît : il faut de toute nécessité qu’il fasse tout ce que sa nature est capable de faire. Or il est clair que chaque production d’une cause infinie, toûjours uniforme, & qui agit par une impétuosité aveugle, doit de toute nécessité être immense & infinie ; une telle cause ne peut suspendre son action, il faut qu’elle agisse dans toute son étendue. Il n’y auroit donc point de créature dans l’univers qui pût être finie, ce qui est de la derniere absurdité, & contraire à l’expérience.
Enfin le choix que la cause suprème a fait parmi tous les mondes possibles, du monde que nous voyons, est une preuve de sa liberté ; car ayant donné l’actualité à une suite de choses qui ne contribuoit en rien par sa propre force à son existence, il n’y a point de raison qui dût l’empêcher de donner l’existence aux autres suites possibles, qui étoient toutes dans le même cas, quant à la possibilité. Elle a donc choisi la suite des choses qui composent cet univers ; pour la rendre actuelle, parce qu’elle lui plaisoit le plus. L’être nécessaire est donc un être libre ; car agir suivant les lois de sa volonté, c’est être libre. Voyez Liberté, Optimisme, &c.
Huitieme proposition. Que l’être existant par lui-même, la cause suprème de toutes choses, possede une puissance infinie. Cette proposition est évidente & incontestable ; car puisqu’il n’y a que Dieu seul qui existe par soi-même, puisque tout ce qui existe dans l’univers a été fait par lui, & puis enfin que tout ce qu’il y a de puissance dans le monde vient de lui, & lui est parfaitement soûmise & subordonnée, qui ne voit qu’il n’y a rien qui puisse s’opposer à l’exécution de sa volonté ?
Neuvieme proposition. Que la cause suprème & l’auteur de toutes choses doit être infiniment sage. Cette proposition est une suite naturelle & évidente des propositions précedentes ; car n’est-il pas de la derniere évidence qu’un être qui est infini, présent partout, & souverainement intelligent, doit parfaitement connoître toutes choses ? Revêtu d’ailleurs d’une puissance infinie, qui est-ce qui peut s’opposer à sa volonté, ou l’empêcher de faire ce qu’il connoît être le meilleur & le plus sage ?
Il suit donc évidemment de ces principes, que l’être suprème doit toûjours faire ce qu’il connoît être le meilleur, c’est-à-dire qu’il doit toûjours agir conformément aux regles les plus séveres de la bonté, de la vérité, de la justice, & des autres perfections morales. Cela n’entraîne point une nécessité prise dans le sens des Fatalistes, une nécessité aveugle & absolue, mais une nécessité morale, compatible avec la liberté la plus parfaite. Voyez les articles Manichéisme & Providence.
Argument historique. Moyse dit qu’au commencement Dieu créa le ciel & la terre ; il marque avec précision l’époque de la naissance de l’univers ; il nous apprend le nom du premier homme ; il parcourt les siecles depuis ce premier moment jusqu’au tems où il écrivoit, passant de génération en génération, & marquant le tems de la naissance & de la mort des hommes qui servent à sa chronologie. Si on prouve que le monde ait existé avant le tems marqué dans cette chronologie, on a raison de rejetter cette histoire ; mais si on n’a point d’argument pour attribuer au monde une existence plus ancienne, c’est agir contre le bon sens que de ne la pas recevoir.
Quand on fait réflexion que Moyse ne donne au monde qu’environ 2410 ans, selon l’hébreu, ou 3943 ans, selon le grec, à compter du tems où il écrivoit, il y auroit sujet de s’étonner qu’il ait si peu étendu la durée du monde, s’il n’eût été persuadé de cette vérité par des monumens invincibles.
Ce n’est pas encore tout : Moyse nous marque un tems dans son histoire, auquel tous les hommes parloient un même langage. Si avant ce tems-là on trouve dans le monde des nations, des inscriptions de différentes langues, la supposition de Moyse tombe d’elle-même. Depuis Moyse, en remontant à la confusion des langues, il n’y a dans l’hébreu que six siecles ou environ, & onze, selon les Grecs : ce ne doit plus être une antiquité absolument inconnue. Il ne s’agit plus que de savoir si en traversant douze siecles tout au plus, on peut trouver en quelque lieu de la terre un langage usité entre les hommes, différent de la langue primitive usitée, à ce qu’on prétend, parmi les habitans de l’Asie. Examinons les histoires, les monumens, les archives du monde : renversent-elles le système & la chronologie de Moyse, ou tout concourt-il à en affermir la vérité ? dans le premier cas, Moyse est un imposteur également grossier & odieux ; dans l’autre, son récit est incontestable : & par conséquent il y a un Dieu, puisqu’il y a un être créateur. Or durant cette longue durée de siecles qui se sont écoulés avant nous, il y a eu des auteurs sans nombre qui ont traité des fondations des empires & des villes, qui ont écrit des histoires générales, ou les histoires particulieres des peuples ; celles même des Assyriens & des Egyptiens, les deux nations, comme l’on sait, les plus anciennes du monde ; cependant avec tous ces secours dépositaires de la plus longue tradition, avec mille autres que je ne rapporte point, jamais on n’a pû remonter au-delà des guerres de Thebes & de Troye, jamais on n’a pû fermer la bouche aux philosophes qui soûtenoient la nouveauté du monde.
