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Dieu

Variantes Singulier Pluriel
Masculin dieu dieux

Définitions de « dieu »

Trésor de la Langue Française informatisé

DIEU, subst. masc.

1reSection. [Le mot Dieu désignant la divinité comme entité relig. ou philos.]
I.− [La divinité comme entité relig.]
A.− [Dans une perspective polythéiste] Au sing. ou au plur., gén. avec minuscule; fém. déesse*.
1. [Princ. dans les relig. antiques grecque et romaine] Être appartenant au monde supérieur ou inférieur, doué de qualités de transcendance qui le font coexister avec des êtres de même rang et doté d'attributs, notamment anthropomorphes, se manifestant dans ses missions auprès des hommes, avec lesquels il entre en relation pour orienter leur existence ou pour satisfaire son besoin de communication et dont il reçoit l'hommage cultuel. Les dieux du Panthéon grec, les dieux du ciel, de l'enfer. On a cru qu'il pouvait y avoir (...) des dieux bons et méchans (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 93).Les dieux sont censés se partager l'univers. (...). Les Grecs partagent le monde entre Zeus, Dieu du ciel et de la terre, Poséidon, dieu des mers, et Hadès, auquel appartient le royaume infernal (Bergson, Deux sources,1932, p. 202).À côté des dieux et déesses, il existe d'autres figures religieuses, qui parfois jouissent d'un prestige égal ou même supérieur : les héros civilisateurs, les ancêtres mythiques, les âmes des morts (les mânes), les esprits de la nature, etc. En certains cas se produit une coalescence de ces derniers − surtout les héros civilisateurs, les ancêtres mythiques, les esprits de la nature − et des dieux et déesses; ou bien ils empruntent les prestiges et les symboles des divinités (Encyclop. univ.,1972, p. 588):
1. Il faut voir quelle place la religion occupe dans la vie d'un Romain (...). C'est un dieu que son foyer; les murs, les portes, le seuil sont des dieux; les bornes qui entourent son champ sont encore des dieux. Le tombeau est un autel, et ses ancêtres sont des êtres divins. Fustel de Coulanges,La Cité antique,1864,p. 269.
2. Le concept grec de la divinité est essentiellement polythéiste − il y a beaucoup de dieux : c'est la cité, la famille des dieux. Mais cette conception est enclose dans la représentation d'un dieu suprême, père des dieux et des hommes. Les nombreux dieux signifient la plénitude de la vie divine : le Dieu unique, ce serait tout juste un appauvrissement du divin (cf. Platon, Nom. X, 899 b). Fries t. 1, 1965, pp. 339-340.
3. Les grands dieux vivent loin des hommes, les uns dans le ciel, les autres dans les profondeurs de la mer ou du sol. Entre l'homme et le dieu, il n'est plus question de communion, mais de relations de bon voisinage; au lieu d'une participation pathétique aux drames divins, des rapports contractuels s'établissent sur une base de réciprocité, les prières et les sacrifices appelant en retour faveurs et bénédictions. Hist. des relig.,1970, t. 1, p. 503 (encyclop. de la Pléiade).
SYNT. Dieux de la patrie, de la cité, du foyer; dieux de l'Olympe; dieu du jour, de la lumière, du printemps, des eaux, des moissons, des orages, de l'ouragan, des morts, de l'amour, de la poésie, de la guerre; cosmogonies, histoire, pluralité, attributs des dieux; culte, adoration, prêtre(sse), oracle des dieux; séjour, résidence des dieux (de l'Olympe); assemblée des dieux et des déesses; volontés, faveur, clémence, caprice, malveillance, colère, courroux, ressentiment, cruauté, punition, crainte des dieux; honorer les dieux, prier les dieux et les déesses; célébrer, chanter, encenser, consulter, contenter, remercier, insulter, offenser, outrager les dieux; apaiser les dieux irrités; plaire aux dieux; faire des oblations, des offrandes aux dieux; bâtir des temples, offrir des sacrifices, être immolé aux dieux, sacrifier aux dieux; rendre grâce aux dieux de + inf.; appeler la protection des dieux, implorer le secours des dieux, être protégé des dieux; attirer, conjurer, apaiser la colère des dieux, redouter la vengeance des dieux; rendre un culte à un dieu, consacrer qqc. à un dieu; renier ses dieux.
Dieu majeur, supérieur, principal; grand dieu; roi, maître, chef, dieu des dieux... P. oppos. Dieu(x) secondaire(s), mineur(s), subalterne(s), inférieur(s)...
Les dieux de la Fable. Les dieux de la mythologie gréco-romaine :
4. ... c'est pour notre commodité que nous définissons et classons ainsi les dieux de la Fable. Aucune loi n'a présidé à leur naissance, non plus qu'à leur développement; l'humanité a laissé ici libre jeu à son instinct de fabulation. Bergson, Les Deux sources de la mor. et de la relig.,1932, p. 204.
[Ces dieux en tant qu'ils sont représentés] Pour loger le dieu qui s'incarne en une image de pierre, il faut une maison, et cette maison, c'est le temple (Encyclop. univ.,1971, p. 1055):
5. Le soin de figurer les images et les statues des dieux en Égypte n'était point abandonné aux artistes ordinaires. Les prêtres en donnaient les dessins, et c'était sur des sphères, c'est-à-dire, d'après l'inspection du ciel et de ses images astronomiques, qu'ils en déterminaient les formes. Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 36.
[Les dieux de la mythol. gréco-romaine pressentis par les poètes] Les dieux sont muets, et la vie est triste (Dierx, Poèmes,1864, p. 45).Car la même clameur que pousse encor la mer, Monte de l'homme aux Dieux, vainement éternelle (Heredia, Trophées,1893, p. 147).C'est déjà, sourdement sous l'herbe et dans les bois L'impétueux réveil des dieux chauds et vivaces (Noailles, Ombre jours,1902, p. 48).Cette ombre des dieux qui tient tout le ciel, qui marche avec l'ombre des nuages (Giono, Eau vive,1943, p. 29):
6. Tout à l'heure, avec la première étoile, la nuit tombera sur la scène du monde. Les dieux éclatants du jour retourneront à leur mort quotidienne. Mais d'autres dieux viendront. Et pour être plus sombres, leurs faces ravagées seront nées cependant dans le cœur de la terre. Camus,Noces,1938,p. 25.
[Dans d'autres relig., notamment dans certaines relig. orientales ainsi que dans certaines croyances primitives]
[Dans l'Égypte antique] Dieu solaire. Dès l'époque ancienne le dieu Soleil avait absorbé diverses divinités telles qu'Atum, Horus et le scarabée Khipri (Encyclop. univ.,1972, p. 591):
7. Créés par le démiurge, les dieux ne peuvent évidemment avoir qu'un pouvoir inférieur au sien, limité à une sphère particulière comme il convient à des manifestations de forces naturelles le plus souvent locales. Cependant, les diverses théologies cherchent à démontrer la prééminence du dieu local dans l'ensemble de la création, de sorte qu'il ne saurait être question de vouloir préciser la compétence d'une divinité égyptienne comme on l'a fait pour les dieux grecs ou romains, ... Hist. des relig.,t. 1, 1970, pp. 84-85 (encyclop. de la Pléiade).
[En Asie, en partic. dans l'Hindouisme] Les habitans de l'île Formose ne connaissaient point d'autres dieux que le soleil et la lune, qu'ils regardaient comme deux divinités ou causes suprêmes; idée absolument semblable à celle que les Égyptiens et les Phéniciens avaient de ces deux astres (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 24):
8. ... au milieu de la multitude des dieux, trois grandes figures s'imposent : Brahmā, Visnu et Siva. Assez tardivement on a désigné le groupe par l'expression trimūrti, les « trois formes » du divin. (...). La trimūrti, en tant que telle, ne reçoit pas de culte particulier, mais chacun de ses membres peut devenir le Dieu suprême. Hist. des relig., t. 1, 1970, pp. 1006-1007 (encyclop. de la Pléiade).
[Chez les Celtes, les Germains, les Slaves, etc., et dans certaines croyances primitives d'Asie centrale, d'Afrique, d'Amérique centrale, d'Australie] Le dieu champion Thôrr. Chez les peuples pasteurs de l'Asie centrale, les dieux célestes présentent un caractère nouveau : la souveraineté (Encyclop. univ.,1972, p. 590):
9. Les habitants de l'isthme de Panama, et de tout ce qu'on appelle terre-ferme, croyaient qu'il y a un dieu au ciel, et que ce dieu était le soleil, mari de la lune; ils adoraient ces deux astres comme les deux causes suprêmes qui régissent le monde. Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 34.
Spéc. Homme (en particulier empereur ou pharaon) divinisé. [Dans la relig. égyptienne] Animal divinisé. Lorsqu'un roi montait sur le trône, il donnait ordre de tailler son tombeau. (...). Tant que le roi vivait, on creusait sans repos et sans trêve; le jour où il mourait et prenait rang parmi les dieux, le travail cessait (Du Camp, Nil,1854, p. 253):
10. Nous voulons parler du culte des animaux, (...) certains l'ont considéré comme plus naturel encore que l'adoration des dieux à forme humaine. Nous le voyons se conserver, vivace et tenace, là même où l'homme se représente déjà des dieux à son image. C'est ainsi qu'il subsista jusqu'au bout dans l'ancienne Égypte. Parfois le dieu qui a émergé de la forme animale refuse de l'abandonner tout à fait; à son corps d'homme il superposera une tête d'animal. Bergson, Les Deux sources de la mor. et de la relig.,1932, pp. 190-191.
[P. réf. aux Actes des Apôtres XVII, 22-23] Au/à un dieu inconnu (en lat. Deo ignoto). Inscription figurant sur un temple d'Athènes, interprétée par saint Paul ,,comme le pressentiment de l'existence d'un Dieu unique, bon et transcendant`` (Symboles 1969). Il [Mario Meunier] m'a entretenu de l'autel au dieu inconnaissable, que saint Paul appelle le dieu inconnu, et il admire le sens métaphysique de ceux qui ont élevé cet autel (Green, Journal,1932, p. 85).
Loc., exclam. dans les traductions de textes antiques, dans les œuvres mettant en scène des personnages de l'Antiquité, ou dans la lang. poétique.
[Pour exprimer un regret] Plût aux dieux (que + subj.). Plût aux dieux que je ne fusse jamais né!... (Balzac, Corresp.,1821, p. 111).
[Pour exprimer une prière, un souhait] (Que) les dieux te protègent! Que les dieux immortels nous assistent! Danse-La-Nuit. − La réponse est ici; entre! Le Poëte. − J'entrerai donc! Que tous les dieux me soient en aide! (Claudel, Endormie,1883, p. 16).Je ferai selon ton désir, et que les dieux soient avec nous! (Claudel, Choéphores,1920, p. 936).
[Pour accompagner l'expression d'une prière] Dieux! Ô dieux justes! Ô dieux protecteurs! Ô dieux hospitaliers! Ô dieux cruels! Ô dieux farouches! Ô dieux inexorables! Ô justes dieux, grands dieux! Secourez ma faiblesse. Je t'implore, ô mon père, ô Zeus! (Leconte de Lisle, Poèmes ant.,Hélène, 1845, p. 72).
[Pour renforcer une affirmation, une promesse, un serment] À quelque extrémité que mon héros m'entraîne, Je jure par les dieux que je cède à regret (Bouilhet, Melaenis,1857, p. 50):
11. pâris. − (...), Et tu seras à moi, noble femme que j'aime! Les dieux me l'ont promis; nous trompent-ils jamais? hélène. − Les dieux m'en sont témoins, étranger, je te hais. Ta voix m'est odieuse et ton aspect me blesse. Leconte de Lisle, Poèmes ant.,Hélène, 1845, p. 72.
P. méton., au plur. [Pour désigner les relig.] Dans le linceul de pourpre où dorment les dieux morts (Renan, Prière sur l'Acropoleds Souv. enf.).
Rem. Le mot dieu apparaît dans le titre de nombreuses œuvres littér. ou mus. : Les Dieux (Alain), Le Crépuscule des dieux (E. Bourges,) les Dieux ont soif (A. France), Le Dieu des corps (J. Romains); Le Crépuscule des dieux, drame de Richard Wagner constituant la quatrième partie de la Tétralogie inspirée de la mythologie scandinave.
2. [Dans les croyances primitives] Force impersonnelle, extérieure et supérieure à l'homme désireux de se concilier sa bienveillance et, selon les cas, assimilée à un phénomène physique ou considérée comme s'incarnant dans un animal ou habitant une plante, ou une chose :
12. Les croyances anciennes qui se dégagent des études historiques donnent à la religion primitive du Japon un caractère de panthéisme et d'animisme universel. Les dieux ou esprits supérieurs (Kami) peuplent tous les lieux et habitent toutes choses. Le vent, la pluie, la mer, les plantes, les animaux sont des dieux au même titre que les instruments de la vie domestique : marmite, théière ou braseros. Philos., Relig., 1957, p. 5412.
En partic. Cette force en tant qu'objet d'un culte. Culte des dieux fétiches (Constant, Journaux,1804, p. 110).Les dieux cabires étaient adorés sous la forme de vases au large ventre (Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 20):
13. Les nègres de Juida ont aussi leurs fétiches. Ils s'adressent à certains grands arbres pour obtenir la guérison de leurs maladies, et en conséquence ils font des offrandes de pâte de millet, de maïs et de riz; car tout culte est un véritable échange entre l'homme et ses dieux, dont le prêtre est l'entremetteur. Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 437.
B.− [Dans une perspective monothéiste] Au sing.
1. [Dans une perspective relig. mais en dehors des relig. hist. constituées] Gén. avec minusc. et avec l'article déf. Être suprême considéré en général (cf. divinité). Je sens qu'un dieu est en moi. Quel dieu? Je ne sais pas. Mais c'est pour l'avènement de ce dieu que je veux vivre (Arland, Ordre,1929, p. 44).La certitude d'un dieu qui donnerait son sens à la vie surpasse de beaucoup en attrait le pouvoir impuni de mal faire (Camus, Sisyphe,1942, p. 94):
14. C'est au sentiment de l'existence d'un dieu que l'homme doit celui de l'infini, de l'universalité, de la gloire, de l'immortalité, (...). C'est à cet instinct de la divinité qu'il doit celui de la vertu, qui règle ses innombrables désirs vers le bonheur de ses semblables, dans la crainte ou l'espérance que lui inspire le sentiment d'un être suprême, vengeur et rémunérateur. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 276.
2. [Dans les relig. hist., princ. dans la tradition judéo-chrétienne] .Gén. avec maj. parce que assimilé à un nom propre. (L') Être éternel, créateur de tout ce qui existe (animé et inanimé) et providence de l'univers créé, à qui les hommes doivent un culte. Dieu créa l'homme à son image; Dieu est infini (Ac. 1932). Invoquer Dieu, rendre gloire à Dieu :
15. Dieu est l'unité et la multiplicité; (...). Or, de même que Dieu est à la fois un et plusieurs, chaque créature de Dieu est à la fois une et multiple. (...). Donc de même que Moïse appelle Dieu Aelohim, de même il appelle tous les hommes Adam. Aelohim veut dire Lui-des-Dieux, c'est-à-dire l'Être des Êtres. Adam veut dire l'homme universel, l'humanité, le genre humain, c'est-à-dire l'homme qui est en même temps les hommes, comme Dieu ou l'Être est en même temps les Êtres. P. Leroux,De l'Humanité, de son principe et de son avenir,t. 2,1840,pp. 986-987.
16. C'est la toute-puissance de Dieu, manifestée par ses œuvres, qui l'autorise à promulguer ce qui restera jusque dans l'Évangile le premier et le plus grand commandement : Tu aimeras le seigneur ton Dieu, et tu le serviras de tout ton cœur et de toute ton âme. Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,1931, p. 156.
[Avec l'article déf., précisant l'idée ou l'image que, parmi plusieurs possibles, on se forme du Dieu unique] Le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; le seul vrai Dieu, le Dieu vivant. Le Dieu de Sinaï est un Dieu jaloux, un Dieu qui veut être aimé de préférence (Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 388).Le christianisme, considéré comme pensée seulement humaine, veut mettre fin aux horreurs de la Bible et au terrible règne du Dieu des armées (Alain, Propos,1935, p. 1275):
17. Vos victoires cachées font la gloire de l'Être-Suprême. Insensés qui vous reposez sur l'idée de sa bonté infinie; (...) : il est surtout le dieu terrible, le dieu vengeur, le dieu exterminateur; et ce qui doit redoubler vos précautions, votre zèle, votre amour, il est souvent le dieu tentateur. Senancour,Rêveries sur la nature primitive de l'homme,1799,p. 128.
[Avec l'article indéf., pour indiquer que le Dieu unique se substitue aux dieux du polythéisme] Il [Mahomet] appelle à la foi en un Dieu unique, Allâh, seul créateur des hommes et de l'univers (Hist. des relig.,t. 2, 1972, pp. 661-662 [encyclop. de la Pléiade]) :
18. ... il [le christianisme] contient une solution du monde extrêmement simple et étonnamment hardie. Au centre, (...) l'affirmation intransigeante d'un Dieu personnel : Dieu-providence, menant l'univers avec sollicitude et Dieu-révélateur, se communiquant à l'homme sur le plan et par les voies de l'intelligence. Teilhard de Chardin, Le Phénomène humain,1955, p. 326.
19. La tradition et l'histoire, l'habitude et l'éducation favorisent la convergence, ou l'identification, de l'idée d'un Dieu et de l'idée de Dieu, seul vrai Dieu, toujours vainqueur comparé à d'autres dieux. Encyclop. univ.,1972, p. 582.
a) [Dieu considéré dans sa nature divine] :
20. ... même après la révélation, l'essence de Dieu demeure au-delà de ce qu'on peut en connaître : il est le Dieu caché. (...). Le théologien protestant suisse Karl Barth a suspecté les Pères grecs d'avoir compromis le thème biblique du Dieu caché avec celui du Dieu inconnu du néo-platonisme. Si Dieu est en effet déclaré inaccessible, ce n'est pas en vertu d'une réflexion sur les limites de notre pouvoir de connaître, mais c'est parce qu'il se révèle comme le Dieu caché et que la grâce seule établit le rapport entre lui et nous. Encyclop. univ.,1972p. 579.
SYNT. Le Dieu suprême, unique, éternel, saint, tout puissant; le Dieu de lumière, de majesté; le Dieu de l'Écriture, de l'Évangile, des croyants, des chrétiens, des hébreux, des juifs; la gloire, le royaume de Dieu.
Pop. ou fam. [Avec l'adj. bon, synon. affectif de vrai] Le bon Dieu. Dieu absolument bon et miséricordieux. Les œuvres du bon Dieu; aimer, prier, offenser le bon Dieu; demander qqc. au bon Dieu, remercier le bon Dieu. − Le bon Dieu, il est au ciel. − Sur la terre aussi, un petit peu. − Mais là en dessous, il y a plus de bon Dieu (Aymé, Jument,1933, p. 281).Les enfants se demandaient si leur jeu de l'autre jour n'avait pas attiré la punition du bon Dieu (Druon, Gdes fam.,t. 2, 1948, p. 122).En partic. [Le suj. désigne un enfant] Écrire au bon Dieu. (Subst. désignant une pers. ou un aspect de la pers.) + du bon Dieu. (Subst.) propre aux êtres naïvement et entièrement voués à Dieu. Garçon de la pâte du bon Dieu, au demeurant, fidèle, bon compagnon (Pourrat, Gaspard,1922, p. 57).Dire que j'étais aussi couillon que lui d'avoir attiré ces trois vies du bon Dieu sur ce sacré putin de chemin, droit comme une ligne de mire! (Giono, Baumugnes,1929, p. 213):
21. Il faut mourir Entre les bras de celui qui l'aime, et est-ce qu'elle se doute, la pauvre innocente du bon Dieu, Rien du tout! Ce qu'il y a en elle et ce qui en va sortir! Claudel, Partage de midi,1949, I, p. 1083.
[P. réf. à Dieu en tant qu'il est le créateur et le dispensateur de toutes choses] Chaque jour du bon Dieu. Chaque jour qui est et que l'on vit (parce que Dieu l'a bien voulu), chaque jour sans exception. Tous les jours que le bon Dieu fait.
P. méton. [Au sing. gén. avec l'article indéf., ou au plur., pour désigner une représentation de Dieu] Fam., volontiers péj. Un bon dieu/Dieu; un marchand de bons dieux. Un petit bon Dieu de missel (Taine, Philos. art, t. 2, 1865, p. 35).Dites, dans un bon Dieu de bois, est-ce l'image Que vous voyez et vers qui vos vœux vont monter (Verlaine, Œuvres compl.,t. 1, Jadis, 1884, p. 399).Rare. Un Dieu-le-Père. Il y a là-bas dans l'égrugeoir un très bon Dieu-le-Père en pierre que nous avons volé à Saint-Pierre-aux-Bœufs (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 103).
En partic. [Dans la dogmatique chrét.] Une des trois personnes de la Trinité (généralement précisée par un terme adjoint).
Dieu le Père ou le Dieu-Père. Première personne de la Trinité. Révélation du Dieu-Père en Jésus-Christ. V. par ailleurs Hugo, loc. cit.Enfin, le Dieu-Époux est en même temps le Dieu-Père, et il y a même osmose entre les deux figures : Dieu est autre chose qu'un géniteur et l'amour pour ses fils l'emporte sur la sévérité (Encyclop. univ.,1972, p. 578).
Dieu le Fils ou le Fils de Dieu. Deuxième personne de la Trinité. [P. réf. au mystère de l'Incarnation] Le Dieu nouveau-né, l'enfant-Dieu, l'Homme-Dieu, le Dieu fait homme, le Verbe de Dieu incarné, un Dieu descendu du ciel/descendu sur la terre, un dieu réparateur, le Dieu agneau, le (grand) Dieu(-)sauveur. Le Christ. La Mère de Dieu. La Vierge. C'est un Dieu-homme que l'on nous a donné à regarder. C'est un Dieu qui se prépare à mourir sous nos yeux (Claudel, Poète regarde Croix,1938, p. 149):
22. De la Noël, je voudrais parler avec la même révérence et la même gentillesse que ce berger, qui, dans un mystère du Moyen Âge, invité à saluer le Dieu nouveau-né, déclare vouloir emporter son flûtiau pour en jouer et « consoler le petit enfant qui est Dieu et Seigneur du monde ». J'ai le sentiment que cet Enfant-Dieu, pour peu qu'il nous regarde en ce moment, a bien besoin d'être consolé. Guéhenno, Journal d'une« Révolution », 1937, p. 92.
Dieu le Saint Esprit ou Dieu Esprit. Troisième personne de la Trinité. Le Nouveau Testament ne révèle pas seulement que le Dieu trois fois saint de l'Ancien Testament est en lui-même mystère d'amour, c'est-à-dire mystère de paternité et de filiation, mais aussi que le lieu d'échange de cet amour est l'Esprit; il révèle le Dieu Esprit (Encyclop. univ.,1972, p. 579).
Rem. Les trois personnes de la Trinité sont aussi désignées par des expr. synon. a) Première personne : Le Créateur (du ciel et de la terre/de toutes choses, l'Auteur de l'Univers, le Très-Haut, le Tout-Puissant, l'Éternel, le Père éternel/céleste, le Saint (des saints/ d'Israël), le souverain Juge, le Maître du monde, le Roi du ciel et de la terre/des siècles/des rois); cf. « Notre Père qui êtes aux cieux... » Début de la prière, s'adressant à Dieu, que Jésus a enseignée aux apôtres (cf. Matth. VI, 9-13). b) Deuxième personne : le Verbe. c) Troisième personne : le Saint Esprit.
b) [Dieu considéré dans ses relations avec les hommes dans l'Ancien et/ou le Nouveau Testament] À la guerre, elle [notre destinée] nous échappe; alors nous pensons à un Dieu entre les mains de qui repose notre sort (Barrès, Cahiers,t. 12, 1920, p. 264).Lorsqu'il plaît au Dieu tout-puissant d'intervenir plus activement dans notre prière (Bremond, Hist. sent. relig.,t. 4, 1920, p. 536).Si c'est une faiblesse, que Dieu me la pardonne et que tout aille selon son vouloir (Pourrat, Gaspard,1922, p. 174):
23. Des fautes qui sont vraiment péchés et dont nous sommes un peu là pour répondre, Un Dieu qui s'est fait un homme pour nous et qui est capable d'écouter et de répondre, Toutes les possibilités du cœur entre lui et nous, vivant, celui qui nous a aimés plus que lui-même, sauveur ami, médecin, conseiller, enfant, frère, père, époux! Claudel, La Messe là-bas,1919, p. 493.
24. Dans l'Ancien Testament, le Dieu d'Israël n'est pas d'abord le Dieu cosmique, auteur de la nature, (...) il est le Dieu tourné vers-nous, le Dieu proche. Ce mouvement de communication (...) ne trouvera son aboutissement plénier et définitif que dans le Nouveau Testament où Dieu se révèle en Jésus-Christ comme amour et comme père. Encyclop. univ.,1972, p. 577.
α) [Dieu en tant que providence et que juge] Le Dieu miséricordieux, le Dieu de bonté; le jugement de Dieu.
SYNT. Le bon Dieu (et les loc. attenantes), le Dieu rémunérateur, juste, très bon; Dieu de justice, de miséricorde; bonté, miséricorde, grâce, justice, loi de Dieu; inspiration, intervention, protection, don de Dieu; tribunal, arrêts, colère, pardon de Dieu; le Dieu des humbles, des âmes simples; Dieu, le Consolateur des affligés (Rob.); promesse faite à Dieu; au nom du Dieu souverainement bon; prier Dieu de + inf., placer son espérance en Dieu; Dieu puissant, secourez-nous; remercier Dieu, rendre grâce à Dieu de qqc.; Dieu sonde les cœurs, protège les hommes (Ac.). PARAD. La (divine/sainte) Providence, le souverain Juge.
[À partir de l'expr. le bon Dieu, cf. supra] Le bon Dieu nous bénisse, que le bon Dieu nous entende, le bon Dieu vous le rendra.
Rem. Cf. infra 2esection II B 2 a : formules exclamatives exprimant un souhait à l'adresse de qqn.
[Loc. mettant en œuvre un élément du corps humain pour symboliser la manifestation de la puissance et de la volonté de Dieu, sa faculté de réagir et d'intervenir favorablement ou défavorablement dans les affaires humaines] Le bras, la main, le doigt de Dieu; le bras de Dieu l'a frappé (Ac.). On reconnaît en cela/là le doigt de Dieu. On reconnaît (dans tel événement) l'action, l'intervention de Dieu. Appuyez-vous sur le bras de Dieu (Lar. 19e) :
