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Ni

Définitions de « ni »

Trésor de la Langue Française informatisé

NI, conj. de coordination négative

[Coordonne des constituants de même nature et de même fonction ou bien des propositions, en corrélation soit avec ne, soit avec d'autres éléments à valeur négative]
I. − [En corrélation avec ne]
A. − [Coordonne des constituants de même nature et de même fonction]
1. [Complète la négation ne et joue ainsi le rôle d'un «auxil. de négation» (ou «forclusif»); v. ne I B] Ne ... ni a ni b.
a) [Coordonne des syntagmes nom., quelle qu'en soit la fonction]
[Suj., «suj. réel» ou attribut] Ni les siècles antérieurs, ni les autres parties du monde, n'ont offert d'exemple (Condorcet,Esq. tabl. hist., 1794, p.148).Je serai en sentinelle devant sa bouche, et j'aurai soin qu'il n'y entre ni une goutte d'eau ni une miette de pain (About,Roi mont., 1857, p.245):
1. Il croit, par exemple, que les princes sont faits pour les peuples, et non les peuples pour les princes; sentiment moins bizarre que vous ne l'imaginez, vous autres courtisans. Il n'est ni le premier ni le seul de sa maison à penser de la sorte, si les bruits en sont vrais. Courier,Pamphlets pol., Au réd. la Quotidienne, 1823, p.205.
En partic. [L'attribut est prép.] Elle n'était toutefois ni de très haute taille ni de très puissante encolure (Cladel,Ompdrailles, 1879, p.104).
[Compl. d'obj. dir. ou indir. (du verbe ou d'une loc. verb.)] Brigitte n'avait peur ni de la fatigue ni de la nuit (Musset,Confess. enf. s., 1836, p.252).Aussi loin que l'oeil portât à travers la brume liquide, on n'apercevait ni un arbre ni une maison (Gracq,Syrtes, 1951, p.19).L'entreprise (...) ne convenait, en fait, ni à mon âge, ni aux capacités de travail dont je disposais encore (Martin du G.,Souv. autobiogr., 1955, p. c).
En partic. [Le compl. est un inf.] Elle avait voulu éviter ce regard qui la fascinait, et ses yeux n'avaient pu ni se baisser, ni se détourner (Karr,Sous tilleuls, 1832, p.223).
Loc. N'avoir ni foi* ni loi. Ne faire ni un(e) ni deux. Ne pas hésiter. Je savais que Zio Giuseppe ne ferait ni une ni deux qu'il me tuerait (Aragon,Beaux quart., 1936, p.421).
[Compl. circ. dir. ou indir.] N'admets les avides ni parmi tes amis, ni parmi tes disciples, car ils sont incapables de sagesse et de fidélité (Joubert,Pensées, t.1, 1824, p.187).Je n'irai à la campagne ni aujourd'hui ni demain (Karr,Sous tilleuls, 1832, p.228).Ni dans l'un ni dans l'autre cas, il n'y a rien eu de ce qu'on appelle à l'ordinaire un événement (Sartre,Nausée, 1938, p.13).
Avec ell. du nom. Cet écrivain d'ailleurs, quel qu'il soit, n'a parlé ni pour ni contre la question (Maistre,Soirées St-Pétersb., t.1, 1821, p.150).
[Compl. du nom ou de l'adj.] [Le sage] n'est maître absolu ni des choses, ni des sensations qu'il en reçoit, ni de l'habitude de ses organes (Senancour,Rêveries, 1799, p.79).Il n'était content ni de lui-même ni de son adversaire (Vigny,Serv. et grand. milit., 1835, p.159):
2. Les interventions constantes des représentants du gouvernement britannique dans la politique intérieure et administrative des états du Levant et même dans les rapports entre ces états et le mandataire ne sont compatibles, ni avec le désintéressement politique de la Grande-Bretagne en Syrie et au Liban, ni avec le respect de la position de la France, ni avec le régime du mandat. De Gaulle,Mém. guerre, 1956, p.354.
b) [Coordonne des adj. ou des part. empl. comme adj.] C'est un homme que l'on voit partout, qui n'a l'air ni bon ni méchant, ni spirituel ni bête (Delécluze,Journal, 1827, p.426).Les femmes n'étaient ni renfermées ni voilées; elles étaient même à demi nues (Lamart.,Voy. Orient, t.2, 1835, p.88).Oui, vous tous, paysans, ouvriers, bourgeois, qui n'êtes ni tout à fait innocents ni certainement les plus coupables (Sartre,Mort ds âme, 1949, p.239).
[Dans des cont. ell. du verbe] Est-ce grand? −Ni trop grand ni trop petit (Dumas père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.332).Il est seulement gai quand il est gai et triste quand il est triste ou ni gai ni triste (Prévert,Paroles, 1946, p.99).
Loc. Ni vu ni connu. On nous mit à la porte et le bougnat accrocha ses volets et tourna le gaz. Les types s'égaillèrent. Ni vu ni connu. Toute l'affaire n'avait pas duré une demi-heure (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p.70).
c) [Coordonne des adv.] La cause du tyran seul est tellement sacrée, qu'elle ne peut être ni assez longuement ni assez librement discutée (Robesp.,Discours, Jug. Louis XVI, t.9, 1792, p.125).[Dante] ne plaça l'humanité ni si haut, ni si bas (Ozanam,Philos. Dante, 1838, p.269):
3. ... Vivian Grey savait qu'il y avait au moins un être au monde qui n'était peureux ni moralement, ni physiquement et il était arrivé depuis longtemps à la confortable conclusion que sa carrière ne pouvait être que très brillante. Maurois,Disraëli, 1927, p.40.
Loc. Ni pis ni mieux (vieilli, rare). Achetez, donnez Chambord, c'est la cour qui le mangera, le prince n'en sera ni pis ni mieux (Courier,Pamphlets pol., Procès, 1821, p.100).Ni plus ni moins. Les mendiants ne sont ni plus ni moins que des moines au petit pied (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.906).
d) [Coordonne des verbes] Le citoyen n'étoit ni accablé par le travail, ni enchanté par le plaisir (Chateaubr.,Génie, t.2, 1803, p.440).Lorsqu'on permet à la nature de suivre paisiblement sa marche; lorsqu'on ne la hâte, ni en l'excitant, ni en la réprimant (...) l'homme, ainsi que les animaux moins parfaits, prend tout à coup, à cette époque, d'autres penchans, d'autres idées, d'autres habitudes (Cabanis,Rapp. phys. et mor., t.1, 1808, p.92).Romantisme qu'il n'a ni compris ni approuvé (Béguin,Âme romant., 1939, p.238).L'expérience de l'Irlandais [Needham] n'avait été ni confirmée ni infirmée lorsqu'une vingtaine d'années plus tard l'abbé Lazare Spallanzani (1729-1799) intervint dans la controverse (J. Rostand,Genèse vie, 1943, p.50).
2. Littér. [Ni est omis devant le premier terme coordonné] Ne ... a ni b.
a) [Coordonne des syntagmes nom.] Il n'a pu réprimer ses penchans ni ses passions funestes (Crèvecoeur,Voyage, t.2, 1801, p.225).Ce n'était pas, ce ne pouvait être la garance ni la cochenille (Duhamel,Passion J. Pasquier, 1945, p.7):
4. L'âpre Mort, par une injuste norme Qui en fait son butin, A mêlé les couleurs, les parfums et les formes En un même destin. Pourtant de ces jardins le deuil ni la blessure Ne me sont à tourment... Muselli,Travaux et jeux, 1914, p.26.
[Coordonne des syntagmes prép.] J'attribue cet état de grâce au fait que, pas un instant, en son for intérieur, il ne doutait de lui, ni de la grandeur de sa mission, ni du succès final de ce bon combat auquel il donnait toutes ses forces (Martin du G.,Souv. autobiogr., 1955, p.lxxv).
[Coordonne des inf.] N'ayant pu tout savoir ni tout rassembler, je m'excuse de tant d'omissions involontaires (Bordeaux,Fort de Vaux, 1916, p.134).
b) [Coordonne des adj.] Moi qui n'ai voix consultative ni délibérative au conseil de l'État (Proudhon,Propriété, 1840, p.207).De sa vie, le pauvre Vasile n'avait été si propre ni si beau (About,Roi mont., 1857, p.227).