Avant le législateur des Juifs, il ne paroît dans ce monde aucun vestige des sciences, aucune ombre des arts. La Sculpture & la Peinture n’arriverent que par degrés à la perfection où elles monterent : l’une au tems de Phidias, de Polyclète, de Lysippe, de Miron, de Praxitèle & de Scopas ; l’autre, par les travaux de Nicomachus, de Protogéne, d’Apelle, de Zeuxis & d’Aristide. La Philosophie ne commença à faire des recherches qu’à la trente-cinquieme olympiade, où naquit Thales ; ce grand changement, époque d’une révolution dans les esprits, n’a pas une date plus ancienne. L’Astronomie n’a fait chez les peuples qui l’ont le plus cultivée, que de très-foibles progrès, & elle n’étoit pas même si ancienne parmi leurs savans qu’ils osoient le dire. La preuve en est évidente. Quoiqu’en effet ils eussent découvert le zodiaque, quoiqu’ils l’eussent divisé en douze parties & en 360 degrés, ils ne s’étoient pas néanmoins appercus du mouvement des étoiles d’occident en orient ; ils ne le soupçonnoient pas même, & ils les croyoient immuablement fixes. Auroient-ils pû le penser, s’ils eussent eu quelques observations antiques ? Ils ont mis la constellation du bélier dans le zodiaque, précisément au point de l’équinoxe du printems : autre erreur. S’ils avoient eu des observations de 2202 ans seulement, n’auroient-ils pas dit que le taureau étoit au point de l’équinoxe ? Les lettres mêmes, je veux dire, l’art de l’écriture, quel peuple en a connu l’usage avant Moyse ? Tout ce que nous avons d’auteurs profanes s’accordent à dire que ce fut Cadmus qui apporta les lettres de Phénicie en Grece ; & les Phéniciens, comme on le sait, étoient confondus avec les Assyriens & les Syriens, parmi lesquels on comprenoit aussi les Hébreux. Quelle apparence donc que le monde eût eu plus de durée que Moyse ne lui en donne, & toutefois que la Grece fût demeurée dans une si longue enfance, ne connoissant rien, ou ne perfectionnant rien de ce qui étoit trouvé déjà ? On voit les Grecs en moins de quatre cents ans, devenus habiles & profonds dans les arts & dans les sciences. Est-ce donc que les hommes de ces quatre heureux siecles avoient un esprit d’une autre espece & d’une trempe plus heureuse que leurs ayeux ?
On pouvoit dire à M. Jacquelot, de qui cet argument est tiré, qu’en se renfermant dans les connoissances & dans les inventions de la Grece, il prenoit la question du côté le plus avantageux à sa cause, & lui opposer l’ancienneté prodigieuse des empires d’Assyrie, d’Egypte, de la Chine même. Aussi prend-t-il soin de rechercher en habile critique l’origine de ces nations, & de faire voir qu’elles n’ont (au moins ces deux premieres) que l’antiquité que leur donne Moyse. Ceux en effet qui accordent la plus longue durée à l’empire des Assyriens, ne l’étendent pas au-delà de 1700 ans. Justin l’a renfermée dans l’espace de treize siecles. Ctesias n’y ajoûte que 60 années de plus ; d’autres ne lui donnent que 1500 ans. Eusebe la resserre en des bornes encore plus étroites ; & Georges Syncelle pense à-peu-près comme Ctesias. C’est-à-dire qu’à prendre le calcul le moins severe, les Assyriens n’auront commencé que deux mille cinq ou six cents ans avant J. C. & environ cinq ou six siecles avant la premiere connoissance que l’histoire nous donne de la Grece.