25. Est-ce du sein de la paresse et de l'indolence, qu'il faut aller chercher l'œil et la main de Dieu? N'oublie jamais que c'est un Dieu jaloux, et qui aime qu'on le prie; parce qu'il sait que la prière ouvre les canaux de sa vie divine. Saint-Martin, L'Homme de désir,1790, p. 374.
Rem. La loc. la main de Dieu peut d'autre part symboliser la faculté divine de créer. L'homme était tout puissant quand il sortit de la main de Dieu (Boucher de P., Antiq. celt., t. 2, 1847-64, p. 314).
P. plaisant. ou p. iron. [Pour parler d'une pers. à qui il arrive une chose avantageuse, heureuse, sans qu'elle y ait contribué en quoi que ce soit] Cela lui vient de la grâce de Dieu/de Dieu grâce. Cela est le fait d'un heureux hasard (notamment ds Littré). [Pour parler d'une affaire] Fam. Cela va comme il plaît à Dieu; cela va Dieu sait comme. Cela est laissé à l'abandon; la conduite en est ou négligée ou incohérente (notamment ds Littré).
Rem. Cf. infra 2esection II B 2 a : formules renforçant l'expr. de l'incertitude, de l'ignorance.
[Pour marquer qu'en invoquant l'autorité de Dieu on prend l'entière responsabilité de qqc.] Dire qqc. devant Dieu et devant les hommes. Le docteur (...) pour conserver une existence dont, (...), je réponds devant Dieu et devant les hommes (A. Dumas père, R. Darlington,1832, III, 5, p. 16).
Rem. Cf. infra 2esection II B 2 a : formules renforçant une affirmation.
HIST. Jugement* de Dieu (v. aussi épreuve* et ordalie*). Paix*/trêve de Dieu. Dieu et mon droit. Mot d'ordre que lança Richard Cœur de Lion à la bataille de Gisors (1198) et dont les rois d'Angleterre firent leur devise sous cette forme française. [P. allus. hist.] Ni Dieu ni maître. Maxime du socialiste révolutionnaire Louis-Auguste Blanqui (1805-1881), dont il fit le titre de son journal et dont les anarchistes firent leur devise. [Formule employée par les souverains et les dignitaires de l'Église pour marquer qu'ils détiennent leur autorité de Dieu même] Par la grâce de Dieu (notamment ds Ac.).
Rem. Cf. infra 2esection B 2 a : formules pour exprimer sa reconnaissance.
β) [Dieu en tant qu'objet d'un culte] Aimer, adorer, honorer, louer, prier, invoquer Dieu; rendre gloire à Dieu; s'unir à Dieu par la prière/par la méditation (Rob.); se recommander à Dieu (Ac.); vision béatifique de Dieu.
[Culte public, liturg.] Jour consacré à Dieu; rendre gloire à Dieu (cf. Fête*-Dieu). [Relativement au mystère ou au sacrement de l'Eucharistie] Adorer Dieu dans l'Eucharistie (cf. Lever*-Dieu).
[Dieu, deuxième personne de la Trinité en tant que présente dans l'Eucharistie, hostie consacrée et identifiée avec celle-ci] Demander le bon Dieu. Demander l'hostie, la communion, le viatique; demander à communier. Recevoir le bon Dieu; porter le bon Dieu (à un malade, à un mourant) :
26. Je me rappelais celui qu'on appelait le sans-culotte et qui ne tolérait pas les prêtres. Il était sorti de la maison le jour où sa femme, avant de mourir, avait demandé le bon Dieu. Vallès, Jacques Vingtras,L'Enfant, 1879, p. 356.
Pop. et fam. Manger le bon Dieu. Communier. Avaler le bon Dieu. Les Lorilleux, sans aller manger le bon Dieu dans les églises, se piquaient d'avoir de la religion (Zola, Assommoir,1877, p. 471).P. ext. Manger le bon Dieu, manger son Dieu. Vivre selon la religion, dans la piété. Mange ton Dieu et tais-toi! Marche, travaille, obéis! Ma grâce sur toi repose (Claudel, Corona Benignitatis,1915, p. 378).
P. iron. [P. réf. à la règle traditionnelle que la communion suppose l'état de grâce et doit être, si nécessaire, précédée d'une confession; souvent péj. en parlant d'une pers. qui se présente sous des apparences trompeuses] On lui donnerait le bon Dieu sans confession. Il avait été jusqu'à dire que ce bonhomme, à qui l'on donnerait le bon Dieu sans confession, se déguisait en chien pour se saoûler avec des filles bizarres (L. de Vilmorin, Lettre ds taxi,1958, p. 63).
[Culte privé, dévotion particulière]
[En apostrophe, dans des formules de prière] Seigneur mon Dieu, Ô Dieu du ciel, Ô Dieu de liberté, Ô Dieu de paix, gloire à Dieu; Ô mon Dieu, je vous implore. Ô Dieu! Grâce s'il en est ainsi, grâce! Je veux me retremper en toi avant le soir, te prier tandis que le soleil luit toujours et qu'un peu de force me reste (Sainte-Beuve, Volupté, t. 1, 1834, p. 95):
27. ... « de même que cette eau humecte une terre aride, puisse, ô mon Dieu votre divine parole tomber comme une rosée salutaire sur le cœur de mon époux! » Cottin, Mathilde,t. 1, 1805, p. 360.
[P. réf. à l'intimité des relations personnelles avec le Dieu omniscient] Entre Dieu et soi [Avec valeur adv.] ,,Secrètement`` (Ac.).
[Avec valeur adjective] De caractère strictement personnel. C'est une affaire entre Dieu et moi (Lar. encyclop., Lar. Lang. fr.).
[Dieu en tant que principe et fin de la vie spirituelle, partic. dans l'ascétique et dans la mystique chrét.] Chercher, découvrir Dieu; se tourner vers Dieu, servir Dieu, se consacrer à Dieu.
Un homme de Dieu. Un homme qui a choisi de consacrer sa vie au service de Dieu, dans le cadre ou hors du clergé (v. notamment Littré et Ac.). C'est un homme de Dieu/tout de Dieu/tout en Dieu. C'est un homme d'une grande piété (v. notamment Littré et Ac.). P. oppos. [P. réf. à Dieu en tant que fondement de la morale; avec valeur adjective] Sans Dieu/dieu. Sans religion ni morale. La guerre nourrissant la guerre, il se forma des armées sans patrie, sans loi, sans dieu, qui se vendaient au premier venu (Michelet, Hist. romaine,t. 1, 1831, p. 168).En emploi subst. Un sans-Dieu/dieu; les sans-Dieu/dieu. Un athéisme « scientifique » peut-il s'édifier? (...) question quelque peu inquiétante pour les théoriciens des sans-Dieu (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 76):
28. − ... Votre Quandieu et toute la bande diront ce qu'il faudra dire, s'il est nécessaire que le sale Juif soit le coupable, grâce à la complicité de nous tous, les sans-Dieu et les sans-patrie, qui pourrissons la jeunesse française! Zola, Vérité,1902, p. 33.
En partic. [Dieu en tant que finalité d'une des trois voies traditionnelles de la spiritualité chrét.]
[Voie purgative ou voie de pénitence et de mortification] Obéir à Dieu; observer, suivre les commandements de Dieu; craindre Dieu; élever ses enfants dans la crainte de Dieu (Ac.); offenser Dieu, commettre un sacrilège envers Dieu; blasphémer le nom de Dieu (Ac.); confesser à Dieu ses péchés (cf. supra on lui donnerait le bon Dieu sans confession), demander pardon à Dieu; pardonnez-moi, grand Dieu (Ac.). [Dans le cadre d'une conversion] Dieu l'a touché (Ac.), se tourner vers Dieu, revenir à Dieu.
[P. réf. à Dieu, fondement de la morale relig., et p. oppos. au Diable, principe du mal] Ne craindre ni Dieu (,) ni diable (var. ne croire ni à Dieu ni à diable). Agir avec détermination selon sa volonté, sans être retenu par quelque règle, quelque loi, quelque scrupule; ne reculer devant rien, n'avoir peur de rien. Devant la porte du vieux braconnier, qui ne craignait ni Dieu ni Diable (Pergaud, De Goupil,1910, p. 71).
Pop. [Pour donner plus de force à une affirmation] Il n'y a pas de bon Dieu [s.-ent. : il n'y a personne, pas même le bon Dieu, qui puisse m'empêcher de faire (telle chose)] Une chopine, pas plus, et je pars. Il n'y a pas de bon Dieu, il en pleuvrait, je file nette comme torchette (Vidocq, Mém.,t. 4, 1828-29, p. 68).
Rem. Cf. infra 2esection II B 2 a : formules renforçant une affirmation.
[Voie contemplative ou illuminative et voie unitive, ces deux voies étant mal distinguées dans la lang. usuelle] Regarder, contempler Dieu; vivre dans l'amour de Dieu.
Pour l'amour de Dieu. Dans la seule intention de plaire à Dieu. Faire qqc. pour l'amour de Dieu (Ac.). P. ext., fam. Dans la seule intention de plaire à quelqu'un et indépendamment de tout intérêt, de tout profit personnel; gratuitement. On lui a donné cela pour l'amour de Dieu (Ac.).Fam., iron. (Comme) pour l'amour de Dieu. Contre son gré, de mauvaise grâce, mal; avec lésine. Ce travail a été fait pour l'amour de Dieu (Ac.).
Rem. Cf infra 2esection II B 2 a : formules pour rendre une prière, une demande plus pressante.
En Dieu. Dans la contemplation de Dieu; dans l'union mystique, ici-bas ou dans l'au-delà, avec Dieu; en participant de la divinité de Dieu. Notre révérende mère en Dieu. Mon père en Dieu. Nos chères sœurs en Dieu (Lar. 19e) :
29. Qu'enfin mon âme toute en Dieu Lors d'un autrefois dont les anges Furent participants, au lieu Des cieux, erre ès limbes étranges Verlaine, Poèmes divers,A. Eugénie, 1896, p. 223.
Être abîmé en Dieu. ,,Être d'une grande piété`` (Ac.).
[P. réf. à la survivance de l'âme après la mort et à sa comparution devant Dieu pour être jugée] Recommander son âme à Dieu. Se préparer − religieusement − à mourir. [En parlant d'une pers. qui va ou vient de mourir] Paraître devant Dieu. Mourir. Être devant Dieu. Être mort. Être avec Dieu. ,,Jouir de la béatitude`` (DG).
γ) [Dieu en tant qu'il parle aux hommes et qu'il est objet de messages pour les hommes] La parole de Dieu; annoncer la parole de Dieu; annoncer, prêcher Dieu (cf. supra ex. 27).
Rem. 1. Dans certaines formes des sc. hum., Dieu est présenté comme l'idéal personnifié : L'humanité veut un Dieu à la fois fini et infini, réel et idéal; (...); mais elle veut que l'idéal soit personnifié; elle veut un Dieu-homme (Renan, Le Prêtre de Nemi, Paris, Calmann-Lévy, 1886, II, 6, p. 51); ou même seulement comme une entité psychique :
30. Freud s'efforce ensuite de rendre compte de la croyance en un « Dieu-Père » par une reconstruction psychanalytique des divers processus affectifs qui, de la culpabilité refoulée et déplacée, conduisent à la reconnaissance transposée du père et à l'agrandissement posthume de celui-ci, finalement à l'image d'un père déifié. Encyclop. univ.,1972, pp. 38-39.
Rem. 2. Qq. dict. attestent Dieudonné (c.-à-d. « donné par Dieu »). ,,Surnom qu'on donne à quelques enfants, surtout à des fils de princes, dont on regarde la naissance comme un bienfait du ciel`` (Ac. 1835, 1878).
II.− [La divinité comme entité philos.] Principe d'explication et d'unité de l'univers. Les sciences positives, à travers l'étude des phénomènes, cherchent déjà Dieu. Car elles cherchent le premier principe des choses (E. Boutroux, Contingence,1874, p. 152):
31. ... celui qu'honore l'homme religieux, et ce que recherche le philosophe, coïncident. La métaphysique s'élève par l'absolu jusqu'à Dieu et la religion pare son Dieu personnel de tous les attributs de l'absolu. Fries t. 1, 1965, p. 334.
A.− [Dans la philos. gr.] Principe d'explication du monde matériel, principe d'intelligibilité et d'ordre. Le Dieu des philosophes grecs ne prétend pas rendre raison de l'origine de l'Univers, mais seulement de l'ordre et de la hiérarchie qui s'y découvrent, au-dessus des choses soumises à la génération et à la corruption (V. Monod, Dieu dans l'Univers,Paris, Fischbader, 1933, pp. 55-56):
32. Il s'agit seulement de savoir ce que Platon pense de Dieu et s'il admet ou non la pluralité des dieux. Or, il s'en faut de beaucoup que la notion de Dieu corresponde chez lui au type supérieur et parfait de l'existence, (...) Timée (...) représente un effort considérable pour s'élever à la notion d'un dieu qui soit cause et père de l'univers; mais ce dieu lui-même, si grand soit-il, n'est pas seulement en concurrence avec l'ordre intelligible des idées, il est en outre comparable à tous les membres de la vaste famille des dieux platoniciens. Il n'élimine pas les dieux sidéraux dont il est l'auteur (...), ni même le caractère divin du monde qu'il façonne; premier entre ces dieux, il demeure l'un d'entre eux, et si l'on a pu dire qu'en vertu de sa primauté le Démiurge du Timée est « presque analogue au Dieu chrétien », on doit ajouter immédiatement qu'il ne saurait être question de nuances en ces matières; il n'y a qu'un Dieu, ou il y en a plusieurs, et un dieu « presque analogue » au Dieu chrétien n'est pas le Dieu chrétien. Gilson,L'Esprit de la philos. médiév.,1931,pp. 47-48.
33. [Pour Platon] C'est Dieu qui a mêlé les deux essences de l'identique et du différent sur deux plans distincts de manière à former l'âme du Monde... V. Monod, Dieu dans l'Univers,Paris, Fischbader, 1933p. 41.
B.− [Dans la philos. occidentale pénétrée des conceptions judéo-chrétiennes] L'Être suprême, appréhendé par la raison comme être totalement un, spirituel et transcendant :
34. ... Dieu n'est rien moins qu'une notion, et en ce sens il est clair qu'il ne saurait nous fournir un critère. D'ailleurs, le dieu véritable est un dieu vivant, ce n'est pas le dieu tout logique qu'exigent certaines morales de la perfection. (...) Dieu est par-delà le bien et le mal, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de commune mesure entre l'affirmation portant sur Dieu et un jugement éthique quelconque (...). Mais alors n'hypostasions-nous pas cette perfection dans une sorte de solitude métaphysique où elle s'immobilise? Il faut comprendre au contraire que si une action divine peut être pensée, c'est à condition que Dieu soit concret, soit personnel... Marcel, Journal métaphysique,1914, pp. 65-66.
35. Au second moment de la dialectique humaniste, nous avons dit que Dieu devient une idée. C'est le dieu des grands métaphysiciens idéalistes. La transcendance divine est maintenant rejetée. C'est une philosophie de l'immanence qui occupe la place. Avec Hegel, Dieu apparaîtra comme la limite idéale du développement du monde et de l'humanité. Maritain, Humanisme intégral,1936, p. 42.
SYNT. Idée, concept, conception, notion philosophique de Dieu; existence de Dieu, d'un Dieu en soi; preuves métaphysiques, ontologique, « physiques », cosmologique, téléologique, morales de l'existence de Dieu; étude de la nature de Dieu; attributs métaphysiques, moraux de Dieu; perfection (intrinsèque) de Dieu, connaissance de Dieu, relation Dieu-nature, identité de Dieu et du monde; le Dieu de la douceur éthique, le Dieu de la vérité ontologique; Dieu infini, absolu, nécessaire, universel, parfait, créateur, personnel, éthique, tout logique; un Dieu intérieur à l'âme, un Dieu inconnaissable; Dieu est transcendant, immanent au monde, extérieur au monde aussi bien qu'intérieur; Dieu est tout action; concevoir Dieu comme un Toi, identifier Dieu et la nature.
Rem. Cf. l'art. consacré au mot dieu ds Lal. 1968.
[P. allus. à Pascal (Papier, Pensées, éd. Brunschvicg, p. 142)] Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants :
36. À cette connaissance doctrinale, M. Barrès attache si peu de prix, qu'il loue Pascal de s'être éloigné du dieu des philosophes et des savants... Massis, Jugements,1923, p. 236.
En partic. [Dans les philos. de la négation] :
37. Avec Nietzsche, le nihilisme semble devenir prophétique. (...), il a pratiqué la négation méthodique, la destruction appliquée de tout ce qui masque encore le nihilisme à lui-même, des idoles qui camouflent la mort de Dieu. Camus, Essais,Paris, Gallimard, 1965, pp. 475-476.
III.− P. anal. [Pour désigner une pers. ou une chose très admirée] :
38. Le peuple est dans tous les pays amoureux de l'extraordinaire, et sujet à se passionner pour les personnes et pour les choses; mais nulle part il ne porte aussi loin qu'à Venise la faculté de se créer des dieux, objets passagers d'un enthousiasme dont les retours sont souvent funestes pour ceux qui l'ont excité. Nodier, Jean Sbogar,1818, p. 127.
A.− [Pour désigner des pers.] Mon père était tout pour moi, un maître, un roi, un dieu − un ami (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1136).C'était un artiste incomparable que Ricarda, un dieu de l'image (Abellio, Pacifiques,1946, p. 376):
39. J'accuse cette femme de trembler d'amour pour moi, de n'avoir que moi pour pensée, pour nourriture, pour Dieu. Je suis le dieu de cette femme, entendez-vous! Giraudoux, Ondine,1939, III, 4, p. 197.
Dieu du stade. Grand champion dans un sport qui se pratique dans un stade. Ce nouveau dieu du stade [le nouveau roi du football européen, Kevin Kergan] fait rêver (Paris-Match,10 juin 1977, p. 36).Les dieux du stade. Titre d'un film ayant pour sujet les Jeux Olympiques de Berlin en 1934 (cf. Dict. des films, Paris, Le Seuil, 1975).
Rem. Attesté ds Rob., Lar. encyclop. et Lar. Lang. fr.
En emploi adj. Dans ce ménage, primitif [disait-il], le baron était aussi dieu que chez lui (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 93).Les rois qui sont un peu tyrans sont presque dieux (Hugo, Légende,t. 3, 1877, p. 314).
B.− [Pour désigner des valeurs abstr. ou la valeur abstr. de choses concr. considérées comme souverain bien] Chez les nations où la sociabilité domine, l'opinion est le dieu à qui tout rend hommage (Bonstetten, Homme Midi,1824, p. 49).La puissance des explosifs, dieux récents et suprêmes, qui viennent de détrôner, aux temples de la guerre, tous les dieux d'autrefois? (Maeterlinck, Intellig. fleurs,1907, p. 222):
40. Le corps est divinisé par l'hygiène, le sport, la sensualité; les grands morts deviennent objets d'adoration publique; les nations se font vénérer; le drapeau est entouré des mêmes honneurs accordés naguère au Saint-Sacrement; la machine s'est faite dieu, et ses rites tiennent attentifs et courbés des millions de malheureux. Bloch, Destin du Siècle,1931, p. 161.
Loc. Faire un dieu de son ventre. Je ne prétends pas qu'il Faille faire un dieu de son ventre, On ne doit pas, non plus, que diantre! Le traiter comme un seigneur vil (Ponchon, Muse cabaret,1920, p. 116).
SYNT. (communs à A et B). Être (le) dieu (de qqn), être le seul dieu de qqn, devenir dieu, avoir pour dieu (qqn), ne pas avoir d'autre dieu que (qqc.), faire un dieu de (qqc.), donner à qqn pour dieu (qqc.).
2eSection. [Le nom de la divinité comme élément d'expr.]
I.− [Expr. à contenu relig. explicite; expr. déjà traitées dans la 1resection, I et II]
II.− [Expr. à contenu relig. affaibli]
A.− [Dans le cadre des conceptions polythéistes]
1. Loc. littér., qq. peu arch.
a) [En forme explicite de compar. Pour indiquer un haut degré d'excellence, de perfection, etc.; p. réf. à la représentation des dieux dans la myth. et dans l'art statuaire gr.]
Verbe + en dieu (c'est-à-dire comme le ferait un dieu).,,Agir, parler, punir, pardonner en dieu`` (Lar. 19e). Tournure usuelle : verbe + comme un dieu.Valser comme un dieu; nager comme un petit dieu. Il rentre à son cours comme un jeune dieu mystérieux et insolent (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1910, p. 196).Ce jeune homme est étonnant, interrompit naïvement M. de Charlus, en montrant Morel. Il joue comme un dieu (Proust, Sodome,1922, p. 964).
Verbe + (de) compl. d'obj. (désignant gén. une pers.) + comme (d')un dieu (c'est-à-dire comme s'il s'agissait d'un dieu).Honorer qqn comme un dieu; parler de qqn comme d'un dieu. Son frère, dont elle parle comme d'un dieu (Renard, Journal,1901, p. 711).Quand l'année est excellente, on garde le vin un quart de siècle en le soignant comme un dieu, avant de le mettre sur la table (Duhamel, Terre promise,1934, p. 129).
Subst. + digne des dieux.Nectar, spectacle digne des dieux. Synon. poét. subst. + des dieux.Manger, festin, nectar, mois de mai, plaisir, choix des dieux. Les convives (...) Rôtirent du lard roux et des feuilles de vigne, Les cailles, en disant : « Des dieux elles sont dignes! » (Jammes, De tout temps,1935, p. 104).
Adj. + comme un dieu.Beau comme un dieu. Adj. ou verbe + comme un (jeune) dieu.Calme et grand comme un dieu; brutal et insolent comme un dieu. Parfait à la manière humaine, et non comme un dieu (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 328).
Subst. + de (un) dieu.Beauté, visage de jeune dieu. Ô Socrate (...) ô toi qui, refroidi, et la moitié du corps déjà de marbre, l'autre encore parlante, nous tenais amicalement le langage d'un dieu (Valéry, Eupalinos,1923, p. 64).Paraît ensuite sur l'estrade un énorme gaillard à la tête bouclée de dieu grec (Green, Journal,1936, p. 73):
41. Un homme buvait à table d'excellent vin, sans le louer. Le maître de la maison lui en fit servir de très médiocre. « Voilà du bon vin, dit le buveur silencieux. − C'est du vin à dix sous, dit le maître, et l'autre est un vin des dieux. Chamfort, Caractères et anecdotes,1794, p. 141.
b) Loc. fig. (avec compar. implicite)
α) [P. réf. au banquet qui réunit les dieux, pour évoquer une assemblée animée de préoccupations d'ordre supérieur] :
42. Qu'il soit permis quelquefois de s'asseoir au banquet des dieux, que l'on puisse échapper aux querelles, assurément, mais aux basses querelles seules. La noble querelle à ce qui est vil, comment l'interrompre? Comment au banquet des dieux justifier, amnistier la lutte contre le divin? Barrès, Mes cahiers,t. 8, 1910-11, p. 282.
β) [P. réf. à la puissance des dieux]
[La puissance des dieux est symbolisée par la main signifiant un pouvoir sur lequel l'homme n'a pas de prise] :
43. Dans la vie, toutes nos paroles sont improvisées et nos actes sont des étourderies plus ou moins favorables. Nous sommes dans la main des dieux, la fatalité est la poésie du monde. Chardonne, Claire,1931, p. 19.
[Pour désigner les grands de ce monde] Les dieux de la terre :
44. ... M. d'Andilly faisait des cadeaux; il les proportionnait aux personnes : à la reine, au cardinal Mazarin, aux dieux de la terre, il envoyait, chaque année, les primeurs et l'élite de ses fruits bénits. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 260.
γ) [P. réf. aux dieux protecteurs, bienveillants à l'égard des êtres hum.]
[Pour désigner une pers. en entourant une autre de son amitié, de sa sollicitude, etc.] Dieu tutélaire. Synon. ange gardien.(Apercevant Rantzau et courant à lui.) Ah! mon sauveur − mon dieu tutélaire! (Scribe, Bertrand,1833, V, 9, p. 226).
[En parlant d'une pers. favorisée par un don, par la chance, etc.] (Être) aimé des dieux; (être) comblé des dieux; (être) favorisé des dieux et des déesses; protégé des dieux. Anton. abandonné des dieux.Le succès de cet artiste aimé des dieux (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 305).En cet instant où j'écris seul, abandonné des dieux et des hommes (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 78).
[P. allus. au vers de Ménandre : ,,Celui qu'aiment les dieux meurt jeune``] Fille de Jupiter, tu vas me rendre heureux Puisque quand on meurt jeune on est aimé des Dieux (Jammes, De tout temps,1935, p. 58).
[Pour qualifier un événement agréable, heureux] (C'est un) bienfait des dieux :
45. Aussi bien chez les Grecs que chez un Byron ou un Péguy, on trouve cette idée un peu romantique, mais non tellement absurde, que la vie brève est une bénédiction des dieux, que la longue vie est la richesse sans gloire de ceux qui n'ont pas risqué. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 136.
[Pour exprimer la satisfaction relative à un tel événement] Bénir les dieux de + inf.Je bénis les dieux de me réunir à celui qui fut mon disciple fidèle et mon dernier ami (Ménard, Rêv. païen,1876, p. 136).
[Pour signifier que l'on s'en remet à la chance pour l'accomplissement de qqc.] Se fier aux dieux pour qqc. Les conférences que je fais sont des improvisations, les sujets m'étant familiers. Je me fie aux dieux pour le détail (Valéry, Lettres à qq.-uns,1945, p. 148).
δ) [P. réf. au caractère malveillant de certains dieux ou p. réf. aux dieux infernaux]
Apaiser les dieux jaloux. Synon. de conjurer le mauvais sort.Être voué aux dieux infernaux. Être promis à un état pénible. Sur votre liste, que trouvé-je encore? Proudhon. Celui-là, il est voué, je le sais, aux dieux infernaux (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 3, 1863-69, p. 218):
46. Pourtant, Requim conservait une lueur d'espoir et s'il se défendait de croire que la Robidet pût-être rentrée, c'était un peu pour apaiser les dieux jaloux et conjurer le mauvais sort. Aymé, La Vouivre,1943, p. 194.
ε) Être en proie au dieu
[P. réf. aux danses désordonnées des Bacchantes inspirées par Bacchus-Dionysos] Ces femmes en proie au dieu, les Bacchantes, ne se livraient point à de honteuses débauches (Gide, Journal,1940, p. 49).
[P. réf. à la Pythie antique, rendant à Delphes des oracles inspirés par Apollon] Élisabeth ne les [les oracles] rendait que les soirs où elle se sentait en forme, en proie au dieu, sur un trépied (Cocteau, Enf. terr.,1929, p. 87).
