La langue française

Accueil > Dictionnaire > Définitions du mot « abandonné »

Abandonné

Définitions de « abandonné »

Trésor de la Langue Française informatisé

ABANDONNÉ, ÉE, part. passé adj. et subst.

I.− [Correspond à abandonner]
Rem. A tous les sens et constr. du verbe; il peut avoir en outre des sens partic., dus à sa nature de forme nom. du verbe exprimant un état, résultat de l'action d'abandonner.
1. Il est suivi de la prép. de ou par introduisant le n. de l'agent. :
a) Il s'applique à un bien :
1. 1406. L'immeuble abandonné ou cédé par père, mère ou autre ascendant, à l'un des deux époux, soit pour le remplir de ce qu'il lui doit, soit à la charge de payer les dettes du donateur à des étrangers, n'entre point en communauté; sauf récompense ou indemnité. Code civil,1804, p. 256.
2. Pourtant, Sédille, toujours anxieux et méfiant, voulut poser une question : que deviendraient les actions abandonnées par ceux des actionnaires qui ne voudraient pas user de leur droit. É. Zola, L'Argent,1891, p. 178.
b) Il s'applique à un lieu :
3. Lorsqu'autrefois parmi nous on sépara les tombeaux des églises (...) le peuple s'opposa par-tout à l'abandon des antiques sépultures. (...) Au lieu de ces cimetières fréquentés on nous assigna dans quelque faubourg un enclos solitaire abandonné des vivans et des souvenirs, ... F.-R. de Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 2, 1803, p. 341.
c) Il s'applique à des pers. :
4. Sophie et Maurice. sophie. − Laissez-moi seule, vous dis-je; votre présence m'afflige, votre tendresse m'offense, et vos offres me font horreur. J'aimais votre frère, lorsqu'il était l'espoir de sa famille; je l'adore depuis qu'il en est banni. Hélas! Déshérité par son père, trahi par ses amis, persécuté par son frère, sans secours, sans asyle, seul, abandonné de la nature entière, il n'a pour supporter ses malheurs, que la force de son courage et les larmes de Sophie ... J.-H.-F. La Martelière, Robert, chef des brigands,1793, I, 1, p. 1.
5. Tous les Chrétiens se tenoient renfermés dans leurs maisons, évitant à la fois la fureur du peuple et le spectacle de l'idolâtrie. On ne voyoit errer au dehors que quelques prêtres attachés au service des hospices et des prisons, des diacres chargés de sauver les pauvres voués à la mort par Galérius, des femmes qui recueilloient les esclaves abandonnés par leurs maîtres, et les enfants exposés par leurs mères. F.-R. de Chateaubriand, Les Martyrs,t. 3, 1810, p. 197.
6. Le banquier était arrivé à la limite de ses sacrifices, et il avait formellement déclaré qu'il ne les pousserait pas plus loin (...) la danseuse pleura, mais le banquier resta inflexible : on avait épuisé le crédit; il tenait ses engagements avec une rigueur mathématique. C'est dans de pareils moments que Saint-Ernest se montrait admirable. Il cherchait les cas désespérés, les malades abandonnés de tout le monde, et l'Aspic était dans ce cas. L. Reybaud, Jérome Paturot,1842, p. 56.
7. « Le docteur Chikapouff, médecin-praticien des bords du Don, fait connaître généralement à tous les citoyens de cette capitale et de la France entière, comment il a prouvé, au moyen des soins qu'il a donnés, dans l'espace de trois mois, à environ cent cinquante incurables et par conséquent abandonnés par tous les médecins de la ville, et que les hôpitaux même ont expulsés ne pouvant arriver à la guérison desdits incurables; que lui, Chikapouff, avait pénétré dans le vrai de la médecine, ... » L. Reybaud, Jérome Paturot,1842p. 91.
Être assez abandonné de Dieu pour + inf. :
8. Ma foi! dit Gringoire, c'est qu'elle est ma femme et que je suis son mari. L'œil ténébreux du prêtre s'enflamma. − Aurais-tu fait cela, misérable? cria-t-il en saisissant avec fureur le bras de Gringoire; aurais-tu été assez abandonné de Dieu pour porter la main sur cette fille? V. Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 295.
2. Abandonné n'est pas suivi d'une prép.; l'agent est implicite. :
a) S'applique à un bien, à une chose (noter les emplois dans diverses lang. techn.) :
9. [Dans une carrière de gypse], si le gîte ne peut être enlevé en une seule fois, on l'exploite par tranches horizontales, dans chacune desquelles on opère par piliers abandonnés. J. Cahen, E. Bruet, Carrières, plâtrières, ardoisières,1926, p. 192.
Rem. Pilier abandonné : cf. pilier.
