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Moeurs

Définitions de « moeurs »

Trésor de la Langue Française informatisé

MOEURS, subst. fém. plur.

I. − [Avec une idée prédominante de morale]
A. −
1. Ensemble de comportements propres à un groupe humain ou à un individu et considérés dans leurs rapports avec une morale collective; absol., règles de vie, modèles de conduite plus ou moins imposés par une société à ses membres. On y trouve [dans ce canton] des moeurs et de la probité; mais, comme partout ailleurs, le mal y est à côté du bien (Dusaulx,Voy. Barège,t.1, 1796, p.59).Les dehors, les propos, les manières ont une certaine mesure de dignité froide qui est commune à tous (...). À présent, la loi suprême des moeurs c'est la convenance (Vigny,Serv. et grand. milit.,1835, p.135):
1. S'il était venu nous vanter les moeurs des cours, nous les offrir en exemple, nous inviter à les imiter, je conçois qu'alors on pourrait l'accuser d'avoir outragé la morale; mais il a fait précisément le contraire. Ces moeurs dissolues, scandaleuses, il les a censurées; il a voulu arracher un jeune prince à leur contagion; et c'est lui, c'est le défenseur des moeurs que vous accusez d'avoir offensé les moeurs! Courier,Pamphlets pol.,Procès, 1821, p.117.
Rem. Employé dans ce sens surtout au xixesiècle.
P. métaph. La beauté d'un mot est tout entière dans sa pureté, dans son originalité, dans sa race; je veux le dire encore en achevant ce tableau des mauvaises moeurs de la langue française et des dangers où la jettent le servilisme, la crédulité (Gourmont,Esthét. lang. fr.,1899, p.106).
SYNT. Moeurs atroces, austères, barbares, civilisées, corrompues, dépravées, déréglées, douces, grossières, infâmes, irréprochables, libres, policées, pures, relâchées, rudes, sauvages, sévères; moeurs sociales, de la société; adoucissement, austérité, changement, corruption, dépravation, dérèglement, douceur, grossièreté, innocence, liberté, licence, perversion, pureté, relâchement, rudesse, sévérité de(s) moeurs; changer, corrompre, réformer les moeurs; avoir de l'influence sur les moeurs; les moeurs se relâchent.
Loc. vieillies
Avoir/n'avoir pas de moeurs; avoir des moeurs + adj. Marquer par son comportement que l'on respecte ou non les valeurs morales de la société. L'étude, selon lui, des vertus domestiques est notre premier pas vers les vertus civiques. Il croit qu'ayant des moeurs, étant homme de bien, bon parent, on peut être alors bon citoyen (Laya,Ami loix,1793, i, 4, p.20).L'homme est imparfait. Il est parfois plus ou moins hypocrite, et les niais disent alors qu'il a ou n'a pas de moeurs (Balzac,Goriot,1835, p.125).
(Être) sans moeurs; femme/homme, etc. sans moeurs. (Être) sans égards pour les règles de vie généralement admises. Un artiste (...) c'est (...) un homme sans conduite, sans domicile, sans moeurs, un sacripant (Labiche,Mari lance sa femme,1864, i, 5, p.574).
2. En partic. Comportement sexuel conforme ou non aux normes sociales. Ce que c'est qu'une femme, qui est abandonnée de son mari, et qui, ayant de la figure, est recherchée par les hommes, qui la corrompent et lui ôtent les bonnes moeurs! (Restif de La Bret.,M. Nicolas,1796, p.114):
2. ... Pauliet me raconta que dégoûté de la vie familiale et bourgeoise il avait vécu chez les filles, seulement les filles de maison, dans les maisons où la clientèle populaire a «des moeurs assez chaudes», car il méprisait la fausse élégance des maisons de passe... Jouve,Scène capit.,1935, p.217.
Moeurs (particulières, spéciales). Homosexualité. Il prétend qu'il ignorait les moeurs de Wilde! Et qu'il ne le soutenait d'abord que parce qu'il le croyait innocent (Gide,Journal,1918, p.655).Il a entretenu des femmes qui étaient (...) des poules immondes... Alors qu'il avait sa femme, que vous avez vue, hein? On a même prétendu qu'à l'occasion il pratiquait des moeurs spéciales (Romains,Hommes bonne vol.,1939, p.114).
Femme/homme, etc. de moeurs faciles/légères ou de peu de moeurs. Synon. de libertin.V. léger V B ex. de Aymé.