ζ) [P. réf. à la multiplicité des dieux des conceptions polythéistes, à leur diversité, à leurs variations] Péj. Sacrifier à d'autres dieux. Changer de conception, d'attitude, et se conformer avec la même ardeur à un autre système de valeurs, à d'autres principes :
47. On sacrifie, dira-t-on, à d'autres dieux; le bien de l'humanité est devenu la passion de tous ceux qui ne peuvent vivre avec leurs frères issus du même sang dont ils sont formés. Delacroix, Journal,1854, p. 208.
η) [P. réf. à la chute des dieux du paganisme, au renversement des idoles; souvent p. oppos. à la notion de vrai Dieu (supra IA)] Renverser les faux dieux. Renverser les conceptions jugées erronées ou fausses. Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, L'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux (Lamart., Médit., L'Homme, 1820, p. 31).Le moment exige que je fasse deux ou trois œuvres capitales qui renversent les faux dieux de cette littérature bâtarde (Balzac, Lettres Étr.,t. 3, 1850, p. 256).
2. Loc. usuelles
Être dans le(s) secret(s) des dieux. Partager, avec des personnages haut placés dont on reçoit les confidences, des informations importantes de caractère secret. « Qu'est-ce qu'il y a dans nos traités avec la Russie? Personne n'en sait rien. » (...) − « Je ne suis pas dans les secrets des dieux », dit-il (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 356).
Fam. Promettre, jurer ses grands dieux de/que... Protester vigoureusement, comme si on invoquait les dieux comme garants, de sa sincérité à l'occasion d'une déclaration, d'une promesse, d'un serment. Un prince, sachez-le, ne se fait pas scrupule De jurer ses grands dieux qu'il aime et va mourir Si d'un amour pareil on ne veut le guérir (Dumas père, Hamlet,1848, I, 1, p. 7).
Exclam., interj. fam. ou pop. [Pour exprimer des sentiments divers ou en renforcer l'expr.] Dieux! Grands dieux! Bons dieux! Dieux de dieux! Cent dieux! Mille dieux! Vingt dieux! Dieux! s'écria soudainement une jeune femme, le monsieur est blessé (Balzac, Œuvres div., t. 3, 1836-48, p. 205).Me battre pour le prince! Tant qu'on voudra, vingt dieux! (Richepin, Vers la joie,1894, p. 152).Mais mille dieux! comprendras-tu à la fin, triple bûche (Arnoux, Roi d'un jour,1956, p. 200).
3. Arg. (et p. plaisant., le dieu Terme étant dans la myth. le protecteur des limites et bornes des champs). Dieu Terme. Jour de paiement du terme, du loyer. Le quinze est le jour fixe et ferme, Où l'on célèbre ce dieu « Terme », Jusque dans le moindre taudis (Ponchon, Muse cabaret,1920, p. 242).
B.− [Dans le cadre du monothéisme judéo-chrétien]
1. Loc. proverbiales
L'homme propose (,) Dieu dispose. ,,Les desseins des hommes ne réussissent qu'autant qu'il plaît à Dieu; souvent nos entreprises tournent d'une manière opposée à nos vœux et à nos espérances`` (Ac.).
P. plaisant. Ce que femme veut, Dieu le veut. ,,Les femmes veulent ardemment ce qu'elles veulent, et elles viennent ordinairement à bout de l'obtenir`` (Ac.).
Chacun pour soi et Dieu pour tous. Que chacun défende ses intérêts, étant entendu que Dieu partage équitablement sa bienveillance entre tous les hommes. Péj. Que chacun défende égoïstement ses intérêts. Chacun pour soi et Dieu pour tous, on n'est pas sur terre pour se marrer (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 99).
Qui donne aux pauvres, prête à Dieu. Dieu récompensera celui qui a fait preuve de charité. [Il] circulait dans les rangs avec un plateau en disant : « Faites l'aumône! qui donne à l'Église, prête à Dieu » (About, Roi mont.,1857, p. 133).Var. Nous allions demander l'aumône pour les prisonniers, en disant : « Celui qui donne aux pauvres, prête à l'Éternel [Dieu] » (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 257).
Rem. Lar. 19eenregistre également les proverbes suivants : Dieu donne le froid selon le drap (Dieu proportionne les peines ou les malheurs qu'il nous envoie aux moyens que nous avons pour y résister). À brebis tondue, Dieu mesure le vent (même sens). Là où Dieu veut, il pleut (rien ne se fait que par la volonté de Dieu).
[Calqué sur le lat. vox populi, vox Dei] La voix du peuple est la voix de Dieu. Le sentiment général recèle généralement un fond de vérité (cf. Ac.).
[À propos de la présentation d'une demande, d'une requête, etc.] Il vaut mieux (ou mieux vaut) s'adresser à Dieu (ou au bon Dieu) qu'à ses saints (ou qu'aux saints). Il est plus efficace de s'adresser tout de suite à la personne la plus haut placée dans la hiérarchie.
[P. réf. à ce proverbe] :
48. le duc. − (...) je suis (...) étonné que, pouvant tout exiger de Dieu, vous veniez faire votre prière à l'un de ses saints. nelly − Et, si c'est à vous, milord, que je voulais avoir cette reconnaissance et non au roi... Dumas père, Le Laird de Dumbiky,1844, I, 6, p. 20.
P. plaisant.
Il y a un Dieu pour les ivrognes. Les hommes ivres semblent souvent échapper miraculeusement à toutes sortes d'accidents, comme s'ils étaient particulièrement protégés par la Providence.
P. anal. Il y a un dieu pour ces ivrognes qu'on appelle les amoureux. (...). L'amour lui avait bandé les yeux, pour le mener où? au paradis (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 676).
Il y a un dieu pour les fous et pour les enfants. Même sens :
49. Il y a un Dieu pour les fous et pour les enfants. Colette [un poulain] et moi (...), avions toutes les chances possibles pour nous contrarier et nous séparer violemment. Il n'en fut rien. À partir de ce jour, nous devions vivre et galoper quatorze ans de compagnie. Sand, Histoire de ma vie,t. 3, 1855, p. 265.
2. Loc. ou expr. exclam. diverses (formules de prière, de souhait, de remerciement, d'insistance, etc.)
a) [Formules exclam. chargées d'exprimer divers sentiments]
[Pour exprimer un désir, un vœu] Dieu le veuille! Plaise à Dieu! Plaise à Dieu que + subj.! À Dieu plaise! Dieu vous entende! Avec l'aide de Dieu! Dieu aidant! (fam.). Avec la grâce de Dieu! Si Dieu (le) veut! S'il plaît à Dieu! J'espère toujours, Miss Mary, vous voir heureuse un jour, avec l'aide de Dieu! (Verne, Enf. cap. Grant,t. 2, 1868, p. 175):
50. N'étant pas né, il vous serait difficile et rebutant de suivre cet état [militaire] où, sous l'ordre de choses actuel, et, à Dieu plaise! éternel, un garçon de roture sera toujours en moins bonne position qu'un gentilhomme. Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 379.
[Ou, au contraire]
[Pour exprimer un regret] Plût à Dieu que + subj.! Plût à Dieu que tous ceux qui ont profité de nos désastres fussent d'aussi honnêtes gens que vous! (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 59).Ils n'étaient pas des ennemis. Plût à Dieu qu'ils [des Allemands] fussent des ennemis! (Rolland, J.-Chr.,Révolte, 1907, p. 596).
[P. réf. consciente ou non à Dieu, à ses desseins, à sa loi mor., pour exprimer une crainte, pour repousser une idée que l'on désapprouve, ou l'éventualité d'un événement redouté] À Dieu ne plaise (que + subj.)! Dieu me/ m'en préserve! Dieu me préserve de + inf.! Dieu m'en garde! Dieu me garde de + subst. ou inf.! Dites-moi un peu ce que vous feriez si (Dieu vous en préserve!) vous deveniez ministre par hasard? (Musset, Lettres Dupuis Cotonet,1837, p. 756).Si j'étais dieu (ce qu'à Dieu ne plaise), je me foutrais de leurs génuflexions (Gide, Journal,1933, p. 1173).Oh! je fais sur toi bien d'autres rêves, mais je ne te les dis pas, Dieu m'en garde! (Montherl., Demain,1949, II, 1, p. 718).
[Pour exprimer, avec une réf. relig., que l'on s'en remet à la providence quant à la réalisation d'un projet, ou simplement, pour signifier que l'on s'en remet à la chance] À la grâce de Dieu! À Dieu soit! (c'est-à-dire « qu'il en soit selon la volonté et la bienveillance divines »). À Dieu vat (même sens). Le poulet fleuri, lancé à tour de bras, s'engouffre dans la fenêtre ouverte. À Dieu vat! (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 163).Cf. batterie ex. 8.
Rem. Dans l'ex. suiv. à Dieu vat est quasi-synon. de « grâce à Dieu ». Il n'y eut plus de doute que la chose maintenant avait eu lieu... À Dieu vat! ajouta-t-il avec une espèce d'enthousiasme (Gracq, Syrtes, 1951, p. 224).
MAR. [Constitue également la formule consacrée que l'on prononce lors du départ d'un bateau ou d'une manœuvre en mer] « À Dieu vat! » cria le jeune capitaine. Les barils furent chavirés, et de leurs flancs s'échappèrent des flots d'huile (Verne, Enf. cap. Grant,t. 2, 1868, p. 59).
[Pour exprimer à Dieu sa reconnaissance, son contentement, son soulagement] Grâce(s) à Dieu! Par la grâce de Dieu! Dieu merci! Dieu soit béni! Dieu (en) soit loué! Dieu soit béni! Sténio n'a perdu que la santé physique; son âme est encore pleine d'énergie et d'avenir (Sand, Lélia,1833, p. 256).Dieu merci, il ne s'est rien passé... Enfin rien de grave... (Mauriac, Mal Aimés,1945, II, 4, p. 192).Elle se rappelait où elle l'avait posé [le sac]... s'il était encore là... il était là! Dieu soit loué... (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 39).
Pop. et fam. [Avec le nom de Dieu en position intercalaire hors syntaxe et comme si on le prenait à témoin, pour exprimer la surprise, le saisissement, l'indignation] Ce n'est pas Dieu possible! Ce n'est Dieu pas possible! Comme si c'était Dieu possible! Il n'est pas Dieu possible/permis que + subj.! Est-il Dieu permis de + inf.! Il n'est pas Dieu permis qu'on vous mange ainsi la laine sur le dos! (Zola, Joie de vivre,1884, p. 902).Il y avait quelque chose qui lui trottait par la tête : l'intimité de Jeanne avec l'inspecteur Colombin. Ce n'était pourtant Dieu pas possible (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 438).
[Pour assurer de sa sincérité] Dieu me pardonne! (c'est-à-dire « ce que je vous annonce est aussi vrai qu'il est vrai que je souhaite que Dieu me pardonne mes fautes »). J'aimais, Dieu me pardonne, tout comme à vingt-cinq ans (Courier, Lettres Fr. et It.,1814, p. 863).Dieu me pardonne! j'ai vu rougir M. Libois (Frapié, Maternelle,1904, p. 182).
b) [Formules d'usage exprimant un souhait] Dieu vous bénisse! Dieu vous contente! Dieu vous assiste! Dieu vous (soit en) aide! Dieu vous préserve! Dieu vous protège! (Que) Dieu vous garde! Le bon Dieu te bénisse! (fam.). Dieu me soit en aide, messires! dit l'archidiacre en les introduisant (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 198).Si pour être sauvée, Nancy doit compter sur toi, alors que Dieu lui vienne en aide (Camus, Requiem,1956, 1repart., 3etabl., p. 858).
Rem. À propos de ces formules, Lar. 19enote qu'elles peuvent exprimer les ,,souhaits que l'on adresse à une personne qui éternue, et, dont on fait remonter l'usage à l'an 590, parce que beaucoup de personnes moururent alors, dit-on, en éternuant``. Pour Ac. 1932, la formule Dieu vous bénisse! est encore employée familièrement lorsque quelqu'un éternue. De nos jours, la formule fam. utilisée le plus volontiers, p. plaisant., dans une telle situation, est plutôt : À vos souhaits!
En partic. [Formules de souhait employées pour saluer qqn] Dieu vous conserve! Dieu vous garde! Monseigneur, dit-il, je suis venu vous voir; que Dieu vous conserve (Barante, Hist. ducs de Bourg.,t. 1, 1821-24, p. 384).[Formule de souhait pour remercier d'un bienfait] Dieu vous le rende! Le vieux Rothschild donne une pièce de cinquante centimes à un pauvre qui lui dit : « Monsieur le baron, Dieu vous le rende au centuple! » (Goncourt, Journal,1884, p. 387).Grand merci! Dieu vous le rende (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 121).[Formules relatives à une personne mourante ou décédée] Dieu ait son âme! Dieu veuille avoir son âme! Dieu ait son âme et me fasse la grâce de mourir d'une aussi bonne mort (Pourrat, Gaspard,1922, p. 110).
c) [Formules exclam. à l'adresse de qqn pour rendre une demande plus pressante] Pour Dieu! Pour l'amour de Dieu! Au nom de Dieu! Mais au nom de Dieu que je continue (Delacroix, Journal,1822, p. 4).« Alors? Toujours rien de nouveau? Mais dégrouillez-vous donc, pour l'amour de Dieu! » (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 17):
51. Les auteurs français contemporains n'ont de cesse qu'ils aient fait comprendre au public qu'ils ne sont pas dupes de leurs personnages. « Pour Dieu! qu'on n'oublie pas que nous sommes gens d'esprit. » Montherlant, Notes de théâtre,1954, p. 1078.
d) [Formules exclam., tours employés pour renforcer l'expressivité]
[Dieu est pris à témoin d'un énoncé déclaratif] Dieu sait + prop. sub.; Dieu sait que..., si... J'ai pour les secrets que l'on me confie le plus grand respect. Dieu sait si j'ai jamais trahi le moindre (Gide, Caves,1914, p. 748).Dieu le sait (c'est-à-dire j'en prends à témoin Dieu qui voit et sait tout). Le bon Dieu le sait bien (fam.). J'étais réellement obsédée, je t'assure... et désespérée, oui, je l'étais, Dieu le sait! (Mauriac, Mal Aimés,1945, III, 2, p. 230).
Rem. Pour Dieu le sait, v. son emploi dans un autre sens infra.
En partic.
[Formules employées dans les affirmations vigoureuses, les serments] Dieu m'est témoin (que...); Dieu m'en est témoin; jurer Dieu que... Devant Dieu, sur mon Dieu (Ac.). Par Dieu (fam.). Vous plaisantez? Non, par Dieu, je ne plaisante pas (L'Héritier, Suppl. Mém. Vidocq, t. 2, 1830, p. 281).Dieu m'est témoin que je ne veux que ton bonheur (France, Jocaste,1879, p. 22).Qu'il y ait de terribles constantes dans l'histoire de l'humanité, par Dieu, nous le savons bien! (Guéhenno, Journal« Révol. », 1937, p. 60).Fam. Jurer le bon Dieu que...; c'est pourtant Dieu vrai que... Mon bon monsieur, je vous jure le bon Dieu qu'il n'est entré personne ici (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 360).C'est pourtant Dieu vrai qu'elle est belle comme un cœur, à soir (Guèvremont, Survenant,1945, p. 56).
Fam. et vieilli. De Dieu. [Syntagme grammaticalisé à valeur superl. dans le groupe : adj. + subst. + de Dieu] J'y ai dépensé cent beaux écus de Dieu (Lar. 19e).Ce bel enfant de Dieu [c'est-à-dire cet enfant merveilleusement beau] ne veut prendre aucune nourriture (Lar. 19e).Il trouva moyen de revenir sur Barthélemy et sa brave honnêteté de Dieu (Pourrat, Gaspard,1922, p. 177).
Rem. Dans la lang. fam., une assertion peut être renforcée par le recours à une formule imprécatoire (infra 3 b γ), p. ex. Dieu me damne! En ce cas, il faut comprendre : ,,Dieu me damne si ce que j'affirme n'est pas la vérité`` (DG).
[Formules renforçant l'expr. de l'incertitude ou de l'ignorance, p. réf., effective ou formelle, à Dieu omniscient] Dieu sait (c'est-à-dire Dieu seul sait) + pron. interr. ou prop. interr. Dieu sait pourquoi (...) Dieu sait quand (...) Dieu sait ce que/qui + verbe Dieu sait quoi/qui. Edmond avait absolument refusé de s'occuper de Romuald. (...). Romuald s'en était tiré, Dieu sait comme! (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 251).Vieille carriole, où trois religieuses ont empilé pour Dieu sait quel pèlerinage, vers Dieu sait quel refuge de conte de fées, douze petits enfants menacés de mort (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 329).Oui, ne t'inquiète pas... Mais Dieu sait comment elle va prendre la chose... (...) C'est une enfant que tout blesse... (Mauriac, Mal Aimés,1945, I, 2, p. 164).
[Avec un pron. neutre de rappel] Dieu le sait (c'est-à-dire personnellement je l'ignore, mais Dieu, lui, le sait). ,,Ce qui en arrivera, Dieu le sait`` (Ac.).,,Réussira-t-il? Dieu le sait`` (Lar. 19e).
3. Interj., loc. interjectives
a) [Dieu en interj. ou dans une loc. interjective pour renforcer l'expr. d'émotions et de sentiments] Mon Dieu! Mon (bon) Dieu Jésus! Seigneur Dieu! Jésus-Dieu! Dieu du ciel! Dieu de miséricorde! Juste Dieu! Dieu juste! Dieu vivant! Dieu puissant! Dieu, que je suis heureuse! (Benjamin, Gaspard,1915, p. 96).Vrai Dieu, quelle corvée! (Benoit, Atlant.,1919, p. 26).Ces larmes comme de l'argent jeté à l'eau, grand Dieu, tant de souffrances en vain! (Claudel, Messe là-bas,1919, p. 495).
b) [Dieu dans des loc. interjectives (blasphématoires à l'origine, car transgression du commandement ,,Tu ne prendras point le nom de l'Éternel, ton Dieu, en vain; car l'Éternel ne laissera pas impuni celui qui prendra son nom en vain``) gén. devenues jurons pop. ou expr. triviales, utilisées sous l'effet d'un choc émotionnel, ou comme procédé habituel de renforcement de l'expr.]
α) [Loc. interjectives formées à partir du mot Dieu] Nom de Dieu! Foi de Dieu! Bonté de Dieu! Jour de Dieu! Feu de Dieu! Corps de Dieu (ou corps(-)Dieu)! Tête de Dieu! Sang de Dieu (ou sang-Dieu ou bon sang de Dieu)! Mort de Dieu (ou mort(-)Dieu)! Putain de Dieu! Dieu bleu! Vingt Dieu! Dieu de Dieu! En tuer un, ah! bon sang de Dieu! en tuer un (A. Daudet, Nabab,1877, p. 242).Il buta dans deux jambes qui barraient la route. Il fit : « Tonnerre de Dieu! » (Benjamin, Gaspard,1915, p. 70).J'ai mon bon sens, Mort-Dieu! et je ne veux qu'une chose : que vous obéissiez (Montherl., Port-Royal,1954, p. 1038).
P. ell. et p. euphém. ... de Dieu. La mitrailleuse est en train de mâcher le bois de la passerelle et la chair des morts (...) − De dieu! de dieu! souffle Joseph (Giono, Gd troupeau,1931, p. 120).
Pop. Vain Dieu! (supra Vingt Dieu!). Tout tomba dans le noir. « Allume, vain Dieu! » criait Waldemar (Jouve, Scène capitale,1935, p. 122).
β) [Loc. interjectives formées à partir de l'expr. bon Dieu] Bon Dieu de Dieu! (et Bon Dieu de bon Dieu!) Je l'ai connue, à vingt ans. Bon Dieu! qu'elle était brillante, et racée, et splendide, et tout! (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 103).Ils réclamaient de grandes offensives, et que ça pète! bon Dieu de bois (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 220).
Rem. 1. Ces loc. interjectives se rencontrent associées entre elles ou avec d'autres formules blasphématoires, jurons ou exclam. grossières. Nom de Dieu de nom de Dieu de nom de Dieu! Et j'ai encore tout le code civil dont je ne sais pas un article. Sacré nom de Dieu de merde de nom d'une pipe de vingt-cinq mille putains du tonnerre de Dieu, sacré nom (...) que le diable étrangle la jurisprudence et ceux qui l'ont inventé! (Flaub., Corresp., 1842, p. 104). Le Pauvre Mapipe, emmené par les municipaux cré bon Dieu de bonsoir de bon Dieu de vingt Dieu de nom de Dieu de bon Dieu du tonnerre de Dieu de bon Dieu de sacré bon Dieu de nom de Dieu (Courteline, Client sér., 1897, 3, p. 39). 2. On trouve dans Notre-Dame de Paris de V. Hugo de nombreux jurons d'époque n'ayant gén. pas survécu jusqu'à nos jours : Croix-Dieu! Ventre-Dieu! Gueule-Dieu! Corne de/- Dieu! etc. Parallèlement aux jurons où le mot Dieu figure en clair (supra), existe dans une langue de coloration classique, une catégorie de jurons où le mot Dieu est, p. euphém., altéré de diverses manières : cf. la série tudieu [altération p. ell. de la loc. (par la ver)tu (de) Dieu], jarnidieu (altération p. ell. et déformation de la loc. je renie Dieu); cf. la série des jurons où la substitution euphémique du mot bleu au mot Dieu s'est gén. ajoutée à l'abrév. d'une formule de serment : corbleu (abrév. de la loc. par le corps de Dieu devenue corps de Dieu ou corps-Dieu puis corbleu), têtebleu (tête de Dieutête-Dieu), ventrebleu (par le ventre de Dieuventre de/- Dieu), palsambleu (par le sang de Dieusang de/- Dieu), morbleu (par la mort de Dieumort de/- Dieu), parbleu (var. dialectale pardi; origine par Dieu), sacrebleu [Sacre Dieu (c'est-à-dire Fête-Dieu)].
γ) Emplois partic.
[Certaines de ces loc. sont construites globalement comme si elles formaient un unique subst.] Le Père (...) apporta le petit dans ses bras; et, les mâchoires serrées, il ne lâchait toujours que des nom de Dieu! pour dire sa douleur (Zola, Germinal,1885, p. 1297).La Guillaumette grognait, jurait à demi-voix des sacré nom de Dieu où tenait tout l'effort de sa rage impuissante (Courteline, Train 8 h 47,1888, 2epart., 2, p. 108).Lui, terrible à voir, jurait le tonnerre de Dieu et frappait de la canne sur le parquet (Colette, Dialog. bêtes,1905, p. 35).
[Certaines de ces loc. sont employées dans des phrases où elles jouent le rôle de loc. adj. invar. à valeur superl. et gén. dépréciative]
(Article/pron./...) + loc. + de/du + subst. Nom de Dieu (cas le plus fréquent, s'applique plutôt à des personnes); tonnerre de Dieu (s'applique plutôt à des choses); bon Dieu (cas le plus rare). Ne travaille pas trop la nuit; ça éreinte (...) et ménage un peu ta tonnerre de Dieu de... (Flaub., Corresp.,1859, p. 325).Il gueulait : « Voilà ma sacrée nom de Dieu de mère, cette sale bête qui vient m'embêter! (Goncourt, Journal,1890, p. 1240).Ne restons pas trop dans la cour, il fait un bon Dieu de vent (Proust, Guermantes 1,1920, p. 73).
Rem. 1. Lorsque le terme sacré apparaît, c'est en qualité d'épithète du subst. et non en tant qu'élément constitutif de la loc. interjective : Sacré (nom de Dieu de) roman. Sacrée (nom de Dieu de) mère (supra). 2. Dans les constr. où intervient la loc. tonnerre de Dieu, l'article tantôt se rapporte au subst. : Ta (tonnerre de Dieu) ... (supra Flaubert, loc. cit.); tantôt fonctionne avec la loc. : un tonnerre de Dieu de Cambuse (Zola, Assommoir, 1877, p. 727).
(Article/pron./...) + subst. + de/du + loc. [Constr. moins cour. que la constr. précédente; les loc. sont les mêmes, tonnerre de Dieu (appliquée à des choses) étant cette fois relativement la plus fréq.] Un bruit du tonnerre de Dieu, une chaleur de tonnerre de Dieu. − Hein? Vilaine pluie, murmura-t-il (...) − Une pluie du tonnerre de Dieu! dit le colonel (Zola, E. Rougon,1876, p. 221).Drôle de chose que ce Paris de nom de Dieu (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 262).
[La loc. nom de Dieu en emploi subst. inv.; p. méton. à partir des emplois ci-dessus, pour désigner un animé hum. ou animal] Elle (...) ouvrit le tiroir, jeta un hurlement de douleur. − L'argent! ce nom de Dieu a volé l'argent, cette nuit! (Zola, Terre,1887, p. 479):
52. ... des chiens de garde mis en défiance donnèrent bruyamment l'alerte. − Cré tonnerre! dit la Guillaumette stoppant sur place, v'là une autre affaire, à présent! pourvu que ces nom de Dieu là soient à l'attache! y sont foutus de nous dévorer. Courteline, Le Train de 8 h 47,1888, 2epart., 3, p. 121.
[La loc. tonnerre de Dieu sert à constituer ou à renforcer un énoncé déclaratif ou une formule de serment] Ta fille, je ne vois que ses jambes en l'air... Ah! elle a débauché Delphin. Du tonnerre de Dieu si je ne la fais pas emballer par les gendarmes! (Zola, Terre,1887p. 227).On m'aurait dit : « Combien tu paries que tu feras ce que tu veux faire? » j'aurais parié le tonnerre de Dieu, cent francs, même (Giono, Baumugnes,1929, p. 105).Par le tonnerre de Dieu, vous le verrez quand vous le voudrez, mon bonhomme! (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 100).
Formules imprécatoires. Dieu m'emporte! Hé! Picarde, le fouet! Dieu me damne! je corrigerai cet ignorant... (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 26).Fam. Qué, le tonnerre de Dieu l'emporte! Qu'il aille au tonnerre de Dieu! (cf. allez au diable!). Il n'y a que ça de bon, s'entendre quand on a des choses dans la caboche, et que le tonnerre de Dieu emporte les imbéciles! (Zola, Œuvre,1886, p. 89).
Prononc. et Orth. : [djø]. Ds Ac. 1694-1932. La loc. [adjøva] s'écrit le plus souvent à Dieu-vat! mais on rencontre également adieu-va! et à Dieu-va! (cf. Grev. 1964, § 639, rem. 2). Étymol. et Hist. 842 Pro Deo amur (...) in quant Deus savir et podir me dunat (Serments de Strasbourg ds Henry Chrestomathie, p. 2); ca 1100 Deus! [exclamation] (Rol., éd. J. Bédier, 334); 1606 c'est son dieu fig. (Nicot). Du lat. deus « dieu ». Fréq. abs. littér. : 19 300. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 33 154, b) 37 287; xxes. : a) 28 766, b) 16 506. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, pp. 394-395. − Hatzfeld (H.). Die Gottesbezeichnungen im poetischen Altersstil Victor Hugos. Neueren (Die) Sprachen. 1931, t. 39, pp. 112-125. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, pp. 206-207. − Morawski (J.). Faire à Dieu barbe de paille. Archivum romanicum. 1939, t. 23, pp. 79-83. − Poggenburg (R. P.). Racine, la loi, et le destin tragique. In : [Mél. Pintard (R.)]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t. 13, no2, pp. 189-190. − Quem. 2es. t. 3 1972. − Spitzer (L.). Dieu et ses noms. Modern Language Quarterly. 1945, t. 6, pp. 243-261; P.M.L.A. 1941, t. 56, pp. 13-32. − Thomas (J.). Croire tenir Dieu par les pieds. Z. rom. Philol. 1958, t. 74, pp. 413-423.