A l’égard de l’Egypte, qui croira, dans la supposition qu’elle fût aussi ancienne qu’elle se vantoit de l’être, que Moyse n’en eût pas accommodé l’histoire avec la chronologie du monde, & qu’il eût exposé la fausseté de ses dates à la dérision d’un peuple si connu de lui, si habile, si voisin ? Cependant il le fait descendre d’une race maudite de Dieu ; & en le disant, il ne craint point d’être repris. Il est constant, d’ailleurs, qu’il n’y a guere eu de peuple plus célebre que les Egyptiens dans les annales profanes. La seule ville d’Alexandrie, devenue comme le rendez-vous des grands talens, renfermoit dans ses murs, & sur-tout depuis l’établissement du Christianisme, des savans de toutes les parties de l’univers, de toutes les religions & de toutes les sectes, des Juifs, des Chrétiens, & des Philosophes. On ne peut vraissemblablement doûter qu’il n’y eût souvent des disputes entr’eux ; car où il y a des savans, il y a bientôt des contestations ; & la vérité elle-même y est toûjours combattue avec ces armes que l’esprit humain ne sait que trop bien employer dans les matieres de doctrine. Or ici tout rouloit sur des faits : tout dépendoit de savoir si l’univers, ainsi que Moyse l’avoit dit, n’avoit que six mille ans tout au plus ; si quatre siecles avant lui, ce même monde avoit été noyé dans les eaux d’un déluge qui n’avoit épargné qu’une famille, & s’il étoit vrai que trois mille ans auparavant, il n’y eût eu sur la terre qu’un seul & unique langage. Qu’y avoit-il de plus facile à éclaircir ? On étoit sur le lieu même. On pouvoit aisément examiner les temples, les sepulchres, les pyramides, les obélisques, les ruines de Thebes, & visiter ces fameuses colonnes Sciriadiques ; ou, comme les appelle Ammian Marcellin, ces syringues soûterraines, où l’on avoit gravé les mysteres sacrés. On avoit sous la main les annales des prêtres ; & enfin on pouvoit consulter les histoires, qui alors étoient nombreuses. Toutefois au milieu de tant de ressources contre l’erreur, ces faits posés avec tant de confiance dans les livres de Moyse, ne trouvoient point de contradicteurs ; & l’on défie la critique qui ose tant d’oser les nommer.
Le seul Manethon, qui vivoit sous Ptolémée Philadelphe, mit au jour une histoire chronologique de l’Egypte depuis sa premiere origine, jusqu’à la fuite de Nectanebo en Ethiopie, environ la 117 olympiade. Mais quelle histoire ! & qui pouvoit s’y laisser tromper ? Elle fait regner en Egypte six dieux, dix héros ou demi dieux, durant trente-un ou trente-deux mille ans ; ensuite elle fait paroître le roi Ménès, & compose la liste de ses successeurs de trois cents quarante monarques, dont la durée totale est d’environ trois mille ans. De grands hommes ont essayé dans tous les tems de mettre quelqu’ordre dans la confusion de ce cahos, & de débrouiller ce monstrueux entassement de dynasties de dieux, de heros, & de princes ; mais ce que l’étude la plus opiniâtre a fait d’efforts, n’a servi qu’à en montrer l’impuissance, & le jour n’a pû percer encore de si épaisses ténebres. Ces dynasties sont-elles successives, sont-elles collatérales ? On ne sait. Les années Egyptiennes n’étoient-elles que d’un mois ou de deux, comme quelques-uns l’ont prétendu ? Etoient-elles de quatre, & se régloient-elles par les saisons, comme d’autres le soutiennent ? Question impossible à terminer par les témoignages anciens ; ils se contrarient trop sur cet article. Nos modernes eux-mêmes sont encore moins unanimes ; & malgré les travaux de Scaliger, du pere Petau, du chevalier Marsham, du pere Pezron, & des autres, cette chronologie de Manethon est demeurée un labyrinthe, dont il faut pour jamais désespérer de sortir.
Il y a un peuple encore subsistant, ce sont les Chinois, qui semble donner au monde une plus grande ancienneté que nos Ecritures ne lui en donnent. Depuis que ces régions nous sont plus connues, on en a publié les annales historiques, & elles font remonter l’origine de cet empire à-peu-près 3 mille ans au-delà de la naissance de J. C. Nouvelle difficulté souvent saisie par les incrédules contre la chronologie de Moyse. Afin de détruire ce prétexte, M. Jacquelot fait diverses remarques toutes importantes & solides, sur l’incertitude de l’histoire Chinoise. Mais pour trancher, il soutient que même en lui accordant ses calculs, ils ne nuiroient point à la vérité des nôtres. Rien n’oblige en effet à préférer la supputation de l’Hébreu à celle des septante. Or, dans celle-ci, l’ancienneté de l’univers est plus grande que dans l’autre. Donc, puisqu’il ne faudroit pour concilier les dates des Chinois avec les nôtres, que cinq siecles de plus que n’en porte le texte hébreu, & que ces cinq siecles sont remplacés, & au-delà, dans la traduction des septante, la difficulté est levée ; & il est clair que l’empire de la Chine est postérieur au déluge. Voyez Chronologie.