Expr. Drôles de moeurs! Quelles moeurs! Il n'y a plus de moeurs! Murat est malade. La déesse du bal, Madame Rugat, lui a proprement donné une galanterie (...). D'autres personnes de l'État-Major se plaignent de Madame Visconti. Bon Dieu! Quelles femmes! Quelles moeurs! (Napoléon Ier, Lettres Joséph.,1796, p.53).
B. − DROIT
Bonnes moeurs. ,,Ensemble des règles imposées par la morale et auxquelles les parties ne peuvent déroger par leurs conventions`` (Cap. 1936). Être contraire aux bonnes moeurs. C'est la magistrature qui protège les bonnes moeurs et (punit?) les attentats aux idées orthodoxes (Flaub.,Corresp.,1842, p.99).
Affaire/histoire de moeurs. Infraction aux lois concernant la morale. Ça n'était pas un méchant homme, malgré son affaire de moeurs (...). Mulot a été condamné pour faux témoignage. Injustement d'ailleurs. Alors Robidet, goguenard: − Ouais! pour viol de petite fille (Gide,Feuillets d'automne,1949, p.1098).
Attentat aux/contre les moeurs, crime contre les moeurs, outrage aux moeurs. Acte d'immoralité portant atteinte à la pudeur, à la respectabilité, etc. J'ai comparu (...) en police correctionnelle sous la prévention d'outrage aux bonnes moeurs et au culte catholique. Cette Bovary, que vous aimez, a été traînée comme la dernière des femmes perdues sur le banc des escrocs. On l'a acquittée, il est vrai (Flaub.,Corresp.,1857, p.163).Il s'agit, par exemple, d'un outrage aux moeurs: exhibitionnisme, tentative de viol, érotisme cynique (Codet,Psych.,1926, p.86).V. attentat ex. 12.
Brigade/bureau/police/service des moeurs ou absol., les moeurs. Brigade, etc. s'occupant des délits de prostitution. La Préfecture pouvait mettre la main sur elle; elle avait fait partie d'un bagne d'amour, elle s'était évadée; les limiers des moeurs pouvaient la reprendre (Huysmans,Marthe,1876, p.67).Les autres fuyaient seulement la justice, soucieuses d'éviter la terrible «mise en carte» que leur réservait la brigade des moeurs (Van der Meersch,Invas. 14,1935, p.450).
P. méton. Membre de la police des moeurs. Le Grain-de-Beauté, le grand moeurs qui fait le quartier (Méténier,Lutte pour amour,1891, p.92).
Certificat de (bonne) vie et moeurs. V. certificat A 3 ex. de Flaubert.
C. − RHÉT., vx. Moeurs oratoires ou, absol., moeurs. Partie de la rhétorique qui traite des moyens de gagner la faveur de l'auditoire en faisant montre de certaines qualités morales; ces qualités mêmes. Quelquefois seulement, par un souci des moeurs oratoires, on dirait qu'il cherche à envelopper sa sentence de formes courtoises (Lemaitre,Contemp.,1885, p.223).La deuxième condition de l'art oratoire consiste à plaire, c'est-à-dire à se présenter avec des «moeurs» telles qu'elles imposent à l'assistance une opinion favorable à l'orateur (Wicart,Orateur,t.1, 1936, p.298).
D. − SOCIOL. Science des moeurs. Science ,,qui se propose de dégager les croyances morales exprimées par les individus d'une société et aussi impliquées dans la pratique même des relations sociales`` (Julia 1964). En identifiant moeurs et vie morale, les représentants de la science des moeurs ont souvent été tentés de réduire à l'habitude et à la régularité toute la vie morale (Traité sociol.,1968, p.148):
3. Dans La Morale et la science des moeurs, Lévy-Bruhl cherche à démontrer la relativité des idées morales qui, selon lui, dépendent de la nature et de la forme de la société. La morale ou «science des moeurs» quitte le domaine philosophique et devient une simple annexe de la sociologie. Hist. sc.,1957, p.1512.
II. − [Sans idée prédominante de morale]
A. − Ensemble des façons de vivre habituelles à un groupe humain ou à un individu. Synon. coutumes.Notre séjour à l'entrée de la baie nous procura sur les moeurs et les divers usages des sauvages, beaucoup de connaissances (Voy. La Pérouse,t.2, 1797, p.179).Tel est l'intérieur de cette famille, dont le chef serait l'homme le plus heureux du monde (...) si les goûts de sa femme et de ses enfans, en opposition constante avec la simplicité de ses moeurs et de ses habitudes, ne le forçaient à un genre de vie qui ne lui convient en aucune manière (Jouy,Hermite,t.1, 1811, p.199):