c) [Coordonne des verbes] Le soleil ne se lève ni ne se couche (Crèvecoeur,Voyage, t.2, 1801, p.118).Je n'ai demandé ni souhaité d'être député (Courier,Pamphlets pol., Au réd. Drapeau blanc, 1822, p.196).Dans l'auberge de l'Isola Bella, les auditeurs n'ont entendu ni su que ce que le narrateur a bien voulu leur confier (Gobineau,Pléiades, 1874, p.29).Nancy ne répond, ni ne bouge (Camus,Requiem,1956, 1repart., 1ertabl., p.824).
Rem. On considère gén. que lorsque ni n'est pas empl. en relation avec un auxil. de négation, il ne peut coordonner deux subst. précédés du prédéterm. de et que la constr. il ne mange (ni) de poires ni de pommes est incorrecte du point de vue gramm. en fr. mod., contrairement à l'usage du fr. class. On trouve cependant qq. ex. de ce type dans le corpus. C'était un travail immense de recherches, de courses, de conversations avec les gens techniques, et il ne fallait ni d'erreurs ni d'exagérations (Goncourt, Journal, 1879, p.22). Il est démontré aujourd'hui aux yeux de la raison qu'il n'est ni de végétal ni d'animal qui n'ait son germe (J. Rostand, Genèse vie, 1943, p.57).
3. [En corrélation avec ne et un «auxil. de négation partielle» (jamais, personne, rien...). Ni est omis devant le premier terme coordonné ou bien, par un effet d'insistance, il figure devant chacun d'eux]
a) [Coordonne des syntagmes nom.]
[Suj., «suj. réel» ou attribut] L'intérêt personnel ne fut jamais mon fait ni ma devise (Sandeau,Mllede La Seiglière, 1848, p.244).Le tonnerre ni le déluge ne chasseront plus ce sourire de mes lèvres (Giraudoux,Ondine, 1939, ii, 9, p.125).Temple: Et moi je vous dis que la vérité, ni la justice, n'ont rien à voir dans tout ceci, que je ne peux vous servir de rien (Camus,Requiem,1956, 1repart., 3etabl. p.849).
Ni ... ni. Elle prononçait familièrement des noms que ni Pauline ni Véronique n'avaient jamais entendus (Zola,Joie de vivre, 1884, p.975).Une courtisane dissolue ne suffirait plus à ce gouvernement social. Il y faudra de la tenue, de la respectabilité, cette culture intellectuelle sans laquelle ni l'homme ni la femme ne peuvent rien de grand (Vogüé,Morts, 1899, p.170).
[Compl. d'obj. dir. ou indir. (en partic. un inf.)] On ne parle plus de constitution, ni de liberté (Constant,Princ. pol., 1815, p. vi).L'esprit humain perdit entièrement son assiette; il ne sut plus à quoi se retenir ni où s'arrêter (Tocqueville,Anc. Rég. et Révol., 1856, p.252).Et cette maison, en effet, n'est pas la sienne, mais c'est qu'elle n'est celle de personne. Et personne n'y trouvera jamais l'abandon ni la chaleur (Camus,Malentendu, 1944, ii, 8, p.162).
Ni ... ni. Elle ne songeait plus ni à son violent amour pour le marquis, ni à sa haine pour sa rivale (Ponson du Terr.,Rocambole, t.3, 1859, p.293).Il n'éprouvait plus ni le goût, ni l'énergie d'aller se remettre au travail (Roy,Bonheur occas., 1945, p.48).
[Compl. circ. dir. ou indir.] Je répondis au président «qu'il n'avait, évidemment, jamais été dans les intentions ni dans les ordres du gouvernement français, ni dans ceux du général Doyen, de s'opposer par la force à la présence des troupes américaines dans la zone alpine (...)» (De Gaulle,Mém. guerre, 1959, p.183).
Ni ... ni. L'aigle ne le quittait plus ni la nuit ni le jour (Gide,Prométhée, 1899, p.319).Je ne croisai personne, ni à l'entrée, ni dans l'escalier (Abellio,Pacifiques, 1946, p.15).
[Compl. du n. ou de l'adj.] Mais cette loi [de non-contradiction] n'implique aucune hypothèse spéciale sur la nature de ce qu'on devra se donner, ni de ce qui restera constant (Bergson,Essai donn. imm., 1889, p.121).Ce qui s'est passé à Vaux ne fut indifférent à aucun des belligérants, ni même à aucun peuple de la terre (Bordeaux,Fort de Vaux, 1916, préf., p.3).
En partic. [Coordonne des pron. indéf. négatifs ou leurs compl.] Les familles grecques, syriennes et arabes de cultivateurs, qui habitent ces maisons au pied du Liban, n'ont rien de sauvage ni rien de barbare (Lamart.,Voy. Orient, t.2, 1835, p.73).Les jeunes gens sont sans indulgence, parce qu'ils ne connaissent rien de la vie ni de ses difficultés (Balzac,Lys, 1836, p.163).Il m'enseigna que l'on n'obtient rien de grand ni de valable, ni de durable, sans effort (Gide,Thésée, 1946, p.1416).
Ni ... ni. Si Henriette aimait, elle ne connaissait rien ni des plaisirs de l'amour ni de ses tempêtes (Balzac,Lys, 1836, p.206).
b) [Coordonne des adj. ou des part. empl. comme adj.] Quand il n'existe plus d'action atomique ni moléculaire isolée, on est en présence de la gravitation comme résultante générale des forces élémentaires appliquée à un corps (Renouvier,Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p.27).J'ai toujours grand plaisir à le revoir; mais ne puis plus avec lui être naturel ni sincère (Gide,Journal, 1930, p.974).
Ni ... ni. Ma mère ne se sentit jamais ni humiliée ni honorée de se trouver avec des gens qui eussent pu se croire au-dessus d'elle (Sand,Hist. vie, t.2, 1855, p.116).L'homme n'est jamais ni parfait, ni content (Verne,Île myst., 1874, p.207).
c) [Coordonne des adv.] Je ne ferai aucune tentative, directement ni indirectement, pour essayer de changer ou d'altérer en rien vos manières de voir sur des sujets (Stendhal,L. Leuwen, t.3, 1835, p.154).
Ni ... ni. Je ne suis plus, ni physiquement, ni moralement, le chef qu'il faut au semeur (Martin du G.,J. Barois, 1913, p.520).
d) [Coordonne des syntagmes verbaux]
[à une forme simple du verbe] C'est une affection du sujet sentant, laquelle ne donne aucune représentation, ni n'implique aucune connaissance de l'objet senti (Cournot,Fond. connaiss., 1851, p.144).Aucun signe ne distinguait Thomas ni ne le marquait pour les besognes mystiques (Queffélec,Recteur, 1944, p.21).
[à une forme comp. du verbe] La niaiserie n'a jamais rien amélioré ni sauvé (Amiel,Journal, 1866, p.281).
Ni ... ni. Ses traits, les contours de sa tête que l'expression du plaisir n'avait jamais ni altérés ni fatigués (Balzac,E. Grandet, 1834, p.83).
Rem. En appos., dans le sens de «que ce soit ... ou que ce soit ...», la présence de ni est obligatoire devant chacun des termes coordonnés: Aucun frémissement de vie ne le troublait, ni palpitation d'aile, ni bourdonnement d'insecte, ni fuite de lézard ou de reptile (Gautier, Rom. momie, 1858, p.160). Il ne sentait plus rien, ni le goût de la viande, ni celui de l'alcool, ni la douleur (Sartre, Mort ds âme, 1949, p.173). Personne ici, ni élèves, ni maîtres, ne doit soupçonner qu'il y a eu entre nous un dissentiment dans une affaire aussi lourde (Montherl., Ville dont prince, 1951, III, 7, p.934).
4. [En corrélation avec ne et un «auxil. de négation totale» (pas, point). Ni figure seulement devant le 2eterme coordonné]
Rem. Une pause, si faible soit-elle, sépare le premier terme du 2eterme coordonné comme dans: il n'a pas de papier, ni de crayon (p.oppos. à il n'a ni papier ni crayon) et la phrase peut résulter en fait d'une coordination de deux prop. (infra B) avec ell. du verbe dans la seconde, plutôt que d'une coordination de constituants.