Objection. Suivant les abregés latins des annales maintenant suivies à la Chine, les tems mêmes historiques de cet empire commencent avec le regne de Hoamti 2697 ans avant J. C. & cette époque, qui dans la chronologie du texte hébreu, est antérieure au déluge de plus d’un siecle, ne se trouve dans le calcul des septante, postérieure que de 200 ans, à la dispersion des peuples & à la naissance de Phaleg. Or ces 200 ans, qui d’abord semblent un assez grand fond & une ressource capable de tout concilier, se trouvent à peine suffisans pour conduire les fondateurs de la colonie Chinoise & leurs troupeaux, depuis les plaines de Sennaar, jusqu’aux extrémités orientales de l’Asie ; & encore par quels chemins ? à travers des solitudes affreuses & des climats devenus presqu’inaccessibles, après les ravages de l’inondation générale.
M. Freret, un des plus savans hommes de nos jours, & des plus versés dans la connoissance des tems, a senti toute la force de cette objection, & se l’est faite. Il a bien vû, que pour la résoudre, il étoit nécessaire de percer plus qu’on ne l’avoit fait encore dans les ténebres de la chronologie Chinoise. Il a eu le courage d’y entrer, & nous lui avons l’obligation d’y avoir jetté du jour par ses doctes recherches. Il est prouvé maintenant, du moins autant qu’il est possible, que cette immense durée que les Chinois modernes assignent aux tems fabuleux de leur histoire, n’est que le résultat des périodes astronomiques inventées pour donner la conjonction des planetes dans certaines constellations. A l’égard des tems historiques, il est prouvé de même que les regnes d’Iao & de Chum, les deux fondateurs de la monarchie Chinoise, ont fini seulement 1991 ans avant l’ere chrétienne ; que ces deux regnes ne font au plus que 156 ans, qu’ils ne peuvent par conséquent avoir commencé que vers l’an du monde 2147, plusieurs années après la vocation d’Abraham, & du tems même de l’expédition des Elamites dans le pays de Chanaan, c’est-à-dire bien après les établissemens des empires d’Egypte & de Chaldée. Voilà donc la naissance des plus anciens peuples du monde ramenée & réduite à sa juste époque, l’histoire de Moyse confirmée, le fait de la création évidemment établi, & par cela même l’existence de l’Être suprème invinciblement démontrée.
Argument physique. Les animaux ne se perpétuent que par la voie de la génération ; mais il faut nécessairement que les deux premiers de chaque espece aient été produits ou par la rencontre fortuite des parties de la matiere, ou par la volonté d’un être intelligent qui dispose la matiere selon ses desseins.
Si la rencontre fortuite des parties de la matiere a produit les premiers animaux, je demande pourquoi elle n’en produit plus ; & ce n’est que sur ce point que roule tout mon raisonnement. On ne trouvera pas d’abord grande difficulté à répondre, que lorsque la terre se forma, comme elle étoit remplie d’atomes vifs & agissans, impregnée de la même matiere subtile dont les astres venoient d’être formés, en un mot, jeune & vigoureuse, elle put être assez féconde pour pousser hors d’elle-même toutes les différentes especes d’animaux, & qu’après cette premiere production qui dépendoit de tant de rencontres heureuses & singulieres, sa fécondité a bien pû se perdre & s’épuiser ; que par exemple on voit tous les jours quelques marais nouvellement desséchés, qui ont toute une autre force pour produire que 50 ans après qu’ils ont été labourés. Mais je prétends que quand la terre, selon ce qu’on suppose, a produit les animaux, elle a dû être dans le même état où elle est présentement. Il est certain que la terre n’a pû produire les animaux que quand elle a été en état de les nourrir ; ou du moins il est certain que ceux qui ont été la premiere tige des especes n’ont été produits par la terre, que dans un tems où ils ont pû aussi bien être nourris. Or, afin que la terre nourrisse les animaux, il faut qu’elle leur fournisse beaucoup d’herbes différentes ; il faut qu’elle leur fournisse des eaux douces qu’ils puissent boire ; il faut même que l’air ait un certain degré de fluidité & de chaleur pour les animaux, dont la vie a des rapports assez connus à toutes ces qualités.
