La langue française

Accueil > Dictionnaire > Définitions du mot « roman »

Roman

Variantes Singulier Pluriel
Masculin roman romans
Féminin romane romanes

Définitions de « roman »

Trésor de la Langue Française informatisé

ROMAN1, subst. masc.

A. − HIST. DE LA LITT. [Au Moy. Âge] Long récit écrit en roman ou en ancien français, d'abord en vers (notamment en octosyllabes à rimes plates), puis en prose, contant les aventures fabuleuses, galantes ou grotesques de héros mythiques, idéalisés ou caricaturés. Roman allégorique, antique, épique, satirique. Autant la philosophie répudie et rebute les aventures merveilleuses, autant l'ignorance et la superstition les saisissent avidement. De là cette affluence et ce succès universel des romans du Xeet du XIesiècle (Marmontel,Essai sur rom.,1799, p. 296).V. accouplement ex. 18, mention ex. 1:
1. Le Brut de Wace ouvre la série des romans de la Table-Ronde (...); parmi ceux du cycle de Charlemagne (...), la Chanson de Roland (...). Il se rédigeait de plus toutes sortes de romans en vers, tels que Godefroi de Bouillon et le poème souvent cité d'Alexandre: c'étaient de longs récits platement rimés. Sainte-Beuve,Tabl. poés. fr.,1828, pp. 5-6.
Roman courtois. V. courtois A 2 b p. ext.Jadis, on payait pour faire nommer un ancêtre dans une chanson de geste; maintenant, on se tenait pour honoré d'avoir paru dans une joute et d'être nommé dans un roman courtois (Faral,Vie temps st Louis,1942, p. 61).
Roman de chevalerie ou roman chevaleresque. V. chevalerie A.Ridicule pour ridicule, j'aimais mieux celui des romans chevaleresques qui exigeaient dix ans d'exploits, d'aventures lointaines, de combats contre les dragons, les géants (Michelet,Journal,1844, p. 572).
B. − LITT. [Á l'époque mod. ou contemp.]
1. Œuvre littéraire en prose d'une certaine longueur, mêlant le réel et l'imaginaire, et qui, dans sa forme la plus traditionnelle, cherche à susciter l'intérêt, le plaisir du lecteur en racontant le destin d'un héros principal, une intrigue entre plusieurs personnages, présentés dans leur psychologie, leurs passions, leurs aventures, leur milieu social, sur un arrière-fond moral, métaphysique; genre littéraire regroupant toutes les variétés de ces œuvres, particulièrement florissant au xixes. Un roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l'azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers (Stendhal,Rouge et Noir,1830, p. 357).On trouve toujours dans un roman un centre de perspective, (...) un sujet pensant principal, (...) quelque personnage auquel le lecteur s'identifie (...); c'est toujours le tableau d'une vie intérieure (...), c'est le conflit d'un personnage romanesque avec des choses et des hommes qu'il découvre en perspective à mesure qu'il avance (Alain,Beaux-arts,1920, pp. 325-326).Le roman peut (...) admettre (...) non seulement portraits, paysages, et ce qu'on nomme « psychologie », mais encore toute sorte de pensées, allusions à toutes les connaissances. Il peut agiter, compulser tout l'esprit. C'est en quoi le roman se rapproche formellement du rêve (Valéry,Variété [I], 1924, p. 170).SYNT. Roman contemporain, traditionnel; roman intitulé (...); roman porté à l'écran; roman célèbre, à la mode, à succès; roman en (x) volumes; beau, bon, gros, interminable, long, mauvais, meilleurs, petit roman(s); dernier(s), premier, vieux roman(s); roman de jeunesse; faiseur, lecteurs, grand liseur de romans; auteur, héroïne, héros, personnage du roman; idée, intérêt, titre de/du roman; chapitre, commencement, début, fin, pages, partie, phrase, plan, scène, suite de/des/du roman(s); lecture des/du roman(s); art, conception du roman; le roman paraît; composer, écrire, faire, publier un/des roman(s); aimer le(s) roman(s); lire trop de romans.
Expr. [Pour souligner l'écart ou la similitude entre réel et imaginaire] Il n'y a que dans les romans que (...). Cela n'arrive/n'existe que dans les romans. Un séducteur devenu lucide ne changera pas pour autant (...). Il n'y a que dans les romans qu'on change d'état ou qu'on devient meilleur (Camus,Sisyphe,1942, p. 100).(C'est) comme dans les romans. Aimée! On le lui disait en termes brûlants, passionnés comme dans les romans. Elle se pâmait (...) son âme s'ébattait dans les espaces éthérés, sublimes, pressentis en ses rêves (Reider,MlleVallantin,1862, p. 83).La vie n'est pas un roman. Les grandes personnes ne partageaient pas nos jeux ni nos plaisirs. Je n'en connaissais aucune qui parût beaucoup s'amuser sur terre: la vie n'est pas gaie, la vie n'est pas un roman déclaraient-elles en chœur (Beauvoir,Mém. j. fille,1958, p. 105).
2. Genre littéraire regroupant une variété particulière de ces œuvres. Roman américain, russe; roman classique, didactique, politique, satirique; roman à l'eau de rose. Les Allemands comme les Anglais sont très-féconds en romans qui peignent la vie domestique. La peinture des mœurs est plus élégante dans les romans anglais; elle a plus de diversité dans les romans allemands (Staël,Allemagne, t. 3, 1810, p. 246).La scène culminante doit être placée à la fin, dans un roman composé à la française, c'est-à-dire (...) avec logique, (...) les romans français, à l'instar des âmes chrétiennes, gardent la possibilité de se sauver in extremis (Montherl.,Pitié femmes,1936, p. 1133).V. jeune ex. 5.
Roman autobiographique. Roman qui décrit la vie de l'auteur. La peinture que, dans son roman autobiographique, Anton Reiser, il a laissée du monde de petits artisans où il naquit, des collèges où il souffrit (Béguin,Âme romant.,1939, p. 21).
Roman catholique. ,,Celui qui, non seulement est convenable, mais, sans être nécessairement roman à thèse, propage les idées catholiques, s'inspire de l'idéal de la religion catholique`` (Marcel 1938). Les deux formes (...) d'un roman catholique original sont les études (...) de prêtres tourmentés par Bernanos (...) et ces drames de la conscience religieuse aux prises avec les péchés de la chair, de la haine et de l'avarice qui font le sujet des romans de François Mauriac (Art et litt.,1936, p. 38-6).
Roman épique. Roman qui évoque l'épopée par ses personnages héroïques, ses vastes tableaux de la nature, etc. Roman épique de Hugo, où tout est grandiose parce que tout personnage y devient un type (Bourget,Nouv. Essais psychol.,1885, p. 161).
Roman épistolaire/par lettres. V. lettre III A 2 b et ex. de Staël; v. aussi Thibaudet, Hist. litt. fr., 1936, p. 451.
Roman fantastique. V. fantastique B 3 a et ex. de Green.
Roman historique. V. historique I A 1 c et ex. de Chateaubriand.
Roman humoristique. V. humoristique II B domaine littér., artist.Ils tâtèrent des romans humoristiques, tels que le Voyage autour de ma chambre, par Xavier de Maistre (...). Dans ce genre de livres, on doit interrompre la narration pour parler de son chien, de ses pantoufles ou de sa maîtresse (Flaub.,Bouvard, t. 2, 1880, p. 4).
Roman intime/intimiste. V. intime I B 3 et ex. de Vigny.
Roman mondain. Roman qui dépeint le grand monde. Les vrais romans mondains du XVIIesiècle ce sont le Cyrus et la Clélie. On trouverait dans de vrais romans de femmes du monde comme (...) Gyp cette allure de liberté naturelle (Thibaudet,Réflex. litt.,1936, p. 197).
Roman naturaliste/réaliste. V. naturaliste III B hist. litt. et ex. de Zola, Lemaître et picaresque ex. de Civilis. écr.
Roman noir/d'épouvante. V. noir I B 1 en partic.Les épisodes et le style même du roman noir servent à bâtir le monde de Lautréamont (Brasillach,Corneille,1938, p. 305).
Roman pastoral. V. pastoral I A 2 et ex. de Sand.La Diane de Montemayor enfin inspira l'Astrée d'Honoré d'Urfé (1610), et dès lors le genre du roman pastoral fut créé en France (Sainte-Beuve,Tabl. poés. fr., 1828, p. 278).
Roman paysan. Roman qui dépeint le monde paysan. Ces pays si profondément paysans et qui ne doivent d'avoir survécu (...) qu'à l'obstination avec laquelle ils se sont accrochés à « leur » sol, (...) n'avaient (...) pas produit de roman paysan absolument convaincant (Arts et litt.,1936, p. 52-5).