a) [Coordonne des syntagmes nom.]
[Suj.] Daras Miska ni M. Sari (...) ne feront pas cesser l'étonnement de Paris (Mallarmé,Dern. mode, 1874, p.824).
[Attribut] Ces arbres sont beaux, ces fleurs sont belles; mais ce ne sont point les fleurs ni les arbres de mon pays (Lamennais,Paroles croyant, 1834, p.270).
[Compl.] Nous ne parlons pas ici brigandage ni domination, mais association légitime, c'est-à-dire volontaire et libre (Sieyès,Tiers état, 1789, p.69).Il faut parler avec respect de Lucrèce; je ne lui vois de comparable que Byron, et Byron n'a pas sa gravité, ni la sincérité de sa tristesse (Flaub.,Corresp., 1861, p.464).Je n'aime pas les discours ni la musique militaire: mais je m'en tirerai avec un peu de coton dans les oreilles (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.466):
5. Lord Londonderry n'était pas homme à se repentir d'avoir péché contre l'humanité, dont il ne se souciait guère, ni envers les lumières du siècle, pour lesquelles il avait un profond mépris... Chateaubr.,Mém., t.3, 1848, p.122.
b) [Coordonne des adj.] Nous n'avons point de plus proches ni de meilleurs voisins (Courier,Pamphlets pol., Pétition pour vill., 1822, p.135).Même à la dernière Sainte-Barbe (...) le lapin n'avait pas été si gras ni si tendre (Zola,Germinal, 1885, p.1261).
Rem. La forme ni ... ni n'est utilisée qu'à la faveur d'une pause (virgule devant ni à l'écrit): La famille par conséquent ne doit pas (...) prendre part à la guerre que se font entre elles des armées campées sur son territoire, ni directement, ni indirectement, par l'espionnage, l'embauchage, etc. (Bonald, Législ. primit., t.2, 1802, p.96). Je crois que l'on naît prédisposé à la foi ou au doute; et que tous les raisonnements ne peuvent pas grand-chose, ni pour, ni contre (Martin du G., J. Barois, 1913, p.286). Ailleurs elle est arch.: Je ne connois point ici ni minorité, ni majorité (Robesp., Discours, Guerre, t.8, 1792, p.198). De la place où nous sommes on ne voit point ni la boue ni l'ordure (Claudel, Ville, 1901, II, p.465).
B. − [Coordonne des prop.]
1. [Coordonne des prop. complètes]
a) [Coordonne des prop. princ. négatives] Vieilli, rare. Je ne voudrais pas, ni Adolphe lui-même ne voudrait pas de cent millions achetés à ce prix (Balzac,E. Grandet, 1834, p.69).La fidélité est comme cette épouse qui attend son mari engagé dans la croisade; jamais elle ne désespère, ni jamais elle n'oublie (Psichari,Voy. centur., 1914, p.75):
6. Les pierres qui sont dans le sein de la terre ne forcent point le germe de végéter en bas, ni les pluies n'attirent point la radicule en haut. Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p.179.
En partic. [Ni est répété devant chaque prop.] Ni la passion ne me fourvoie, ni l'orgueil ne m'assourdit (Claudel,Ville,1901,iii, p.476).
b) [Coordonne des prop. sub.]
α) [Coordonne deux prop. sub. négatives dépendant d'une prop. princ. positive] Rare. Sur les bonnes dispositions de ses frères, elle n'a parlé que par bienséance: elle sait bien qu'elle ne m'en contera pas là-dessus, ni même qu'elle ne me fera croire à ses regrets douloureux (Pourrat,Gaspard, 1931, p.27).
En partic. [Ni est répété devant chaque prop.] La vérité est que ni la terre n'est productive, ni le travail n'est productif, ni les capitaux ne sont productifs (Proudhon,Propriété, 1840, p.252).
β) [Coordonne deux prop. (positives, ou plus rarement, négatives) dépendant d'une prop. princ. négative] Ménard n'admet point qu'aucune splendeur se soit éteinte, ni qu'aucune lyre se soit tue (Barrès,Voy. Sparte, 1906, p.17).Je n'approuvais pas qu'on volât par intérêt ni qu'on s'ébattît dans un lit pour le plaisir (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p.194):
7. ... n'importe quel organisme est toujours et nécessairement démontable en pièces agencées. Mais de cette circonstance il ne suit nullement que la sommation de ces pièces soit automatique elle-même, ni que de leur somme n'émerge pas quelque valeur spécifiquement nouvelle. Teilhard de Ch.,Phénom. hum., 1955, p.117.
P. ell. Il n'y a pas que les résistants qui risquent, en ce moment, ni que les gamins (Montherl.,Demain, 1949, ii, 3, p.726).
En partic.
[Coordonne deux prop. inf.] Il m'est arrivé, dans ma vie, d'avoir l'affreuse curiosité d'une exécution capitale. Je m'y suis rendu. Je n'y ai pas assisté. Je n'ai vu ni le couteau descendre, ni la tête tomber (Bourget,Sens mort, 1915, p.278).Mais personne n'a vu Yvinec sauter en pleine nuit dans sa barque ni s'éloigner à la voile (Queffélec,Recteur, 1944, p.9).
[Coordonne deux prop. présentées par c'est ... qui/que] Ce n'était pas qu'elle travaillât moins ni que ses affaires devinssent mauvaises (Zola,Assommoir, 1877, p.538).Ce n'est pas l'oreille qui tinte ni la lézarde du mur qui s'agrandit (Bachelard,Poét. espace, 1957, p.162).
[Coordonne deux prop. interr. indir.] Rien ne lui disait quelle zone de la ville il traversait, ni quel trajet il avait fait (Hugo,Misér., t.2, 1862, p.546).Je ne sais lequel de nous la baptisa «Mouche», ni pourquoi ce nom lui fut donné, mais il lui allait bien, et lui resta (Maupass.,Contes et nouv., t.1, Mouche, 1890, p.1340).
[Coordonne deux prop. rel.] Ce n'est pas moi qui vous ferai de la morale, ni qui tremblerai pour les gros intérêts que nous vous avons confiés (Zola,Bonh. dames, 1883, p.690).
2. [La prop. coordonnée est ell.]
[Avec ell. du verbe] Si l'on fixe à un même support deux horloges dont les battements ne sont point parfaitement synchrones ni les marches rigoureusement concordantes (Cournot,Fond. connaiss., 1851, p.78).Les musiciens ne se lassaient pas de souffler, ni les bourgeois de saluer (About,Grèce, 1854, p.419).
Vx. [Ni figure devant chaque prop.] Ni le réel n'est entièrement rationnel ni le rationnel tout à fait réel (Camus,Homme rév., 1951, p.365).
[Avec ell. du suj.] Rare, vieilli. Il y a des gens pour qui le monde extérieur est égal; ils s'en accommodent ou bien ni ne s'en accommodent ni ne s'en accommodent point (Ionesco,Présent, 1968, p.139 ds K. Togeby, Gramm. fr., Copenhague, Akademisk Forlag, t.4, 1984, p.14).
Rem. Les deux prop. coordonnées sont rarement l'une et l'autre incomplètes quant à la négation. Elle ne le sait ni l'ignore (Le Clézio, Fuites, 1969, p.143 ds K. Togeby, loc. cit.).
II. − [Sans corrélation avec ne]
A. − [En corrélation avec non] Il s'agit de décrire, et non pas d'expliquer ni d'analyser (Merleau-Ponty,Phénoménol. perception, 1945, p.11).Winston Churchill y perdait, non certes son auréole ni sa popularité, mais bien l'adhésion générale qu'il avait obtenue comme guide et comme symbole de la patrie en danger (De Gaulle,Mém. guerre, 1959, p.204):
8. Le plus grand rôle dans la constitution de l'harmonie finale reste toujours à la force génératrice et plastique primitivement attachée au type originel, en vertu d'une harmonie préexistante que l'art de la culture peut bien modifier, mais non suppléer, ni créer de toutes pièces. Cournot,Fond. connaiss., 1851, p.93.
En partic. [Coordonne deux prop.] Je regrette ces pages, non point seulement parce que je n'en avais jamais écrit de si pathétiques, ni parce qu'elles eussent pu m'aider à sortir d'un état maladif dont elles étaient le sincère reflet (Gide,Et nunc manet, 1951, p.1144).