Wiktionnaire

Nom commun - français

dieu \djø\ masculin (pour les êtres de même nature mais considérés comme du sexe féminin, on dit déesse).

  1. (Religion) Être surnaturel objet de déférence d’une religion.
    • Rôde-t-il de par l’univers je ne sais quel dieu de la malédiction et du carnage ayant pouvoir à de certaines heures d’arracher de la vie les fils aînés de la famille humaine taillés pour lui faire obstacle ? — (Joseph Caillaux, Mes Mémoires, I, Ma jeunesse orgueilleuse, 1942)
    • Mais le diable a soufflé là-dessus, de son haleine fiévreuse et empestée, et les pires billevesées ont pris leur vol. L’homme a inventé les dieux et il a créé l’amour avec son cortège de sensibleries ridicules ou criminelles. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 118)
    • Malheur dieu pâle aux yeux d’ivoire
      Tes prêtres fous t’ont-ils paré
      Tes victimes en robe noire
      Ont-elles vainement pleuré
      Malheur dieu qu’il ne faut pas croire.
      — (Guillaume Apollinaire, « La Chanson du mal-aimé » in Alcools, 1913)
    • Vivre comme un dieu exige que l’on cesse de croire aux dieux. Ainsi, la leçon des épicuriens est que la philosophie change les hommes en dieux en leur enseignant qu’il n’y a pas sur cette terre d’autres dieux qu’eux-mêmes dès lors qu’ils auront cessé de croire et vainement d’espérer. — (Robert Redeker, Les épicuriens, professeurs de liberté, dans Marianne du 5 au 11 février 2011, p.72-73)
  2. (Figuré) Celui qui est l’objet d’un grand enthousiasme, d’une vénération profonde, d’une vive reconnaissance, d’un extrême attachement.
    • Goldsmith, l’auteur d’Obermann, Charles Nodier, Maturin, les plus pauvres, les plus souffrants étaient ses dieux; elle devinait leurs douleurs, elle s’initiait à ces dénûments entremêlés de contemplations célestes, elle y versait les trésors de son cœur; […] — (Honoré de Balzac, Modeste Mignon, 1844)
  3. (En particulier) Personne qui démontre un talent exceptionnel dans un domaine particulier.
    • Il est le dieu du jazz.
  4. (Islam) Être ou objet adoré.


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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

DIEU. n. m.
Être suprême, créateur de l'univers. L'idée de Dieu. La croyance en Dieu. Nier qu'il y ait un Dieu. Nier Dieu. Dieu est infini, éternel, immuable, tout-puissant, tout bon, tout miséricordieux. Dieu est la souveraine sagesse. Traité de l'existence de Dieu. Les attributs de Dieu. La toute-puissance, la majesté infinie de Dieu. Le tribunal de Dieu. C'est une grâce de Dieu, une bénédiction de Dieu, un don de Dieu, une protection visible de Dieu. Croire en Dieu. Croire à Dieu. Aimer, adorer, honorer Dieu. Prier Dieu. Invoquer le nom de Dieu. Se recommander à Dieu. Servir Dieu. Obéir à Dieu. Mettre sa confiance, son espérance en Dieu. Dieu puissant, secourez-nous. Pardonnez-moi, grand Dieu. Ô mon Dieu, je vous implore. Élever ses enfants dans la crainte de Dieu. Rendre gloire à Dieu. Revenir à Dieu. Dieu l'a touché. Blasphémer le nom de Dieu. Le bras de Dieu l'a frappé. On reconnaît en cela le doigt de Dieu. JÉSUS-CHRIST est Dieu-Homme, est Homme-Dieu. Le Fils de Dieu. La Vierge est appelée la Mère de Dieu. Par opposition aux divinités du paganisme, on dit Le vrai Dieu. Le Dieu des chrétiens. Le bon Dieu s'emploie souvent, dans la religion catholique, pour Dieu. Prier le bon Dieu. Le bon Dieu vous bénira, vous récompensera. Il a reçu le bon Dieu, Il a communié. Porter le bon Dieu à un malade. Être devant Dieu, Être mort. Paraître devant Dieu, Mourir. Prov., L'homme propose et Dieu dispose. Voyez PROPOSER. Prov., La voix du peuple est la voix de Dieu, Proverbe qui suppose que le sentiment général est fondé sur la vérité. Prov., Ce que femme veut, Dieu le veut. Voyez FEMME. Fig., Cela va comme il plaît à Dieu, se dit d'une Affaire qui n'est pas dirigée. Tout va, dans cette maison, comme il plaît à Dieu. Fig., Ne craindre ni Dieu, ni diable. Voyez CRAINDRE. C'est un homme de Dieu, tout en Dieu, se dit d'un Homme fort pieux, fort dévot. On dit dans le même sens Être abîmé en Dieu. Fig., Cela lui vient de la grâce de Dieu. Voyez GRÂCE. À la grâce de Dieu! Voyez GRÂCE. Par la grâce de Dieu. Voyez GRÂCE. S'il plaît à Dieu. Façon de parler conditionnelle dont on se sert en parlant des Choses qu'on souhaite ou qu'on a intention de faire. Il en réchappera, s'il plaît à Dieu. Je compte arriver demain, s'il plaît à Dieu. Dans une acception à peu près semblable, on dit aussi Avec l'aide de Dieu, et familièrement, Dieu aidant. Dieu le veuille; Plaise à Dieu; Plût à Dieu; Dieu vous entende, Façons de parler qui servent à marquer le désir que l'on a qu'une chose soit. On dit dans un sens contraire Dieu m'en garde. Dieu m'en préserve. À Dieu ne plaise. Dieu vous bénisse, Façon de parler familière qui s'emploie lorsqu'une personne éternue. Dieu vous aide; Dieu vous le rende, Façons de parler qu'on emploie pour souhaiter du bien à quelqu'un ou pour le remercier de celui qu'on en a reçu. À Dieu vat, Locution usitée, en termes de Marine, au moment où le bateau part. Que Dieu vous ait en sa sainte et digne garde! Formule de salutation employée autrefois par les souverains à la fin de leurs lettres. Grâce à Dieu; Dieu merci; Dieu soit loué, en soit loué, Façons de parler qui s'emploient pour exprimer que l'on reconnaît tenir une chose de la bonté de Dieu. Elles servent quelquefois à témoigner le contentement qu'on éprouve de quelque chose. Dieu soit loué! nous voilà délivrés de cet importun. Pour l'amour de Dieu, Dans la seule vue de plaire à Dieu. Faire quelque chose pour l'amour de Dieu. Cette locution signifie, dans le discours familier, D'une façon désintéressée. On lui a donné cela pour l'amour de Dieu. Elle s'emploie aussi lorsqu'on prie instamment quelqu'un en vue d'obtenir quelque chose : ainsi les mendiants demandent qu'on leur fasse l'aumône pour l'amour de Dieu. On dit ironiquement Pour l'amour de Dieu, pour exprimer qu'une chose est faite ou donnée à contre-cœur, ou qu'elle est mal faite. Ce travail a été fait pour l'amour de Dieu, Sans soin, sans bonne volonté. Au nom de Dieu s'emploie lorsqu'on veut prier quelqu'un avec plus d'instance. Devant Dieu; Dieu m'est témoin; Dieu m'en est témoin, Locutions qui marquent affirmation et serment. Dieu sait se dit pour assurer fortement ce qu'on veut dire. Dieu sait si vous serez bien reçu. Dieu sait comme vous vous réjouirez. Il se dit aussi pour affirmer qu'on n'a point fait une chose. Dieu sait si je l'ai fait. Dieu sait si j'en ai eu la pensée. Il se dit encore pour marquer l'incertitude où l'on est de quelque chose. Dieu sait ce qui en arrivera. Ce qui en arrivera, Dieu le sait. Tout cela va Dieu sait comme. Entre Dieu et soi, Secrètement. Dieu! Bon Dieu! Mon Dieu! Grand Dieu! Juste Dieu! Pour Dieu! etc. Exclamations d'étonnement, d'admiration, d'impatience, de douleur, d'inquiétude, de crainte, etc. Dieu, que cela est beau! Dieu, qu'il est laid! Eh! mon Dieu, laissons cela. Bon Dieu, qu'il est lent! Oh Dieu, que je souffre! Mon Dieu, que va-t-il arriver? Mon Dieu, ayez pitié de moi! Dieu, quel malheur! Ah! mon Dieu, qu'avez-vous fait?

DIEU, nom commun, se dit des Divinités du paganisme ancien et des religions autres que la religion chrétienne. Les dieux des Gentils. Les faux dieux. Les dieux de la Fable. Les dieux de l'Olympe. Les douze grands dieux. Jupiter est le maître des dieux, le père des hommes et des dieux. Mars, dieu de la guerre. Les dieux infernaux. Les dieux marins. Les dieux lares. Mettre au rang des dieux. Les dieux fétiches. Les dieux de l'Inde. Le dieu Vichnou. Ils représentent leurs dieux sous des formes bizarres et monstrueuses. Demi-dieu, Être fabuleux qui est censé participer de la nature divine, comme les faunes. Il se dit aussi d'un Homme que l'on croyait né d'un dieu et d'une mortelle, comme Hercule. Fig. et fam., Promettre, jurer ses grands dieux, Promettre, affirmer avec de grands serments. Fig. et fam., Comme un dieu, D'une façon supérieure, presque surhumaine. Il parle comme un dieu. Il est beau comme un dieu.

DIEU se dit figurément de Celui qui est l'objet d'un grand enthousiasme, d'une vénération profonde, d'une vive reconnaissance, d'un extrême attachement. Ils le regardaient comme leur sauveur et leur dieu. Il fut pour moi comme un dieu bienfaisant. Cette mère est idolâtre de son fils, elle en fait son dieu.