Du moment que l’on me donne la terre couverte de toutes les especes d’herbes nécessaires pour la subsistance des animaux, arrosée de fontaines & de rivieres propres à étancher leur soif, environnée d’un air respirable pour eux ; on me la donne dans l’état où nous la voyons ; car ces trois choses seulement en entraînent une infinité d’autres, avec lesquelles elles ont des liaisons & des enchaînemens. Un brin d’herbe ne peut croître qu’il ne soit de concert, pour ainsi dire, avec le reste de la nature. Il faut de certains sucs dans la terre ; un certain mouvement dans ces sucs, ni trop fort, ni trop lent ; un certain soleil pour imprimer ce mouvement ; un certain milieu par où ce soleil agisse. Voyez combien de rapports, quoiqu’on ne les marque pas tous. L’air n’a pû avoir les qualités dont il contribue à la vie des animaux, qu’il n’ait eu à-peu-près en lui le même mélange & de matieres subtiles, & de vapeurs grossieres ; & que ce qui cause sa pesanteur, qualité aussi nécessaire qu’aucune autre par rapport aux animaux, & nécessaire dans un certain degré, n’ait eu la même action. Il est clair que cela nous meneroit encore loin, d’égalité en égalité : sur-tout les fontaines & les rivieres dont les animaux n’ont pû se passer, n’ayant certainement d’autre origine que les pluies, les animaux n’ont pû naître qu’après qu’il a tombé des pluies, c’est-à-dire un tems considérable après la formation de la terre, & par conséquent lorsqu’elle a été en état de consistance, & que ce cahos, à la faveur duquel on veut tirer les animaux du néant, a été entierement fini.
Il est vrai que les marais nouvellement desséchés, produisent plus que quelque tems après qu’ils l’ont été ; mais enfin ils produisent toûjours un peu, & il suffiroit que la terre en fît autant ; d’ailleurs le plus de fécondité qui est dans les marais nouvellement desséchés, vient d’une plus grande quantité de sels qu’ils avoient amassés par les pluies ou par le mouvement de l’air, & qu’ils avoient conservés, tandis qu’on ne les employoit à rien : mais la terre a toûjours la même quantité de corpuscules ou d’atomes propres à former des animaux, & la fécondité, loin de se perdre, ne doit aucunement diminuer. De quoi se forme un animal ? d’une infinité de corpuscules qui étoient épars dans les herbes qu’il a mangées, dans les eaux qu’il a bûes, dans l’air qu’il a respiré ; c’est un composé dont les parties sont venues se rassembler de mille endroits différens de notre monde ; ces atomes circulent sans cesse, ils forment tantôt une plante, tantôt un animal ; & après avoir formé l’un, ils ne sont pas moins propres à former l’autre. Ce ne sont donc pas des atomes d’une nature particuliere qui produisent les animaux ; ce n’est qu’une matiere indifférente dont toutes choses se forment successivement, & dont il est très-clair que la quantité ne diminue point, puisqu’elle fournit toûjours également à tout. Les atomes, dont on prétend que la rencontre fortuite produisit au commencement du monde les premiers animaux, sont contenus dans cette même matiere, qui fait toutes les générations de notre monde ; car quand ces premiers animaux furent morts, les machines de leurs corps se dessassemblerent, & se résolurent en parcelles, qui se disperserent dans la terre, dans les eaux & dans l’air ; ainsi nous avons encore aujourd’hui ces atomes précieux, dont se durent former tant de machines surprenantes ; nous les avons en la même quantité aussi propres que jamais à former de ces machines ; ils en forment encore tous les jours par la voie de la nourriture ; toutes choses sont dans le même état que quand ils vinrent à en former par une rencontre fortuite ; à quoi tient-il que par de pareilles rencontres ils n’en forment encore quelquefois ?
Tous les animaux, ceux même qu’on avoit soupçonné venir ou de pourriture, ou de poussiere humide & échauffée, ne viennent que de semences que l’on n’avoit pas apperçues. On a découvert que les macreuses se forment d’œufs que cette espece d’oiseaux fait dans les îles desertes du septentrion & jamais il ne s’engendra de vers sur la viande, où les mouches n’ont pû laisser de leurs œufs. Il en est de même de tous les autres animaux que l’on croit qui naissent hors de la voie de la génération. Toutes les expériences modernes conspirent à nous desabuser de cette ancienne erreur ; & je me tiens sûr que dans peu de tems, il n’y restera plus le moindre sujet de doute. Voyez Corruption.