Roman personnel. Roman qui s'inspire de la vie de l'auteur en la transposant plus ou moins. Le roman personnel, c'est-à-dire l'autobiographie transposée, est, depuis Rousseau, une vieille tradition de notre littérature. (...) le petit écrivain raconte sa petite vie, celle de son bureau, de son bataillon, de son école, de ses restaurants, de ses maîtresses (Thibaudet,Hist. litt. fr.,1936, p. 426).
Roman philosophique. V. philosophique I B 3 a et ex. 8.
Roman picaresque. V. picaresque B 1 ex. de Romains.
Roman poétique. Roman au style imagé et qui donne une large part à la poésie de la nature, à la fantaisie, au rêve. Si (...) on y emploie un style vif, élégant, nombreux, riche en images, (...) ce sera un poëme en prose, (...) un roman poétique comparable aux plus beaux poëmes. Tel serait Télémaque (Marmontel,Essai sur rom.,1799, p. 347).
Roman policier. V. policier I B et ex. 2.
Roman populaire/populiste. Roman dépeignant la vie du peuple et lu par un large public. Les romans populaires ennuient (...) les gens du peuple (...). On cherche à se dépayser en lisant, et les ouvriers sont aussi curieux des princes que les princes des ouvriers (Proust,Temps retr.,1922, p. 888).Excellents tableaux de la vie petite bourgeoise et populaire de Paris avec (...) Antonine Coulet-Teissier Chambre à louer qui a consacré le nom et le genre en fondant le prix du roman populiste (Arts et litt.,1936, p. 38-7).
Roman précieux. Roman qui présente des personnages idéalisés, des sentiments raffinés, un style recherché à la mode dans la première moitié du xviies. Ce monde poétique qu'ils [les personnages de Corneille] créent, est le monde galant des romans précieux (Brasillach,Corneille,1938p. 106).
Roman psychologique. V. psychologique C et psychologie B 3 b ex. de Goncourt.
Roman régionaliste. Roman qui reproduit l'atmosphère, les coutumes, le langage d'une région. Le roman de pays (...) a fini par prendre les noms disgracieux de régional ou de régionaliste (...). Les pays qui les auraient fournis en plus grande abondance seraient le Quercy, avec (...) Cladel, (...) la Bourgogne avec le Nono de Roupnel, le Bourbonnais avec la Vie d'un Simple de Guillaumin (Thibaudet,Hist. litt. fr.,1936, p. 450).
Roman unanimiste. Roman qui décrit la vie d'un groupe, l'esprit d'une collectivité. Une technique de roman qu'il faut bien nommer « unanimiste », (...) d'origine française (Romains,Hommes bonne vol.,1932, p. xiv).
Nouveau roman. Tendance littéraire du début de la 2emoitié du xxes., regroupant des romanciers tels que N. Sarraute, S. Beckett, A. Robbe-Grillet, M. Butor, Cl. Simon et qui refuse la linéarité narrative, la psychologie, le didactisme, l'engagement du roman traditionnel, cherchant à exprimer avec neutralité la réalité d'un monde objectif ou intérieur dénué de finalité, se caractérisant surtout par une réflexion, des recherches sur l'écriture:
2. Charte du Nouveau Roman telle que la rumeur publique la colporte: 1) Le Nouveau Roman a codifié les lois du roman futur. 2) Le Nouveau Roman a fait table rase du passé. 3) Le Nouveau Roman veut chasser l'homme du monde. 4) Le Nouveau Roman vise à la parfaite objectivité. (...) il serait plus raisonnable de dire: LE NOUVEAU ROMAN N'EST PAS UNE THÉORIE, C'EST UNE RECHERCHE... Robbe-Grillet,Pour nouv. rom.,1963 [1961], p. 144.
Roman à clé. V. clef III C 3.
Roman à thèse. Roman qui cherche à illustrer une théorie, des idées. Le roman à thèse, l'œuvre qui prouve, la plus haïssable de toutes, est celle qui le plus souvent s'inspire d'une pensée satisfaite (Camus,Sisyphe,1942, p. 156).
Roman d'amour. Roman dont l'intérêt principal réside dans l'intrigue sentimentale. Ils furent considérés dans tout le pays, vécurent heureux, et eurent beaucoup d'enfants. Voilà comment finissent tous les romans d'amour (Balzac,Goriot,1835, p. 205).
Roman d'analyse/analyste. Roman qui étudie essentiellement la psychologie des personnages. Un interminable monologue commence, (...) pensé, comme il convient dans un roman d'analyse, et comprenant l'infini détail d'une vaste association d'idées (Bourget,Essais psychol.,1883, p. 225).Roman psychologique et analyste, scrutant l'inconscient et le caché (Arts et litt.,1936, p. 50-1).
Roman d'anticipation, de science fiction. V. anticipation B 2 crit.Dans son roman d'anticipation (...), O Stapledon imagine pour des centaines de millions d'années, l'avenir de l'homme (...). Par des procédés savants (...), l'homme de la troisième espèce s'efforce de créer des cerveaux géants (Ruyer,Cybern.,1954, p. 32).
Roman d'aventures. V. aventure B 1 b litt. mod. et ex. 25.
Roman de cape et d'épée. V. cape1A 1 a et ex. 1, 2.
Roman d'espionnage. Roman ayant pour principal ressort des activités d'espionnage. C'est lui [Eric Ambler] l'inventeur du roman d'espionnage « cool » (...). Pas de courses de voitures. Une énigme à résoudre. Des personnages, comme des pièces sur l'échiquier (Le Point, 1ermai 1978, p. 104, col. 2).V. espionnage A ex. de Vailland.
Roman de guerre. Roman qui prend la guerre pour thème, qui relate des épisodes de guerre. Si les premiers romans de guerre traduisaient l'horreur et l'inutilité de la guerre, peu à peu un romantisme se réveillait (...). À force d'en faire de la littérature, l'époque tragique retrouvait son aspect héroïque (Arts et litt.,1936, p. 48-5).
Roman d'imagination. V. imagination I B 2 et ex. d'Alain.
Roman de mœurs. V. mœurs II B 2.On ne devrait faire un roman de mœurs, c'est-à-dire des mémoires impersonnels, l'histoire contemporaine de visu, qu'à quarante ans (Goncourt,Ch. Demailly,1860, p. 145).
Roman d'observation. V. observation B 1 et ex. de Goncourt, Benda et Zola.
3. P. anal., HIST. DE LA LITT. Œuvre de l'Antiquité en prose, évoquant le roman moderne. L'Odyssée, n'est-elle pas (...) le plus pathétique des romans? (...). Le roman, (...) que les Grecs avaient oublié de nommer, (...) était partout chez eux (...). La Grèce était naturellement romancière (...): la Cyropédie de Xénophon était déjà un roman qui tenait du Télémaque (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t. 2, 1862, p. 421).[Pétrone] décrivait la vie journalière de Rome, racontait dans les alertes petits chapitres du Satyricon, les mœurs de son époque (...). Ce roman réaliste (...) dépeignant (...) les vices d'une civilisation décrépite, (...) poignait Des Esseintes (Huysmans,À rebours,1884, p. 41).
C. − P. anal. ou au fig.
1.
a) [À propos de la vie principalement] Succession d'événements extraordinaires, d'actions plus ou moins remarquables, évoquant les péripéties d'un roman. Il a tant vu le monde! Sa vie est un roman. C'est lui dont l'aventure, à Londres, fit du bruit (Courier,Pamphlets pol., Au réd. « Censeur », 1819, p. 29).Je ne puis m'empêcher d'être frappé de ce continuel roman de ma vie. Que de destinées manquées! (Chateaubr.,Mém., t. 3, 1848, p. 72).V. folie B 1 ex. de Chênedollé.
Loc. adj. De roman. Qui est pittoresque, recherché, exalté, sentimental, etc. comme dans les romans. Peuples asservis (...) aux yeux de qui cet ardent amour de la liberté est une passion chimérique, une vertu de roman (Chénier,Épîtres,1794, p. 198).J'ai dû dire de fort belles choses et très délicates sur ce grand sujet, et me montrer fort sentimental; car l'Empereur (...) m'a dit ne rien comprendre à mon verbiage de roman (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 203).
Héros, héroïne de roman. V. héros, héroïne1II B 1 au fig. et ex. de Rostand.Personnage de roman. Même sens. Notre vie est un livre qui s'écrit tout seul (...). Nous sommes des personnages de roman qui ne comprennent pas toujours bien ce que veut l'auteur (Green,Journal,1949, p. 283).