Littré (1872-1877)

DIEU (dieu) s. m.
  • 1Nom du principe, unique ou multiple, qui, dans toutes les religions, est placé au-dessus de la nature.
  • 2L'être infini créateur et conservateur du monde dans la religion chrétienne, et aussi dans le mahométisme, dans le judaïsme, et parmi ceux qu'on nomme déistes. En ce sens il est employé sans article. C'est Dieu qui nous fait vivre, C'est Dieu qu'il faut aimer, Malherbe, I, 3. Et Dieu qui tient votre âme et vos jours dans sa main, Corneille, Poly. I, 1. Dieu ne veut point d'un cœur où le monde domine, Corneille, ib. I, 1. Dieu fait part au besoin de sa force infinie, Corneille, ib. II, 6. Dieu tout juste et tout bon, qui lit dans nos pensées, N'impute point de crime aux actions forcées, Corneille, Théodore, III, 1. Ce qui nous vient de Dieu, seul exempt de la mort, Est seul indépendant et du temps et du sort, Rotrou, Bélis. V, 2. L'Écriture qui connaît mieux les choses qui sont de Dieu, Pascal, dans COUSIN. Considérez, messieurs, ces grandes puissances que nous regardons de si bas ; pendant que nous tremblons sous leur main, Dieu les frappe pour nous avertir, Bossuet, Duch. d'Orl. Tout est vain en l'homme si nous regardons ce qu'il donne au monde ; mais au contraire tout est important, si nous considérons ce qu'il doit à Dieu, Bossuet, ib. L'homme que Dieu a fait à son image n'est-il qu'une ombre ? Bossuet, ib. Tantôt presque prise [la reine d'Angleterre], changeant de fortune à chaque quart d'heure, n'ayant pour elle que Dieu et son courage inébranlable, Bossuet, Reine d'Anglet. Dieu a tenu douze ans sans relâche, sans aucune consolation de la part des hommes, notre malheureuse reine (donnons-lui hautement ce titre, dont elle a fait un sujet d'actions de grâces), lui faisant étudier sous sa main ces dures mais solides leçons [les leçons du malheur], Bossuet, ib. La première époque nous présente d'abord un grand spectacle : Dieu qui crée le ciel et la terre par sa parole, et qui fait l'homme à son image, Bossuet, Hist. I, 1. J'aurais une extrême curiosité de voir celui qui serait persuadé que Dieu n'est point ; il me dirait du moins la raison invincible qui a su le convaincre, La Bruyère, XVI. Profanes amateurs de spectacles frivoles, Dont l'oreille s'ennuie au son de mes paroles, Fuyez de mes plaisirs la sainte austérité ; Tout respire ici Dieu, la paix, la vérité, Racine, Esth. Prol. Dieu tient le cœur des rois entre ses mains puissantes, Racine, ib. I, 1. Ce Dieu, maître absolu de la terre et des cieux, N'est pas tel que l'erreur le figure à vos yeux ; l'Éternel est son nom, le monde est son ouvrage ; Il entend les soupirs de l'humble qu'on outrage, Juge tous les mortels avec d'égales lois, Et du haut de son trône interroge les rois, Racine, ib. III, 4. Et comptezvous pour rien Dieu qui combat pour nous ? Racine, Ath. I, 2. Dieu laissa-t-il jamais ses enfants au besoin ? Racine, ib. II, 7. Dieu défend-il tout soin et toute prévoyance ? Ne l'offense-t-on point par trop de confiance ? Racine, ib. III, 6. Un profond philosophe [Malebranche] et qui aurait saisi la vérité s'il n'avait voulu la mêler avec les mensonges des préjugés, a dit que nous voyons tout en Dieu ; mais c'est plutôt Dieu qui voit tout en nous, qui fait tout en nous, puisqu'il est nécessairement le grand, le seul, l'éternel ouvrier de toute la nature, Voltaire, Dial. 25. Quel commerce entre nous et Dieu ! quelle élévation cela ne donnait-il pas à la nature humaine ! qu'il était étonnant d'oser trouver des conformités entre nos jours mortels et l'éternelle existence du maître du monde ! Chateaubriand, Génie, III, 5, 6. Il est bon, il est beau, quoi qu'on en dise, que toutes nos actions soient pleines de Dieu, et que nous soyons sans cesse environnés de Dieu, Chateaubriand, ib. III, 5, 6. âme de l'univers, Dieu, père, créateur, Sous tous ces noms divers je crois en toi, Seigneur ; Et, sans avoir besoin d'entendre ta parole, Je lis au front des cieux mon glorieux symbole, Lamartine, Méd. I, 16. Et moi, pour te louer, Dieu des soleils, qui suis-je ? Lamartine, Harm. I, 2. Tu voyais tour à tour passer sur ces collines L'esprit de la tempête et le souffle de Dieu, Lamartine, Harm. I, 11. Porte ailleurs ton regard sur Dieu seul arrêté ; Rien ici-bas qui n'ait en soi sa vanité ; La gloire fuit à tire-d'aile ; Couronnes, mitres d'or brillent, mais durent peu ; Elles ne valent pas le brin d'herbe que Dieu Fait pour le nid de l'hirondelle, Hugo, F. d'automne, 4.

    Il est devant Dieu, c'est-à-dire il est mort.

    Dieu sur tout, locution dont on se sert pour dire que l'avenir est inconnu et qu'il adviendra selon la volonté de Dieu.

    Entre Dieu et soi, secrètement.

    Par la grâce de Dieu, formule qu'emploient les princes souverains pour indiquer qu'ils tiennent leur pouvoir de Dieu.

    Il ne relève que de Dieu et de son épée, se dit d'un souverain qui n'en reconnaît aucun autre au-dessus de lui, et se disait autrefois particulièrement du roi de France.

    Paix ou trêve de Dieu, paix imposée, durant le moyen âge, par l'autorité religieuse aux seigneurs féodaux à des époques déterminées.

    Adjectivement. L'Homme-Dieu, Jésus-Christ, par allusion au mystère de l'Incarnation.

    Il est aussi adjectif dans cette phrase de Bossuet : Tout était dieu, excepté Dieu lui-même, Hist. II, 3.

  • 3Locutions composées où le nom de Dieu est employé.

    Familièrement. Cela va comme il plaît à Dieu ; cela va Dieu sait comme, se dit d'une affaire dont la conduite est négligée.

    S'il plaît à Dieu, avec l'aide de Dieu, Dieu aidant, se dit pour exprimer le désir, l'espoir qu'on a de réussir.

    Dieu merci, grâce à Dieu, se dit pour exprimer le contentement.

    Ne craindre ni Dieu ni diable, se dit d'un méchant homme ou d'un homme déterminé que rien n'arrête.

    C'est un homme de Dieu, tout de Dieu, tout en Dieu, se dit d'un homme fort pieux, fort dévot.

    Cela lui vient de la grâce de Dieu, lui vient de Dieu grâce, se dit de tout ce qui arrive d'avantageux sans qu'on y ait contribué par ses soins.

    Devant Dieu, Dieu m'est témoin, Dieu m'en est témoin, sur mon Dieu, formules d'affirmation.

    Dieu sait, locution qui exprime la négation ou le doute. Dieu sait si j'en ai la pensée, c'est-à-dire je n'en ai certainement pas la pensée. Dieu sait ce qu'il en arrivera, c'est-à-dire ce qui arrivera est caché dans l'avenir.

    Dieu le sait, locution qui exprime l'affirmation ou qui indique qu'on ignore. Je suis innocent, Dieu le sait. Où serons-nous l'an prochain ? Dieu le sait.

    Plaise à Dieu, plût à Dieu ! locution qui exprime le désir. Plaise à Dieu qu'il en soit ainsi ! Plût à Dieu qu'il vécût encore !

    On dit dans le même sens : Dieu le veuille !

    À Dieu ne plaise ! locution exprimant la crainte. À Dieu ne plaise qu'une vie si précieuse soit tranchée !

    Dieu vous bénisse, Dieu vous assiste, Dieu vous entende, Dieu vous soit en aide ; façons de parler qu'on emploie (ou plutôt qu'on employait, car cette habitude se perd) quand quelqu'un éternue, et aussi pour adoucir le refus qu'on fait à un pauvre de lui donner l'aumône. Ne fût-ce que pour l'heur d'avoir qui vous salue D'un, Dieu vous soit en aide, alors qu'on éternue, Molière, Sgan. I, 2.

    Dieu vous entende signifie aussi : Plaise à Dieu. Votre enfant guérira. - Dieu vous entende !

    Dieu vous gard' ou vous garde, ancienne façon de parler qui s'employait pour saluer quelqu'un en l'abordant. Dieu vous gard', mon frère, Molière, F. sav. II, 2.

    Dieu merci et vous, Dieu merci et à vous, locution dont le peuple se servait autrefois pour exprimer la reconnaissance d'un service.

    Pour l'amour de Dieu, dans la seule vue de plaire à Dieu et, par suite, sans aucun intérêt.

    Pour l'amour de Dieu, signifie aussi je vous prie en grâce.

    Comme pour l'amour de Dieu, ironiquement, exprime qu'une chose a été dite ou faite à contre-cœur. On lui en a donné comme pour l'amour de Dieu.

  • 4Locutions archaïques conservées où Dieu est joint sans préposition au mot qu'il détermine. Le lever-Dieu, le moment de la messe où le prêtre élève l'hostie.

    La fête-Dieu, la fète du Saint-Sacrement.

    Hôtel-Dieu, nom donné à l'hôpital principal de plusieurs villes.

  • 5Il s'emploie explétivement, dans le langage familier, pour ajouter à la force de l'expression. Belles comtés, Beaux marquisats de Dieu qu'il possédait, La Fontaine, Faucon. Diamants, brillants, et belles guinées de Dieu, Hamilton, Gramm. 6.
  • 6Diverses interjections, exclamations, où le nom de Dieu est employé. Dieu ! Mon Dieu ! Grand Dieu ! Juste Dieu ! Bon Dieu ! Pour Dieu ! Bon Dieu ! je tremble, Corneille, Cid, II, 4. … Mon Dieu ! laissons là vos comparaisons fades, Molière, Mis. I, 1. Qui frappe l'air, bon Dieu ! de ces lugubres cris ? Boileau, Sat. VI. Pour Dieu ! laissez pousser l'arbre comme il lui plaît, Diderot, Lettre à Mme Riccoboni. Dans mes calculs, Dieu ! quel déboire, Si de ton héros je parlais ! Béranger, Poëte de cour.

    Jour de Dieu, exclamation de colère, d'indignation. Jour de Dieu ! je l'étranglerais de mes propres mains, s'il fallait qu'elle forlignât de l'honnêteté de sa mère, Molière, G. Dandin, I, 4.

    Ainsi Dieu m'aide ou me soit en aide, vieille formule affirmant avec solennité.

    Dieu me pardonne, exclamation par laquelle on s'excuse de quelque chose qu'on a fait ou qu'on allait faire.

    Dieu me pardonne exprime aussi surprise, indignation. Dieu me pardonne, il m'a pris mon argent !

    Dieu me damne, sorte de jurement. Je confonds, Dieu me damne, et la mère et la fille, Hauteroche, Bourgeois de qualité. vec un article ou autre déterminatif, Dieu considéré à un point de vue particulier. Le Dieu des juifs. Le Dieu des chrétiens. Le dieu de Polyeucte et celui de Néarque…, Corneille, Poly. III, 2. Quel dieu ? - Tout beau, Pauline, il entend vos paroles, Corneille, ib. IV, 3. Les bontés de mon Dieu sont bien plus à chérir, Corneille, ib. IV, 3. … C'est en vain qu'on se met en défense ; Ce Dieu touche les cœurs lorsque moins on y pense, Corneille, ib. IV, 3. Les chrétiens n'ont qu'un Dieu, maître absolu de tout, Corneille, ib. IV, 6. Et ne dédaigne pas de m'instruire en ta foi, Ou toimême à ton Dieu tu répondras de moi, Corneille, ib. V, 2. Je n'adore qu'un Dieu maître de l'univers, Corneille, ib. V, 3. Et, fabuleux chrétiens, n'allons point dans nos songes, D'un Dieu de vérité faire un Dieu de mensonges, Boileau, Art p. III. Quatre cent vingt-six ans après le déluge, comme les peuples marchaient chacun en sa voie et oubliaient celui qui les avait faits, ce grand Dieu, pour empêcher le progrès d'un si grand mal, au milieu de la corruption commença à se séparer un peuple élu, Bossuet, Hist. I, 3. Je suis le Dieu de votre père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob, Sacy, Bible, Exode, III, 6. Oui, c'est un Dieu caché que le Dieu qu'il faut croire ; Mais tout caché qu'il est, pour révéler sa gloire, Quels témoins éclatants devant lui rassemblés ! Répondez, cieux et mers ! Et vous, terre, parlez, Racine L. Religion, I. Du Dieu que nous servons le tombeau profané, Voltaire, Zaïre, II, 1. Au delà de leur cours [des astres] et loin dans cet espace Où la matière nage et que Dieu seul embrasse, Sont des soleils sans nombre et des mondes sans fin ; Dans cet abîme immense il leur ouvre un chemin ; Au delà de ces cieux le Dieu des cieux réside, Voltaire, Henr. VII. Le Dieu que nous servons est un Dieu de bonté, Chénier M. J. Charles IX, II, 2. Ce Dieu quittant le monde y laissa l'espérance ; Lui-même a tant souffert ! il plaindra ma souffrance, Delavigne, Paria, V, 1. Que ma raison se taise et que mon cœur adore ! La croix à mes regards révèle un nouveau jour ; Aux pieds d'un Dieu mourant puis-je douter encore ? Non ; l'amour m'explique l'amour, Lamartine, Méd. I, 26. Soleil, premier amour de toute créature, Vastes cieux, qui cachez le Dieu qui vous a faits, Lamartine, ib. I, 28. Quel fruit porte en son sein le siècle qui va naître ? Que m'apporte, ô mon Dieu, dans ses douteuses mains Ce temps qui fait l'espoir ou l'effroi des humains ? Lamartine, Harm. I, 4. Ou si d'un Dieu qui dort l'aveugle indifférence Laisse au gré du destin trébucher sa balance, Et livre, en détournant ses yeux indifférents, La nature au hasard et la terre aux tyrans, Lamartine, Méd. I, 20. Donnez, pour être aimés du Dieu qui se fit homme, Pour que le méchant même en s'inclinant vous nomme, Pour que votre foyer soit calme et fraternel, Hugo, F. d'automne, 32.

  • 7Le Dieu vivant, Dieu, l'Éternel. Le Dieu vivant m'est témoin que son ange m'a gardé, Sacy, Bible, Judith, XIII, 20. Ainsi du Dieu vivant la colère étincelle, Racine, Esth. II, 7.

    Le Dieu fort, le Dieu jaloux, le Dieu des armées, noms que Dieu a dans l'Écriture sainte et que les orateurs chrétiens lui donnent souvent en chaire.

    Dans un emploi analogue. Ô serments, ô Palmire ! ô vous dieu des vengeances ! Voltaire, Fanat. III, 8.

  • 8Le bon Dieu, Dieu. Un enfant répète après sa mère une prière au bon Dieu, Chateaubriand, Génie, I, VI, 4.

    Par extension, l'hostie consacrée et particulièrement le viatique. Porter, recevoir le bon Dieu.

    Un homme du bon Dieu, un homme simple, doux, crédule. Un vrai Parisien de Paris, un archiparisien du bon Dieu, Rousseau, Conf. IV.

  • 9Dieu, être surhumain du polythéisme qui présidait au gouvernement d'une classe de phénomènes, d'un astre, d'un domaine de la nature. Les dieux des gentils. Les douze grands dieux, Jupiter, Mars, Neptune, Pluton, Vulcain, Apollon, Junon, Vesta, Minerve, Cérès, Diane et Vénus. Mercure était le dieu du commerce. Un dieu Gaulois. Rome ouvrit son Panthéon aux dieux des nations qu'elle avait soumises. Les dieux du premier, du second ordre. Trop favorables dieux, vous m'avez écoutée, Quels foudres lancez-vous quand vous vous irritez ? Corneille, Hor. III, 1. Pensez-vous que les dieux vengeurs des innocents D'une main parricide acceptent de l'encens ? Corneille, Hor. V, 2. Nos aïeux à leur gré faisaient un dieu d'un homme, Corneille, Poly. IV, 6. Des crimes les plus noirs vous souillez tous vos dieux, Corneille, ib. V, 3. J'approuve cependant que chacun ait ses dieux, Qu'il les serve à sa mode et sans peur de la peine, Corneille, ib. V, 6. Les dieux à qui les sert font espérer des grâces, Corneille, Tite et Bérén. IV, 3. Et je l'aurai promis à la face des dieux, Corneille, Agésil. I, 2. Les dieux, premiers auteurs des fortunes des hommes, Rotrou, St Gen. V, 5. Les hommes portèrent la peine de s'être soumis à leurs sens ; les sens décidèrent de tout et firent, malgré la raison, tous les dieux qu'on adora sur la terre, Bossuet, Hist. II, 1. Tous les dieux des peuples sont des idoles ; mais c'est le Seigneur qui a fait les cieux, Sacy, Bible, Paralip. I, 16. Voilà de ces grands dieux la suprême justice, Racine, Théb. III, 2. Je conçois qu'on reçut d'abord les oracles avec avidité et avec joie, parce que rien n'était plus commode que d'avoir des dieux toujours prêts à répondre sur tout ce qui causait de l'inquiétude ou de la curiosité, Fontenelle, Oracles, II, 7. La parole des dieux n'est point vaine et trompeuse, Leurs desseins sont couverts d'une nuit ténébreuse, Voltaire, Oreste, I, 2. S'il est des dieux cruels, il est des dieux propices, Voltaire, Guèbr. IV, 6. Je ne vous demande pas si une planète est dieu, si le bélier d'Ammon est dieu, si le bœuf Apis est dieu, et si Cambyse a mangé un dieu en le faisant mettre à la broche, Voltaire, Dial. 29. Des dieux que nous servons connais la différence, Voltaire, Alz. V, 7.

    Les dieux de la fable, les dieux du polythéisme, considérés comme appartenant non plus à une religion, mais à la mythologie.

    En dieu, comme un dieu, comme un être divin, supérieur. Agir, parler, punir ou pardonner en dieu, Voltaire, Fanat. I, 4.

    Familièrement. Comme un dieu, très bien, parfaitement. Il parle comme un dieu.

    Dieux ! Justes dieux ! Grands dieux ! Bons dieux ! loc. interj. dont on se sert pour exprimer des sentiments très divers. Quelles grâces, bons dieux, ne lui dois-je point rendre ! Corneille, Théodore, IV, 2.

    Jurer ses grands dieux, affirmer avec de grandes protestations. La femme, neuve sur ce cas Ainsi que sur mainte autre affaire, Crut la chose et promit ses grands dieux de se taire, La Fontaine, Fabl. VIII, 6. Magdeleine… jurait ses grands dieux De…, La Fontaine, Jum. Elle jura ses grands dieux qu'elle ne l'écouterait de sa vie, Hamilton, Gramm. 10. Elle jure ses grands dieux qu'elle se porte bien, Sévigné, 243.

  • 10Demi-dieu, être surhumain d'un ordre inférieur dans le polythéisme, ou homme né d'un dieu et d'une mortelle, comme Hercule.

    Par extension, héros, homme supérieur à l'humanité. C'est par elle [la justice] qu'un roi se fait un demi-dieu, Corneille, Hor. V, 2. De ces fameux proscrits, ces demi-dieux mortels, Corneille, Cinna, I, 3. Un homme issu d'un sang fécond en demi-dieux, Boileau, Sat. V. J'ai vu ce demi-dieu [Alexandre] devenu le plus cruel des barbares, après avoir été le plus humain des Grecs, Voltaire, Dial. XXIX, 1. [Essex, d'Aumale] Tels qu'aux remparts de Troie on peint les demi-dieux, Voltaire, Henr. VI.

  • 11 Par extension, les dieux de la terre, les rois, les puissants du jour. Ce qui flatte les ambitieux, c'est une image de la toute-puissance qui semble en faire des dieux sur la terre, Bossuet, Politique, X, 2, 5.
  • 12Personnage qui excite l'enthousiasme, la vénération, l'amour. Ils le regardaient comme leur sauveur et leur dieu. Pour eux c'était un dieu.

    Vous êtes un dieu, se dit à quelqu'un dans l'ivresse de l'admiration et de la reconnaissance. Il est le dieu du peuple et celui des soldats, Corneille, Nicom. II, 3. Antoine est-il pour eux un dieu plus favorable ? Voltaire, Triumv. IV, 4.

    Celui qui a une grande supériorité, qui domine. Le dieu de la poésie. Vestris fut surnommé le dieu de la danse.

  • 13 Fig. L'objet d'un culte. L'argent est le dieu du jour. Délaissés des faux dieux en qui vous aviez mis votre espérance, Massillon, Car. Rech.

    Faire son dieu, se faire un dieu de quelqu'un ou de quelque chose, avoir pour quelqu'un, pour quelque chose un attachement excessif. Il n'aime que les richesses ; il en fait son dieu. Elle se fait un dieu de ce prince charmant, Et vous doutez encor qu'elle en fasse un amant ? Racine, Alexand. I, 1. Faire son dieu de soi-même, Massillon, Car. Immut. Cette engeance, qui ne connaît, comme vous le dites si bien, que deux dieux, l'intérêt et l'orgueil, D'Alembert, Lettre au roi de Prusse, 10 juillet 1775.

PROVERBES

Ce que femme veut, Dieu le veut, c'est-à-dire les femmes viennent ordinairement à bout de ce qu'elles veulent.

La voix du peuple est la voix de Dieu, d'ordinaire le sentiment général est fondé sur la vérité. Le récit précédent suffit Pour montrer que le peuple est juge récusable ; En quel sens est donc véritable Ce que j'ai lu dans certain lieu, Que sa voix est la voix de Dieu ? La Fontaine, Fabl. VIII, 26.

Qui donne aux pauvres prête à Dieu, c'est-à-dire que Dieu récompense ceux qui font l'aumône.

L'homme propose et Dieu dispose, c'est-à-dire l'issue de ce que l'homme projette est dans les mains de Dieu.

Chacun pour soi, Dieu pour tous, se dit pour exprimer que chacun défend ses intérêts, sous la protection de Dieu, qui veille sur tous les hommes.

REMARQUE

1. Quand Dieu signifie le créateur incréé du monde, il prend un grand D ; dans les autres cas, il prend un petit d.

2. Hôtel-Dieu, lever-Dieu, fête-Dieu sont non pas des ellipses de la préposition de, mais un archaïsme. L'ancien français, ayant conservé du latin deux cas seulement, le sujet et le régime, marquait la possession en mettant le complément au cas régime.

3. Dans Dieu vous gard', gard' ne devrait pas avoir d'apostrophe, n'étant pas pour garde. Dans l'ancien français le présent du subjonctif se distinguait du présent de l'indicatif en supprimant l'e muet.

HISTORIQUE

IXe s. Pro Deo amur, Serment. In quant Deus savir et podir me dunat [me donne de savoir et pouvoir], ib.

Xe s. Voldrent la veintre li Deo inimi [les ennemis de Dieu voulurent la vaincre], Eulalie.

XIe s. Li reis Marsile la tient [l'Espagne] ki Deu nen aime, Ch. de Rol. 1. Dient Franceis : Deus ! que pourrat-ce estre ? ib. XX. Cil premier cop est nostre, Deu merci, ib. XCIII. Por Deu, [je] vous prie que ne seiez fuiant, ib. CXIV.