Mais en dût-il rester, y eût-il des animaux qui vinssent hors de la voie de génération, le raisonnement que j’ai fait n’en deviendroit que plus fort. Ou ces animaux ne naissent jamais que par cette voie de rencontre fortuite ; ou ils naissent & par cette voie, & par celle de génération : s’ils naissent toûjours par la voie de rencontre fortuite, pourquoi se trouve-t-il toûjours dans la matiere une disposition qui ne les fait naître que de la même maniere dont ils sont nés au commencement du monde ; & pourquoi, à l’égard de tous les autres animaux que l’on suppose qui soient nés d’abord de cette maniere-là, toutes les dispositions de la matiere sont-elles si changées qu’ils ne naissent jamais que d’une maniere différente ? S’ils naissent & par cette voie de rencontre fortuite, & par celle de génération, pourquoi toutes les autres especes d’animaux n’ont-elles pas retenu cette double maniere de naître ? Pourquoi celle qui étoit la plus naturelle, la seule conforme à la premiere origine des animaux, s’est-elle perdue dans presque toutes les especes ?
Une autre réflexion qui fortifie la premiere, c’est qu’il n’eût pas suffi que la terre n’eût produit les animaux, que quand elle étoit dans une certaine disposition où elle n’est plus. Elle eût dû aussi ne les produire que dans un état où il eussent pû se nourrir de ce qu’elle leur offroit ; elle eût dû, par exemple, ne produire le premier homme qu’à l’âge d’un an ou deux, où il eût pû satisfaire, quoiqu’avec peine, à ses besoins, & se secourir lui-même. Dans la foiblesse où nous voyons un enfant nouveau né, en vain on le mettroit au milieu de la prairie la mieux couverte d’herbes, auprès des meilleures eaux du monde, il est indubitable qu’il ne vivroit pas longtems. Mais comment les loix du mouvement produiroient-elles d’abord un enfant à l’âge d’un an ou de deux ? Comment le produiroient-elles même dans l’état où il est présentement, lorsqu’il vient au monde ? Nous voyons qu’elles n’amenent rien que par degrés, & qu’il n’y a point d’ouvrages de la nature qui, depuis les commencemens les plus foibles & les plus éloignés, ne soient conduits lentement par une infinité de changemens tous nécessaires jusqu’à leur derniere perfection. Il eût fallu que l’homme qui eût dû être formé par le concours aveugle de quelques parties de la matiere, eût commencé par cet atome, où la vie ne se remarque qu’au mouvement presqu’insensible d’un point ; & je ne crois pas qu’il y ait d’imagination assez fausse pour concevoir d’où cet atome vivant, jetté au hasard sur la terre, aura pû tirer du sang ou du chyle tout formé, la seule nourriture qui lui convienne, ni comment il aura pû croître, exposé à toutes les injures de l’air. Il y a là une difficulté qui deviendra toujours plus grande, plus elle sera approfondie, & plus ce sera un habile physicien qui l’approfondira. La rencontre fortuite des atomes n’a donc pû produire les animaux ; il a fallu que ces ouvrages soient partis de la main d’un être intelligent, c’est-à-dire de Dieu même : les cieux & les astres sont des objets plus éclatans pour les yeux ; mais ils n’ont peut-être pas pour la raison, des marques plus sûres de l’action de leur auteur. Les plus grands ouvrages ne sont pas toûjours ceux qui parlent le plus de leur ouvrier. Que je voie une montagne applanie, je ne sais si cela s’est fait par l’ordre d’un prince ou par un tremblement de terre ; mais je serai assûré que c’est par l’ordre d’un prince, si je vois sur une petite colonne une inscription de deux lignes. Il me paroît que ce sont les animaux qui portent, pour ainsi dire, l’inscription la plus nette, & qui nous apprennent le mieux qu’il y a un Dieu auteur de l’univers. Cette démonstration, dont on peut vanter avec raison la force & la solidité, est de M. de Fontenelle, comme nous l’avons déja dit. Cet article est tiré des papiers de M. Formey.
Dieu est mon droit, (Hist. mod.) c’est le mot ou la devise des armes d’Angleterre, que prit d’abord Richard premier ou Cœur de-lion, qui vivoit à la fin du xije siecle, ce qu’il fit pour marquer qu’il ne tenoit son royaume d’aucun mortel à titre de vassal.