4. À la fin du xviiiesiècle, on pouvait encore apercevoir, sans doute, entre les manières de la noblesse et celles de la bourgeoisie, une différence; car il n'y a rien qui s'égalise plus lentement que cette superficie de moeurs qu'on nomme les manières; mais, au fond, tous les hommes placés au-dessus du peuple se ressemblaient; ils avaient les mêmes idées, les mêmes habitudes, suivaient les mêmes goûts, se livraient aux mêmes plaisirs, lisaient les mêmes livres, parlaient le même langage. Tocqueville,Anc. rég. et Révol.,1856, p.158.
En partic., absol. Synon. de civilité, savoir-vivre, urbanité:
5. ... il n'y a d'original et de tout à fait particulier en lui [Daguesseau] comme écrivain, que ce que les anciens appelaient les moeurs [it. ds le texte], ce je ne sais quoi non-seulement de doux et de paisible (...), mais de prévenant et d'humain (...); de discrètement aimable et de lentement persuasif qui monte et s'exhale d'une âme pure... Sainte-Beuve,Caus. lundi,t.3, 1851, p.410.
SYNT. a) [Avec une idée de modalité] Moeurs élégantes, étranges, simples; état des moeurs; différence, élégance de(s) moeurs; adopter les moeurs de. b) [Avec une idée de temps] Anciennes, nouvelles, vieilles moeurs; moeurs actuelles, anciennes, antiques, modernes, nouvelles, primitives; moeurs de l'époque, du siècle, du/de ce temps. c) [Avec une idée d'indépendance ou d'appartenance à un groupe] Moeurs bourgeoises, domestiques, étrangères, générales, nationales, parlementaires, particulières, patriarcales, paysannes, politiques, populaires, privées, publiques; moeurs des Français, etc.; moeurs des femmes, des habitants, des hommes, d'une/de la nation, du pays, d'un/du peuple, de la province. d) [Avec une idée d'étude] Observation des moeurs; connaître, observer, peindre les moeurs.
Locutions
Être dans les moeurs; c'est dans les moeurs. Être/c'est dans les habitudes (de tel groupe). Le pillage n'est pas dans nos moeurs françaises: le coeur de nos soldats n'est point mauvais; le premier moment de fureur passé, il revient à lui-même (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène,t.1, 1823, p.864).
Entrer/passer dans les moeurs. Entrer/passer dans l'usage courant. La rhétorique de l'image est entrée dans les moeurs intellectuelles du temps, au point que cette expression: avoir du style, se trouve être le synonyme de cette autre: écrire avec pittoresque (Bourget,Nouv. essais psychol.,1885, p.192).
Proverbes et expr.
Autres temps, autres moeurs! Il déplore avec moi que la veuve Moreau soit morte et que sa boutique paradisiaque (...) n'existe plus. Sic transit gloria mundi. Ainsi se perdent les traditions. Autre [sic] temps, autres moeurs (Cendrars,Bourlinguer,1948, p.313).
La musique adoucit les moeurs. Si la musique adoucit les moeurs (...) elle n'ennoblit pas les visages. Ils sont là une soixantaine de musiciens (...) pourquoi ne leur met-on pas des masques, comme dans le théâtre antique (Montherl.,J. filles,1936, p.1038).
Les honneurs changent les moeurs (vx). (Dict. xixes.).
B. − LITTÉRATURE
1. Vx. Ce qui convient au caractère des personnages, des temps et des lieux mis en scène dans telle oeuvre. Pécher contre les moeurs:
6. La manière dont le poëte fait agir et parler les personnages de son poëme, ou les êtres qu'il personnifie, s'appelle les moeurs [it. ds le texte] (...). Il y a les moeurs [id.] de l'âge et les moeurs [id.] du sexe. Ces moeurs [id.] sont bonnes, si elles expriment l'état naturel de l'individu... Bonald,Législ. primit.,t.2, 1802, p.208.
2. Comédie, étude, roman de moeurs. Comédie (...) qui décrit les façons de vivre caractéristiques d'un groupe humain, d'un individu, d'une époque. C'est une étude de moeurs populaires, l'histoire d'un jeune ouvrier sobre et chaste (...). Il est ciseleur et travaille bien. Le soir, près de sa mère, qu'il aime, il étudie (A. France,Lys rouge,1894, p.57).Tout y est rassemblé [dans les mauvais romans] pour plaire, pour étonner, pour toucher; tableaux de moeurs et de travaux; attitudes, mouvements, costumes, couleur et forme des lieux, patois, archaïsmes (Alain,Propos,1921, p.339).V. comédie II B 2 c ex. d'Amiel.