b) Aventure amoureuse, tendre inclination, partagée ou non. Roman naïf; triste roman. Cette passion sérieuse (...) n'était qu'une surprise des sens au milieu d'une fantaisie d'esprit, un roman commencé avec l'étourderie d'une pensionnaire, soutenu au milieu des délires d'un amour sans frein (Sand,Compagn. Tour de Fr., t. 2, 1869 [1840], p. 186).Je possède ce bonheur si rare: un grand amour. J'ai passé ma vie à appeler le « romanesque », à souhaiter un roman réussi; je l'ai et je n'en veux pas. J'aime Isabelle et j'éprouve auprès d'elle un tendre mais invincible ennui (Maurois,Climats,1928, p. 187).
Loc. verb. [Prob. p. allus. aux Précieuses ridicules de Molière, scène 4] Prendre le roman par la queue. Commencer par le mariage (au contraire des romans d'amour qui se terminent généralement par un mariage) ou vivre maritalement avant le mariage; commencer par la conclusion. (Dict. xixeet xxes.).
c) Personne, chose qui évoque un roman par son caractère aventureux, sentimental, sa psychologie secrète, sa poésie, etc. J'ai compris qu'au milieu de toutes ces intrigues, il serait bien difficile à votre femme de ne pas en rencontrer une (...) qu'il lui fallait un roman, pour éviter une chute (...) et j'ai été ce roman (...) roman plein de réserve, de tact, de mesure (Labiche,Mari lance sa femme,1864, iii, 11, p. 487).Si le peintre est Rembrandt, il répand sur la nature la plus vulgaire une lueur mystérieuse, qui est à elle seule une poésie, un roman de lumière (Ch. Blanc, Gramm. arts dessin,1876, p. 614).
2. Péjoratif
a) Discours mensonger, invraisemblable; thèse, allégation avancée sans preuve. Synon. fable, fabulation, fiction.C'est un exposé impie, (...) c'est un roman, (...) un tissu de conjectures dressées avec art, mais sans fondement (Volney,Ruines,1791, p. 315).À ces affirmations si nettes que répondent les journaux de l'état-major? « Pur roman, plus invraisemblable encore que faux, documents imaginaires » (Clemenceau,Iniquité,1899, p. 424).
Loc. verb., fam.
Faire du/des roman(s), raconter des romans. Tenir des propos exagérés, raconter quelque chose en déformant la réalité des faits. Synon. fam. raconter des boniments.Voilà tout ce qui me reste d'un bonheur divin. Je mentirais et ferais du roman si j'entreprenais de le détailler (Stendhal,H. Brulard, t. 1, 1836, p. 492).
Faire un roman de qqc., en faire un roman. Donner une importance exagérée à quelque chose en dissertant sur ce sujet trop longuement, à tort et à travers. Synon. fam. en faire une histoire/un plat (v. plat2).Il l'a loupé [en tirant sur lui]. C'est le principal, non? (...) En fais pas un roman (Le Breton,Rififi,1953, p. 89).
C'est du roman. C'est un récit invraisemblable. Quand il [Renan] arrive à Marc-Aurèle, c'est bon (...). Mais son Jésus et autres, c'est du roman. Strauss a bien établi que Jésus n'a pas existé (...). Nous n'avons rien sur Jésus que de cent ans après. Jean est un pur roman néo-platonicien (Barrès,Cahiers, t. 3, 1902, p. 16).
b) Ensemble d'idées fausses, de représentations imaginaires sans grand rapport avec la réalité. Synon. chimère, illusion, imagination, rêve, utopie.Imaginer un roman. En me parlant (...) des familles de ses élèves, il lui venait une abondance de détails supposés, d'intrigues imaginaires qu'elle inventait en dépit de tout. Si calme, elle voyait toujours le roman autour d'elle, et sa vie se passait en combinaisons dramatiques (A. Daudet, Femmes d'artistes,1874, p. 201).L'intraversion excessive menace de se développer (...) en délectations compliquées et en rêveries stériles: des romans imaginaires empoisonnent le sentiment joyeux de la vie quotidienne (Mounier,Traité caract.,1946, p. 334).
Loc. verb. Bâtir des romans. S'imaginer des choses erronées, inventer des hypothèses peu fondées. Il ne peut s'empêcher de bâtir des romans, des fables, des légendes (Duhamel,Passion J. Pasquier,1945, p. 122).
3. PSYCHANAL. Roman familial (notamment ds Freud, Le Roman familial des névrosés, 1909). Fantasme courant chez l'enfant (pathologique chez l'adulte) et par lequel il s'imagine appartenir à une famille plus prestigieuse que la sienne, par réaction contre des parents dédaignés, en relation avec le complexe d'Œdipe. Il est rare que l'enfant raconte son « roman familial » autour de lui, et (...) qu'il le vive. Mélanie Klein rapporte pourtant le cas de son petit garçon de cinq ans, qui décida d'aller vivre chez ses voisins, parce qu'il était convaincu d'être un enfant trouvé dont les vrais parents étaient précisément ces gens étrangers, probablement plus représentatifs et plus aimants à ses yeux (M. Robert, Roman des orig. et orig. du roman,1972, p. 198).
REM. 1.
Romancie, subst. fém.,vx. Art d'écrire des romans, création romanesque. Laisse-moi donc partir pour l'aventure littéraire, pour le beau pays de romancie, sans m'inquiéter du cheval qui m'y portera (Sand,M. Sylvestre,1866, p. 21).
2.
Romantiser, verbe.a) Empl. trans. Donner un caractère de roman à, transformer en roman (supra B). Synon. romancer.On s'est trop accoutumé de nos jours, sur la foi d'historiens qui énervent et romantisent l'histoire, à traiter ces hommes de terreur et de haine [Saint-Just], comme des semblables, comme des humains (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t. 14, 1861, p. 54, note 1).b) Empl. intrans. Faire du roman (supra C 2), donner libre cours à son imagination. Il ne faut pas que je romantise sur des souvenirs démantelés, pour manquer ensuite d'imagination devant les forces vivantes (Barrès,Pays Lev., t. 1, 1923, p. 302).
Prononc. et Orth.: [ʀ ɔmɑ ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1125 ronmanz « langue vulgaire (du Nord de la France) » (Grant mal fist Adam, éd. W. Suchier, 118: Por icels enfanz Le [le sermon] fiz en ronmanz Qui ne sunt letrez); 1130-40 (Wace, Vie Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, ms. M, 741: ce dit Grace [Wace], Qui de latin en romans mist Ce que Theodimus escrist); fin xiies. roman (Floovant, éd. S. Andolf, 1424: Vous me sanblez François au parler lo roman); 2. 1155 « œuvre narrative d'une certaine longueur, écrite d'abord en vers, puis en prose (au Moyen Âge, écrite en langue vulgaire p. oppos. au latin) » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 3823: Co testimonie et ço recorde Ki cest romanz fist, maistre Wace); 1188 romant (Aimon de Varennes, Florimont, 9 ds T.-L.); 1225-30 (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 37: E se nule ne nus demande Comant je veil que li romanz Soit apelez que je comanz, Ce est li Romanz de la Rose, Ou l'art d'Amors est tote enclose); 2emoit. xiiies. (Des deux bordeors ribauz ds Montaiglon et Raynaud, Rec. fabl., t. 1, p. 4: Ge sai des romanz d'aventure, De cels de la réonde Table, Qui sont à oïr delitable); 3. 1652 « tissu d'allégations mensongères ou sans fondement » (Guez de Balzac, Socrate chrestien, 4edisc. ds Œuvres, éd. 1665, t. 2, p. 220); 1656 « récit invraisemblable » (Loret, Muze histor., 17 juin ds Livet Molière); 4. 1659 « aventure amoureuse passionnée » (Molière, Les Précieuses ridicules, scène 4, éd. R. Bray, p. 258). Du lat. médiév. romanice, adv. signifiant « en langue vulgaire » (c'est-à-dire en gallo-roman) p. oppos. au lat., att. dep. le xies. (ds Du Cange), dér. de romanus « Romain » qui avait pris dans la Loi Salique le sens de Gallo-roman p. oppos. à Franc Salien (v. J. Balon, Traité de Droit Salique, lexique, t. 4 et t. 1, p. 216 sqq.). Dans romanz, s a été pris pour la marque du cas-sujet sur lequel on a refait un cas-régime romant, d'où roman par chute de la cons. finale. Voir FEW t. 10, p. 454b. Bbg. Coulet. Le Roman jusqu'à la Révolution. Paris, 1967, t. 1, pp. 19-29. − Darm. 1877, p. 218 (s.v. romantiser). − Lalou (R.). Le Roman fr. depuis 1900 . Paris, 1951, pp. 5-9, 10, 31, 48, 71, 88, 108, 113. − Le Genre du roman, les genres de roman. Colloque. Amiens. 25-26 avr. 1980. Paris, 1981, pp. 13-21, 25-48. − Paris (G.). Romania. 1887, t. 16, p. 157. − Voelker (P.). Le Développement des sens du mot roman. Z. rom. Philol. 1886, t. 10, pp. 485-525.