XIIe s. La loi Deo [de Dieu], Roncisv. p. 1. Beau sires niés [neveu], entendez moi pour Dé, ib. p. 35. Qui par nos dex [dieux] veut avoir sauvison, ib. p. 128. Mi dame deu [mes seigneurs dieux], je vous ai mout servi, ib. p. 141. Mais se Dieu plaist, ce ne m'aviendra mie, Couci, II. Jà puis Dex ne me doint Joie en ma vie, ib. II. Diex ! car [je] la peüsse tenir Un seul jour à ma volenté ! ib. III. Douce dame, car m'otroiez pour Dé Un douz regard de vous…, ib. XI. L'apostole [il] salue de Deu et de son nom [en son nom], Sax. XI. Au jour du jugement quant Dex tiendra ses plais, ib. X. E que vous eüssiez merci e pieté De mei qui sui mendis en estrange regné ; Mais Deu merci jo ai à mun vivre à plenté, Th. le mart. 77. Mes fiz [mon fils] estes en Deu : si vus dei chastier, ib. 78.

XIIIe s. Car il ne plut à Dieu qui tout a à garder, Berte III. Berte s'est esveillie, si se commande à Dé, ib. X. Une marastre [j'] avoie, le cors Dieu la gravent, ib. XLVII. Cele dame morut, l'ame en puist Diex garder, ib. III. Au departir lor fis la loupe ; Or m'en repent, Diex moie coupe, Ren. 10818. Renart, dist Grinberz, par ma foi, Ce est le miaudre que g'i voi, Et faites si, ne deloiez, Et je m'en vois, à [avec] Dieu soiez, ib. 19206. Trestuit se claiment de Renart, Et font une noise si grant Que en n'oïst pas Dieu tonant, ib. 11898. Dieu merci, teles malveses coustumes ne cueurent pas, Beaumanoir, XXXVIII, 15. Se Dius m'ahit [m'aide], et li saint, et toutes les saintes…, Beaumanoir, LXIV, 10. Dix commanda que on amast son proisme [prochain] comme soi meisme, Beaumanoir, XXXVIII, 12. Ce nous sanle [semble] grans porfis, se noz, par nostre travail, à l'ayde de Diu, lors poons parfere cest livre, Beaumanoir, ib. Se Diex morut en la croiz, ainsi fist-il [S. Louis], Joinville, 192. Dex hait moult poure orgueilleux, jeune paresseux, et vieil luxurieux, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 18.

XIVe s. Quant le dieu de fortune ou destinée donne du bien assez, quel mestier est il de amis ? nul, Oresme, Eth. 282. Et se il est nul autre don fait des diex as hommes, il est raisonnable que felicité soit don de dieu, Oresme, ib. 20. Quand il y a trop grant distance, si come d'un qui soit fait dieu à l'autre qui est encor home, adonques n'y est pas amisté, Oresme, ib. 242.

XVe s. [La roine d'Angleterre passa la mer pour voir son mari] Et eut si bon vent, Dieu mercy, qu'elle fut tantost outre, Froissart, I, I, 308. Connestable, dit le roi, Dieu vous en oye ! Froissart, II, II, 196. En nom Dieu, dit messire Robert, le royaume vous loué-je bien vuider, et traire devers l'empire, Froissart, I, I, 12. En nom de Dieu, seigneurs, ce respondirent les fuyans…, Froissart, I, I, 133. [Le capitaine voulait qu'on abandonnât les fauxbourgs, les bourgeois dirent :] qu'ils se trairoient sur les champs et attendroient là la puissance du roi d'Angleterre… quand le connestable ouït leur bonne volonté, si respondit : ce soit au nom Dieu, et vous ne combattrez point sans moi et sans mes gens, Froissart, I, I, 271. La fin de ceulx qui assavourent les choses terriennes est la mort, les quels aussi font de leur ventre leur dieu, Jeh. de Saintré, ch. 5. Ma fille [Jeanne d'Arc], estes-vous venue pour lever le siege d'Orleans ? à quoy elle respondit : en nom Dé, dist elle, Chron. du siege d'Orléans, 1429, Bibl. des Chartes, 3e série, t. III, p. 504.

XVIe s. Dieu a cent mille aïes [aides], Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 15. Dieu sçait qui est bon pelerin, Leroux de Lincy, ib. p. 17. Il est riche que Dieu aime, il est poure que Dieu hait, H. Estienne, Precellence, p. 168. Contre Dieu nul ne peut, H. Estienne, ib. En peu d'heures Dieu labeure, H. Estienne, ib. L'homme propose et Dieu dispose, H. Estienne, ib. Dieu paie tout, H. Estienne, ib. Qui du sien donne, Dieu lui redonne, H. Estienne, ib. Il ne perd rien qui ne perd Dieu, H. Estienne, ib. Qui en son vivant met Dieu en oubli, à la mort ne luy souvient de luy, H. Estienne, ib. Qui s'abbaisse, Dieu l'essauce [exhausse], H. Estienne, ib. Dieu donne le fil à toile ourdie, Leroux de Lincy, Prov. t. I, p. 15. Dieu est au prendre et le diable au rendre, Leroux de Lincy, ib. Dieu me garde de quatre maisons, De la taverne, du lombard [lieu de prêt], De l'hospital et de la prison, Leroux de Lincy, ib. Dieu donne le froid selon la robbe, Leroux de Lincy, ib. p. 16. À qui Dieu veut ayder, sa femme meurt, Leroux de Lincy, ib. p. 18. De Dieu vient le bien, et des aveilles le miel, Leroux de Lincy, ib. 19. Dict sans faict à Dieu deplaict ; Dict faisant à Dieu plaisant, Leroux de Lincy, ib. Faites loyaulté, et Dieu vous la fera, Leroux de Lincy, ib. Il ne croit en Dieu que sur bons gages [il est quelque peu athée], Leroux de Lincy, ib. p. 21. Salus nous doint Dieu et florins, Que prou trouverons de cousins, Leroux de Lincy, ib. p. 22.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DIEU.

Ajoutez : Faire Dieu, dans le langage des adversaires du catholicisme, changer l'hostie au corps et au sang de Jésus-Christ.

15° Arbre de Dieu, le ficus religiosa, Baillon, Dict. de bot. p. 247.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

DIEU, s. m. (Métaph. & Théol.) Tertullien rapporte que Thalès étant à la cour de Crésus, ce prince lui demanda une explication claire & nette de la Divinité. Après plusieurs réponses vagues, le philosophe convint qu’il n’avoit rien à dire de satisfaisant. Cicéron avoit remarqué quelque chose de semblable du poëte Simonide : Hieron lui demanda ce que c’est que Dieu, & il promit de répondre en peu de jours. Ce délai passé, il en demanda un autre, & puis un autre encore : à la fin, le roi le pressant vivement, il dit pour toute réponse : Plus j’examine cette matiere, & plus je la trouve au-dessus de mon intelligence. On peut conclure de l’embarras de ces deux philosophes, qu’il n’y a guere de sujet qui mérite plus de circonspection dans nos jugemens, que ce qui regarde la Divinité : elle est inaccessible à nos regards ; on ne peut la dévoiler, quelque soin qu’on prenne. « En effet, comme dit S. Augustin, Dieu est un être dont on parle sans en pouvoir rien dire, & qui est supérieur à toutes les définitions ». Les PP. de l’Eglise, sur-tout ceux qui ont vécu dans les quatre premiers siecles, ont tenu le même langage. Mais quelqu’incompréhensible que soit Dieu, on ne doit pas cependant en inférer qu’il le soit en tout : s’il en étoit ainsi, nous n’aurions de lui nulle idée, & nous n’en aurions rien à dire. Mais nous pouvons & nous devons affirmer de Dieu, qu’il existe, qu’il a de l’intelligence, de la sagesse, de la puissance, de la force, puisqu’il a donné ces prérogatives à ses ouvrages ; mais qu’il a ces qualités dans un degré qui passe ce que nous en pouvons concevoir, les ayant 1°. par sa nature & par la nécessité de son être, non par communication & par emprunt ; 2°. les ayant toutes ensemble & réunies dans un seul être très-simple & indivisible, & non par parties & dispersées, telles qu’elles sont dans les créatures ; 3°. les ayant enfin comme dans leur source, au lieu que nous ne les avons que comme des émanations de l’Etre infini, éternel, ineffable.

Il n’y a rien de plus facile que de connoître qu’il y a un Dieu ; que ce Dieu a éternellement existé ; qu’il est impossible qu’il n’ait pas éminemment l’intelligence, & toutes les bonnes qualités qui se trouvent dans les créatures. L’homme le plus grossier & le plus stupide, pour peu qu’il déploye ses idées & qu’il exerce son esprit, reconnoîtra aisément cette vérité. Tout lui parle hautement en faveur de la Divinité. Il la trouve en lui & hors de lui : en lui, 1°. parce qu’il sent bien qu’il n’est pas l’auteur de lui-même, & que pour comprendre comment il existe, il faut de nécessité recourir à une main souveraine qui l’ait tiré du néant ; 2°. au-dehors de lui dans l’univers, qui ressemble à un champ de tableau où l’ouvrier parfait s’est peint lui-même dans son œuvre, autant qu’elle pouvoit en être l’image ; il ne sauroit ouvrir les yeux qu’il ne découvre par-tout autour de lui les traces d’une intelligence puissante & sans bornes.

L’éternel est son nom, le monde est son ouvrage.

Racine.

Voyez Démonstration, Création, &c.

C’est donc en vain que M. Bayle s’efforce de prouver que le peuple n’est pas juge dans la question de l’existence de Dieu.

En effet, comment le prouve-t-il ? C’est en disant que la nature de Dieu est un sujet que les plus grands philosophes ont trouvé obscur, & sur lequel ils ont été partagés. Cela lui donne occasion de s’ouvrir un vaste champ de réflexions aux dépens des anciens philosophes, dont il tourne en ridicule les sentimens. Après avoir fait toutes ces incursions, il revient à demander s’il est bien facile à l’homme de connoître clairement ce qui convient ou ce qui ne convient pas à une nature infinie ; agit-elle nécessairement ou avec une souveraine liberté d’indifférence ? connoît-elle ? aime-t-elle ? hait-elle par un acte pur, simple, le présent, le passé & l’avenir, le bien & le mal, un même homme successivement juste & pécheur ? est-elle infiniment bonne ? elle le doit être ; mais d’où vient donc le mal ? est-elle immuable, ou change-t-elle ses résolutions fléchie par nos prieres ? est-elle étendue, ou un point indivisible ? si elle n’est point étendue, d’où vient donc l’étendue ? si elle l’est, comment est-elle donc immense ? Voyez l’article. Simonide, dans le dictionnaire dont il s’agit.

Parmi les Chrétiens même, ajoûte-t-il, combien se forment des notions basses & grossieres de la Divinité ? Le sujet en question n’est donc pas si aisé, qu’il ne faille qu’ouvrir les yeux pour le connoître. De très-grands philosophes ont contemplé toute leur vie le ciel & les astres, sans cesser de croire que le Dieu qu’ils reconnoissoient n’avoit point créé le monde, & ne le gouvernoit point.

Il est aisé de voir que tout cela ne prouve rien. Il y a une grande différence entre connoître qu’il y a un Dieu, & entre connoître sa nature. J’avoue que cette derniere connoissance est inaccessible à nos foibles lumieres ; mais je ne vois pas qu’on puisse toucher à l’autre. Il est vrai que l’éternité d’un premier être, qui est l’infinité par rapport à la durée, ne se peut comprendre dans tout ce qu’elle est ; mais tous peuvent & doivent comprendre qu’il a existé quelqu’être dans l’éternité ; autrement un être auroit commencé sans avoir de principe d’existence, ni dans lui ni hors de lui, & ce seroit un premier effet sans cause. C’est donc la nature de l’homme d’être forcé par sa raison d’admettre l’existence de quelque chose qu’il ne comprend pas : il comprend bien la nécessité de cette existence éternelle ; mais il ne comprend pas la nature de cet être existant nécessairement, ni la nature de son éternité ; il comprend qu’elle est, & non pas quelle elle est.

Je dis donc & je soûtiens que l’existence de Dieu est une vérité que la nature a mise dans l’esprit de tous les hommes, qui ne se sont point étudiés à en démentir les sentimens. On peut bien dire ici que la voix du peuple est la voix de Dieu.

M. Bayle a attaqué de toutes ses forces ce consentement unanime des nations, & a voulu prouver qu’il n’étoit point une preuve démonstrative de l’existence de Dieu. Il réduit la question à ces trois principes : le premier, qu’il y a dans l’ame de tous les hommes une idée de la divinité : le second, que c’est une idée préconnue, anticipée, & communiquée par la nature, & non pas par l’éducation : le troisieme, que le consentement de toutes les nations est un caractere infaillible de la vérité. De ces trois principes il n’y a que le dernier qui se rapporte aux questions de droit ; les deux autres sont une matiere de fait : car puisque l’on prouve le second par le premier, il est visible que pour être sûr que l’idée de l’Être divin est innée, & ne vient pas de l’éducation, mais de la nature, il faut chercher dans l’histoire si tous les hommes sont imbus de l’opinion qu’il y a un Dieu. Or ce sont ces trois principes que M. Bayle combat vivement dans ses pensées diverses sur la comete. Voici un précis de ses raisonnemens.

1°. Le consentement de tous les peuples à reconnoître un Dieu, est un fait qu’il est impossible d’éclaircir. Montrez-moi une mappemonde ; voyez-y combien il reste encore de pays à découvrir, & combien sont vastes les terres australes qui ne sont marquées que comme inconnues. Pendant que j’ignorerai ce que l’on pense en ces lieux-là, je ne pourrai point être sûr que tous les peuples de la terre ayent donné le consentement dont vous parlez. Si je vous accorde par grace qu’il doit vous suffire de savoir l’opinion des peuples du monde connu, vous serez encore hors d’état de me donner une entiere certitude : car que me répondrez-vous, si je vous objecte les peuples athées dont Strabon parle, & ceux que les voyageurs modernes ont découverts en Afrique & en Amérique ?

Voici un nouveau champ de recherches très-pénibles & inépuisables. Il resteroit encore à examiner si quelqu’un a nié cette existence. Il se faudroit informer du nombre de ces athées ; si c’étoient des gens d’esprit, & qui se piquassent de méditation. On sait que la Grece fertile en esprits forts, & comme dit un de nos plus beaux esprits, berceau des arts & des erreurs, a produit des athées, qu’elle en a même puni quelques-uns ; ce qui a fait dire que bien d’autres eussent déclaré leur irréligion, s’ils eussent pû s’assûrer de l’impunité.

2°. Il est extrèmement difficile, pour ne pas dire impossible, de discerner ce qui vient de la nature d’avec ce qui vient de l’éducation. Voudriez-vous bien répondre, après y avoir bien pensé, qu’on découvriroit des vestiges de religion dans des enfans à qui l’on n’auroit jamais dit qu’il y a un Dieu ? C’est ordinairement par-là qu’on commence à les instruire, dès qu’ils sont capables de former quelques sons & de bégayer. Cette coûtume est très-loüable ; mais elle empêche qu’on ne vérifie si d’eux-mêmes, & par les seules impressions de la nature, ils se porteroient à reconnoître un Dieu.

3°. Le consentement des nations n’est point une marque caractéristique de la vérité : 1°. parce qu’il n’est point sûr que les impressions de la nature portent ce caractere de la vérité ; 2°. parce que le polythéisme se trouveroit par-là autorisé. Rien ne nous dispense donc d’examiner si ce à quoi la nature de tous les hommes donne son consentement, est nécessairement vrai.

En effet si le consentement des nations étoit de quelque force, il prouveroit plus pour l’existence de plusieurs fausses divinités, que pour celle du vrai Dieu. Il est clair que les Payens considéroient la nature divine comme une espece qui a sous soi un grand nombre d’individus, dont les uns étoient mâles & les autres femelles, & que les peuples étoient imbus de cette opinion ridicule. S’il falloit donc reconnoître le consentement général des nations pour une preuve de vérité, il faudroit rejetter l’unité de Dieu, & embrasser le polythéisme.

Pour répondre à la premiere objection de M. Bayle (voyez l’article Athéisme), on y prouve qu’il n’y a jamais eu de nations athées. Les hommes, dès qu’ils sont hommes, c’est-à-dire capables de société & de raisonnement, reconnoissent un Dieu. Quand même j’accorderois ce que je ne crois pas vrai, que l’athéisme se seroit glissé parmi quelques peuples barbares & féroces, cela ne tireroit point à conséquence ; leur athéisme auroit été tout au plus négatif ; ils n’auroient ignoré Dieu, que parce qu’ils n’auroient pas exercé leur raison. Il faut donc les mettre au rang des enfans qui vivent sans réflexion, & qui ne paroissent capables que des actions animales ; & comme l’on ne doit point conclure qu’il n’est pas naturel à l’homme de se garantir des injures de l’air, parce qu’il y a des sauvages qui ne s’en mettent point en peine, on ne doit pas insérer aussi que parce qu’il y a des gens stupides & abrutis, qui ne tirent aucune conséquence de ce qu’ils voyent, il n’est pas naturel à l’homme de connoître la sagesse d’un Dieu qui agit dans l’univers.

On peut renverser avec une égale facilité la seconde objection de M. Bayle. Il n’est pas si mal-aisé qu’il le suppose, de discerner si l’idée que nous avons de Dieu vient seulement de l’éducation & non pas de la nature. Voici les marques à quoi l’on peut le reconnoître. Les principes de l’éducation varient sans cesse ; la succession des tems, la révolution des affaires, les divers intérêts des peuples, le mêlange des nations, les différentes inclinations des hommes, changent l’éducation, donnent cours à d’autres maximes, & établissent d’autres regles d’honneur & de bienséance. Mais la nature est semblable dans tous les hommes qui sont & qui ont été : ils sentent le plaisir, ils desirent l’estime, ils s’aiment eux-mêmes aujourd’hui comme autrefois. Si donc nous trouvons que ce sentiment qu’il y a un Dieu s’est conservé parmi tous les changemens de la société, qu’en pouvons-nous conclure, sinon que ce sentiment ne vient pas de la simple éducation, mais qu’il est fondé sur quelque liaison naturelle qui est entre cette premiere vérité & notre entendement ? Donc ce principe qu’il y a un Dieu est une impression de la nature.

D’où je conclus que ce n’est point l’ouvrage de la politique, toûjours changeante & mobile au gré des différentes passions des hommes. Il n’est point vrai, quoi qu’en dise M. Bayle, que le magistrat législateur soit le premier instituteur de la religion. Pour s’en convaincre il ne faut que jetter les yeux sur l’antiquité greque & romaine, & même barbare ; on y verra que jamais aucun législateur n’a entrepris de policer une nation, quelque barbare ou féroce qu’elle fût, qu’il n’y ait trouvé une religion : au contraire l’on voit que tous les législateurs, depuis celui des Thraces jusqu’à ceux des Amériquains, s’adresseront aux hordes sauvages qui composoient ces nations, comme leur parlant de la part des dieux qu’elles adoroient.

Nous voici enfin à la troisieme objection, qui paroît à M. Bayle la plus forte & la plus solide des trois. La premiere raison qu’il apporte pour ôter au consentement général des nations tout son poids en fait de preuve, est des plus subtiles. Son argument se réduit à cet enthymème. Le fond de notre ame est gâté & corrompu : donc un sentiment que nous inspire la nature, doit pour le moins nous paroître suspect. Je n’aurois jamais crû que nous dûssions nous prémunir contre l’illusion, quand il est question de croire qu’il y a un Dieu. Distinguons en nous deux sentimens, dont l’un nous trompe toûjours, & l’autre ne nous trompe jamais. L’un est le sentiment de l’homme qui pense & qui suit la raison, & l’autre est le sentiment de l’homme de cupidité & de passions : celui-ci trompe la raison, parce qu’il précede toutes les réflexions de l’esprit ; mais l’autre ne la trompe jamais, puisque c’est des plus pures lumieres de la raison qu’il tire sa naissance. Cela posé, venons à l’argument du polythéisme qui auroit été autorisé si le consentement des nations étoit toûjours marqué au sceau de la vérité. Je n’en éluderai point la force en disant que le polythéisme n’a jamais été universel, que le peuple juif n’en a point été infecté, que tous les Philosophes étoient persuadés de l’existence d’un seul Dieu, aussi-bien que ceux qui étoient initiés aux grands mysteres. J’accorde à M. Bayle que le polythéisme a dominé tous les esprits, à quelques philosophes près ; mais je soûtiens que le sentiment que nous avons de l’existence de Dieu, n’est point une erreur universelle, & voici sur quoi je me fonde. Il y a deux sortes de causes dans nos erreurs ; les unes extérieures, & les autres intérieures. Je mets au premier rang l’exemple, l’éducation, les mauvais raisonnemens, & les sophismes du discours. Les causes intérieures de nos erreurs & de nos préjugés se réduisent à trois, qui sont les sens, l’imagination, & les passions du cœur. Si nous examinons les causes extérieures de nos erreurs, nous trouverons qu’elles dépendent des circonstances, des tems, des lieux, & qu’ainsi elles varient perpétuellement. Qu’on considere toutes les erreurs qui regnent, & toutes celles qui ont regné parmi les peuples, l’on trouvera que l’exemple, l’éducation, les sophismes du discours, ou les fausses couleurs de l’éloquence, ont produit des erreurs particulieres, mais non pas des erreurs générales. On peut tromper quelques hommes, ou les tromper tous dans certains lieux & en certains tems, mais non pas tous les hommes dans tous les lieux & dans tous les siecles : or puisque l’existence de Dieu a rempli tous les tems & tous les lieux, elle n’a point sa source dans les causes extérieures de nos erreurs. Pour les causes intérieures de nos erreurs, comme elles se trouvent dans tous les hommes du monde, & que chacun a des sens, une imagination & un cœur qui sont capables de le tromper, quoique cela n’arrive que par accident, & par le mauvais usage que nous en faisons, elles peuvent faire naître des erreurs constantes & universelles.

Ces observations conduisent au dénouement de la difficulté qu’on tire du polythéisme. On conçoit aisément que le polythéisme a pû devenir une erreur universelle, & que par conséquent ce consentement unanime des nations ne prouve rien par rapport à lui ; il n’en faut chercher la source que dans les trois causes intérieures de nos erreurs. Pour contenter les sens, les hommes se firent des dieux visibles & revêtus d’une forme humaine. Il falloit bien que ces êtres-là fussent faits comme des hommes : quelle autre figure eussent-ils pû avoir ? Du moment qu’ils sont de figure humaine, l’imagination leur attribue naturellement tout ce qui est humain : les voilà hommes en toutes manieres, à cela près qu’ils sont toûjours un peu plus puissans que des hommes. Lisez l’origine des fables de M. de Fontenelle, vous y verrez comment l’imagination, de concert avec les passions, a enfanté les dieux & les déesses, & les a souillés de toutes sortes de crimes.