Edoiiard III. au xjve siecle le prit ensuite quand il commença à faire valoir ses prétentions sur la couronne de France ; & les rois ses successeurs l’ont continué sans interruption jusqu’au tems du roi Guillaume III. prince d’Orange, qui fit usage de ce mot, je maintiendrai, quoiqu’il ordonnât qu’on se servît toûjours du premier sur le grand sceau. La reine Anne en usa de même, quoiqu’elle eût pris pour sa devise particuliere ces deux mots latins, semper eadem, toûjours la même, à l’exemple de la reine Elizabeth. Voyez Devise. (G)
Dieux, s. m. pl. (Mythol). se dit des faux dieux des Gentils, qui tous étoient des créatures auxquelles on rendoit les honneurs dûs à la divinité. Voyez Déesse, Idole, &c.
Il faut remarquer que parmi les Grecs & les Latins, les peuples par le nom de Dieu, n’entendoient point un être très-parfait, dont l’éternité est un attribut essentiel. Ils appelloient dieux, tous les êtres qu’ils regardoient comme supérieurs à la nature humaine, ou qui pouvoient leur être de quelque utilité, ou même de la colere desquels ils avoient à craindre ; car les anciens, comme les modernes, ont presque toûjours été conduits par l’intérêt propre, c’est-à-dire l’espérance du bien & la crainte du mal. Les hommes mêmes, selon eux, pouvoient devenir des dieux après leur mort, parce que leur ame pouvoit acquérir un degré d’excellence qu’ils n’avoient point eu pendant leur vie ; voyez Apothéose & Consécration. Mais qu’on ne croye pas que les sages comme Socrate, Platon, Cicéron, & les autres, parlassent toûjours selon les idées du peuple : ils étoient cependant quelquefois obligés de s’y conformer, pour n’être pas accusés d’athéisme. C’étoit le prétendu crime que l’on imputoit à ceux qui ne croyoient qu’un Dieu.
Les Poëtes, suivant la remarque du P. le Bossu, étoient théologiens, & ces deux fonctions, quoique séparées aujourd’hui, étoient pour lors réunies dans la même personne. Voyez Poésie.
Ils personnifierent les attributs divins, parce que la foiblesse de l’esprit humain ne sauroit concevoir ni expliquer tant de puissance & tant d’action dans une substance aussi simple & aussi indivisible qu’est celle de Dieu.
C’est ainsi qu’ils ont représenté la toute-puissance de Dieu sous la personne & le nom de Jupiter ; sa sagesse sous celui de Minerve ; sa justice sous celui de Junon. Voyez Épopée, Fable, &c.
Les premiers faux-dieux qu’on ait adoré sont les astres, le ciel, le soleil, la lune, à cause de la chaleur & de la lumiere que les hommes en reçoivent. Voyez Idolatrie, Astronomie, Étoile, Soleil, &c. ensuite la terre, qui fournit les fruits qui servent à la nourriture des hommes & des animaux : le feu aussi-bien que l’eau devinrent aussi l’objet du culte des hommes à cause des avantages qu’on en reçoit. Voyez Eau & Feu.
Dans la suite ces dieux se sont multipliés à l’infini par le caprice de leurs adorateurs, & il n’y a presqu’aucune chose qui n’ait été déifiée, sans en excepter celles qui sont inutiles ou nuisibles.
Pour autoriser le crime & justifier la débauche, on se fit des dieux criminels & débauchés ; des dieux injustes & violens ; des dieux avares & voleurs ; des dieux yvrognes, des dieux impudiques, des dieux cruels & sanguinaires.
Les principaux dieux que les Romains appelloient dii majorum gentiam, & Cicéron dieux celestes, Varron dieux choisis, Ovide nobiles deos, d’autres consentes deos, étoient Jupiter, Junon, Vesta, Minerve, Céres, Diane, Vénus, Mars, Mercure, Neptune, Vulcain, Apollon.
Jupiter étoit le dieu du ciel, Neptune le dieu de la mer, Mars le dieu de la guerre, Apollon celui de l’Éloquence, de la Poésie, & de la Medecine ; Mercure celui des voleurs, Bacchus celui du vin, Cupidon celui de l’amour, &c.
On mettoit aussi au rang des demi-dieux, qu’on appelloit encore semi-dii, dii minorum gentium, indigetes, les héros & les hommes qu’on avoit déifiés. Les grands dieux possédoient le ciel comme une chose qui leur appartenoit de droit, & ceux-ci comme une récompense de la maniere extraordinaire dont ils avoient vécu sur la terre. Voyez Héros, & Apothéose.