ROMAN2, -ANE, adj. et subst. masc.

A. − LINGUISTIQUE
1. Adjectif
a) Au sing. Langue romane (ou dialecte, idiome, parler, parole, patois roman(e)). Langue vulgaire issue du latin populaire, parlée en France du viiieau xies. Au IXesiècle, l'Église (...) recommanda de traduire clairement les homélies en germanique et en langue rustique romane (...). Cette décision du concile de Tours (813) (...) ne faisait (...) qu'autoriser (...) une pratique que beaucoup de prêtres devaient suivre (...) les langues romanes étaient déjà très loin du latin (...); le clergé (...) redevenu capable de distinguer latin et roman, pouvait hésiter et avait besoin d'être fixé (Brunot t. 1 1966, p. 142).
Rem. En ce sens, on employait aussi l'expr. langue romance: Le mot latin ne signifia bientôt plus que roman ou langue romance, et fut pris ensuite pour le mot langue en général (Chateaubr., Litt. angl., t. 1, 1836, p. 20).
Qui appartient à cette langue. Mot roman. Les noms de personnes d'origine germanique, qui avaient été adoptés par les Gaulois, furent combinés à d'autres substantifs romans; campus « champ », fons « source », mansio « maison » (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 695).
P. méton. Qui relève de cette langue, qui s'exprime en cette langue. La vieille civilisation romane dut faire face au néo-germanisme constitué sur la mer du Nord. Dès les derniers temps de l'Empire romain, l'effort de résistance (...) s'était visiblement porté vers la Gaule septentrionale (Vidal de La Bl.,Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 60).Des œuvres puissantes (...). Elles sont romanes, fondées sur des traditions romanes, célébrant des héros romans (...). Nos chansons de geste et nos romans de chevalerie et nos cathédrales sont français jusqu'à la moelle (Barrès,Cahiers, t. 10, 1913, p. 190).
En partic. [Pour caractériser la variété de cette langue dans le Midi de la France] Les chantres provençaux, les premiers, avaient-ils donné l'exemple des fictions de ce genre [celui du Roman de la Rose]? À l'origine, (...) il y eut (...) d'étroits rapports entre la littérature française et la poésie romane, qui fut (...) la sœur aînée de la nôtre (Sainte-Beuve,Tabl. poés. fr., 1828, p. 6).
b) Au sing. ou au plur. Langue(s) romane(s). Langue(s) vulgaire(s) issue(s) du latin populaire et parlée(s) dans une région quelconque de l'ancien Empire romain d'Occident; au plur., groupe de langues vivantes indo-européennes écrites en caractères romains. Synon. langues néo-latines.Après la rupture de l'empire romain succédèrent au latin les langues romanes (italien, sarde, provençal, français, espagnol, catalan, portugais, rhéto-roman, dalmate, roumain) (J. Manessy-Guittonds Langage1968, p. 1280):
1. ... on nous montrait le vaste monde romain tronçonné (...) par les bandes barbares. Mais chaque tronçon (...) retenait son lambeau de latin − c'était (...) à sa guise, solitairement, qu'il travaillait ce patrimoine linguistique, et en faisait peu à peu une langue romane: une langue fille du latin par filiation directe... L. Febvre,A. Meillet et l'hist., [1913] ds Combats, 1953, p. 164.
P. méton.
Qui utilise les langues romanes. Domaine, monde roman.[Le soldat romain] n'a pas fait seulement les langues romanes (...) et la terre mesurée aux peuples romans; il n'a pas fait seulement la romanie et la romanité et le monde romain et le monde latin (Péguy,Argent, 1913, p. 1217).
Qui a les langues romanes pour objet d'étude, de description. C'est encore à l'École des chartes que l'apprentissage technique du médiéviste se fait le mieux (...) grâce à des cours (...) de Philologie romane (Langlois, Seignobos,Introd. ét. hist., 1898, p. 38).
2. Subst. masc.
a) Langue vulgaire parlée en France du viiieau xies. et qui a précédé l'ancien français. Parler roman. L'ancien français a régulièrement employé une construction analogue: Cf Le cor Roland (...). Or ce procédé est né en roman d'un pur hasard (...): la réduction extrême des cas (Sauss.1916, p. 311).La seule littérature que nous possédions est celle des clercs qui écrivaient en latin (...). La « langue vulgaire », c'est-à-dire le roman, qui deviendra le français, apparaît certes, dès 842, dans le Serment de Strasbourg, mais c'est un texte de portée politique (G. Richard,Hist. de l'amour en Fr., Paris, J.-Cl. Lattès, 1985, p. 11).
b) Langue vulgaire parlée dans une région quelconque de la Romania. On trouve dans l'argot, au-dessous du vieux français populaire, (...) du roman dans ses trois variétés: roman français, roman italien, roman roman, du latin (Hugo,Misér., t. 2, 1862, p. 196).
c) En compos. V. gallo-roman (s.v. gallo- A 2), ibéro-roman (s.v. ibérique rem. 3 d).
B. − BEAUX-ARTS
1. Adj. Qui se rattache à la production artistique (notamment religieuse) répandue en Europe occidentale aux xieet xiies., rappelant l'architecture romaine mélangée d'influences byzantines et arabes, caractérisée par des lignes dépouillées, trapues, par la fréquence de l'arc en plein cintre, de la voûte en berceau, en coupole et de la voûte d'arête, par une ornementation de plus en plus exubérante (motifs géométriques, végétaux, animaux, créatures monstrueuses, scènes de la Bible et de la vie quotidienne). Abside, arcade, architecture, chapelle, chapiteau, clocher, cloître, nef, pilier, portail, sculpture, style roman(e). On ne peut rien concevoir de plus angélique dans sa simplicité romane que cette abside ronde (...). Peu d'ornements (...), mais l'équilibre divin des proportions et des courbes: une oraison qui s'élance mais reste en contact avec la terre (...), l'art roman n'a jamais connu le fol orgueil des gothiques (T'Serstevens,Itinér. esp., 1963, p. 318).V. arc ex. 12, billette ex. 2, confession ex. 1, emmurer ex. 2:
2. Cette église Sainte-Croix est une belle église romane du xiesiècle, à qui son plan circulaire, sa voûte divisée par arcades, ses colonnes engagées à leur base dans des piliers carrés, ses pleins cintres surhaussés (...) donnent je ne sais quel air bas-empire et gallo-romain (...). Ce n'est pas le christianisme rêveur de l'ogive (...), c'est plus reculé, plus latin, d'une théologie plus primitive... Flaub.,Champs et grèves, 1848, p. 279.
P. méton. Qui appartient à la période de l'art roman. Siècles romans. Au XIesiècle, les architectes romans prenaient un plan aux Romains, des détails à l'Orient (...) une coupole aux Byzantins, une charpente aux peuples du Nord (Viollet-Le-Duc, Archit., 1863, p. 488).Les peintres romans usent du signe et du symbole dans un art qui s'est détaché du réalisme issu de l'Antiquité (T. Castieau,L'Art roman, Paris, Flammarion, 1982, p. 54).
Loc. adv. À la romane. À la manière de l'art roman. Deux gros piliers largement jaspés avec des chapiteaux jaune d'œuf très massifs, historiés à la romane (Claudel,Soulier, 1929, 4ejournée, 2, p. 853).
P. anal. Qui évoque l'art roman par son arrondi, sa pureté d'expression. Je distingue [chez Claudel] (...) entre les oreilles un peu trop lourdes, ce front roman qui s'élève et s'élance avec une indicible pureté (Jammes,Mém., 1923, p. 93).Évolution d'un chant à la Vierge-Mère (...). Courbe sobre et romane partant du médium à l'invocation, atteignant son sommet (...) et s'incurvant à nouveau vers le grave pour exprimer l'agenouillement du fidèle (Migot,Lex. termes mus., 1935, p. 42).
2. Subst. masc. Art, style qui s'est épanoui en Europe occidentale aux xieet xiies. (après une longue période préparatoire remontant au viiies. selon certains) et qui a précédé le gothique. Du plus pur roman. La tour romane, la fin, le dernier mot de l'art roman (...). Sur un carré (...), s'assoit un hexagone flanqué de quatre tourelles légères (...). Jamais le roman n'a eu un essor si aérien (Michelet,Journal, 1835, p. 207).On nomme roman, le troisième style de l'architecture des moines; il se développa en Europe vers la période carlovingienne, et s'y maintint jusqu'à la fin du XIIesiècle (Lenoir,Archit. monast., 1856, p. 1).V. cistercien ex. 1.
C. − HIST. DE LA LITT. École romane. École poétique fondée en 1891 par J. Moréas, Raynaud, etc. et qui se réclamait de la culture, de l'esthétique antique, médiévale, classique. Moréas lui-même a dissous l'école symbolique pour fonder l'École romane (Verlaine, Œuvres posth., t. 2, Crit. et conf., 1896, p. 383).Raynaud, toujours inquiet parce que tous les jeunes chefs de toutes les jeunes écoles poétiques doivent le détester, lui, le chef de l'école romane (Renard,Journal, 1903, p. 804).
Prononc. et Orth.: [ʀ ɔmɑ ̃], fém. [-an]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. A. Ling. 1. a) 1596 Roman François « l'ancienne langue française » (Hulsius); [1671 ([Bouhours], Les Entretiens d'Ariste et d'Eugène, p. 156 ds Quem. DDL t. 21: témoin le Serment de Loüis Roy de Germanie, fait en langue Romance, et presque aussi mal-aisé à entendre que le Serment de Charles son frere Roy de France, fait en langue Thudesque)]; 1765 langue romane (Encyclop.: c'étoit une langue composée de celtique et du latin, mais dans laquelle celle-ci l'emportoit assez pour qu'on lui donnât les noms qu'on vient de dire); b) 1808 désigne la langue d'oc (Roquefort, Gloss. de la langue romane [titre]); 1816 (F.-J.-M. Raynouard, Gramm. romane ou gramm. de la langue des troubadours [titre]); c) 1863 langues romanes « l'ensemble des langues issues du latin » (É. Littré, Dict. de la lang. fr., Préf., t. 1, p. XXVIII); 2. 1898 « qui a pour objet l'étude des langues romanes » philologie romane (Langlois, Seignobos, loc. cit.). B. Beaux-arts 1818 (Gerville, lettre à Le Prévost, 18 déc. d'apr. A. Rey ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t. 2, 2, p. 24: Je vous ai quelquefois parlé d'architecture romane. C'est un mot de ma façon qui me paraît heureusement inventé pour remplacer les mots insignifiants de saxone et de normande); 1820 église romane, édifices romans (Id., lettre à de Vaussay, publ. ds le 1errec. de la Soc. des Antiquaires de Normandie, 1824-25, p. 88, 90, ibid., p. 25). De roman1*. Pour A, l'évolution des notions s'explique par le fait que roman s'est spécialisé dès la fin du xvies. dans la désignation de l'anc. lang. gallo-romane, p. oppos. à français qui désignait la lang. contemp.; de là le mot en est venu à désigner la lang. des troubadours chez Roquefort et surtout Raynouard qui la considéraient comme l'état intermédiaire entre le lat. et les autres lang. romanes; le sens mod. apparaît chez Littré qui s'inspire largement de l'Etymologisches Wörterbuch der romanischen Sprachen de Fr. Diez (1853), cf. aussi 1835, Fr. Diez, Grammatik der romanischen Sprachen). Voir FEW t. 10, p. 455a.
STAT.Roman1 et 2. Fréq. abs. littér.: 7 238. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7 784, b) 11 479; xxes.: a) 11 061, b) 11 337.
BBG.Planche (A.). Moyen Âge et presse quotidienne. Persp. médiév. 1976, n o2, p. 81. − Rey (A.). Le Lex.: images et modèles... Paris, 1977, pp. 237-249; Orig. et emploi du mot roman en art. Trav. Ling. Litt. Strasbourg, 1964, t. 2, n o2, pp. 21-30.