B. − Littér. [Dans des cont. dépendant d'un adv., d'un adj., d'un verbe ou d'un subst. dont le sens peut se ramener à celui d'une négation] Défense à tous de causer ni de quitter les rangs (Barrès,Colline insp., 1913, p.148).Cet homme enrageait littéralement de se trouver dans son tort, d'être dans l'impossibilité de recevoir, ni de se donner, un brevet de vertu (Camus,Chute, 1956, p.1483):
9. ... elle aimait mieux ne pas y réfléchir, elle préférait garder ça longtemps encore, avec l'espoir que ça finirait par s'arranger. Aussi n'avait-elle fait aucun préparatif, ignorante des symptômes, incapable de se rappeler ni de calculer une date, sans idée, sans projet. Zola,Pot-Bouille, 1882, p.367.
En partic. [Ni coordonne deux prop.] Si par un très gros effort je me trouve prêt à la fin de l'année, il est peu probable qu'Élisabeth le soit, ni surtout que nous ayons pu travailler ensemble (Du Bos,Journal, 1923, p.256).Divinités sages et constantes qui prennent garde que nos lettres ne soient jamais brusquement et totalement altérées, ni qu'elles s'assoupissent trop longtemps dans l'ennui de la perfection (Valéry,Variété IV, 1938, p.19).
C. − Rare, vieilli. [Dans un cont. dépendant d'une interr. qui a une valeur négative] Il avait dû lui dire mon nom, mais quelle chance y avait-il pour qu'elle se le fût rappelé, ni mon visage? (Proust,Guermantes 2, 1921, p.33).
D. − [En corrélation avec sans ou sans que]
1. [En relation avec la prép. sans] Maigret entrait, sans gêne ni étonnement (Simenon,Vac. Maigret, 1948, p.48).
[Dans un cont. où figure sans] Je ne sais pas, répondit Monte-Cristo, sans savoir même à quoi ni à qui il répondait, occupé qu'il était de surveiller Morrel dont les joues s'animaient (Dumas père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.607).
En partic. [Ni est répété devant chaque terme coordonné] M. de Beaupuis se mit en route, sans égard ni à son grand âge, ni à la rigueur de la saison (Sainte-Beuve,Port-Royal, t.3, 1848, p.499).Je vais les renvoyer, sans avoir pris ni nom, ni matricule (Vercel,Cap. Conan, 1934, p.48):
10. Il alla droit à cet homme et lui fit plusieurs questions auxquelles celui-ci répondit sans même laisser soupçonner, ni par ses paroles, ni par sa physionomie, qu'il se rappelât avoir jamais vu celui qui lui adressait la parole. Dumas père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.301.
Locutions
Sans feu ni lieu (vieilli). Qui n'a pas de logis. −Frère... répéta M. de Kergaz d'une voix émue et caressante, frère... Est-ce bien vous? −Non, non... balbutia-t-il, je suis un mendiant, un vagabond sans feu ni lieu (Ponson du Terr.,Rocambole, t.2, 1859, p.16).
Sans foi ni loi. Sans religion et sans morale. V. foi B 2 ex. de Balzac.
Sans queue ni tête. Qui n'a pas de sens. Une chose qui était incompréhensible et sans queue ni tête (Villiers de L'I.-A.,Corresp., 1886, p.150).
Sans rime ni raison. Sans quelque raison que ce soit. Pendant l'opéra, je m'étais aperçu que Madame de Mirval, sans rime ni raison, me faisait une espèce de petite guerre (Leclercq,Prov. dram., Répét. prov., 1835, 2, p.366).
Sans sou ni maille. Démuni de tout. M. de Beaupréau est un petit gentillâtre venu du Comtat, il y a trente ou quarante ans, sans sou ni maille, sans protections, parlant à tout propos d'un sien oncle qui était chanoine, et je crois, le personnage le plus important de sa famille (Ponson du Terr.,Rocambole, t.1, 1859, p.574).
Sans tambour ni trompette. Sans faire de bruit. Sauvons-nous au hasard sans tambour ni trompette! (Banville,Odes funamb., 1859, p.81).
Rem. On relève parfois des séquences du type vieilli sans ... ni sans ..., usitées en fr. class. Sans gronder ni sans rougir, comme une petite fille, elle m'avertit avec une nuance de sévérité sans aigreur, froide en apparence et au fond émue (Michelet, Journal, 1849, p.10).
2. [Ni entre en relation avec la loc. conj. sans que] Je verrai d'ailleurs Nucingen, et peut-être pourrai-je dégager la pension de votre père, sans qu'il en coûte un liard ni à vous ni à mon ministère (Balzac,Cous. Bette, 1846, p.328).Ils restèrent ensemble environ une heure, sans qu'on entendît de sanglots ni d'éclats (Taine,Notes Paris, 1867, p.107).
En partic. [Ni coordonne deux prop.] Il avait vu deux Uhlans encore, des bougres qui apparaissaient, qui disparaissaient, sans qu'on sût d'où ils sortaient ni où ils rentraient (Zola,Débâcle, 1892, p.99).
Rem. 1. On relève parfois des séquences coord. où ni éventuellement suivi de même est précédé de la conj. de coord. et: Je n'ai pas conquis le monde Et ni même un cher amour (Duhamel, Cécile, 1938, p.38). L'acteur qui sans cesse se campe à son avantage et ni ne trébuche ni jamais ne se fait défaut (Gide, Journal, 1940, p.59). 2. On relève parfois des séquences où ni coordonne deux constituants de même fonction mais de nature distincte: Je m'attendais à bien des choses, mais pas sitôt ni de la sorte (Sainte-Beuve, Cahiers, 1869, p.76). Raoul n'est encore ni majeur, ni en possession d'une fortune quelconque (Villiers de L'I.-A., Contes cruels, 1883, p.338). Pourtant ils ne croyaient pas à la métempsychose, ni que l'esprit s'élevât vers le ciel (Gaultier, Bovarysme, 1902, p.145). En partic. [Ni coordonne deux mots interr.] Il fallait bien par conséquent que quelqu'un les y eût plantés. Mais personne ne savait qui, ni quand (Bosco, Mas Théot., 1945, p.246). 3. a) Lorsque l'action du verbe ne se rapporte qu'à un seul suj., ou lorsque les deux suj. s'excluent sémantiquement, le verbe ne s'accorde qu'avec un seul suj.: Sainte et chaste demeure, où jamais ne cesse le travail, ni par conséquent la prière? (Courier, Pamphlets pol., Au réd. «Censeur», 1819, p.20). Ni l'un ni l'autre se souciait de plaire (Cocteau, Enfants, 1929, p.69). b) Lorsque deux suj. sont à des pers. différentes, la 1rel'emporte sur les autres, et la 2esur la 3e: J'avais déclaré que ni Daudet ni moi n'étions des gens à nous jeter au travers de l'élection de Zola (Goncourt, Journal, 1896, p.961). Maurice m'a rappelé que ni son père ni vous ne lui serviez aucune pension (Hermant, M. de Courpière, 1907, p.7). c) Si la séquence coord. par ni comprend un pron. nég., le verbe s'accorde gén. avec ce dernier: Ni toi, ni personne n'y peut rien (Rolland, J.-Chr., Adolesc., 1905, p.344).