C. − PEINT. Peintre, peinture, scène, tableau de moeurs. Peintre (...) qui dépeint des épisodes de la vie quotidienne. Grand côté de Gavarni: c'est d'être peintre de moeurs non par le costume et le meuble (...) mais par la physionomie (Goncourt,Journal,1857, p.407).Au XVIIIesiècle vient le rococo puis la peinture des idylles, peinture de moeurs, de genre, peinture patriotique (Barlet, Lejay,Art de demain,1897, p.66).
D. −
1. P. anal. [À propos d'animaux ou de végétaux] Mode d'être ou de vivre habituel à une espèce animale ou végétale. Comme il connaissait bien toutes les habitudes Des plantes, des oiseaux, des insectes de Dieu! (...) Et comme, de l'hysope aux plus superbes fleurs, De tout ce qui végète il m'enseignait les moeurs! (Lamart.,Jocelyn,1836, p.784):
7. À l'image du Bernard l'Ermite allant habiter les coquilles abandonnées, on associe parfois les moeurs du coucou allant pondre dans le nid des autres. Il semble que, dans l'un et l'autre cas, la nature s'amuse à contredire la morale naturelle. Bachelard,Poét. espace,1957, p.122.
2. P. métaph. [À propos d'une chose concr. ou abstr.] J'ai longuement étudié les moeurs des étoiles. Il en est qui vont seules, d'autres montent par pelotons (Claudel,Connaiss. Est,1907, p.64).Le désir de voir la chose écrite vêtir les moeurs du rêve ne s'est pas borné à affecter les poètes (...) il a été homologué pour une grande partie par certains écrivains d'idées, entre autres Thibaudet et Rémy de Gourmont (Benda,Fr. byz.,1945, p.26).
Prononc. et Orth.: [moe(:)ʀ(s)]. Martinet-Walter 1973 [moe:ʀ]; [moeʀs] (7/11). Les dict. ont, de Fér. 1768 à Besch. 1845, [moeʀs]; dep. Littré, les deux formes, avec des modalités diverses. Littré préconise l'anc. prononc., [moe:ʀ]: ,,[moeʀs] n'est pas une bonne prononciation``. Nyrop Phonét. 1951, §254, 7: [moe:ʀ] est ,,recherché``. DG, Barbeau-Rodhe 1930, Lar. Lang. fr.: [moe:ʀ] est ,,vieilli``. Pt Rob. ,,[moe:ʀ], souv. [moeʀs], fam.`` Lexis 1975 ,,[moeʀs] ou, plus souvent, [moe:ʀ]``. Fouché Prononc. 1959, p.478, Dupré 1972, pris ensemble, suggèrent la répartition suiv.: un homme de moeurs lâches [moe:ʀ]; moeurs irréprochables [moeʀz] ou [moeʀs]; affaire de moeurs [moeʀs]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Début xiies. «manière de se comporter, conduite (spéc. par rapport à la pratique du bien et du mal)» (Benedeit, St Brendan, 76 ds T.-L.: Murs out bons cil ermite et sainte vitte); 1155 (Wace, Brut, 3642, ibid.: Bien sembla [Iwallo] as bons ancessors De prüesce e de bones mors); 1160-74 (Id., Rou, éd. J.Holden, III, 2: Pur remembrer des ancesurs Les feiz e les diz e les murs); 1174-76 (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, 552 ds T.-L.: Les mals murs a guerpi e seculer servise); 1718 avoir des moeurs «avoir de bonnes moeurs» (Ac.); 2. ca 1265 les meurs et les us «les habitudes relatives à la manière de vivre, les usages» (Brunet Latin, Trésor, éd. J. Carmody, II, XL, p.207); 1549 «habitudes d'un peuple» (Du Bellay, Deffense de la lang. fr., éd. H.Chamard, I, 2, p.16); 1688 «savoir-vivre» (La Bruyère, Caractères, De la Cour, 74, éd. J. Benda, p.259: les jeunes gens... sont durs, féroces sans moeurs); 3. [av. 1577 (?) «habitudes naturelles des différentes espèces d'animaux» (Budé, Des Ois., p.118 ds La Curne = trad. de G.Budé, Traité de Vénerie par Louis Le Roy?)] 1606 meurs porcines (Trad. de Folengo, L. VIII I, 217 ds Hug.). Du lat. mores, plur. de mos, moris, masc. (d'où ce même genre relevé en a. fr.) «volonté, désir; usage, coutume»; la plupart du temps au plur. «genre de vie, traditions [morales, religieuses], habitudes; caractère, comportement; lois, règles». La prononc. de l's finale (notée dep. Rich. 1680; v. aussi Fouché Prononc., pp.426 et 478) est prob. due à la fois au nombre exclusivement plur. du mot et à la relation, toujours ressentie, avec l'étymon lat. V. aussi Trav. Ling. Litt. Strasbourg t.19, 1, p.241. Fréq. abs. littér.: 4721. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 13554, b) 4850; xxes.: a) 4523, b) 3190. Bbg. Quem. DDL t.15.