Wiktionnaire

Nom commun 2 - français

roman \ʁɔ.mɑ̃\ masculin

  1. Récit de fiction, habituellement long, qui présente plusieurs événements importants, incluant diverses périodes de repos pour le lecteur.
    • L’inspiration chevaleresque a produit le roman et une grande partie de notre art dramatique. — (Jean-Jacques Ampère, La Littérature française au moyen-âge, Revue des Deux Mondes, 1839, tome 19)
    • Le roman est la forme littéraire par excellence de la bourgeoisie, celle qui, peut-on dire, est née et s’est développée avec elle. — (Paul Lafargue, Sapho, paru dans Le Socialiste, 2 janvier 1886)
    • Voilà aujourd’hui que vous m’écrivez qu’en attendant un long roman de moi, — vous savez, un de ces romans interminables comme j’en écris, et dans lesquels je fais entrer tout un siècle, — vous voudriez bien quelques contes. — (Alexandre Dumas, Les Mille et Un Fantômes - Avant-propos)
    • […] Sébastien Chambot […] qui récolte des paquets de billets de mille avec des romans alambiqués et voluptueux, où il n’est question que de tortillements de la viande humaine saturée de cantharide. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 213)
    • Si l'on ferme les yeux et se met à penser au roman dans son ensemble, il apparaît comme une création qui comporte une certaine ressemblance, du genre miroir, avec la vie, ressemblance qui implique cependant de multiples simplifications et déformations. — (Virginia Woolf, Une Chambre à soi, chapitre IV, édition: 10/18, 1929)
  2. (Figuré) Ensemble de pensées plus ou moins cohérentes, pour soi-même.
    • On préfère construire un roman, qu’on déroule à sa guise, au rythme que l’on choisit, on l’illustre d’images d’Épinal aux coloriages grossiers, aux violentes couleurs. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
  3. (Figuré) Histoire embrouillée, compliquée, avec des rebondissements.
    • Deux heures plus tard, le yawl regagnait son mouillage, nous laissant l’inoffensive distraction d’imaginer d’extraordinaires romans dignes du cinématographe. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
  4. Aventure galante.
    • — Pauvre enfant, continua la Reine, tu fais tout ce que tu peux pour être bien fidèle et te bien maintenir dans la mélancolie de ton roman. — (Alfred de Vigny, Cinq-Mars, chapitre XXIII, 1826)
    • Ribadier. — Oh ! Je n’irai pas jusqu’à dire ça ! Mais ce qu’il me faut de précautions… Justement, en ce moment-ci, j’ai un petit roman en train. — (Georges Feydeau, Le Système Ribadier, 1892, acte I, scène 11)