Prononc. et Orth.: [ni]. Homon. nid, formes du verbe nier. Étymol. et Hist. Conj. de coord. I. Coordonne des termes d'une même prop. A. En prop. nég. 1. 842 ne répété (Serments de Strasbourg ds Henry Chrestomathie, p.2, 21: Si ... Karlus, meos sendra, de suo part non lo [sagrament]'s tanit ..., ne io ne neuls cui eo returnar int pois, in nulla aiudha contra Lodhuuuig nun li iu er); 881 ned (Ste Eulalie, ibid., p.3, 7: Elle no'nt eskoltet les mals conselliers Qu'elle Deo raneiet ..., Ne por or ned argent ne paramenz, Por manatce regiel ne preiement); ca 1050 (St Alexis, éd. Chr. Storey, 551-554: Surz ne avogles ne contraiz ne leprus Ne muz ne orbs ne nuls palazinus, ... Nuls n'en i at ki n'alget malendus); 1176 Ne dit an mes ne plus ne mains «on ne parle plus du tout» (littéral. «ni plus ni moins») (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 40); 2. fin xes. ne non répété (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 175: De quant il querent le forsfait Cum il Jesum oicisesant, Non fud trovez ne envenguz; 385); ca 1050 (St Alexis, 138); ca 1100 forme élidée devant voy. (Roland, éd. J. Bédier, 3355). B. En prop. implicitement nég. ou dubit., marquée d'indéterm., au sens de «et; ou» 1. en prop. interr. a) ca 1050 interr. dir. (St Alexis, 502: Que valt cist crit, cist dols ne cesta noise?); ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 2513); 1180-90 forme élidée devant voy. (Alexandre de Paris, Alexandre, éd. E. C. Armstrong, I, 2210); b) ca 1223 interr. indir. (Gautier de Coinci, Miracles, éd. V. F. Koenig, 2 Mir. 17, 22, t.4, p.96: Enquerrant vont en quele guise Ne comment est si tost esprise [la ville]); 2. en sub. compar. (la régissante étant affirm.) a) ca 1100 compar. d'inégalité (Roland, 1111: Plus se fait fiers que leon ne leupart); b) id. compar. marquant la préférence (id., 45: Asez est melz qu'il i perdent lé chefs Que nus perduns l'onur ne la deintet); 3. en sub. temp. situant l'action par rapport à un procès postérieur ca 1100 (id., 2036: Ainz que Rollant se seit aperçeüt, De pasmeisuns guariz ne revenuz ...); ca 1210 (Robert de Clari, Constantinople, XXXI, éd. Ph. Lauer, p.31); 4. en sub. hyp. a) ca 1135 ne (Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 1591: Quant traïson vels fere ne porquerre, Il est bien droiz et reson que i perdes); 1160-74 (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 2159); b) ca 1135 ne...ne (Couronnement de Louis, 1346: Une fille ai ...: Ge la vos doing de gré et volentiers, Se la volez ne prendre ne baillier, Et de ma terre avroiz une moitié); ca 1150 (Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 587); 5. dans une rel. dépendant d'un antécédent marqué d'indéterm. ca 1150 (id., 524: [d'une femme] C'est la plus belle que l'en puisse trover en paienime n'en la crestïenté); ca 1165 (Benoît de Sainte-Maure, Troie, éd. L. Constans, 5590; 15601); ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, 5167: Mes, qui qu'alast ne anz ne hors ...). II. Coordonne deux prop. A. Deux prop. nég. 1. fin xes. deux princ. (Passion, 155: No's defended ne no'ssusted [Jesus]; A la mort vai cum uns anels); ca 1050 (St Alexis, 121: Nel reconurent [Alexis] ne ne l'unt anterciét; 265 net: Li serf sum pedre [d'Alexis] ... Lur lavadures li getent sur la teste: Ne s'en corucet net il nes en apelet); id. ne est exprimé devant chacune des deux prop.; forme élidée (id., 239: Sovent le virent e le pedre e le medra ... N'il ne lur dist, ne il nel demanderent, Quels hom esteit...); 2. ca 1120-1150 deux complét. nég. obj. d'une princ. affirm. (Grant mal fist Adam, I, 20 ds T.-L., s.v. 556, 14). B. Une princ. nég. à une princ. affirm. ca 1100 (Roland, 964: En Rencesvals irai Rollant ocire, Ne Oliver n'en porterat la vie); fin xiies. (Homélies de St Grégoire sur Ézéchiel, 10, 32 ds T.-L. s.v., 555, 28). C. Des prop. au cont. implicitement nég., dubit., indéterm.; au sens de «et; ou» 1. ca 1100 complét. affirm. dépendant d'une princ. nég. (Roland, 1064: Ne placet Damnedeu Que mi parent pur mei seient blasmet Ne France dulce ja cheet en viltet!); 2. id. sub. compar. marquant la préférence (id., 60: Asez est mielz qu'il i perdent les testes Que nus perduns clere Espaigne, la bele, Ne nus aiuns les mals ne les suffraites!); 3. id. sub. rel. indéterm. (id., 1589: Ambure ocit [Roland; le païen et son cheval], ki quel blasme ne quil lot); 1176 (Chrétien de Troyes, Cligès, 221-225); ca 1179 (Renart, éd. M. Roques, 1231); 4. interr. a) ca 1150 interr. dir., forme élidée (Charroi de Nîmes, 1188: Ou as conquis si riche menantie N'en quel païs n'en quel fié est ta vie?; 274: «Dex!» dit Guillaumes, «qu'issis de Virge gente, Por c'ai ocis tante bele jovente Ne por qu'ai fet tante mere dolente?»); ca 1160 (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 4944); b) 1160-74 interr. indir. (Wace, Rou, III, 9186: ... aveit enquis E demandé a ses amis, Se ja evesque reis sereit Ne se ja reis estre porreit); 5. 1174-87 sub. hyp. (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 3779: D'angoisse me covient suer Qant nus m'areste ne esgarde). Issu de la conj. lat. nec, devenue ne, doublet de neque «et ... ne pas (liant deux mots ou deux prop.)» devant init. conson. du mot suiv., et qui finit par supplanter la forme pleine. Contrairement à la nég. ne*, et jusque vers la 2emoitié du xiiies., ne conj. ne s'élide qu'except. devant voy., sauf devant les prép. en et a; suivi d'un pron. pers. atone, il ne se soumet pas à l'enclise. Ne, forme rég., est très progressivement concurrencé par ni, qui le supplante au xviies. ([1220, mai, Cambrai, doc. ds Tailliar, Rec. d'actes des XIIeet XIIIes., Douai, 1849, p.68: en frere ni en sereur; 1251, doc. Avesnes [copie de cartul.] ds Gossen, p. 163: ni aultres de par my −ces deux ex. n'étant pas probants]; 2emoitié xiiies., Chrétien de Troyes, Perceval, éd. W. Foerster, 3825, texte du ms. L; post 1288 ds Adam de La Halle, Jeu de Robin et de Marion, éd. E. Langlois, Append. III, 12, interpol. entre les vers 723-724 par l'aut. du Jeu du Pélerin, ms. P, traits pic.; Jehan Bodel, St Nicolas [ms. ca 1300], éd. A. Henry, 148 et 1399). Cependant on notera qu'au xives. Guillaume de Machaut, au xves. Alain Chartier ds La Belle Dame sans mercy et François Villon n'emploient pratiquement que ne (4 empl. de ni dans toute l'oeuvre de Guillaume de Machaut; un seul empl. de ny dans Villon). Ni semble d'ailleurs très rare jusqu'à la fin du xves. mais se répand très vite dès le début du xvies. sous la forme ny. Ni est prob. issu de groupes syntactiques où ne se trouvait en relation avec un anc. dém. de type icel (celui*) ou avec le pron. pers. il*: n'icel, n'il. Il est possible également que la généralisation de ni ait été facilitée −à travers les dial. limitrophes du domaine occit. −par la tendance dans ce domaine à fermer en i le e en hiatus: a. prov. ni (2emoitié xiies., Bernard de Ventadour, Quant vey la lauzeta mover, 50, éd. C. Appel, p.253 au sens de «ni»; Id., Lancan vei la folha, 25, 39 ds Appel, p.58 au sens de «et»; 1171-90, Arnaut de Mareuil, Dona genser, 44 ds Les Saluts d'amour, éd. P. Bec, p.75). Fréq. abs. littér.: 56617. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 94464, b) 77376; xxes.: a) 67951, b) 77854. Bbg. Antoine (G.). La Coordination en fr. Paris, 1962, t.2, pp.1012-1059, 1066-1098. _ Broge (B.). Qq. possibilités de coord. avec ni en fr. mod. R. rom. 1973, t.8, pp.383-397. _Gaatone (D.). Ét. descr. du syst. de la négation en fr. contemp. Genève, 1971, pp.125-130. _ Ibrahim (A.H.). Coordonner pour argumenter. Semantikos. 1978, t.2, no2/3, pp.21-42. _ Pinchon (J.). Des Mots coordonnants. Fr. Monde. 1973, no96, pp.49-50. _ Togeby (K.). Gramm. fr. t.4. Les mots invariables. Copenhague, 1984, pp.11-16. _ Van Hout (G.). La Coordination. Cah. Ling. théor. appl. 1972, t.9, pp.257-258.