Il seroit trop long de nommer ici tous les dieux du Paganisme : on en peut trouver le détail dans le dictionnaire de Trévoux, qui en rapporte la plus grande partie comme extraite du livre d’Isaac Vossius, intitulé, de origine & progressu idololatriæ. Il n’y a point d’excès où les hommes ne se soient portés à cet égard : non contens d’avoir divinisé la vertu, ils avoient fait le même honneur au vice. Tout étoit dieu, dit Bossuet, excepté Dieu même.
On reconnoissoit pour dieux la santé, la fiévre, la peur, l’amour, la douleur, l’indignation, la pudeur, l’impudence, la fureur, la joie, l’opinion, la renommée, la prudence, la science, l’art, la fidélité, la félicité, la calomnie, la liberté, la monnoie, la guerre, la paix, la victoire, le triomphe, &c.
Mais ce qui deshonore l’humanité, est de voir un dieu Sterculus, parce que le premier il avoit enseigné à fumer les champs : la pâleur & la crainte, pallor & pavor, mis au rang des dieux, comme il y a eu les déesses Caca, Cloaima, & Muta ; & Lactance, en son liv. I. a eu raison de faire honte aux payens de ces ridicules divinités.
Enfin, la nature & le monde tout entier a passé pour un dieu. Voyez Nature.
Étymologie de « dieu »
Picard, guiu, diu, djiu ; bourguig. dei ; franc-comtois, due ; provenç. deus, dieus ; catal. deu ; espagn. dios ; portug. deos ; ital. dio ; du latin deus. Dans le vieux français, deus, dex, diex, au nominatif ; deu, dieu, au régime.
- (Date à préciser) Du latin deus, de l’indo-européen commun *di- (« briller, soleil, jour, dieu »).
- Apparenté au grec ancien Ζεύς, Zeús (« Zeus »).
Phonétique du mot « dieu »
Mot | Phonétique (Alphabet Phonétique International) | Prononciation |
---|---|---|
dieu | djø |
Fréquence d'apparition du mot « dieu » dans le journal Le Monde
Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.
Évolution historique de l’usage du mot « dieu »
Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.
Citations contenant le mot « dieu »
-
Je suis l'insecte aimé du poète et des dieux.
Jean Aicard — Poèmes de Provence, la Cigale , Lemerre -
Un homme qui n'a jamais tenté de se faire semblable aux dieux, c'est moins qu'un homme.
Paul Valéry — Choses tues, Gallimard -
Serments d'amour n'entrent pas dans l'oreille des dieux.
Callimaque — Épigrammes, XXV, 3-4 (traduction E. Cahen) -
L'art est un message de réalité qui ne peut être exprimé en d'autres termes. Dans ce sens, un artiste est un envoyé des dieux et, pour cette raison, ne saurait transmettre leur mandat qu'en sa propre langue.
Charles Langbridge Morgan — Portrait dans un Miroir, II Portrait in a Mirror, II -
Vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal.
Ancien Testament, Genèse III, 5 -
Quand on voudra s'occuper utilement du bonheur des hommes, c'est par les Dieux du ciel que la réforme doit commencer.
Paul Henri Thiry, baron d'Holbach — Système de la nature -
Le corps humain est le tombeau des dieux.
Émile Chartier, dit Alain — Système des beaux-arts, Gallimard -
Il y a quelque chose par quoi les hommes ont su s'égaler aux dieux, et c'est le sens de la proportion.
Jean Grenier — À propos de l'humain, Gallimard -
Les païens ont bien connu qu'il y avait quelque divinité souveraine, mais ils ont toujours voulu avoir une garenne de petits dieux à leur porte.
Jean Calvin de son vrai nom Cauvin — Œuvres -
Les dieux coiffent le masque à l'approche du poète, et leurs voies sont obscures.
Marie-René Alexis Saint-Leger Leger, dit, en diplomatie, Alexis Leger, et, en littérature Saint-John Perse — À René Char, Gallimard
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Vidéos relatives au mot « dieu »
Traductions du mot « dieu »
Langue | Traduction |
---|---|
Anglais | god |
Espagnol | dios |
Italien | dio |
Allemand | gott |
Chinois | 神 |
Arabe | الله |
Portugais | deus |
Russe | бог |
Japonais | 神 |
Basque | god |
Corse | diu |
Synonymes de « dieu »
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Combien de points fait le mot dieu au Scrabble ?
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