Nom commun 1 - français

roman \ʁɔ.mɑ̃\ masculin singulier

  1. (Linguistique) Langue issue du latin.
    • L'effet produit par le latin sur la langue celtique, qu'il a transformée en roman et en wallon, s'est aussi fait sentir sur la langue tudesque, dans les pays situés en deçà du Rhin et voisins de la France. — (François-Xavier Masson, Annales ardennaises, ou Histoire des lieux qui forment le département des Ardennes et des contrées voisines, Mézières : imprimerie Lelaurin, 1861, page 568)
  2. (Linguistique) (Désuet) Ancien occitan.
    • J’entends par ROMAN les anciens dialectes littéraires de la langue d’Oc, par ANCIEN FRANÇAIS ou VIEUX FRANÇAIS, les anciens dialectes littéraires de la langue d’Oil. — (Émile Ruben, « Avertissement & Corrections » in Jean Foucaud, Poésies en patois limousin, édition philologique par Émile Ruben, Paris, Firmin Didot, 1866, page CLXV[1].)
  3. (Art) Le style roman, qui a fleuri dans les pays occidentaux, au XIe et au XIIe siècles et qui a été supplanté par le gothique.
    • La Bible, le livre inflexible de Jéhovah, le code terrible du Père, n’est-il pas traduit par le Roman dur et contrit et les Évangiles si consolants et si doux, par le Gothique plein d’effusions et de câlineries, plein d’humbles espoirs ? — (Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale, Plon-Nourrit, 1915)

Adjectif - français

roman

  1. (Philologie) Qualifie les langues qui se sont formées du latin.
    • Le Moyen Âge est une période longue, qui voit apparaître et se développer, avec les langues romanes, les littératures écrites dans ces langues. — (Michel Zink, Lire un texte vieilli, du Moyen Âge à nos jours, dans La lettre du Collège de France [En ligne], 26 juin 2009)
    • Les principales langues romanes sont le français, l’occitan, le catalan, l’espagnol, le portugais, l’italien et le roumain.
  2. (Art) Du style qui a fleuri dans les pays occidentaux, au XIe et au XIIe siècles et qui a été supplanté par le gothique.
    • Cette église est un des merveilleux monuments que l’époque romane a légués au moyen âge. Fondée par Robert le Fort, elle fut achevée au douzième siècle seulement. — (Alexandre Dumas, Les Mille et Un Fantômes)
    • La nef romane présente une disposition qui a été adoptée assez fréquemment dans les églises provençales et du bas Languedoc. — (Eugène Viollet-le-Duc, La Cité de Carcassonne, 1888)
    • Attention chef-d’œuvre ! Troia, ce village anodin, possède la plus belle cathédrale romane (1039) des Pouilles. La rosace est sublime : ses onze branches rayonnent sur un treillis de pierre qui n’est pas sans évoquer les moucharabiehs arabes. — (GEOguide : Pouilles et Basilicate, Gallimard Loisirs, 2015)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ROMAN. n. m.
Œuvre d'imagination en prose, où l'auteur, sous la forme du récit, peint les passions, les caractères, les mœurs, ou retient l'attention du lecteur par l'intérêt de l'intrigue ou des aventures. Roman psychologique. Roman d'aventures. Roman de mœurs. Roman d'analyse. Roman policier. Roman pastoral. Roman de cape et d'épée. Roman par lettres. Le roman de l'Astrée. Les romans de Balzac. Le héros, l'héroïne d'un roman. La lecture des romans lui avait exalté l'imagination. L'histoire est du roman qui a été, le roman est de l'histoire qui aurait pu être. Roman historique, Roman dont le fond est tiré de l'histoire. Ses romans historiques n'ont ni l'intérêt de l'histoire, ni l'attrait du roman.

ROMAN se dit, par allusion, des Aventures extraordinaires et des récits dénués de vraisemblance. Cela tient du roman. C'est une aventure de roman. Sa vie est un roman. Cela m'a tout l'air d'un roman. L'histoire que cet homme nous a débitée était un roman, n'était qu'un roman. Fig., Un héros de roman, Un homme qui affecte d'agir et de parler à la manière des héros de roman.

Littré (1872-1877)

ROMAN (ro-man, ma-n') adj.
  • 1Il s'est dit d'un langage qu'on a supposé avoir été intermédiaire entre le latin et les langues qui en sont nées, mais qui, en ce sens, n'a jamais existé.

    Aujourd'hui, il se dit des langues qui se sont formées du latin, et dont les quatre principales sont : l'espagnol, le français, l'italien et le provençal. Les langues romanes.

    S. m. Le roman, l'ensemble des langues romanes.

    Roman provençal, langue d'oc. Vers la fin du onzième siècle, on vit la poésie commencer en Provence en langage roman, ou romain corrompu, comme elle avait fait dans la Grèce, par des chants héroïques et satiriques, Marmontel, Œuv. t. IX, p. 338.

    On a dit aussi roman rustique. Le roman de Philomena, écrit au Xe siècle en roman rustique, Voltaire, Dict. phil. Français.

  • 2Se dit du style qui régna dans la construction des édifices, du Ve au XIIe siècle, et dont les voûtes à plein cintre forment le principal caractère.

HISTORIQUE

XIIe s. Qui ceste estoire en romanz mist, Rou, 10442. Car à l'eschole fu quant il fu petis, Tant que il sot [sut] et romans et latin, Du Cange, romanus.

XIIIe s. Il li otroie, quanqu'il volt, Il s'abaissa, et cil l'asolt Moitié romanz, moitié latin, Ren. 10833. Un mesagier qui miex parlast, Loeroie [je conseillerais] qui i alast Sans plus atargier le matin, Qui parlast romanz ou latin, ib. 18906. S'auscuns demande por quoi chis livres est escris en romans selonc le patois de France, puis que noz somes Italiens, Latini, Trésor.

XVIe s. On appella roman nostre nouveau langage, pour ce qu'il estoit corrompu du vray romain ; je trouve un passage où on l'appelle rustique roman, Pasquier, Recherches, VIII, p. 654, dans LACURNE.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Encyclopédie, 1re édition (1751)

ROMAN, s. m. (Fictions d’esprit.) récit fictif de diverses avantures merveilleuses ou vraisemblables de la vie humaine ; le plus beau roman du monde, Télémaque, est un vrai poëme à la mesure & à la rime près.

Je ne rechercherai point l’origine des romans, M. Huet a épuisé ce sujet, il faut le consulter. On connoît les amours de Diniace & de Déocillis par Antoine Diogène, c’est le premier des romans grecs. Jamblique a peint les amours de Rhodanis & de Simonide. Achillès Tatius a composé le romans de Leücippe & de Clitophon. Enfin Héliodore, évêque de Trica dans le quatrieme siecle, a raconté les amours de Théagène & de Chariclée.

Mais si les fictions romanesques furent chez les Grecs les fruits du goût, de la politesse, & de l’érudition ; ce fut la grossiereté qui enfanta dans le onzieme siecle nos premiers romans de chevalerie. Voyez Roman de chevalerie.

Ils tiroient leur source de l’abus des légendes, & de la barbarie qui regnoit alors ; cependant ces sortes de fictions se perfectionnerent insensiblement, & ne tomberent de mode, que quand la galanterie prit une nouvelle face au commencement du siecle dernier.

Honoré d’Urfé, dit M. Despreaux, homme de grande naissance dans le Lyonnois, & très-enclin à l’amour, voulant faire valoir un grand nombre de vers qu’il avoit composés pour ses maîtresses, & rassembler en un corps plusieurs avantures amoureuses qui lui étoient arrivées, s’avisa d’une invention très agréable. Il feignit que dans le Forès, petit pays contigu à la Limagne d’Auvergne, il y avoit du tems de nos premiers rois, une troupe de bergers & de bergeres qui habitoient sur les bords de la riviere du Lignon, & qui assez accommodés des biens de la fortune, ne laissoient pas néanmoins, par un simple amusement & pour le seul plaisir, de mener paître par eux-mêmes leurs troupeaux. Tous ces bergers & toutes ces bergeres, étant d’un fort grand loisir, l’amour, comme on le peut penser, & comme il le raconte lui-même, ne tarda guere à les y venir troubler, & produisit quantité d’événemens considérables.

M. d’Urfé y fit arriver toutes ses avantures, parmi lesquelles il en mêlâ beaucoup d’autres, & enchâssa les vers dont j’ai parlé, qui tous méchans qu’ils étoient, ne laisserent pas d’être goûtés, & de passer à la faveur de l’art avec lequel il les mit en œuvre ; car il soutint tout cela d’une narration également vive & fleurie, de fictions très-spirituelles, & de caracteres aussi finement imaginés qu’agréablement variés & bien suivis.