Wiktionnaire

Conjonction de coordination - français

ni \ni\

  1. Conjonction de coordination négative qui correspond à et affirmatif.
    • La véritable affaire n'était pas encore commencée. On n'entendait ni les cris antidynastiques qui étaient attendus ni le grondement orageux de La Marseillaise. — (Ivan Tourgueniev, L'Exécution de Troppmann, avril 1870, traduction française de Isaac Pavlovsky, publiée dans ses Souvenirs sur Tourguéneff, Savine, 1887)
    • Donc, plus de fausse pudeur ni de sensiblerie de mauvais aloi. — (Auguste de Villiers de L’Isle-Adam, L’Appareil pour l’analyse chimique du dernier soupir, dans les Contes cruels, Calmann Lévy, 1893, page 202)
    • Pendant de longues heures nous marchons en silence, ne regardant ni à droite ni à gauche, la tête baissée sous nos capuchons pour nous garantir de l’ondée cinglante. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 36)
    • Ces sortes d’affaires s’instruisent sans huissiers ni défenseurs. Le ministère de ceux-ci est déclaré n’être pas obligatoire, et le surcroît de frais qu’il eût occasionné être irrépétible. — (Revue pratique de droit français: jurisprudence, doctrine, législation, dirigée par A. Marescq et E. Dujardin, tome 28, 1880, page 208)
    • — C’est un katoï, chuchota la mère abbesse, ce qui peut se traduire par ladyboy. Un être émasculé, qui n’est ni homme ni femme. — (Kate McAlistair, La Vallée du Lotus rose, Éditions de L’Archipel, 2018)
  2. Entre deux propositions :
    • L'année dernière un de ses anciens camarades de Polytechnique, administrateur-délégué des Assurances Nationales, qu'il a rencontré au bal des Antiques, lui a proposé la direction d'un bureau d’actuaires ; il n'a répondu ni oui ni non, sait-on jamais ? — (André Billy, Quel homme es-tu?, Éditions Ernest Flammarion, 1936, p. 223)
    • Il ne boit ni ne mange.— Je ne crois pas qu’il vienne, ni même qu’il pense à venir.

Note d’usage : Elle est la plupart du temps utilisée en double (ni… ni…) avec deux noms, deux adjectifs ou deux verbes à l’infinitif, parfois avec « ne » (ne… ni…) lorsque les deux éléments sont des propositions indépendantes.

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Littré (1872-1877)

NI (ni) conj. négative qui ne se dit jamais sans la particule négative ne précédant ou suivant, et qui est équivalente à et avec une négation.
  • 1Ni répété devant chacun des termes qu'il s'agit de nier. La religion commande des choses difficiles, mais elle n'est ni affreuse, ni farouche, ni cruelle, Benserade, dans GIRAULT-DUVIVIER. Elle n'a ni parents, ni support, ni richesse, Molière, Éc. des f. III, 5. Il goûta le repos d'un homme heureusement dégagé à qui ni l'Église, ni le monde, ni son prince, ni sa patrie, ni les particuliers, ni le public n'avaient plus rien à demander, Bossuet, le Tellier. Les enfants n'ont ni passé, ni avenir, et, ce qui ne nous arrive guère, ils jouissent du présent, La Bruyère, XI. La boussole n'a point été trouvée par un marin, ni le télescope par un astronome, ni le microscope par un physicien, ni l'imprimerie par un homme de lettres, ni la poudre à canon par un militaire, Racine L. la Religion, ch. V, note 173. Je n'ai l'avantage d'être, pour ma consolation, ni le plus grand capitaine, ni le plus grand roi ni le plus grand et le plus vrai philosophe de ce siècle, ni le protecteur de l'Allemagne, ni le réformateur de la justice, ni enfin l'exemple des souverains et des gens de lettres, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 15 sept. 1780. Ni le jour, ni les ténèbres, ni le bruit, ni le silence, rien ne peut mettre obstacle à l'esprit d'un homme qui sait penser, Condillac, Art de penser, 2e part. ch. 3.

    L'usage est de répéter ni à chaque terme, et les grammairiens en font une règle. Cependant cette règle n'est fondée sur aucune raison péremptoire ; et voici des exemples où elle n'a pas été observée. Que ferais-je à la cour, moi qui ne suis, seigneur, Hypocrite, jaloux, médisant, ni flatteur ? Boursault, Ésope à la cour, V, 3. Je ne veux l'un ni l'autre, il n'est pas temps de feindre, Voltaire, Rome sauv. II, 3. (Ces exemples sont des vers ; mais on pourrait les imiter en prose.)

  • 2Ni l'un ni l'autre, voy. UN.
  • 3Ni mis une seule fois ; en cet emploi on ne s'en sert guère qu'avec des substantifs sans article ou avec des noms propres. Honneurs ni richesses ne font le bonheur. Ils n'avaient tapis ni housse, Mais tous fort bon appétit, La Fontaine, Fabl. V, 7. Dans ses meubles, dût-elle en avoir de l'ennui, Il ne faut écritoire, encre, papier, ni plumes, Molière, Éc. des f. III, 2. Quand je plaisais à tes yeux, J'étais content de ma vie, Et ne voyais rois ni dieux Dont le sort me fit envie, Molière, Am. magn. intermède III, sc. 7. Je ne connais Priam, Hélène ni Pâris : Je voulais votre fille, et ne pars qu'à ce prix, Racine, Iphig. IV, 6. Qui n'est bourgeois, abbé, robin ni militaire, Piron, Métr. I, 1.
  • 4Ni est quelquefois suivi immédiatement de ne, lorsqu'il joint deux propositions négatives ; dans ce cas la proposition liée rejette la particule pas ou point. Jamais pécheur ne demanda un pardon plus humble, ni ne s'en crut plus indigne, Bossuet, le Tellier. Le prince n'a point d'autre but, ni n'en veut connaître, Montesquieu, Lett. pers. 127.
  • 5Ni joint quelquefois deux propositions négatives, comme fait et. Si on n'aimait pas les justes, ni on ne les protégeait pas pour eux-mêmes, il les faudrait protéger pour le bien public, Bossuet, Méd. sur l'Évang. dern. serm. du Sauveur, 83e jour.
  • 6Quand ni n'est pas répété, il peut se construire avec pas ou point. Est-il possible que ce même Sostrate qui n'a pas craint Brennus ni tous les Gaulois…, Molière, Am. magn. I, 1. Que la fortune ne tente donc pas de nous tirer du néant, ni de forcer la bassesse de notre nature, Bossuet, Duch. d'Orl. Ma maison ni mon lit ne sont point faits pour vous, Boileau, Sat. X. Mon esprit n'admet point un pompeux barbarisme, Ni d'un vers ampoulé l'orgueilleux solécisme, Boileau, Art p. I. Personne ne souhaitera jamais plus que moi que vous goûtiez des plaisirs, mais des plaisirs qui ne vous passionnent ni ne vous amollissent point, Fénelon, Tél. VIII.
  • 7Quand ni est répété, on ne met pas la particule point ou pas. On ne dit pas : Il ne faut pas être ni prodigue ni avare ; mais : Il ne faut être ni prodigue, ni avare. On ne dit pas : Ni la prudence ni l'humanité ne permettent pas une telle conduite ; mais : Ni la prudence ni l'humanité ne permettent une telle conduite.