10. Aux paroles de sa belle-mère, Camille tomba des nues. Après en avoir voulu vingt-quatre heures à Le Loreur pour les potins qu'il avait dû faire à Agnès, ne l'ayant pas rencontré, il l'avait oublié. D'autant plus qu'Agnès, les jours suivants, était devenue douce comme un agneau. Il croyait que c'était parce qu'il lui avait donné un peu plus d'argent que d'habitude, Gravier ayant fait rentrer une créance presque abandonnée. P. Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 125.
b) S'applique à un lieu (lieu inhabité, désert, vide; lieu sauvage) :
11. ... elle se contenta de sourire, en disant : « il y a donc long-temps que Durantal est inhabité ... » − Il est abandonné depuis la Révolution : les propriétaires n'avoient plus assez de fortune pour y rester, ... H. de Balzac, Annette et le criminel,t. 3, 1824, p. 33.
12. Cà et là, en allant dans les champs, vous rencontrez, derrière un mur de pierres grises, quelque ferme silencieuse, manoir abandonné, où les maîtres ne viennent pas. G. Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 356.
13. Il y a à Castel-Gandolfo un endroit abandonné, un coin désert où personne ne passe, une place inanimée, muette, où des gamins jouent à la marelle italienne, ... E. et J. de Goncourt, Madame Gervaisais,1869, p. 145.
14. ... ces feuilles tombant toujours, semblaient des larmes, de grandes larmes versées par les grands arbres tristes (...). Ils pleuraient dans le silence du bois désert et vide, du bois abandonné et redouté, ... G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, La Petite Roque, 1885, p. 1033.
c) S'applique à un animal (notamment à un chien) :
15. Ses yeux se fixaient sur Jules avec une curiosité effrayante et parcouraient toute sa personne, tout en le flairant et en tournant autour de lui. Jules en eut d'abord horreur, puis pitié, tant le pauvre animal semblait misérable et abandonné. C'était un de ces chiens qui ont perdu leur maître, que l'on poursuit avec des huées, qui errent au hasard dans la campagne, que l'on trouve morts au bord des chemins sans savoir à qui ils appartenaient. G. Flaubert, La Première éducation sentimentale,1845, p. 227.
d) S'applique à des pers. (surtout à un enfant, notamment dans la lang. du dr.) :
16. A Aimé Martin. Mars-Avril 1836. Mon cher ami, Vous m'avez trouvé l'homme qu'il me fallait. (...) dites-lui de me faire les enfants trouvés et abandonnés. Amenez-le dîner avec vous un jour. A. de Lamartine, Correspondance,t. 2, 1836, p. 207.
17. Le marquis se laissa tomber sur un banc, au pied d'un arbre, cacha sa tête dans ses mains et fondit en larmes. Il pleura comme une femme, comme un enfant privé de sa mère et abandonné sur la voie publique. Cet homme riche à millions, heureux naguère et dont la colossale stature semblait résumer le type de la force, s'était senti tout à coup le plus infortuné et le plus délaissé des hommes. P.-A. Ponson du Terrail, Rocambole,t. 3, Le Club des valets de cœur, 1859, p. 39.
18. M'a-t-on jamais vu reculer devant le danger? ... Ai-je marchandé mon dévouement au plus pauvre, au plus abandonné? ... La diphtérie qui a failli m'emporter, je l'avais gagnée d'une mendiante, gibier d'hôpital et de bagne ... F. de Curel, La Nouvelle idole,1899, I, 6, p. 185.
19. Les enfants qui souffrent d'une naissance illégitime, de mauvais traitements ou de scènes de violence familiale, inclinent à imaginer qu'ils sont issus d'une famille inconnue, riche ou d'illustre lignée : ce mythe, plus ou moins formulé chez beaucoup d'enfants, explique le succès de la littérature de l'enfant perdu ou abandonné. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 377.
Substantivement. [En partic. en parlant d'un orphelin, des morts, des pauvres, du Christ] :
20. ... Visite au chateau, aux princes. Agitation, bavardage et mouvement sans objet, j'ai passé la journée en affaires de commission; était de malaise et de vide. Dîner seul chez moi. Visites du soir; fatigue et embarras de tête. « Je suis un pauvre abandonné, banni dans une terre ennemie où les combats sont continuels et les disgrâces très grandes ». J'éprouve dans chaque lieu ces combats, ces peines, cette tristesse de l'exil. Maine de Biran, Journal,1819, p. 208.