Littré (1872-1877)

MOEURS (meur ; plusieurs prononcent meurs', en faisant sentir l's, ce n'est pas une bonne prononciation ; l's ne se lie pas : des meur honnêtes ; cependant quelques-uns la lient : des meur-z honnêtes) s. f. pl.
  • 1Habitudes considérées par rapport au bien ou au mal dans la conduite de la vie. De mauvaises mœurs. La France devant [avant] ces orages, Pleine de mœurs et de courages Qu'on ne pouvait assez louer, Malherbe, II, 4. Enfin chez les chrétiens les mœurs sont innocentes, Corneille, Poly. IV, 6. Ô temps, ô mœurs ! j'ai beau crier, Tout le monde se fait payer, La Fontaine, Fabl. XII, 6. La réformation des mœurs, Pascal, Pens. XXIII, 44, édit. HAVET. La science des choses extérieures ne me consolera pas de l'ignorance de la morale au temps d'affliction ; mais la science des mœurs me consolera toujours de l'ignorance des sciences extérieures, Pascal, ib. VI, 41. L'Église fera une assemblée d'hommes dont les mœurs extérieures soient si pures, qu'elles confondent les mœurs des païens, Pascal, Pens. XXIV, 62. Jouissez de votre dépense, sans en faire une plus grande, qui serait superflue et contre les bonnes mœurs dont nous faisons profession, Sévigné, 13 juin 1685. D'où lui viennent [à l'esprit] ces règles immuables qui dirigent le raisonnement, qui forment les mœurs, par lesquelles il découvre les proportions secrètes des figures et des monuments ? Bossuet, Connaiss. IV, 9. Vous ne l'avez pas [la foi]… c'est pourquoi tout tombe en ruine dans vos mœurs, Bossuet, Mar.-Thér. Nos fausses pénitences qui ne sont suivies d'aucun changement de nos mœurs, Bossuet, ib. Ce sont de jeunes gens dont les mœurs sont assez réglées, Lourd. Pensées, t. II, p. 370. Ses mœurs avaient toujours été telles que les forment un grand attachement à l'étude et l'heureuse privation du commerce du monde, Fontenelle, Rolle. Il est vrai que ce vol [du calcul des infiniment petits] ne peut avoir été que très subtil, et qu'il ne faudrait pas d'autre preuve d'un grand génie que de l'avoir fait ; mais enfin il vaut mieux ne l'avoir pas fait, et par rapport au génie, et par rapport aux mœurs, Fontenelle, Leibnitz. Les mœurs publiques devenues des scandales publics, Massillon, Carême, Motifs de conv. Il ne faut pas être étonné, si les législateurs de Lacédémone et de la Chine confondirent les lois, les mœurs et les manières ; c'est que les mœurs représentent les lois, et les manières représentent les mœurs, Montesquieu, Esp. XIX, 16. Il y a cette différence entre les lois et les mœurs, que les lois règlent plus les actions du citoyen, et que les mœurs règlent plus les actions de l'homme, Montesquieu, Esp. XIX, 16. Il [Brutus] changera de mœurs en changeant de fortune, Voltaire, M. de Cés. I, 1. Caton forma tes mœurs, Caton seul est ton père, Voltaire, Mort de Cés. III, 2. Gouvernant sans conquête, et régnant par les mœurs, Voltaire, Orphel. IV, 2. Avant que de parler de mœurs, commençons par déterminer les différentes idées qu'on attache à ce terme ; car, loin d'avoir des synonymes, il admet plusieurs acceptions : dans la plus générale, il signifie les habitudes naturelles ou acquises pour le bien et le mal, Duclos, Consid. mœurs, ch. 1. Les mœurs, en parlant d'un particulier et de sa vie privée, ne signifient autre chose que la pratique des vertus morales, ou le dérèglement de la conduite, suivant que ce terme est pris en bien ou en mal, Duclos, ib. Je désigne ces actions de l'être intelligent par les termes d'actions morales ou, plus brièvement, par celui de mœurs, pour les distinguer des actions purement machinales et de celles qui n'ont pas une liaison sensible avec la pratique ou le bonheur, Bonnet, Œuv. mêlées, t. XVIII, p. 325, dans POUGENS.