Il composa aussi un roman qui lui acquit beaucoup de réputation, & qui fut fort estimé, même des gens du goût le plus exquis, bien que la morale en fût vicieuse, puisquelle ne prêchoit que l’amour & la mollesse. Il en fit quatre volumes qu’il intitula Astrée, du nom de la plus belle de ses bergeres ; c’étoit Diane de Chateau-Morand. Le premier volume parut en 1610, le second dix ans après, le troisieme cinq ans après le second, & le quatrieme en 1625. Après sa mort, Baro son ami, & selon quelques-uns son secrétaire, en composa sur son mémoire un cinquieme tome, qui en formoit la conclusion, & qui ne fut guere moins bien reçu que les quatre autres volumes.

Le grand succès de ce roman échauffa si bien les beaux esprits d’alors, qu’ils en firent à son imitation quantité de semblables, dont il y en avoit même de dix & de douze volumes ; & ce fut pendant quelque tems, comme une espece de débordement sur le parnasse.

On vantoit surtout ceux de Gomberville, de la Calprenede, de Desmarais, & de Scuderi. Mais ces imitateurs s’efforçant mal-à-propos d’enchérir sur leur original, & prétendant annoblir ses caracteres, tomberent dans la puérilité. Au lieu de prendre comme M. d’Urfé pour leurs héros, des bergers occupés du seul soin de gagner le cœur de leurs maîtresses, ils prirent, pour leur donner cette étrange occupation, non-seulement des princes & des rois, mais les plus fameux capitaines de l’antiquité qu’ils peignirent pleins du même esprit que ces bergers ; ayant à leur exemple fait comme une espece de vœu de ne parler jamais & de n’entendre jamais parler que d’amour. De cette maniere, au lieu que M. d’Urfé dans son Astrée, avoit fait des bergers très-frivoles, des héros de roman considérables, ces auteurs au contraire, des héros les plus considérables de l’histoire, firent des bergers frivoles & quelquefois mêmes des bourgeois encore plus frivoles que ces bergers. Leurs ouvrages néanmoins, ne laisserent pas de trouver un nombre infini d’admirateurs, & eurent long-tems une fort grande vogue.

Mais ceux qui s’attirerent le plus d’applaudissemens, ce furent le Cyrus & la Clélie de mademoiselle de Scuderi, sœur de l’auteur du même nom. Cependant non-seulement elle tomba dans la même puérilité, mais elle la poussa encore à un plus grand excès. Au lieu de représenter, comme elle devoit, dans la personne de Cyrus un roi tel que le peint Hérodote, ou tel qu’il est figuré dans Xénophon, qui a fait aussi bien qu’elle un roman de la vie de ce prince ; au lieu, dis-je, d’en faire un modele de perfection, elle composa un Artamène, plus fou que tous les Céladons & tous les Sylvandres, qui n’est occupé que du seul soin de sa Mandane, qui ne fait du matin au soir que lamenter, gémir & filer le parfait amour.

Elle a encore fait pis dans son autre roman, intitulé Clélie, où elle représente toutes les héroïnes & tous les héros de la république romaine naissante, les Clélies, les Lucrèces, les Horatius Coclès, les Mutius Scevola, les Brutus, encore plus amoureux qu’Artamène ; ne s’occupant qu’à travers des cartes géographiques d’amour, qu’à se proposer les uns aux autres des questions & des énigmes galantes, en un mot, qu’à faire tout ce qui paroît le plus opposé au caractere & à la gravité héroïque de ces premiers Romains. Voilà d’excellentes remarques de M. Despreaux.

Madame la comtesse de la Fayette dégouta le public des fadaises ridicules dont nous venons de parler. L’on vit dans sa Zaïde & dans sa Princesse de Cleves des peintures véritables, & des avantures naturelles décrites avec grace. Le comte d’Hamilton eut l’art de les tourner dans le goût agréable & plaisant qui n’est pas le burlesque de Scarron. Mais la plûpart des autres romans qui leur ont succédé dans ce siecle, sont ou des productions dénuées d’imagination, ou des ouvrages propres à gâter le goût, ou ce qui est pis encore, des peintures obscènes dont les honnêtes gens sont révoltés. Enfin, les Anglois ont heureusement imaginé depuis peu de tourner ce genre de fictions à des choses utiles ; & de les employer pour inspirer en amusant l’amour des bonnes mœurs & de la vertu, par des tableaux simples, naturels & ingénieux, des événemens de la vie. C’est ce qu’ont exécuté avec beaucoup de gloire & d’esprit, MM. Richardson & Fielding.

Les romans écrits dans ce bon goût, sont peut-être la derniere instruction qu’il reste à donner à une nation assez corrompue pour que tout autre lui soit inutile. Je voudrois qu’alors la composition de ces livres ne tombât qu’à d’honnêtes gens sensibles, & dont le cœur se peignît dans leurs écrits, à des auteurs qui ne fussent pas au-dessus des foiblesses de l’humanité, qui ne démontrassent pas tout d’un coup la vertu dans le ciel hors de la portée des hommes ; mais qui la leur fissent aimer en la peignant d’abord moins austere, & qui ensuite du sein des passions, où l’on peut succomber & s’en repentir, sçussent les conduire insensiblement à l’amour du bon & du bien. C’est ce qu’a fait M. J. J. Rousseau dans sa nouvelle Héloïse.

Il semble donc, comme d’autres l’ont dit avant moi, que le roman & la comédie pourroient être aussi utiles qu’ils sont généralement nuisibles. L’on y voit de si grands exemples de constance, de vertu, de tendresse, & de désintéressement, de si beaux, & de si parfaits caracteres, que quand une jeune personne jette de là sa vue sur tout ce qui l’entoure, ne trouvant que des sujets indignes ou fort au-dessous de ce qu’elle vient d’admirer, je m’étonne avec la Bruyere qu’elle soit capable pour eux de la moindre foiblesse.

D’ailleurs on aime les romans sans s’en douter, à cause des passions qu’ils peignent, & de l’émotion qu’ils excitent. On peut par conséquent tourner avec fruit cette émotion & ces passions. On réussiroit d’autant mieux que les romans sont des ouvrages plus recherchés, plus débités, & plus avidemment goûtés, que tout ouvrage de morale, & autres qui demandent une sérieuse application d’esprit. En un mot, toute le monde est capable de lire les romans, presque tout le monde les lit, & l’on ne trouve qu’une poignée d’hommes qui s’occupent entierement des sciences abstraites de Platon, d’Aristote, ou d’Euclide. (Le chevalier de Jaucourt.)

Roman de chevalerie, (Belles-Lettres.) il paroit que le regne brillant de Charlemagne a été la source de tous les romans de chevalerie, & de la chevalerie elle-même, sans qu’on voye encore dans ce regne, ainsi que dans les siecles suivans, la valeur des chevaliers décider presque seule du sort des combats ; mais on y remarque déjà des faits d’armes particuliers.

Quoi qu’il en soit, le roman de Turpin, archevêque de Reims, ce roman qu’on peut regarder comme le pere de tous les romans de chevalerie, n’a guere été composé, selon l’opinion commune, que sur la fin du xj. siecle, environ 250 ans après la mort de Charlemagne.

Gryphiander prétend qu’un moine nommé Robert est auteur de cette chronique, & qu’elle fut écrite pendant le concile de Clermont assemblé par Urbain II. en l’année 1095. Pierre l’Hermite préchoit alors la premiere croisade, & l’objet du roman a constamment été d’échauffer les esprits, & de les animer à la guerre contre les infideles. Le nom de Turpin est supposé, & le moine est certainement un fort mauvais historien.

La valeur de Charlemagne, ses hauts faits d’armes égaux à ceux des chevaliers les plus renommés, la force & l’intrépidité de son neveu Rolland, sont bien marqués au coin de la chevalerie qui s’introduisit depuis son regne. Durandal est une épée que tous les romanciers ont eu en vue dans la suite ; elle coupe un rocher en deux parts, & fait cette grande opération entre les mains de Roland affoibli par la perte de son sang. Ce héros mourant sonne de son cors d’ivoire, & son dernier soupir est si terrible, que le cors en est brisé. Ces prodiges de force rapportés sans nécessité, donnent à entendre qu’ils étoient reçus dans le tems que la chronique a été composée, & que l’auteur a seulement voulu parler la langue de son tems.