21. la trépassée C'en est fait! C'en est fait! Il est là! Sa morsure M'ouvre au flanc une large et profonde blessure; Il me ronge le cœur. Quelle torture! O Dieu, quelle angoisse cruelle Mais que faites-vous donc lorsque je vous appelle, O ma mère, ô ma sœur? le ver Dans leur âme déjà ta mémoire est fanée, Et pourtant sur ta fosse, ô pauvre abandonnée, L'oranger est tout frais. La tenture funèbre à peine repliée, Comme un songe d'hier elles t'ont oubliée, Oubliée à jamais. T. Gautier, La Comédie de la mort,La Vie dans la mort, 1838, p. 17.
22. Elle avait poussé dans un faubourg, sur le pavé parisien; et, grande, belle, de chair superbe ainsi qu'une plante de plein fumier, elle vengeait les gueux et les abandonnés dont elle était le produit. É. Zola, Nana,1880, p. 1269.
23. 29 avril. − Apparition extraordinaire d'un autre ingénieur, ami de Termier et passionné pour mes livres. J'aurai sans doute l'occasion de reparler de cet ami des pauvres et des abandonnés. Il se nomme Philippe Raoux... L. Bloy, Journal,1907, p. 347.
24. Les gardes ôtent la pierre. Le grand prêtre s'avance jusqu'à l'entrée de la caverne. Le grand prêtre. − Vous, les oubliés, les abandonnés, les désenchantés, vous qui traînez au ras de terre, dans le noir, comme des fumerolles, et qui n'avez plus rien à vous que votre grand dépit, vous les morts, debout, c'est votre fête! Venez, montez du sol comme une énorme vapeur de soufre chassée par le vent; montez des entrailles du monde, ô morts cent fois morts, ... J.-P. Sartre, Les Mouches,1943, II, tabl. 1, 2, p. 46.
II.− [Correspond à s'abandonner]
A.− [Correspond à II A 2 a de s'abandonner] Qui a renoncé à agir, à lutter :
25. Une malheureuse assez abandonnée pour se tuer elle-même! P. Mérimée, Arsène Guillot,1847, p. 92.
26. ... sitôt qu'il a foulé la liste couleur d'ambre, il oublie que son propre calcul en a tracé d'avance l'itinéraire inflexible. Au premier pas sur le sol magique arraché par son art à l'accablante, à la hideuse fertilité de la terre, nu et stérile, bombé comme une armure, le plus abandonné reprend patience et courage, rêve qu'il est peut-être une autre issue que la mort à son âme misérable ... Qui n'a pas vu la route à l'aube, entre ses deux rangées d'arbres, toute fraîche, toute vivante, ne sait pas ce que c'est que l'espérance. G. Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1409.
B.− [Correspond à II A 2 b de s'abandonner] Qui a renoncé à la direction ou à la possession de soi-même :
27. On lui [M. de Talleyrand] a attribué un goût d'épigrammes et de saillies qu'il n'avait pas; son entretien n'avait ni la méchanceté ni l'essor que le vulgaire se plaisait à citer et à admirer dans les reparties d'emprunt mises sous son nom. Il était, au contraire, lent, abandonné, naturel, un peu paresseux d'expression, mais toujours infaillible de justesse. Il avait trop d'esprit pour avoir besoin de le tendre. Ses paroles n'étaient pas des éclairs, mais des réflexions condensées en peu de mots. A. de Lamartine, Nouvelles Confidences,1851, p. 305.
28. Je ne sais pas si Delacroix a des imperfections de caractère. J'ai vécu près de lui dans l'intimité de la campagne et dans la fréquence des relations suivies, sans jamais apercevoir en lui une seule tache, si petite qu'elle fût. Et pourtant nul n'est plus liant, plus naïf et plus abandonné dans l'amitié. Son commerce a tant de charmes qu'auprès de lui on se trouve soi-même être sans défauts, tant il est facile d'être dévoué à qui le mérite si bien. G. Sand, Histoire de ma vie,t. 4, 1855, p. 252.
29. ... Les matamores de la troupe étaient atterrés : ,,(...) S'il arrivait malheur à leur garant et fondé de pouvoir, adieu tout! Il leur incomberait alors d'en découdre avec messire la sourdine, et ce n'est pas lui qui serait décousu!`` Mais le protecteur, d'un seul coup d'œil, les rassura : ,,puisqu'on l'exigeait, il serait sage; on pouvait, comme toujours, s'en rapporter à sa parole.`` En effet, au lieu de se jeter en avant, à corps abandonné, comme il l'avait fait deux fois de suite sans autre résultat que de compromettre la partie, il se remit à tâter le fourbe d'en face, ... L. Cladel, Ompdrailles,1879, p. 278.
30. ... la chaleur tombait dans l'air immobile. Par moments, une haleine fraîche montait des parquets, que des garçons de magasin arrosaient d'un mince filet d'eau. (...). Des vendeurs nonchalants se tenaient debout, quelques rares clientes suivaient les galeries, traversaient le hall, de ce pas abandonné des femmes que le soleil tourmente. É. Zola, Au bonheur des dames,1883, p. 540.
31. Ses cheveux sont défaits, abandonnés; d'un noir de jais; coupés court sur le front mais retombant comme mouillés sur les épaules. A. Gide, Journal,1910, p. 291.