    Certificat de vie et de mœurs, de vie et mœurs, de bonne vie et mœurs, certificat attestant qu'il n'y a rien à reprocher à une telle personne.

    Faire information de vie et mœurs, se dit de l'autorité judiciaire ou autre qui prend des informations sur la conduite d'une personne.

  • 2 Absolument. Mœurs se dit pour bonnes mœurs. N'avoir point de mœurs, en avoir de mauvaises. Un homme, une femme sans mœurs. Les mœurs sans épithète s'entendent toujours des bonnes mœurs, Duclos, Consid. mœurs, ch. 1. La sainteté, la paix, les mœurs vont disparaître, Voltaire, Olymp. II, 5. On n'est rien sans les mœurs, Voltaire, Pélopides, II, 2. Pesez, monsieur, ce mot de mœurs ; j'ose vous dire que ni ma famille, ni mes amis, ni la famille des Calas, ni celle des Sirven, ni la petite-fille du grand Corneille ne m'accuseront de manquer de mœurs, Voltaire, Lett. Dorat, 28 janv. 1767.

    Cet homme a des mœurs, c'est-à-dire il est sage, de conduite régulière.

    Dans un sens plus restreint, avoir des mœurs, être d'une conduite régulière par rapport aux femmes. Je connaîtrais un homme qui a des mœurs entre cent mille débauchés, Rousseau, Ém. IV. Le vice auprès des mœurs n'est jamais sans effroi, Ducis, Abufar, I, 2.