Il paroit par la lecture de Turpin, que les chevaliers n’étoient connus ni de nom ni d’effet, avant le regne de Charlemagne, ni même durant son regne : ce que prouve encore le silence des historiens contemporains de ce prince, ou qui ont écrit peu après sa mort. Ainsi, c’est dans l’intervalle de la vie de ce grand roi & de celle du prétendu Turpin, qu’il faut placer les premieres idées de la chevalerie, & de tous les romans qu’elle a fait composer.

La chevalerie paroit encore avoir tiré son lustre de l’abus des légendes ; le caractere de l’esprit humain avide du merveilleux, en a augmenté la considération ; & les rois l’ont autorisée, en soumettant à quelques especes de formes, d’usages & de lois, des nobles qui enivrés de leur propre valeur, étoient portés à s’ériger en tyrans de leurs propres vassaux.

On ne négligea rien dans ces premiers tems, de ce qui pouvoit inspirer à ces hommes féroces, l’honneur, la justice, la défense de la veuve & de l’orphelin, enfin l’amour des dames. La réunion de tous ces points a produit successivement des usages & des lois qui servirent de frein à ces hommes qui n’en avoient aucun, & que leur indépendance jointe à la plus grande ignorance, rendoit fort à craindre.

Les idées & les ouvrages romanesques passerent de France en Angleterre. Geoffroi de Monmouth paroit être l’original du Brut.

Le roman de Sangreal composé par Robert de Broon est plus chargé d’amour & de galanterie que les précédens ; les idées romanesques gagnerent de plus en plus. C’est ce roman qui donna lieu aux principales avantures de la cour du roi Artus. Ces mêmes ouvrages se multiplierent, & devinrent en grande vogue sous le regne de Philippe le bel, né en 1268, & mort en 1314. Depuis ce tems-là ont paru tous nos autres romans de chevalerie, comme Amadis de Gaule, Palmerin d’Olive, Palmerin d’Angleterre, & tant d’autres, jusqu’au tems de Miguel Cervantès Sauvedra, espagnol.

Il avoit été secrétaire du duc d’Albe, & s’étant retiré à Madrid, il y fut traité sans considération par le duc de Lerme, premier ministre de Philippe III. roi d’Espagne. Alors Cervantes, pour se venger de ce ministre qui méprisoit les gens de lettres, & qui tranchoit du héros chevalier, composa le roman de dom Quichotte, ouvrage admirable, & satyre très-fine de toute la noblesse espagnole qui étoit alors entêtée de chevalerie. Il publia le premiere partie de ce roman ingénieux en 1605, la seconde en 1615, & mourut fort pauvre vers l’an 1620 ; mais sa reputation ne mourra jamais.

L’abolissement des tournois, les guerres civiles & étrangeres, la défense des combats singuliers, l’extinction de la magie, du sort & des enchantemens, le juste mépris des légendes, en un mot, une nouvelle face que prit la France & l’Europe sous le regne de Louis XIV. changea la bravoure & la galanterie romanesque dans une galanterie plus spirituelle & plus tranquille. On vint à ne plus goûter les faits inimitables d’Amadis.

Tant de châteaux forcés, de géans pourfendus,
De chevaliers occis, d’enchanteurs confondus

On se livra aux charmes des descriptions propres à inspirer la volupté de l’amour, à ces mouvemens heureux & paisibles, autrefois dépeints dans les romans grecs du moyen âge ; aux douceurs d’aimer ou d’être aimé, en un mot, à tous ces tendres sentimens qui sont décrits dans l’astrée de M. d’Urfé.

où dans un doux repos
L’amour occupe seul de plus charmans héros

Enfin l’on a vu paroître dernierement dans ce royaume un nouveau genre de galanterie hermaphrodite, qui n’est certainement pas flatteuse, ou, pour mieux dire, qui n’est qu’un mensonge peu délicat du plaisir des sens. (D. J.)

Wikisource - licence Creative Commons attribution partage dans les mêmes conditions 3.0

Étymologie de « roman »

Prov. roman ; cat. romans ; espagn. et port. romance ; du lat. romanus, romain. Il est remarquable que ce mot a une s thématique en vieux français, et une forme analogue en espagnol. Le provençal n'a pas cette s.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

(Adjectif) Du latin Romanus, il forme un doublon avec romain.
(Nom commun) Du latin Romanice (« à la façon des Romains »). De là, il a signifié « composition littéraire » (le latin est la langue de l’écriture). L’ancien français a le verbe romancier (« traduire en, ou écrire en langue romane »), déjà romancier (« auteur en langue romane ») et aussi l’adjectif romance (« de langue romane »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « roman »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
roman rɔmɑ̃

Fréquence d'apparition du mot « roman » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Citations contenant le mot « roman »

  • La nature du roman est l'infini.
    Pierre Bourgeade — Warum
  • Voici, du plateau de Langres au Bassin parisien, le roman-fleuve de la Seine, qu’un volume suivant mènera jusqu’à son estuaire normand et à la Manche. Sur l’eau et les chemins de halage, d’affluents littéraires en confluents artistiques, François Sureau charrie, sans efforts, une culture encyclopédique. Il charrie tout court : son livre, qui tient de la péniche Freycinet, de la malle-poste, de la tour de Babel, du labyrinthe de la cathédrale de Chartres et de l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, compte en effet 850 pages et pèse un bon kilo.
    L'Obs — Déraisonnable, inclassable, irrésumable : le roman-fleuve de François Sureau
  • [POMPÉI AU GRAND PALAIS 7/7] À l’image des “Derniers jours de Pompéi” d’Edward Bulwer-Lytton, et des péplums qui en sont tirés, l’éruption du Vésuve et la cité ensevelie ont inspiré des œuvres bien souvent infidèles aux faits historiques. Une Antiquité fantasmée qu’aime à analyser l’historien Claude Aziza. Il passe ici en revue romans, films, BD…
    Télérama — Roman, cinéma, bande dessinée : que reste-t-il de Pompéi ?
  • L'histoire est un roman qui a été, le roman est de l'histoire qui aurait pu être.
    Jules Huot de GoncourtEdmond Huot de Goncourt — Journal, Fasquelle
  • La métaphysique est le roman de l'esprit.
    Voltaire
  • Le roman est un genre faux, parce qu'il décrit les passions pour elles-mêmes : la conclusion morale est absente. Décrire les passions n'est rien ; il suffit de naître un peu chacal, un peu vautour, un peu panthère.
    Isidore Ducasse, dit le comte de Lautréamont — Poésies, I
  • Un roman doit toujours contenir un secret.
    Jean-Marc Roberts — Un début d'explication
  • La mort est un roman.
    Jean-Christophe Grangé — Les Rivières pourpres
  • « L’opposante de la Presqu’île » est un livre écho à une pièce de théâtre écrite, en 2015, par Lydie Parisse. Publié en janvier 2020, le roman est dédié à une femme camarétoise, une femme ordinaire mais qui, pour l’auteur, est un personnage particulier. « Pour écrire « L’Opposante », j’ai pris des notes à partir d’une personne réelle, une vieille femme, ma belle-mère bretonne, morte à 97 ans. Pendant dix ans, j’ai noté tout ce que je savais d’elle, bien avant que je connaisse son secret », explique l’auteur.
    Le Telegramme — Le Télégramme - Camaret-sur-Mer - « L’opposante de la Presqu’île », nouveau roman de Lydie Parisse
  • Quand il n'est pas songe, et, comme tel, parfaitement établi dans sa vérité, le roman est mensonge […].
    Louis Poirier, dit Julien Gracq — Lettrines, José Corti
Voir toutes les citations du mot « roman » →

Images d'illustration du mot « roman »

⚠️ Ces images proviennent de Unsplash et n'illustrent pas toujours parfaitement le mot en question.

Traductions du mot « roman »

Langue Traduction
Anglais novel
Espagnol novela
Italien romanzo
Allemand roman
Chinois 小说
Arabe رواية
Portugais romance
Russe роман
Japonais 小説
Basque eleberri
Corse rumanzu
Source : Google Translate API

Synonymes de « roman »

Source : synonymes de roman sur lebonsynonyme.fr

Combien de points fait le mot roman au Scrabble ?

Nombre de points du mot roman au scrabble : 7 points

Roman

Retour au sommaire ➦

Partager