En mauvaise part. Sans retenue :
32. Quelquefois un plumet échauffé de luxure et de boisson faisait asseoir sur son genou une de ces beautés peu farouches, et lui chuchotait à l'oreille, dans un gros baiser, des propositions anacréontiques reçues avec des rires affectés et un « non » qui voulait dire « oui »; puis, au long de l'escalier, on voyait des groupes qui montaient, l'homme le bras sur la taille de la femme, la femme se retenant à la rampe et faisant de petites façons enfantines, car même en la débauche la plus abandonnée il faut encore quelques semblants de pudeur. T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 315.
Substantivement. [En parlant d'une femme qui se prostitue, peut-être pour indiquer le motif de sa prostitution] :
33. La femme Cuche, cette misérable abandonnée qui se prostituait à tous les hommes, dans les trous de la côte, pour trois sous ou pour un reste de lard, s'était cassé une jambe en juillet; et elle en demeurait contrefaite, boitant affreusement, sans que sa laideur repoussante, aggravée par cette infirmité, lui fît rien perdre de sa clientèle ordinaire. É. Zola, La Joie de vivre,1884, p. 1004.
ÉTYMOL. − 1. Emploi absolu a) d'une pers., 1165 garce abandonee « prostituée » (Chrét. de Troyes, Guill. d'Angleterre, éd. Champion, 1152 ds Cohn, Bemerkungen zu T.-L., ds Arch. St. n. Spr., CXXXIX, 62); ca 1200 « qui agit rapidement » (Ami et Amile, éd. Dembowski, 2952 : Lors ist Amiles trestouz abandonnez Hors de la chambre, en la sale est entrez); 1220-1235 « qui se laisse aller à la dépense » (Lancelot, Richel, 754 ds Gdf. : ... il est si larges et si abandonez...); b) d'une chose, 4equart xives. « inconsidéré » (Froissart, Poés., Espinette amoureuse, éd. Scheler, 3734 ibid. : Par foi ce fu uns grans oultrages Et uns abandonnés ouvrages); 2emoitié xves. « sans mesure » (O. de la Marche, Mém., II, 1 ibid. : ... grande, large et habandonnee despense de mangiers); 2) a) abandoné de 1165 « prêt à (+ inf.) » (Chrét. de Troyes, Guill. d'Angleterre, éd. Wilmotte, 672 : Moult estes ore abandonee De mentir, si n'en avés honte); fin xiies. « qui se livre impétueusement à (qqc.) » (Gar. le Loh., éd. Paris, I, 81 ds Gdf. : Tex se fait ore de guerre abandonné; ca 1200 « disposé à, prêt à (qqc.) » (Jourdain de Blaye, éd. Hofmann, 2239 ds T.-L. : Dou bien servir fui toute abandonnee); b) abandonné a 1172-1175 « qui se livre entièrement à (qqc.) » (Chrét. de Troyes, Charrette éd., Förster, 3938 ds T.-L. : a joie abandoné); ca 1190 « qui se dévoue à (qqn) » (Renart, XII, 215 ds Til., Lex. Ren. s.v. : Pere nostre, Abandonné a totes genz). Part. passé de abandonner* pris adj. HIST. − Part. passé empl. comme adj., abandonné suit l'évolution gén. de abandonner. Il a connu de nombreux emplois partic. au Moy. Âge (cf. étymol. et Gdf.) qui pour la plupart ont disparu au xvies. au plus tard. Noter toutefois l'évolution du mot au sens de « prostituée » apparu au xiies. (cf. étymol. 1 a). Les dict. du xviiieet du xixes. connaissent un sens plus gén. « qui est sans frein, qui n'est retenu par aucune loi » : Il faut que vous passiez pour les plus abandonnés calomniateurs qui furent jamais. Pascal, Provinciales, 16, (Littré). Empl. comme subst. dès le xviies., un abandonné désigne « un homme débauché », une abandonnée, « une prostituée » : J'aime fort la beauté qui n'est pas profanée Et ne veux pas brûler pour une abandonnée. Molière, L'Étourdi, III, 3, (Littré). Au xviiies., le subst. est surtout en usage en parlant d'une femme. Ce sens subsiste jusqu'à la fin du xixes. mais semble actuell. tombé en désuétude. Dep. la fin du xixes., abandonné est empl. substantivement pour désigner « celui qui se trouve sans secours ». Noter enfin qq. emplois techn. de l'adj., apparus en 1751 ds l'Encyclop. : . Dr., en parlant des biens auxquels le propriétaire a renoncé; subsiste. . Terres abandonnées, terres dont la mer s'est retirée et qu'on peut faire valoir; n'est plus signalé apr. Lar. 19e. . Chasse : « épithète donnée à un chien courant qui prend les devants d'une meute et qui s'abandonne sur la bête quand il la rencontre »; subsiste jusqu'à Quillet 1934.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 4 302. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 6 313, b) 6 255; xxes. : a) 6 219, b) 5 815.
BBG. − Baudr. Chasses 1834. − Lafon 1963. − Le Clère 1960.