  • 3Il se dit de la manière de vivre, des usages, coutumes, préjugés, qui varient chez les différents peuples et dans les différents siècles. Autres temps, autres mœurs. Il est bon de savoir quelque chose des mœurs de divers peuples, afin de juger des nôtres plus sainement, et que nous ne pensions pas que tout ce qui est contre nos modes soit ridicule et contre raison, ainsi qu'ont coutume de faire ceux qui n'ont rien vu, Descartes, Méth. I, 8. La corruption de la raison paraît par tant de différentes et extravagantes mœurs, Pascal, Pens. XXV, 90. Cette maxime, la plus générale de toutes celles qui sont parmi les hommes, que chacun suive les mœurs de son pays, Pascal, ib. III, 8. Des siècles, des pays étudiez les mœurs, Boileau, Art p. III. Les mœurs, plus que les lois, font et caractérisent une nation, Duclos, Œuvr. t. VI, p. 59. Les amateurs de l'antiquité, ceux qui se plaisent à comparer les génies des nations, verront avec plaisir combien les mœurs, les usages du temps de Mahomet, d'Abubeker, d'Omar ressemblaient aux mœurs antiques dont Homère a été le peintre fidèle, Voltaire, Mœurs, 6. Aux mœurs de l'Occident laissons cette bassesse, Voltaire, Zaïre, III, 7. Étudiez nos mœurs avant de les blâmer ; Ces mœurs sont vos devoirs : il faut s'y conformer, Voltaire, Alz. VI, 2. Les mœurs consistent dans la conformité d'un grand nombre de volontés, Diderot, Opin. des anc. philos. (Thomasius).

    Cela est, n'est pas dans les mœurs de telle nation, c'est-à-dire cela est, n'est pas conforme aux usages de telle nation. Cette intempérance qui n'est plus même de nos mœurs, Massillon, Avent, Noël.

  • 4Les habitudes, les inclinations des individus. Cet homme a des mœurs simples, des mœurs douces. Il était prêtre par son zèle, par la gravité de ses mœurs, par l'innocence de sa vie, Bossuet, Bourgoing. Chaque âge a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs, Boileau, Art p. III. Que votre âme et vos mœurs, peintes dans vos ouvrages, N'offrent jamais de vous que de nobles images, Boileau, ib. IV.
  • 5Les mœurs des animaux, les habitudes naturelles des différentes espèces d'animaux, les habitudes qui résultent de leur instinct. Si un observateur aussi exact que M. de Manoncour ne nous avait pas fait connaître les mœurs de cet oiseau, il ne serait guère possible de le reconnaître à la simple inspection pour un fourmilier, Buffon, Ois. t. VIII, p. 231.
  • 6 Terme de poétique. Ce qui est conforme aux habitudes morales des pays, des lieux, des personnages qui figurent dans un poëme, dans une pièce de théâtre, etc. (on dit aujourd'hui plus souvent couleur locale). Les mœurs sont bien gardées dans cette tragédie, dans ce poëme. Vous savez en quel état se trouvait la scène française, lorsqu'il [Corneille] commença à travailler… les auteurs aussi ignorants que les spectateurs, la plupart des sujets extravagants et dénués de vraisemblance, point de mœurs, point de caractères, Racine, Disc. à l'Acad. franç. On appellerait fausses les mœurs d'un poëme dans lequel un auteur aurait transféré aux Romains les usages, les coutumes, le culte religieux et tous les préjugés des Grecs, Mercure, 1717, janv. p. 31. Cette pièce de Thompson, qui devait nous transporter dans les mœurs poétiques du moyen âge, qui devait montrer un roi d'Angleterre à la croisade, sous les murs de Ptolémaïs…, Villemain, Littér. Tabl. du XVIIIe siècle, 2e partie, 2e leçon.

    Terme de peinture. Le costume, les usages des différents temps, des différents lieux. Les mœurs sont bien observées dans ce tableau.

  • 7 Terme de rhétorique. La partie de l'éloquence qui a pour objet de gagner la confiance des auditeurs. Dans la rhétorique, la probité, la modestie, la bienveillance et la prudence, voilà les mœurs que l'orateur doit constamment montrer, et ce sont là les mœurs considérées dans l'orateur ; mais on doit les considérer aussi dans l'auditeur : si l'art prescrit à l'orateur de connaître les mœurs de ceux à qui il parle, c'est afin de proportionner son discours à leur intelligence, à leurs sentiments, de remuer les passions qui leur sont le plus familières, Batteux, Éléments de littérature.

    Terme de musique. Partie de la musique grecque qui en fixait les convenances et l'utilité.

PROVERBES

Les honneurs changent les mœurs, c'est-à-dire un homme dont la fortune s'élève se méconnaît et néglige ses amis qui sont demeurés dans la pauvreté. Tienne qui voudra pour sentence Que les honneurs changent les mœurs ; Je crois plutôt que les honneurs Mettent les mœurs en évidence, Pons, (de Verdun), Réflexion.