L’existence de Dieu étant une de ces premieres vérités qui s’emparent avec force de tout esprit qui pense & qui réfléchit, il semble que les gros volumes qu’on fait pour la prouver, sont inutiles, & en quelque sorte injurieux aux hommes ; du moins cela devroit être ainsi. Mais enfin, puisque l’impiété produit tous les jours des ouvrages pour détruire cette vérité, ou du moins pour y répandre des nuages, ceux qui sont bien intentionnés pour la religion, doivent employer toute la sagacité de leur esprit pour la soûtenir contre toutes les attaques de l’irreligion.

Pour contenter tous les goûts, je joindrai ici des preuves métaphysiques, historiques & physiques de l’existence de Dieu. M. Clarke, par les mains de qui les matieres les plus obscures, les plus abstruses, ne peuvent passer sans acquérir de l’évidence & de l’ordre, nous fournira les preuves métaphysiques. M. Jaquelot, l’homme du monde qui a réuni le plus de savoir & de raisonnement, & qui a le mieux fondu ensemble la philosophie & la critique, nous fournira les preuves historiques. Nous puiserons dans l’ingénieux Fontenelle les preuves physiques, mais parées de tous les ornemens que l’esprit peut prêter à un fond si sec & si aride de lui-même.

Argumens métaphysiques. Les raisonnemens que met en œuvre M. Clarke, sont un tissu serré, une chaîne suivie de propositions liées étroitement, & nécessairement dépendantes les unes des autres, par lesquelles il démontre la certitude de l’existence de Dieu, & dont il déduit ensuite l’un après l’autre les attributs essentiels de sa nature, que notre raison bornée est capable de découvrir.

Premiere proposition. Que quelque chose a existé de toute éternité. Cette proposition est évidente ; car puisque quelque chose existe aujourd’hui, il est clair que quelque chose a toûjours existé.

Seconde proposition. Qu’un être indépendant & immuable a existé de toute éternité. En effet, si quelqu’être a nécessairement existé de toute éternité, il faut ou que cet être soit immuable & indépendant, ou qu’il y ait eu une succession infinie d’êtres dépendans & sujets au changement, qui se soient produits les uns les autres dans un progrès à l’infini, sans avoir eu aucune cause originale de leur existence. Mais cette derniere supposition est absurde, car cette gradation à l’infini est impossible & visiblement contradictoire. Si on envisage ce progrès à l’infini comme une chaîne infinie d’êtres dépendans qui tiennent les uns aux autres, il est évident que tout cet assemblage d’êtres ne sauroit avoir aucune cause externe de son existence, puisqu’on suppose que tous les êtres qui sont & qui ont été dans l’univers, y entrent. Il est évident, d’un autre côté, qu’il ne peut avoir aucune cause interne de son existence, parce que dans cette chaine infinie d’êtres il n’y en a aucun qui ne dépende de celui qui le précede Or si aucune des parties n’existe nécessairement, il est clair que tout ne peut exister nécessairement, la nécessité absolue d’exister n’étant pas une chose extérieure, relative & accidentelle de l’être qui existe nécessairement. Une succession infinie d’êtres dépendans, sans cause originale & indépendante, est donc la chose du monde la plus impossible.

Troisieme proposition. Que cet être immuable & indépendant, qui a existé de toute éternité, existe aussi par lui-même ; car tout ce qui existe, ou est sorti du néant, sans avoir été produit par aucune cause que ce soit ; ou il a été produit par quelque cause extérieure, ou il existe par lui-même. Or il y a une contradiction formelle à dire qu’une chose est sortie du néant, sans avoir été produite par aucune cause. De plus, il n’est pas possible que tout ce qui existe ait été produit par des causes externes, comme nous venons de le prouver : donc &c.

De cette troisieme proposition je conclus, 1° qu’on ne peut nier, sans une contradiction manifeste, l’existence d’un être qui existe nécessairement & par lui-même ; la nécessité en vertu de laquelle il existe étant absolue, essentielle & naturelle, on ne peut pas plus nier son existence, que la relation d’égalité entre ces deux nombres, deux fois deux est quatre, que la rondeur du cercle, que les trois côtés d’un triangle.

La seconde conséquence que je tire de ce principe, est que le monde matériel ne peut pas être cet être premier, original, incréé, indépendant & éternel par lui-même ; car il a été démontré que tout être qui a existé de toute éternité, qui est indépendant, & qui n’a point de cause externe, doit avoir existé par soi-même, doit nécessairement exister en vertu d’une nécessité naturelle & essentielle. Or de tout cela il suit évidemment que le monde matériel ne peut être indépendant & éternel par lui-même, à moins qu’il n’existe nécessairement, & d’une nécessité si absolue & si naturelle, que la supposition même qu’il n’existe pas soit une contradiction formelle ; car la nécessité absolue d’exister, & la possibilité de n’exister pas, étant des idées contradictoires, il est évident que le monde matériel n’existe pas nécessairement, si je puis sans contradiction concevoir ou qu’il pourroit ne pas être, ou qu’il pourroit être tout autre qu’il n’est aujourd’hui. Or rien n’est plus facile à concevoir ; car soit que je considere la forme de l’univers avec la disposition & le mouvement de ses parties, soit que je fasse attention à la matiere dont il est composé, je n’y vois rien que d’arbitraire : j’y trouve à la vérité une nécessité de convenance, je vois qu’il falloit que ses parties fussent arrangées ; mais je ne vois pas la moindre apparence à cette nécessité de nature & d’essence pour laquelle les Athées combattent. V. Athéisme & Création.

Quatrieme proposition. Que l’être qui existe par lui-même, doit être infini & présent par-tout. L’idée de l’infinité ou de l’immensité, aussi-bien que celle de l’éternité, est si étroitement liée avec l’idée de l’existence par soi-même, que qui pose l’une, pose nécessairement l’autre : en effet, exister par soi-même, c’est exister en vertu d’une nécessité absolue, essentielle & naturelle. Or cette nécessité étant à tous égards absolue, & ne dépendant d’aucune cause intérieure, il est évident qu’elle est d’une maniere inaltérable la même par-tout, aussi-bien que toûjours ; par conséquent tout ce qui existe en vertu d’une nécessité absolue en elle-même, doit nécessairement être infini aussi-bien qu’éternel. C’est une contradiction manifeste que de supposer qu’un être fini puisse exister par lui-même. Si sans contradiction je puis concevoir un être absent d’un lieu, je puis sans contradiction le concevoir absent d’un autre lieu, & puis d’un autre lieu, & enfin de tout lieu ; ainsi quelque nécessité d’exister qu’il ait, il doit l’avoir reçue de quelque cause extérieure : il ne sauroit l’avoir tirée de son propre fonds, & par conséquent il n’existe point par lui-même.

De ce principe avoüé par la raison, je conclus que l’être existant par lui-même doit être un être simple, immuable & incorruptible, sans parties, sans figure, sans mouvement & sans divisibilité ; & pour tout dire en un mot, un être en qui ne se rencontre aucune des propriétés de la matiere : car toutes les propriétés de la matiere nous donnent nécessairement l’idée de quelque chose de fini.

Cinquieme proposition. Que l’être existant par lui-même, doit nécessairement être unique. L’unité de l’être suprème est une conséquence naturelle de son existence nécessaire ; car la nécessité absolue est simple & uniforme, elle ne reconnoît ni différence ni variété, quelle qu’elle soit ; & toute différence ou variété d’existence procede nécessairement de quelque cause extérieure de qui elle dépend. Or il y a une contradiction manifeste à supposer deux ou plusieurs natures différentes, existantes par elles-mêmes nécessairement & indépendamment ; car chacune de ces natures étant indépendante de l’autre, on peut fort bien supposer que chacune d’elles existe toute seule, & il n’y aura point de contradiction à imaginer que l’autre n’existe pas ; d’où il s’ensuit que ni l’une ni l’autre n’existera nécessairement. Il n’y a donc que l’essence simple & unique de l’être existant par lui-même, qui existe nécessairement.

Sixieme proposition. Que l’être existant par lui-même, est un être intelligent. C’est sur cette proposition que roule le fort de la dispute entre les Athées & nous. J’avoue qu’il n’est pas possible de démontrer d’une maniere directe à priori, que l’être existant par lui-même est intelligent & réellement actif ; la raison en est que nous ignorons en quoi l’intelligence consiste, & que nous ne pouvons pas voir qu’il y ait entre l’existence par soi-même & l’intelligence, la même connexion immédiate & nécessaire, qui se trouve entre cette même existence & l’éternité, l’unité, l’infinité, &c. mais, à posteriori, il n’y a rien dans ce vaste univers qui ne nous démontre cette grande vérité, & qui ne nous fournisse des argumens incontestables, qui prouvent que le monde & tout ce qu’il contient, est l’effet d’une cause souverainement intelligente & souverainement sage.

1°. L’être existant par lui-même étant la cause & l’original de toutes choses, doit posséder dans le plus haut degré d’éminence toutes les perfections de tous les êtres. Il est impossible que l’effet soit revêtu d’aucune perfection qui ne se trouve aussi dans la cause : s’il étoit possible que cela fût, il faudroit dire que cette perfection n’auroit été produite par rien, ce qui est absurde.

2°. La beauté, la variété, l’ordre & la symmétrie qui éclatent dans l’univers, & sur-tout la justesse merveilleuse avec laquelle chaque chose se rapporte à sa fin, prouvent l’intelligence d’un premier être. Les moindres plantes & les plus vils animaux sont produits par leurs semblables, il n’y a point en eux de génération équivoque. Ni le soleil, ni la terre, ni l’eau, ni toutes les puissances de la nature unies ensemble, ne sont pas capables de produire un seul être vivant, non pas même d’une vie végétale ; & à l’occasion de cette importante observation je remarquerai ici en passant qu’en matiere même de religion la philosophie naturelle & expérimentale est quelquefois d’un très-grand avantage.

Or les choses étant telles, il faut que l’athée le plus opiniâtre demeure d’accord, malgré qu’il en ait, ou que l’organisation des plantes & des animaux est dans son origine l’ouvrage d’un être intelligent, qui les a créés dans le tems ; ou qu’ayant été de toute éternité construits & arrangés comme nous les voyons aujourd’hui, ils sont une production éternelle d’une cause éternelle & intelligente, qui déploie sans relâche sa puissance & sa sagesse infinie ; ou enfin qu’ils naissent les uns des autres de toute éternité, dans un progrès à l’infini de causes dépendantes, sans cause originale existante par elle-même. La premiere de ces assertions est précisément ce que nous cherchons ; la seconde revient au fond à la même chose, & n’est d’aucune ressource pour l’athée ; & la troisieme est absurde, impossible, contradictoire, comme il a été démontré dans la seconde proposition générale. Voyez Création.

Septieme proposition. Que l’être existant par lui-même doit être un agent libre ; car si la cause suprème est sans liberté & sans choix, il est impossible qu’aucune chose existe ; il n’y aura pas jusqu’aux manieres d’être & aux circonstances de l’existence des choses, qui n’ayent dû être à tous égards précisément ce qu’elles sont aujourd’hui. Or toutes ces conséquences étant évidemment fausses & absurdes, je dis que la cause suprème, bien loin d’être un agent nécessaire, est un être libre & qui agit par choix.

D’ailleurs si la cause suprème étoit un agent purement nécessaire, il seroit impossible qu’aucun effet de cette cause fût une chose finie ; car un être qui agit nécessairement, n’est pas maître de ses actions pour les gouverner ou les désigner comme il lui plaît : il faut de toute nécessité qu’il fasse tout ce que sa nature est capable de faire. Or il est clair que chaque production d’une cause infinie, toûjours uniforme, & qui agit par une impétuosité aveugle, doit de toute nécessité être immense & infinie ; une telle cause ne peut suspendre son action, il faut qu’elle agisse dans toute son étendue. Il n’y auroit donc point de créature dans l’univers qui pût être finie, ce qui est de la derniere absurdité, & contraire à l’expérience.

Enfin le choix que la cause suprème a fait parmi tous les mondes possibles, du monde que nous voyons, est une preuve de sa liberté ; car ayant donné l’actualité à une suite de choses qui ne contribuoit en rien par sa propre force à son existence, il n’y a point de raison qui dût l’empêcher de donner l’existence aux autres suites possibles, qui étoient toutes dans le même cas, quant à la possibilité. Elle a donc choisi la suite des choses qui composent cet univers ; pour la rendre actuelle, parce qu’elle lui plaisoit le plus. L’être nécessaire est donc un être libre ; car agir suivant les lois de sa volonté, c’est être libre. Voyez Liberté, Optimisme, &c.

Huitieme proposition. Que l’être existant par lui-même, la cause suprème de toutes choses, possede une puissance infinie. Cette proposition est évidente & incontestable ; car puisqu’il n’y a que Dieu seul qui existe par soi-même, puisque tout ce qui existe dans l’univers a été fait par lui, & puis enfin que tout ce qu’il y a de puissance dans le monde vient de lui, & lui est parfaitement soûmise & subordonnée, qui ne voit qu’il n’y a rien qui puisse s’opposer à l’exécution de sa volonté ?

Neuvieme proposition. Que la cause suprème & l’auteur de toutes choses doit être infiniment sage. Cette proposition est une suite naturelle & évidente des propositions précedentes ; car n’est-il pas de la derniere évidence qu’un être qui est infini, présent partout, & souverainement intelligent, doit parfaitement connoître toutes choses ? Revêtu d’ailleurs d’une puissance infinie, qui est-ce qui peut s’opposer à sa volonté, ou l’empêcher de faire ce qu’il connoît être le meilleur & le plus sage ?

Il suit donc évidemment de ces principes, que l’être suprème doit toûjours faire ce qu’il connoît être le meilleur, c’est-à-dire qu’il doit toûjours agir conformément aux regles les plus séveres de la bonté, de la vérité, de la justice, & des autres perfections morales. Cela n’entraîne point une nécessité prise dans le sens des Fatalistes, une nécessité aveugle & absolue, mais une nécessité morale, compatible avec la liberté la plus parfaite. Voyez les articles Manichéisme & Providence.

Argument historique. Moyse dit qu’au commencement Dieu créa le ciel & la terre ; il marque avec précision l’époque de la naissance de l’univers ; il nous apprend le nom du premier homme ; il parcourt les siecles depuis ce premier moment jusqu’au tems où il écrivoit, passant de génération en génération, & marquant le tems de la naissance & de la mort des hommes qui servent à sa chronologie. Si on prouve que le monde ait existé avant le tems marqué dans cette chronologie, on a raison de rejetter cette histoire ; mais si on n’a point d’argument pour attribuer au monde une existence plus ancienne, c’est agir contre le bon sens que de ne la pas recevoir.

Quand on fait réflexion que Moyse ne donne au monde qu’environ 2410 ans, selon l’hébreu, ou 3943 ans, selon le grec, à compter du tems où il écrivoit, il y auroit sujet de s’étonner qu’il ait si peu étendu la durée du monde, s’il n’eût été persuadé de cette vérité par des monumens invincibles.

Ce n’est pas encore tout : Moyse nous marque un tems dans son histoire, auquel tous les hommes parloient un même langage. Si avant ce tems-là on trouve dans le monde des nations, des inscriptions de différentes langues, la supposition de Moyse tombe d’elle-même. Depuis Moyse, en remontant à la confusion des langues, il n’y a dans l’hébreu que six siecles ou environ, & onze, selon les Grecs : ce ne doit plus être une antiquité absolument inconnue. Il ne s’agit plus que de savoir si en traversant douze siecles tout au plus, on peut trouver en quelque lieu de la terre un langage usité entre les hommes, différent de la langue primitive usitée, à ce qu’on prétend, parmi les habitans de l’Asie. Examinons les histoires, les monumens, les archives du monde : renversent-elles le système & la chronologie de Moyse, ou tout concourt-il à en affermir la vérité ? dans le premier cas, Moyse est un imposteur également grossier & odieux ; dans l’autre, son récit est incontestable : & par conséquent il y a un Dieu, puisqu’il y a un être créateur. Or durant cette longue durée de siecles qui se sont écoulés avant nous, il y a eu des auteurs sans nombre qui ont traité des fondations des empires & des villes, qui ont écrit des histoires générales, ou les histoires particulieres des peuples ; celles même des Assyriens & des Egyptiens, les deux nations, comme l’on sait, les plus anciennes du monde ; cependant avec tous ces secours dépositaires de la plus longue tradition, avec mille autres que je ne rapporte point, jamais on n’a pû remonter au-delà des guerres de Thebes & de Troye, jamais on n’a pû fermer la bouche aux philosophes qui soûtenoient la nouveauté du monde.

Avant le législateur des Juifs, il ne paroît dans ce monde aucun vestige des sciences, aucune ombre des arts. La Sculpture & la Peinture n’arriverent que par degrés à la perfection où elles monterent : l’une au tems de Phidias, de Polyclète, de Lysippe, de Miron, de Praxitèle & de Scopas ; l’autre, par les travaux de Nicomachus, de Protogéne, d’Apelle, de Zeuxis & d’Aristide. La Philosophie ne commença à faire des recherches qu’à la trente-cinquieme olympiade, où naquit Thales ; ce grand changement, époque d’une révolution dans les esprits, n’a pas une date plus ancienne. L’Astronomie n’a fait chez les peuples qui l’ont le plus cultivée, que de très-foibles progrès, & elle n’étoit pas même si ancienne parmi leurs savans qu’ils osoient le dire. La preuve en est évidente. Quoiqu’en effet ils eussent découvert le zodiaque, quoiqu’ils l’eussent divisé en douze parties & en 360 degrés, ils ne s’étoient pas néanmoins appercus du mouvement des étoiles d’occident en orient ; ils ne le soupçonnoient pas même, & ils les croyoient immuablement fixes. Auroient-ils pû le penser, s’ils eussent eu quelques observations antiques ? Ils ont mis la constellation du bélier dans le zodiaque, précisément au point de l’équinoxe du printems : autre erreur. S’ils avoient eu des observations de 2202 ans seulement, n’auroient-ils pas dit que le taureau étoit au point de l’équinoxe ? Les lettres mêmes, je veux dire, l’art de l’écriture, quel peuple en a connu l’usage avant Moyse ? Tout ce que nous avons d’auteurs profanes s’accordent à dire que ce fut Cadmus qui apporta les lettres de Phénicie en Grece ; & les Phéniciens, comme on le sait, étoient confondus avec les Assyriens & les Syriens, parmi lesquels on comprenoit aussi les Hébreux. Quelle apparence donc que le monde eût eu plus de durée que Moyse ne lui en donne, & toutefois que la Grece fût demeurée dans une si longue enfance, ne connoissant rien, ou ne perfectionnant rien de ce qui étoit trouvé déjà ? On voit les Grecs en moins de quatre cents ans, devenus habiles & profonds dans les arts & dans les sciences. Est-ce donc que les hommes de ces quatre heureux siecles avoient un esprit d’une autre espece & d’une trempe plus heureuse que leurs ayeux ?

On pouvoit dire à M. Jacquelot, de qui cet argument est tiré, qu’en se renfermant dans les connoissances & dans les inventions de la Grece, il prenoit la question du côté le plus avantageux à sa cause, & lui opposer l’ancienneté prodigieuse des empires d’Assyrie, d’Egypte, de la Chine même. Aussi prend-t-il soin de rechercher en habile critique l’origine de ces nations, & de faire voir qu’elles n’ont (au moins ces deux premieres) que l’antiquité que leur donne Moyse. Ceux en effet qui accordent la plus longue durée à l’empire des Assyriens, ne l’étendent pas au-delà de 1700 ans. Justin l’a renfermée dans l’espace de treize siecles. Ctesias n’y ajoûte que 60 années de plus ; d’autres ne lui donnent que 1500 ans. Eusebe la resserre en des bornes encore plus étroites ; & Georges Syncelle pense à-peu-près comme Ctesias. C’est-à-dire qu’à prendre le calcul le moins severe, les Assyriens n’auront commencé que deux mille cinq ou six cents ans avant J. C. & environ cinq ou six siecles avant la premiere connoissance que l’histoire nous donne de la Grece.

A l’égard de l’Egypte, qui croira, dans la supposition qu’elle fût aussi ancienne qu’elle se vantoit de l’être, que Moyse n’en eût pas accommodé l’histoire avec la chronologie du monde, & qu’il eût exposé la fausseté de ses dates à la dérision d’un peuple si connu de lui, si habile, si voisin ? Cependant il le fait descendre d’une race maudite de Dieu ; & en le disant, il ne craint point d’être repris. Il est constant, d’ailleurs, qu’il n’y a guere eu de peuple plus célebre que les Egyptiens dans les annales profanes. La seule ville d’Alexandrie, devenue comme le rendez-vous des grands talens, renfermoit dans ses murs, & sur-tout depuis l’établissement du Christianisme, des savans de toutes les parties de l’univers, de toutes les religions & de toutes les sectes, des Juifs, des Chrétiens, & des Philosophes. On ne peut vraissemblablement doûter qu’il n’y eût souvent des disputes entr’eux ; car où il y a des savans, il y a bientôt des contestations ; & la vérité elle-même y est toûjours combattue avec ces armes que l’esprit humain ne sait que trop bien employer dans les matieres de doctrine. Or ici tout rouloit sur des faits : tout dépendoit de savoir si l’univers, ainsi que Moyse l’avoit dit, n’avoit que six mille ans tout au plus ; si quatre siecles avant lui, ce même monde avoit été noyé dans les eaux d’un déluge qui n’avoit épargné qu’une famille, & s’il étoit vrai que trois mille ans auparavant, il n’y eût eu sur la terre qu’un seul & unique langage. Qu’y avoit-il de plus facile à éclaircir ? On étoit sur le lieu même. On pouvoit aisément examiner les temples, les sepulchres, les pyramides, les obélisques, les ruines de Thebes, & visiter ces fameuses colonnes Sciriadiques ; ou, comme les appelle Ammian Marcellin, ces syringues soûterraines, où l’on avoit gravé les mysteres sacrés. On avoit sous la main les annales des prêtres ; & enfin on pouvoit consulter les histoires, qui alors étoient nombreuses. Toutefois au milieu de tant de ressources contre l’erreur, ces faits posés avec tant de confiance dans les livres de Moyse, ne trouvoient point de contradicteurs ; & l’on défie la critique qui ose tant d’oser les nommer.

Le seul Manethon, qui vivoit sous Ptolémée Philadelphe, mit au jour une histoire chronologique de l’Egypte depuis sa premiere origine, jusqu’à la fuite de Nectanebo en Ethiopie, environ la 117 olympiade. Mais quelle histoire ! & qui pouvoit s’y laisser tromper ? Elle fait regner en Egypte six dieux, dix héros ou demi dieux, durant trente-un ou trente-deux mille ans ; ensuite elle fait paroître le roi Ménès, & compose la liste de ses successeurs de trois cents quarante monarques, dont la durée totale est d’environ trois mille ans. De grands hommes ont essayé dans tous les tems de mettre quelqu’ordre dans la confusion de ce cahos, & de débrouiller ce monstrueux entassement de dynasties de dieux, de heros, & de princes ; mais ce que l’étude la plus opiniâtre a fait d’efforts, n’a servi qu’à en montrer l’impuissance, & le jour n’a pû percer encore de si épaisses ténebres. Ces dynasties sont-elles successives, sont-elles collatérales ? On ne sait. Les années Egyptiennes n’étoient-elles que d’un mois ou de deux, comme quelques-uns l’ont prétendu ? Etoient-elles de quatre, & se régloient-elles par les saisons, comme d’autres le soutiennent ? Question impossible à terminer par les témoignages anciens ; ils se contrarient trop sur cet article. Nos modernes eux-mêmes sont encore moins unanimes ; & malgré les travaux de Scaliger, du pere Petau, du chevalier Marsham, du pere Pezron, & des autres, cette chronologie de Manethon est demeurée un labyrinthe, dont il faut pour jamais désespérer de sortir.