Wiktionnaire

Nom commun - français

abandonné \a.bɑ̃.dɔ.ne\ masculin (pour une femme, on dit : abandonnée)

  1. Personne qui a été laissé seul.
    • Eh bien! ma jolie Martine, ne souffrez point qu’un pauvre abandonné passe la nuit au soleil des loups. — (Charles Deulin, Martin et Martine)

Adjectif - français

abandonné \a.bɑ̃.dɔ.ne\

  1. Qui a été laissé seul.
    • Il essaya de se persuader qu’il était à l’aise et en sécurité ; mais bientôt, l’indéfinissable inquiétude de l’animal sociable, abandonné dans la solitude, le tourmenta. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 328 de l’édition de 1921)
    • Rares et maigres, pauvres et silencieuses étaient les localités traversées et, dans celles-ci, nombreuses étaient les demeures manifestement abandonnées, les bicoques délabrées où tout en fait des ruines. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
  2. Qui est laissé à l’abandon.
    • Mais cela peut même aller jusqu’à la désertification lorsque les familles ont pu à leur tour migrer : la montagne kabyle ou libanaise est ainsi constellée de fermes abandonnées. — (Christian Pradeau & Jean-François Malterre, Migrations et territoires, dans Les cahiers d’Outre-Mer n° 234/vol. 59, Presses Universitaires de Bordeaux, 2006)
  3. Qui manifeste un certain laisser-aller.
    • Émilienne restait debout. Elle n’était pas faite pour les fauteuils et les poses abandonnées. — (Georges Simenon, Le Blanc à lunettes, chapitre V, Gallimard, 1937)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ABANDONNER. v. tr.
Quitter, délaisser entièrement. Les progrès de l'inondation le contraignirent d'abandonner sa maison. Un soldat ne doit jamais abandonner son drapeau. C'était un crime chez les Grecs d'abandonner son bouclier. La mer a abandonné une partie de cette côte. Abandonner une place, une province conquise. Abandonner sa femme et ses enfants. Vous m'avez abandonné dans le besoin. Un enfant abandonné. Prov., Il faut être bien abandonné de Dieu et des hommes pour faire telle chose, se dit d'une Personne qui prend un parti inattendu, étrange, désespéré, dont les suites peuvent lui être très nuisibles. Ce père a abandonné son fils, l'a entièrement abandonné, Il ne prend plus aucun soin de lui, il ne s'en met plus en peine. Par extension,