Une fille suit les mœurs de sa mère, c'est-à-dire l'exemple de sa mère la rend sage ou la pousse au désordre.

HISTORIQUE

XIIe s. La grace Deu vus fist enuindre e coruner ; Pur ce vous devez mult constraindre e guverner, E tute nostre vie en buens murs afermer, Que vus puissiez as autres buens essamples duner, Th. le mart. 78. Cil fu bons emperere ; Deus li duna sa grace ; Saint Iglise l'eshauce ; il voit Deu face à face ; Li reis devreit ensivre et ses mors et sa trace, ib. 91.

XIIIe s. Humles et frans, de boines mours, Très gentix et de grans honors, Amadas et Ydoine, ms. 6987. Convenence qui est fete contre bonnes meurs… ne sunt pas à tenir, Beaumanoir, XXXIV, 24. Qui porroit toutes ces mours traire El cuer à un riche jone home, Hon en feroit bien un preudome, Rutebeuf, 52. Honors muent et varient les mors, Prov. ruraus et vulgaus. Tiex [telles] mors avoir doivent et seulent [ont coutume], Qui parfetement amer veulent, la Rose, V. 4717.

XIVe s. Amisté qui est selon bonnes meurs est amisté selon soy et est permanente et durable, Oresme, Eth. 258. Il congnoist les meurs de son ami et scet en queles choses il se delette, Oresme, ib. 290. Quant l'en veult user de astrologie pour avoir congnoissance des choses avenir, ce est contre philosophie et aussi contre bonnes meurs, le Songe du vergier, I, 186.

XVe s. S'en soy meismes [il] ne povoit refrener Les meurs mauvais de sa condicion, Deschamps, Des vertus nécess. au prince.

XVIe s. Les Grecs transporterent ce nom [barbare] aux meurs brutaux et cruelz, appelant toutes nations hors la Grece, barbares, Du Bellay, J. Deffense de la langue franç. I, 1.

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Étymologie de « moeurs »

Provenç. mor, s. f. ; du lat. mos, moris, mores, habitude, mœurs, qui se rattache au sanscrit , mesurer, faire.

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Phonétique du mot « moeurs »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
moeurs mœyr

Fréquence d'apparition du mot « moeurs » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « moeurs »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « moeurs »

  • Les moeurs déréglées sont l'ivresse des mortels.
    Proverbe oriental
  • Les vertus farouches font les moeurs atroces.
    Saint-Just — L'esprit de la révolution et de la constitution en France
  • La musique adoucit les moeurs.
    Proverbe
  • On appelle bonnes moeurs les moeurs habituelles. Mauvaises moeurs, celles auxquelles on n'est point accoutumé.
    Anatole France
  • Le mensonge adoucit les moeurs.
    Georges de Porto-Riche — Le passé
  • La fortune ici-bas ne change point les moeurs.
    Horace
  • La scène fait désormais partie du paysage des fêtes. A peine chacun reparti chez lui, une partie des déçus des choix du père Noël se rue sur leur mobile pour mettre en vente les cadeaux non appréciés. Ce qui paraissait marginal il y a quelques années semble être entré dans les moeurs fin 2020.
    Les Echos — Noël : la revente des cadeaux est entrée dans les moeurs | Les Echos
  • Autant de pays, autant de moeurs.
    Zénobios
  • L’homme renfermé a de mauvaises moeurs.
    Proverbe kongo
  • Les moeurs font toujours de meilleurs citoyens que les lois.
    Montesquieu
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Traductions du mot « moeurs »

Langue Traduction
Anglais customs
Espagnol aduana
Italien costumi
Allemand zoll
Chinois 海关
Arabe الجمارك
Portugais costumes
Russe таможня
Japonais 税関
Basque ohiturak
Corse custumi
Source : Google Translate API

Synonymes de « moeurs »

Source : synonymes de moeurs sur lebonsynonyme.fr

Combien de points fait le mot moeurs au Scrabble ?

Nombre de points du mot moeurs au scrabble : 8 points

Moeurs

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