Il y a un peuple encore subsistant, ce sont les Chinois, qui semble donner au monde une plus grande ancienneté que nos Ecritures ne lui en donnent. Depuis que ces régions nous sont plus connues, on en a publié les annales historiques, & elles font remonter l’origine de cet empire à-peu-près 3 mille ans au-delà de la naissance de J. C. Nouvelle difficulté souvent saisie par les incrédules contre la chronologie de Moyse. Afin de détruire ce prétexte, M. Jacquelot fait diverses remarques toutes importantes & solides, sur l’incertitude de l’histoire Chinoise. Mais pour trancher, il soutient que même en lui accordant ses calculs, ils ne nuiroient point à la vérité des nôtres. Rien n’oblige en effet à préférer la supputation de l’Hébreu à celle des septante. Or, dans celle-ci, l’ancienneté de l’univers est plus grande que dans l’autre. Donc, puisqu’il ne faudroit pour concilier les dates des Chinois avec les nôtres, que cinq siecles de plus que n’en porte le texte hébreu, & que ces cinq siecles sont remplacés, & au-delà, dans la traduction des septante, la difficulté est levée ; & il est clair que l’empire de la Chine est postérieur au déluge. Voyez Chronologie.

Objection. Suivant les abregés latins des annales maintenant suivies à la Chine, les tems mêmes historiques de cet empire commencent avec le regne de Hoamti 2697 ans avant J. C. & cette époque, qui dans la chronologie du texte hébreu, est antérieure au déluge de plus d’un siecle, ne se trouve dans le calcul des septante, postérieure que de 200 ans, à la dispersion des peuples & à la naissance de Phaleg. Or ces 200 ans, qui d’abord semblent un assez grand fond & une ressource capable de tout concilier, se trouvent à peine suffisans pour conduire les fondateurs de la colonie Chinoise & leurs troupeaux, depuis les plaines de Sennaar, jusqu’aux extrémités orientales de l’Asie ; & encore par quels chemins ? à travers des solitudes affreuses & des climats devenus presqu’inaccessibles, après les ravages de l’inondation générale.

M. Freret, un des plus savans hommes de nos jours, & des plus versés dans la connoissance des tems, a senti toute la force de cette objection, & se l’est faite. Il a bien vû, que pour la résoudre, il étoit nécessaire de percer plus qu’on ne l’avoit fait encore dans les ténebres de la chronologie Chinoise. Il a eu le courage d’y entrer, & nous lui avons l’obligation d’y avoir jetté du jour par ses doctes recherches. Il est prouvé maintenant, du moins autant qu’il est possible, que cette immense durée que les Chinois modernes assignent aux tems fabuleux de leur histoire, n’est que le résultat des périodes astronomiques inventées pour donner la conjonction des planetes dans certaines constellations. A l’égard des tems historiques, il est prouvé de même que les regnes d’Iao & de Chum, les deux fondateurs de la monarchie Chinoise, ont fini seulement 1991 ans avant l’ere chrétienne ; que ces deux regnes ne font au plus que 156 ans, qu’ils ne peuvent par conséquent avoir commencé que vers l’an du monde 2147, plusieurs années après la vocation d’Abraham, & du tems même de l’expédition des Elamites dans le pays de Chanaan, c’est-à-dire bien après les établissemens des empires d’Egypte & de Chaldée. Voilà donc la naissance des plus anciens peuples du monde ramenée & réduite à sa juste époque, l’histoire de Moyse confirmée, le fait de la création évidemment établi, & par cela même l’existence de l’Être suprème invinciblement démontrée.

Argument physique. Les animaux ne se perpétuent que par la voie de la génération ; mais il faut nécessairement que les deux premiers de chaque espece aient été produits ou par la rencontre fortuite des parties de la matiere, ou par la volonté d’un être intelligent qui dispose la matiere selon ses desseins.

Si la rencontre fortuite des parties de la matiere a produit les premiers animaux, je demande pourquoi elle n’en produit plus ; & ce n’est que sur ce point que roule tout mon raisonnement. On ne trouvera pas d’abord grande difficulté à répondre, que lorsque la terre se forma, comme elle étoit remplie d’atomes vifs & agissans, impregnée de la même matiere subtile dont les astres venoient d’être formés, en un mot, jeune & vigoureuse, elle put être assez féconde pour pousser hors d’elle-même toutes les différentes especes d’animaux, & qu’après cette premiere production qui dépendoit de tant de rencontres heureuses & singulieres, sa fécondité a bien pû se perdre & s’épuiser ; que par exemple on voit tous les jours quelques marais nouvellement desséchés, qui ont toute une autre force pour produire que 50 ans après qu’ils ont été labourés. Mais je prétends que quand la terre, selon ce qu’on suppose, a produit les animaux, elle a dû être dans le même état où elle est présentement. Il est certain que la terre n’a pû produire les animaux que quand elle a été en état de les nourrir ; ou du moins il est certain que ceux qui ont été la premiere tige des especes n’ont été produits par la terre, que dans un tems où ils ont pû aussi bien être nourris. Or, afin que la terre nourrisse les animaux, il faut qu’elle leur fournisse beaucoup d’herbes différentes ; il faut qu’elle leur fournisse des eaux douces qu’ils puissent boire ; il faut même que l’air ait un certain degré de fluidité & de chaleur pour les animaux, dont la vie a des rapports assez connus à toutes ces qualités.

Du moment que l’on me donne la terre couverte de toutes les especes d’herbes nécessaires pour la subsistance des animaux, arrosée de fontaines & de rivieres propres à étancher leur soif, environnée d’un air respirable pour eux ; on me la donne dans l’état où nous la voyons ; car ces trois choses seulement en entraînent une infinité d’autres, avec lesquelles elles ont des liaisons & des enchaînemens. Un brin d’herbe ne peut croître qu’il ne soit de concert, pour ainsi dire, avec le reste de la nature. Il faut de certains sucs dans la terre ; un certain mouvement dans ces sucs, ni trop fort, ni trop lent ; un certain soleil pour imprimer ce mouvement ; un certain milieu par où ce soleil agisse. Voyez combien de rapports, quoiqu’on ne les marque pas tous. L’air n’a pû avoir les qualités dont il contribue à la vie des animaux, qu’il n’ait eu à-peu-près en lui le même mélange & de matieres subtiles, & de vapeurs grossieres ; & que ce qui cause sa pesanteur, qualité aussi nécessaire qu’aucune autre par rapport aux animaux, & nécessaire dans un certain degré, n’ait eu la même action. Il est clair que cela nous meneroit encore loin, d’égalité en égalité : sur-tout les fontaines & les rivieres dont les animaux n’ont pû se passer, n’ayant certainement d’autre origine que les pluies, les animaux n’ont pû naître qu’après qu’il a tombé des pluies, c’est-à-dire un tems considérable après la formation de la terre, & par conséquent lorsqu’elle a été en état de consistance, & que ce cahos, à la faveur duquel on veut tirer les animaux du néant, a été entierement fini.

Il est vrai que les marais nouvellement desséchés, produisent plus que quelque tems après qu’ils l’ont été ; mais enfin ils produisent toûjours un peu, & il suffiroit que la terre en fît autant ; d’ailleurs le plus de fécondité qui est dans les marais nouvellement desséchés, vient d’une plus grande quantité de sels qu’ils avoient amassés par les pluies ou par le mouvement de l’air, & qu’ils avoient conservés, tandis qu’on ne les employoit à rien : mais la terre a toûjours la même quantité de corpuscules ou d’atomes propres à former des animaux, & la fécondité, loin de se perdre, ne doit aucunement diminuer. De quoi se forme un animal ? d’une infinité de corpuscules qui étoient épars dans les herbes qu’il a mangées, dans les eaux qu’il a bûes, dans l’air qu’il a respiré ; c’est un composé dont les parties sont venues se rassembler de mille endroits différens de notre monde ; ces atomes circulent sans cesse, ils forment tantôt une plante, tantôt un animal ; & après avoir formé l’un, ils ne sont pas moins propres à former l’autre. Ce ne sont donc pas des atomes d’une nature particuliere qui produisent les animaux ; ce n’est qu’une matiere indifférente dont toutes choses se forment successivement, & dont il est très-clair que la quantité ne diminue point, puisqu’elle fournit toûjours également à tout. Les atomes, dont on prétend que la rencontre fortuite produisit au commencement du monde les premiers animaux, sont contenus dans cette même matiere, qui fait toutes les générations de notre monde ; car quand ces premiers animaux furent morts, les machines de leurs corps se dessassemblerent, & se résolurent en parcelles, qui se disperserent dans la terre, dans les eaux & dans l’air ; ainsi nous avons encore aujourd’hui ces atomes précieux, dont se durent former tant de machines surprenantes ; nous les avons en la même quantité aussi propres que jamais à former de ces machines ; ils en forment encore tous les jours par la voie de la nourriture ; toutes choses sont dans le même état que quand ils vinrent à en former par une rencontre fortuite ; à quoi tient-il que par de pareilles rencontres ils n’en forment encore quelquefois ?

Tous les animaux, ceux même qu’on avoit soupçonné venir ou de pourriture, ou de poussiere humide & échauffée, ne viennent que de semences que l’on n’avoit pas apperçues. On a découvert que les macreuses se forment d’œufs que cette espece d’oiseaux fait dans les îles desertes du septentrion & jamais il ne s’engendra de vers sur la viande, où les mouches n’ont pû laisser de leurs œufs. Il en est de même de tous les autres animaux que l’on croit qui naissent hors de la voie de la génération. Toutes les expériences modernes conspirent à nous desabuser de cette ancienne erreur ; & je me tiens sûr que dans peu de tems, il n’y restera plus le moindre sujet de doute. Voyez Corruption.

Mais en dût-il rester, y eût-il des animaux qui vinssent hors de la voie de génération, le raisonnement que j’ai fait n’en deviendroit que plus fort. Ou ces animaux ne naissent jamais que par cette voie de rencontre fortuite ; ou ils naissent & par cette voie, & par celle de génération : s’ils naissent toûjours par la voie de rencontre fortuite, pourquoi se trouve-t-il toûjours dans la matiere une disposition qui ne les fait naître que de la même maniere dont ils sont nés au commencement du monde ; & pourquoi, à l’égard de tous les autres animaux que l’on suppose qui soient nés d’abord de cette maniere-là, toutes les dispositions de la matiere sont-elles si changées qu’ils ne naissent jamais que d’une maniere différente ? S’ils naissent & par cette voie de rencontre fortuite, & par celle de génération, pourquoi toutes les autres especes d’animaux n’ont-elles pas retenu cette double maniere de naître ? Pourquoi celle qui étoit la plus naturelle, la seule conforme à la premiere origine des animaux, s’est-elle perdue dans presque toutes les especes ?

Une autre réflexion qui fortifie la premiere, c’est qu’il n’eût pas suffi que la terre n’eût produit les animaux, que quand elle étoit dans une certaine disposition où elle n’est plus. Elle eût dû aussi ne les produire que dans un état où il eussent pû se nourrir de ce qu’elle leur offroit ; elle eût dû, par exemple, ne produire le premier homme qu’à l’âge d’un an ou deux, où il eût pû satisfaire, quoiqu’avec peine, à ses besoins, & se secourir lui-même. Dans la foiblesse où nous voyons un enfant nouveau né, en vain on le mettroit au milieu de la prairie la mieux couverte d’herbes, auprès des meilleures eaux du monde, il est indubitable qu’il ne vivroit pas longtems. Mais comment les loix du mouvement produiroient-elles d’abord un enfant à l’âge d’un an ou de deux ? Comment le produiroient-elles même dans l’état où il est présentement, lorsqu’il vient au monde ? Nous voyons qu’elles n’amenent rien que par degrés, & qu’il n’y a point d’ouvrages de la nature qui, depuis les commencemens les plus foibles & les plus éloignés, ne soient conduits lentement par une infinité de changemens tous nécessaires jusqu’à leur derniere perfection. Il eût fallu que l’homme qui eût dû être formé par le concours aveugle de quelques parties de la matiere, eût commencé par cet atome, où la vie ne se remarque qu’au mouvement presqu’insensible d’un point ; & je ne crois pas qu’il y ait d’imagination assez fausse pour concevoir d’où cet atome vivant, jetté au hasard sur la terre, aura pû tirer du sang ou du chyle tout formé, la seule nourriture qui lui convienne, ni comment il aura pû croître, exposé à toutes les injures de l’air. Il y a là une difficulté qui deviendra toujours plus grande, plus elle sera approfondie, & plus ce sera un habile physicien qui l’approfondira. La rencontre fortuite des atomes n’a donc pû produire les animaux ; il a fallu que ces ouvrages soient partis de la main d’un être intelligent, c’est-à-dire de Dieu même : les cieux & les astres sont des objets plus éclatans pour les yeux ; mais ils n’ont peut-être pas pour la raison, des marques plus sûres de l’action de leur auteur. Les plus grands ouvrages ne sont pas toûjours ceux qui parlent le plus de leur ouvrier. Que je voie une montagne applanie, je ne sais si cela s’est fait par l’ordre d’un prince ou par un tremblement de terre ; mais je serai assûré que c’est par l’ordre d’un prince, si je vois sur une petite colonne une inscription de deux lignes. Il me paroît que ce sont les animaux qui portent, pour ainsi dire, l’inscription la plus nette, & qui nous apprennent le mieux qu’il y a un Dieu auteur de l’univers. Cette démonstration, dont on peut vanter avec raison la force & la solidité, est de M. de Fontenelle, comme nous l’avons déja dit. Cet article est tiré des papiers de M. Formey.

Dieu est mon droit, (Hist. mod.) c’est le mot ou la devise des armes d’Angleterre, que prit d’abord Richard premier ou Cœur de-lion, qui vivoit à la fin du xije siecle, ce qu’il fit pour marquer qu’il ne tenoit son royaume d’aucun mortel à titre de vassal.

Edoiiard III. au xjve siecle le prit ensuite quand il commença à faire valoir ses prétentions sur la couronne de France ; & les rois ses successeurs l’ont continué sans interruption jusqu’au tems du roi Guillaume III. prince d’Orange, qui fit usage de ce mot, je maintiendrai, quoiqu’il ordonnât qu’on se servît toûjours du premier sur le grand sceau. La reine Anne en usa de même, quoiqu’elle eût pris pour sa devise particuliere ces deux mots latins, semper eadem, toûjours la même, à l’exemple de la reine Elizabeth. Voyez Devise. (G)

Dieux, s. m. pl. (Mythol). se dit des faux dieux des Gentils, qui tous étoient des créatures auxquelles on rendoit les honneurs dûs à la divinité. Voyez Déesse, Idole, &c.

Il faut remarquer que parmi les Grecs & les Latins, les peuples par le nom de Dieu, n’entendoient point un être très-parfait, dont l’éternité est un attribut essentiel. Ils appelloient dieux, tous les êtres qu’ils regardoient comme supérieurs à la nature humaine, ou qui pouvoient leur être de quelque utilité, ou même de la colere desquels ils avoient à craindre ; car les anciens, comme les modernes, ont presque toûjours été conduits par l’intérêt propre, c’est-à-dire l’espérance du bien & la crainte du mal. Les hommes mêmes, selon eux, pouvoient devenir des dieux après leur mort, parce que leur ame pouvoit acquérir un degré d’excellence qu’ils n’avoient point eu pendant leur vie ; voyez Apothéose & Consécration. Mais qu’on ne croye pas que les sages comme Socrate, Platon, Cicéron, & les autres, parlassent toûjours selon les idées du peuple : ils étoient cependant quelquefois obligés de s’y conformer, pour n’être pas accusés d’athéisme. C’étoit le prétendu crime que l’on imputoit à ceux qui ne croyoient qu’un Dieu.

Les Poëtes, suivant la remarque du P. le Bossu, étoient théologiens, & ces deux fonctions, quoique séparées aujourd’hui, étoient pour lors réunies dans la même personne. Voyez Poésie.

Ils personnifierent les attributs divins, parce que la foiblesse de l’esprit humain ne sauroit concevoir ni expliquer tant de puissance & tant d’action dans une substance aussi simple & aussi indivisible qu’est celle de Dieu.

C’est ainsi qu’ils ont représenté la toute-puissance de Dieu sous la personne & le nom de Jupiter ; sa sagesse sous celui de Minerve ; sa justice sous celui de Junon. Voyez Épopée, Fable, &c.

Les premiers faux-dieux qu’on ait adoré sont les astres, le ciel, le soleil, la lune, à cause de la chaleur & de la lumiere que les hommes en reçoivent. Voyez Idolatrie, Astronomie, Étoile, Soleil, &c. ensuite la terre, qui fournit les fruits qui servent à la nourriture des hommes & des animaux : le feu aussi-bien que l’eau devinrent aussi l’objet du culte des hommes à cause des avantages qu’on en reçoit. Voyez Eau & Feu.

Dans la suite ces dieux se sont multipliés à l’infini par le caprice de leurs adorateurs, & il n’y a presqu’aucune chose qui n’ait été déifiée, sans en excepter celles qui sont inutiles ou nuisibles.

Pour autoriser le crime & justifier la débauche, on se fit des dieux criminels & débauchés ; des dieux injustes & violens ; des dieux avares & voleurs ; des dieux yvrognes, des dieux impudiques, des dieux cruels & sanguinaires.

Les principaux dieux que les Romains appelloient dii majorum gentiam, & Cicéron dieux celestes, Varron dieux choisis, Ovide nobiles deos, d’autres consentes deos, étoient Jupiter, Junon, Vesta, Minerve, Céres, Diane, Vénus, Mars, Mercure, Neptune, Vulcain, Apollon.

Jupiter étoit le dieu du ciel, Neptune le dieu de la mer, Mars le dieu de la guerre, Apollon celui de l’Éloquence, de la Poésie, & de la Medecine ; Mercure celui des voleurs, Bacchus celui du vin, Cupidon celui de l’amour, &c.

On mettoit aussi au rang des demi-dieux, qu’on appelloit encore semi-dii, dii minorum gentium, indigetes, les héros & les hommes qu’on avoit déifiés. Les grands dieux possédoient le ciel comme une chose qui leur appartenoit de droit, & ceux-ci comme une récompense de la maniere extraordinaire dont ils avoient vécu sur la terre. Voyez Héros, & Apothéose.

Il seroit trop long de nommer ici tous les dieux du Paganisme : on en peut trouver le détail dans le dictionnaire de Trévoux, qui en rapporte la plus grande partie comme extraite du livre d’Isaac Vossius, intitulé, de origine & progressu idololatriæ. Il n’y a point d’excès où les hommes ne se soient portés à cet égard : non contens d’avoir divinisé la vertu, ils avoient fait le même honneur au vice. Tout étoit dieu, dit Bossuet, excepté Dieu même.

On reconnoissoit pour dieux la santé, la fiévre, la peur, l’amour, la douleur, l’indignation, la pudeur, l’impudence, la fureur, la joie, l’opinion, la renommée, la prudence, la science, l’art, la fidélité, la félicité, la calomnie, la liberté, la monnoie, la guerre, la paix, la victoire, le triomphe, &c.

Mais ce qui deshonore l’humanité, est de voir un dieu Sterculus, parce que le premier il avoit enseigné à fumer les champs : la pâleur & la crainte, pallor & pavor, mis au rang des dieux, comme il y a eu les déesses Caca, Cloaima, & Muta ; & Lactance, en son liv. I. a eu raison de faire honte aux payens de ces ridicules divinités.

Enfin, la nature & le monde tout entier a passé pour un dieu. Voyez Nature.

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Étymologie de « dieu »

Picard, guiu, diu, djiu ; bourguig. dei ; franc-comtois, due ; provenç. deus, dieus ; catal. deu ; espagn. dios ; portug. deos ; ital. dio ; du latin deus. Dans le vieux français, deus, dex, diex, au nominatif ; deu, dieu, au régime.

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(Date à préciser) Du latin deus, de l’indo-européen commun *di- (« briller, soleil, jour, dieu »).
Apparenté au grec ancien Ζεύς, Zeús (« Zeus »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « dieu »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
dieu djø

Fréquence d'apparition du mot « dieu » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « dieu »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « dieu »

  • Je suis l'insecte aimé du poète et des dieux.
    Jean Aicard — Poèmes de Provence, la Cigale , Lemerre
  • Un homme qui n'a jamais tenté de se faire semblable aux dieux, c'est moins qu'un homme.
    Paul Valéry — Choses tues, Gallimard
  • Serments d'amour n'entrent pas dans l'oreille des dieux.
    Callimaque — Épigrammes, XXV, 3-4 (traduction E. Cahen)
  • L'art est un message de réalité qui ne peut être exprimé en d'autres termes. Dans ce sens, un artiste est un envoyé des dieux et, pour cette raison, ne saurait transmettre leur mandat qu'en sa propre langue.
    Charles Langbridge Morgan — Portrait dans un Miroir, II Portrait in a Mirror, II
  • Vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal.
    Ancien Testament, Genèse III, 5
  • Quand on voudra s'occuper utilement du bonheur des hommes, c'est par les Dieux du ciel que la réforme doit commencer.
    Paul Henri Thiry, baron d'Holbach — Système de la nature
  • Le corps humain est le tombeau des dieux.
    Émile Chartier, dit Alain — Système des beaux-arts, Gallimard
  • Il y a quelque chose par quoi les hommes ont su s'égaler aux dieux, et c'est le sens de la proportion.
    Jean Grenier — À propos de l'humain, Gallimard
  • Les païens ont bien connu qu'il y avait quelque divinité souveraine, mais ils ont toujours voulu avoir une garenne de petits dieux à leur porte.
    Jean Calvin de son vrai nom Cauvin — Œuvres
  • Les dieux coiffent le masque à l'approche du poète, et leurs voies sont obscures.
    Marie-René Alexis Saint-Leger Leger, dit, en diplomatie, Alexis Leger, et, en littérature Saint-John Perse — À René Char, Gallimard
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Vidéos relatives au mot « dieu »

Traductions du mot « dieu »

Langue Traduction
Anglais god
Espagnol dios
Italien dio
Allemand gott
Chinois
Arabe الله
Portugais deus
Russe бог
Japonais
Basque god
Corse diu
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Synonymes de « dieu »

Source : synonymes de dieu sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « dieu »

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Nombre de points du mot dieu au scrabble : 5 points

Dieu

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