ABANDONNER signifie Négliger, cesser de visiter. Depuis quelque temps, vous nous abandonnez. Les médecins ont abandonné ce malade, Ils ont cessé de le voir, ou ils ne lui ordonnent plus rien, parce qu'ils désespèrent de sa guérison. Il signifie aussi Laisser échapper. Tenez ferme, n'abandonnez pas cette corde. N'abandonnez pas les rênes de ce cheval. N'abandonnez pas votre cheval. On dit dans un sens analogue Abandonner les étriers, Retirer les pieds de dedans les étriers. Il s'emploie souvent figurément et signifie Ne pas poursuivre une chose, y renoncer. Abandonner la poursuite d'une affaire. Abandonner une cause. Abandonner un projet, un ouvrage. Abandonner ses prétentions, ses droits. Il se dit aussi des Facultés, des qualités physiques ou morales, lorsqu'elles viennent à nous manquer. Mes forces m'abandonnent. Son courage, sa prudence, sa présence d'esprit l'abandonna dans cette circonstance. Si la fortune vous abandonne, ne vous abandonnez pas. Vous êtes perdus si vous vous abandonnez.

ABANDONNER signifie encore Exposer, livrer; et, dans ce sens, il est toujours suivi de la préposition À. Abandonner une ville au pillage, à la fureur des soldats. Abandonner un vaisseau à l'orage, au vent. Abandonner à la merci de, à la discrétion de, etc. Abandonner quelqu'un à son caractère, à ses passions. S'abandonner à la débauche, au vice. S'abandonner à la douleur, à la tristesse, aux pleurs. S'abandonner à la foie. Je m'abandonne à vous, à vos sages avis. Abandonner un ecclésiastique au bras séculier, c'était Le livrer au juge laïque, afin qu'il le punît selon les lois. Abandonner une chose, une personne à quelqu'un, Lui permettre d'en faire, d'en dire ce qu'il lui plaira, lui en laisser l'entière disposition, lui laisser une entière liberté à son égard. Abandonner tous ses biens à ses créanciers. Je vous abandonne les fruits de mon jardin. Vous vous plaignez de cet homme, dites-en ce qu'il vous plaira, je vous l'abandonne. Je vous abandonne ce point, Je vous l'accorde, je vous le concède, je renonce à le soutenir, à m'en prévaloir.

ABANDONNER signifie encore Remettre, confier. J'ai abandonné le soin de mes affaires à un gérant intelligent et probe. S'abandonner à la Providence, Se remettre entièrement entre les mains de la Providence. S'abandonner à la fortune, Laisser aller les choses au hasard.

S'ABANDONNER signifie spécialement Se négliger dans son maintien, dans son habillement. Un malade, un vieillard qui s'abandonne. Il signifie encore Se laisser aller à des mouvements naturels. Ne vous raidissez pas, abandonnez-vous. Cet acteur ne s'abandonne pas assez.

Littré (1872-1877)