    Toutefois les meilleurs écrivains se sont affranchis de cette règle ou plutôt de cet usage. Madame, mon amour n'emploiera pas pour moi Ni la loi du combat ni le vouloir du roi, Corneille, Cid, V, 7. Ce n'est pas tout encore, et tu ne conçois pas Ni tout ce qu'est l'amour ni ce qu'il a d'appas, Corneille, Imit. III, 5. Je ne décrirai point ni leur douleur amère, Ni les pleurs de Psyché, ni les cris de sa mère Qui du fond des rochers renvoyés dans les airs…, La Fontaine, Psyché, I, p. 34. Cela n'est pas capable ni de convaincre mon esprit, ni d'ébranler mon âme, Molière, D. Juan, V, 2. Ni la prudence, ni la piété, ni la bonne théologie ne permettraient pas de décrier un concile qui a été universellement reçu, aussitôt que la doctrine en a été bien entendue, Bossuet, Mém. sur la bibl. ecclés. de Dupin. Ce n'est point ni un ennemi ni un étranger, c'est Judas, ce cher disciple, cet intime ami qui le trahit, Bossuet, 3e serm. pour le vendr. saint, II. La réponse ne pouvait pas être ni plus courte, ni plus certaine, ni plus décisive, Bossuet, 2e instruct. past. sur les prom. de J. C. à l'Église. Une parole, une raillerie nous trouble, et nous ne considérons pas ni de quoi ni par qui nous nous laissons troubler, Bourdaloue, 2e serm. pour le 2e dim. de l'avent. Je n'ai point exigé ni serments, ni promesses, Boileau, Lutr. II. Des pièces que je ne voudrais point pour rien au monde ni avouer ni avoir faites, Voltaire, Lett. Damilaville, 18 avril 1764. Celui qui n'a jamais réfléchi ne peut pas être ni clément, ni juste, ni pitoyable, Rousseau, De l'origine des langues, IX.

  • 8Avec jamais on omet un des ni, mais aussi on le répète très bien. Je ne l'ai jamais vu, lui ni son frère. La justice ne fut jamais ni si éclairée, ni si secourable, Bossuet, le Tellier.

    Il en est du substantif personne comme de l'adverbe jamais. La nature n'avait donné à personne ni une âme plus élevée, ni un génie plus heureux, qu'à la fille de Théon, Diderot, Opin. des anc. phil. (éclectisme).

  • 9Lorsqu'il y a plusieurs verbes qui se suivent, le premier n'est point précédé de ni. Je ne veux, ni ne dois, ni ne puis obéir.

    Cependant cet usage n'est pas absolu. Un sot ni n'entre, ni ne sort, ni ne s'assied, ni ne se lève, ni ne se tait, ni n'est sur ses jambes, comme un homme d'esprit, La Bruyère, II.

  • 10Ni liant non des mots, mais des propositions, peut se mettre en tête des propositions, surtout dans le style élevé. Ni sa main n'est point raccourcie, ni ses trésors ne sont point épuisés, Bossuet, Panég. de St Franç. d'Assise, I. Ni l'édifice n'est plus solide que le fondement, ni l'accident attaché à l'être, plus réel que l'être même, Bossuet, Duch. d'Orl.
  • 11Ni s'est construit avec sans. Elle [la Brinvilliers] écouta son arrêt, dès le matin, sans frayeur ni sans faiblesse, Sévigné, 22 juill. 1676. Mon équipage est venu jusqu'ici sans aucun malheur, ni sans aucune incommodité, Sévigné, 27 juillet 1672.

    Aujourd'hui on mettrait et au lieu de ni.

  • 12Après un que conjonctif que précède un verbe accompagné d'une négation, le membre de phrase qui suit doit toujours commencer par ni. Ne pense pas qu'au moment que je t'aime, Innocente à mes yeux, je m'approuve moi-même, Ni que du fol amour qui trouble ma raison Ma lâche complaisance ait nourri le poison, Racine, Phèdre, II, 5.

    Cet usage est souvent violé, sans aucune faute.

  • 13Ni suivi de la préposition de et d'un nom pris partitivement. Elle ne peut causer ni d'enflure ni d'enfoncement, Pascal, Équil. des liqueurs, VII. Qu'il lui coûtait moins d'exposer sa vie que de dissimuler ses sentiments, et qu'il n'achèterait jamais ni de faveur ni de fortune aux dépens de sa probité, Fléchier, Duc de Mont.
  • 14Ni se met quelquefois sans ne et sans verbe, et par la seule vertu d'une proposition sous-entendue. Comment la trouvez-vous ? Ni belle ni laide. Ayant pour maxime inviolable avec mes amis de me montrer à leurs yeux exactement tel que je suis, ni meilleur, ni pire, Rousseau, Confess. X.
  • 15Ni se dit quelquefois pour et en des phrases qui ont un sens négatif implicite. J'ai grande peine à croire ce que vous me dites de madame ***, ni qu'elle ait pris votre parti contre moi, Voiture, Lett. 58. Désespérant de réduire Babylone ni par force ni par famine, Bossuet, Hist. III, 4. J'ai peine à croire que MM. de Genève traduisent ni impriment mon livre, Bossuet, Lett. 80. Défendit qu'un vers faible y pût jamais entrer, Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer, Boileau, Art p. II. Bientôt ils défendront de peindre la prudence, De donner à Thémis ni bandeau ni balance, Boileau, ib. III. Gardez donc de donner, ainsi que dans Clélie, L'air ni l'esprit français à l'antique Italie, Boileau, ib. III. Pelletier écrit mieux qu'Ablancourt ni Patru, Boileau, Sat. IX.

    C'est cet emploi de ni qui rend correcte cette phrase : Il n'est pas possible ou il est impossible que ni le temps ni l'art apportent quelque amélioration à l'état de sa vue.

  • 16Ni sans ne, archaïsme tombé en désuétude et qui est aujourd'hui considéré comme une faute. Elle n'ôte à pas un ni donne d'espérance, Corneille, Cid, I, 1 (scène changée). Une douceur que rien n'émeut ni aigrit, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 90. Lorsque le père n'instituait ni exhérédait son fils, Montesquieu, Esp. XXVII.
  • 17Ni pris substantivement. Ces deux ni avec point ne sont pas permis, Voltaire, Comm. Corn. [il s'agit de ces vers de Nicomède : Je vous avais prié de l'attaquer lui-même, Et de ne mêler point, surtout dans vos desseins, Ni le secours du roi, ni celui des Romains, III, 6].

REMARQUE

1. Ni la douceur ni la force n'y peut rien ou n'y peuvent rien : les deux se disent également, suivant qu'on a dans l'esprit la conjonction ou la disjonction des sujets. Ni mon grenier ni mon armoire Ne se remplit à babiller, La Fontaine, Fabl. IV, 3. Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux, La Fontaine, Phil. et Baucis.