ABANDONNÉ (a-ban-do-né, née)
  • 1Part. passé de abandonner. Abandonné par ses parents. Abandonné de ses amis. Il faut être bien abandonné de Dieu et des hommes pour faire telle chose. Un enfant abandonné. Inquiet de se voir ainsi abandonné. Propriétés abandonnées (sans maître). Postes abandonnés. Othon avait eu une enfance abandonnée. Ville abandonnée au pillage. Abandonné à soi-même. Les chevaux abandonnés à eux-mêmes. Cette carrière est abandonnée de la jeunesse. Usages abandonnés. Abandonné des médecins. Personne n'est assez abandonné de Dieu pour cela, Pascal, Prov. 6. Non pas que ce Dieu, dont il est séparé et entièrement abandonné, ne soit plus le Dieu de l'univers, Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 64. J'entre dans le lieu saint ; et qu'est-ce à mes yeux que cette maison de Dieu ? c'est un désert, et le désert le plus abandonné, Bourdaloue, ib. p. 310. Là, poursuivi d'une populace animée, abandonné aux plus indignes traitements d'une insolente et brutale soldatesque, Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 376. Si Dieu les eût livrés à la corruption de leur cœur, il n'y eût point eu de pécheurs plus perdus et plus abandonnés à tous les vices, Bourdaloue, ib. t. II, p. 155. Je ne vous crois pas assez abandonné du Seigneur pour y songer, Hamilton, Gramm. 6. Une femme, nommée Pantée, était abandonnée de tous les médecins, Fénelon, Empéd. Loin de ses parents, aux fers abandonnée, Voltaire, Zaïre, III, 4. Aux bourreaux se vit abandonné, Voltaire, Alz. III, 4. C'est un de ces mortels du sort abandonnés, Voltaire, Mérope, II, 1. Un vieil oiseau qui se sent abandonné de ses ailes vient s'abattre auprès d'un courant d'eau, Chateaubriand, Génie, I, V, 6. Ces paisibles vertus au peuple abandonnées, A mon héros aussi le ciel les a données, Gilbert, Au Pr. de Salm. Alors je compris par expérience ce que j'avais souvent ouï dire à Mentor, que les hommes mous et abandonnés aux plaisirs manquent de courage dans les dangers, Fénelon, Tél. IV.
  • 2Adj. et, pris aussi dans ce sens, substantivement. Qui est sans frein, et, par suite, sans mœurs. Si nous étions assez abandonnés pour dire… C'est une abandonnée. Quelque libertin et quelque abandonné qu'il puisse être, il y a toujours de secrets reproches de la conscience qui le troublent, Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 94. J'ose dire qu'il n'y a point de pécheur si abandonné qui porte jusque-là le désespoir, Bourdaloue, ib. t. I, p. 386. Il faut que vous passiez pour les plus abandonnés calomniateurs qui furent jamais, Pascal, Prov. 16. J'aime fort la beauté qui n'est pas profanée, Et ne veux pas brûler pour une abandonnée, Molière, l'Étourdi, III, 3. Cette lettre était un tissu d'ordures à faire trembler les plus abandonnés, Saint-Simon, 61, 31. Si nous étions assez abandonnés pour vouloir persuader au public…, Voltaire, Mœurs, Moïse. Il y a bien peu de femmes assez abandonnées pour aller jusque-là, Montesquieu, Let. pers. 26.

HISTORIQUE

XVIe s. Les autres ont escrit que ceste Phaa estoit une brigande, meurtriere et abandonnée de son corps, Amyot, Thésée, 11. Il nous fit de merveilleuses caresses et abandonnés traitements, Carloix, VIII, 18.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Étymologie de « abandonné »

Du verbe « abandonner ».
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « abandonné »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
abandonné abɑ̃dɔne

Fréquence d'apparition du mot « abandonné » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « abandonné »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « abandonné »

  • Et je voudrais, Monsieur, que vous eussiez toutes les maladies que je viens de dire, que vous fussiez abandonné de tous les médecins, désespéré, à l’agonie, pour vous montrer l’excellence de mes remèdes, et l’envie que j’aurais de vous rendre service.
    Le Malade imaginaire — Molière
  • Une après-midi d’automne, Gervaise, qui venait de reporter du linge chez une pratique, rue des Portes-Blanches, se trouva dans le bas de la rue des Poissonniers comme le jour tombait. Il avait plu le matin, le temps était très doux, une odeur s’exhalait du pavé gras ; et la blanchisseuse, embarrassée de son grand panier, étouffait un peu, la marche ralentie, le corps abandonné, remontant la rue avec la vague préoccupation d’un désir sensuel, grandi dans sa lassitude. Elle aurait volontiers mangé quelque chose de bon. Alors, en levant les yeux, elle aperçut la plaque de la rue Marcadet, elle eut tout d’un coup l’idée d’aller voir Goujet à sa forge.
    Émile Zola — L’Assommoir
  • Approximativement à l’endroit où se trouve aujourd’hui l’école des mines, au numéro 60 du boulevard, se dressait, au début du XIème siècle, un château construit pour le roi Robert le Pieux. Les alentours étaient si attrayants, le cadre si campagnard, que ce beau manoir fut appelé Val-Vert. Puis, le temps passa, le castel du souverain fut abandonné, il se dégrada lentement, des pierres en furent arrachées pour être réutilisées dans d’autres édifices. Et de Val-Vert, on fit Vauvert… Le passant frémissait en longeant cette ruine ouverte à tous les vents. Qui se terrait dans les décombres ? Quels étaient ces bruits qui en montaient les soirs de pleine lune ? Que signifiaient ces lumières qui perçaient la nuit ? On imagina, on conjectura, on supputa. On parla d’un monstre – vert, bien sûr – avec une grande barbe blanche, moitié homme, moitié serpent… Vers 1270, Saint Louis offrit l’enclos aux Chartreux, à charge pour eux d’en chasser le mauvais esprit. Les moines, qui n’avaient peur de rien, s’installèrent sur place, et le diablotin olivâtre disparut pour ne plus jamais réapparaître. Mais le diable Vauvert ne fut jamais oublié… Au moment d’entreprendre un voyage lointain et incertain, ne craint-on pas de partir pour ce diable Vauvert ?
    Lorànt Deutsch — Métronome
  • TOINETTE — Je suis médecin passager, qui vais de ville en ville, de province en province, de royaume en royaume, pour chercher d'illustres matières à ma capacité, pour trouver des malades dignes de m'occuper, capables d'exercer les grands et beaux secrets que j'ai trouvés dans la médecine. Je dédaigne de m'amuser à ce menus fatras de maladies ordinaires, à ces bagatelles de rhumatismes et de fluxions, à ces fièvrotes, à ces vapeurs et à ces migraines. Je veux des maladies d'importance, de bonnes fièvres continues, avec des transports au cerveau, de bonnes fièvres pourprées, de bonnes pestes, de bonnes hydropisies formées, de bonnes pleurésies avec des inflammations de poitrine: c'est là que je me plais, c'est là que je triomphe; et je voudrais, monsieur, que vous eussiez toutes les maladies que je viens de dire, que vous fussiez abandonné de tous les médecins, désespéré, à l'agonie, pour vous montrer l'excellence de mes remèdes et l'envie que j'aurais de vous rendre service.ARGAN — Je vous suis obligé, monsieur, des bontés que vous avez pour moi.TOINETTE — Donnez-moi votre pouls. Allons donc, que l'on batte comme il faut. Ah! je vous ferai bien aller comme vous devez. Ouais! ce pouls-là fait l'impertinent; je vois bien que vous ne me connaissez pas encore. Qui est votre médecin ?ARGAN — Monsieur Purgon.TOINETTE — Cet homme-là n'est point écrit sur mes tablettes entre les grands médecins. De quoi dit-il que vous êtes malade ?ARGAN — Il dit que c'est du foie, et d'autres disent que c'est de la rate.TOINETTE — Ce sont tous des ignorants. C'est du poumon que vous êtes malade.[…]TOINETTE — Le poumon. Vous aimez à boire un peu de vin.ARGAN — Oui, monsieur.TOINETTE — Le poumon. Il vous prend un petit sommeil après le repas, et vous êtes bien aise de dormir ?ARGAN — Oui, monsieur.TOINETTE — Le poumon, le poumon, vous dis-je. Que vous ordonne votre médecin pour votre nourriture ?ARGAN — Il m'ordonne du potage.TOINETTE — Ignorant !ARGAN — De la volaille.TOINETTE — Ignorant !ARGAN —Du veau.TOINETTE — Ignorant !
    Molière — Le Malade Imaginaire
  • Tant pis, que veux-tu c'est l'Amour. Ainsi, soudainement, j'étais aux prises avec un troisième homme et je ne pensais plus aux autres. Rien du tout. Pauvre cher curé abandonné Pauvre spahi déshabillé. Ah tant pis, car je suis lasse de souffrir.
    Florence Asie — Fascination
  • Qu'après avoir créé le monde, Dieu l'ait laissé à la merci des hommes abandonnés, qui en s'adressant à lui tombent dans un vide sans écho, cette idée n'est pas neuve. Mais se trouver abandonné par le Dieu de nos ancêtres est une chose, c'en est une autre d'être abandonné par le divin inventeur de l'ordinateur cosmique.
    Milan Kundera — L'immortalité

Traductions du mot « abandonné »

Langue Traduction
Anglais abandoned
Espagnol abandonado
Italien abbandonato
Allemand verlassen
Chinois
Arabe متروك
Portugais abandonado
Russe заброшенный
Japonais 放棄された
Basque abandonatu
Corse abbandunatu
Source : Google Translate API

Antonymes de « abandonné »

Combien de points fait le mot abandonné au Scrabble ?

Nombre de points du mot abandonné au scrabble : 11 points

Abandonné

Retour au sommaire ➦