2. Ni fait hiatus dans les vers, et on ne le met pas devant une voyelle. Cependant Malherbe a dit : Ci-dessous gît monsieur l'abbé, Qui ne savait ni A ni B, Malherbe, édit.de MÉNAGE, p. 275.

HISTORIQUE

XIe s. Mur ne citet n'i est remes [resté] à fraindre [briser], Ch. de Rol. I. Ne n'ai tel gent qui la sue derompe, ib. II.

XIIe s. Il s'en ala avant, ne dist ne ço ne quei, Th. le mart. 46.

XIIIe s. Ne soiez vers les pauvres ne sure [aigre] ne amere, Berte, IV. Par un jour si très bel qu'il ne pleut ne ne vente, ib. x. Que ceens entre fame n'en hiver n'en esté, ib. XLV.

XVe s. Adonc fut la dame moult esbahie, et requit tout en pleurant conseil à monseigneur Robert d'Artois quelle chose elle en pourroit faire, ni où se traire à garant ni à conseil, Froissart, I, I, 12. Ne suis roy ni prince aussy, Je suis le sire de Coucy, Devise des Coucy. Dictes-moy où n'en quel pays Est Flora… , Villon, Ballade des dames du temps jadis. Prince, n'enquerez de sepmaine, Où elles sont, ne de cest an, Villon, ib. Envoi.

XVIe s. Il ne resteroit innocence aucune n'en dits n'en faits, s'il suffisoit d'accuser, Calvin, Instit. Dédic. Il ne recognoist ni advoue pour son œuvre les hommes vicieus et abastardis, Calvin, ib. 49. Tu ne te feras point image taillée, ne semblance aucune des choses qui sont en haut au ciel, ne çà bas en la terre, ni es caux dessous la terre ; tu ne les adoreras ni honoreras, Calvin, ib. 284. Il n'y a ni industrie ni labeur qui…, Calvin, ib. 723. Où sont vos forces, ni apprets, pour leur faire teste ? Carloix, IV, 9. Il n'y gaigna rien ny pour soy ny pour les aultres, Montaigne, I, 4. Ny n'entendent les stoïciens que…, Montaigne, I, 50. Il n'y a ny statues ny trophées de marbre, ny arcs de triomphe, ny coulonnes, ny sepultures magnifiques, qui puissent combattre la durée d'une histoire eloquente, Amyot, Préf. III, 28. Celuy devant qui rien n'est ne futur ne passé, Amyot, ib. XII, 40. Les Atheniens les receurent à grande joye, ny plus ny moins que si c'eust esté Theseus luy mesme vivant, Amyot, Thésée, 45. Venus n'a point ny myrte ny laurier Digne de toy ny digne de ma teste, Ronsard, 48. Je ne sçay ny moyen, remede ny maniere De sortir de vos rets, où je vis en langueur, Ronsard, 240. Je ne puis ny toucher, gouster, n'ouyr, ny voir, Ronsard, 291. Mon appuy, mon Odet, que j'aime Mille fois plus ny que moy-mesme, Ny que mon cœur, ny que mes yeux, Ronsard, 472.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

NI. - REM. Ajoutez :

3. Saint-Simon a dit : Le prince de Conti me conta qu'il n'avait jamais été si embarrassé, ni tant souffert de sa vie, Saint-Simon, 78, 16. On rendrait cette phrase plus usuelle en mettant : et n'avait tant souffert de sa vie. L'ellipse préférée par Saint-Simon est dure, mais non incorrecte.

4. Remarquez cette tournure de Bossuet, très bonne d'ailleurs : Il [Jurieu] ne connaît guère ce que c'est ni que l'esprit ni que le cœur, Bossuet, 2e avert. 16.

5. Ni suivi immédiatement de pas ou point. Qu'il soit le premier de sa race, et n'ait pas le liard en sa bourse, ni pas un valet après lui, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne. Il faut qu'il n'y ait point de bien que la vertu, ni point de mal que le vice, Malherbe, ib.

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Étymologie de « ni »

Provenç. ne, ni ; anc. esp. ne ; esp. mod. ni ; port. nem ; ital. ne ; du lat. nec. L'ancien français est toujours ne ; on voit apparaître ni dans les écrits de Froissart ; puis dans le XVIe siècle ni s'introduit et entre en lutte avec ne, et souvent dans la même phrase on trouve les deux. Enfin dans le XVIIe siècle ne n'est plus qu'un archaïsme, aujourd'hui complétement tombé en désuétude, excepté quand on répète en plaisantant le ne plus ne moins du Malade imaginaire.

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Du latin nec « et… ne… pas ».
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « ni »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
ni ni

Fréquence d'apparition du mot « ni » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « ni »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « ni »

  • Je ne suis ni pour, ni contre, bien au contraire.
    Coluche — Votez nul ! - 1980
  • Miley Cyrus, Chris, Cara Delevingne… Tous ces artistes ont un point commun : ils ne se reconnaissent ni dans le genre féminin ni dans le genre masculin. Et ils sont loin d'être les seuls. En France, 22 % des 18-30 ans disent ne pas se reconnaître dans les deux catégories de genre homme ou femme, selon un sondage Ifop pour Marianne publié en novembre 2020. Ce dimanche 10 janvier à 21 h 5, M6 diffuse dans Zone interdite un documentaire qui tente d'appréhender cette révolution de l'identité, souvent encore mal comprise.
    Le Point — « Zone interdite » : ni fille ni garçon, la révolution des genres - Le Point
  • Vilain enrichi ne connaît ni parent ni ami.
    Gabriel Meurier — Sentences notables, adages et proverbes
  • Sans solidarité, performances ni durables ni honorables.
    François Proust — Maximes à l’usage des dirigés et de leurs dirigeants
  • Dans la nuit de samedi à dimanche, plusieurs sites conspirationnistes ont fait gonfler la (fausse) rumeur selon laquelle le pape François aurait été arrêté pour 80 chefs d’accusation.
    Désinfox. Non, le pape n’a pas été arrêté, ni pour trafic d’enfants, ni pour autre chose
  • Un véritable roi n’est ni mari ni père.
    Pierre Corneille — Nicomède
  • Selon un sondage Ifop 22% des Français, entre 18 et 30 ans, ne se sentent ni homme ni femme et de plus en plus de jeunes se disent neutres, genderfluid, a-genre ou non-binaires. Ils ne se reconnaissent dans aucun des deux genres « classiques ». Chez les célébrités, en France, c'est Bilal Hassani qui a ouvert la voie, en apparaissant avec une longue perruque blonde et un costume androgyne sur la scène de l'Eurovision ou encore la chanteuse de Christine and the Queens a changé de prénom ; elle est devenue Chris et s'est déclarée de genre neutre. 
    Télé 7 Jours — REPLAY - Zone Interdite (M6) : Revoir le numéro "Ni fille, ni garçon : enquête sur un nouveau genre"
  • Le monde pourrait vivre sans tuer ni animal ni végétal.
    Théodore Monod — Livre de Théodore
  • L’OLB n’y voit pas beaucoup plus clair concernant son avenir à court terme. Si une réunion du comité directeur de la Ligue nationale de basket s’est déroulée ce lundi 11 janvier en fin d'après-midi, rien n’a été tranché. L’instance qui gère les championnats professionnels masculins a convenu de la tenue d’une assemblée générale le mardi 19 janvier à 11 heures en visioconférence, lors de laquelle elle soumettra ses résolutions.
    www.larep.fr — Pour connaître la suite de cette saison sans queue ni tête, Orléans Loiret Basket attendra le mardi 19 janvier - Orléans (45000)
  • Ni Dieu, ni maître.
    Auguste Blanqui
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Traductions du mot « ni »

Langue Traduction
Anglais or
Espagnol o
Italien o
Allemand oder
Chinois 要么
Arabe أو
Portugais ou
Russe или же
Japonais または
Basque edo
Corse o
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Synonymes de « ni »

Source : synonymes de ni sur lebonsynonyme.fr

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Nombre de points du mot ni au scrabble : 2 points

Ni

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