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Tant

Définitions de « tant »

Trésor de la Langue Française informatisé

TANT, adv. et nom.

I. − Adverbe
A. − [Adv. d'intensité ou de quantité]
1. [Corrél. de que, tant entraîne une conséquence. Marque ,,qu'une action ou qualité portée à un très haut degré devient la cause d'un certain effet`` (Le Bidois 1967,1453)] Synon. tellement.
a) [Tant modifie un verbe à un temps simple ou à un temps comp.] Je vous aime tant que je veux être oublié dans vos doux souvenirs, si en pensant à moi vous pouviez être malheureuse (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 503).
Rem. 1. Avec un verbe à un temps comp., tant s'insère entre l'auxil. et le part. passé: C'est parce que ton baiser, je l'ai tant espéré, tant voulu, tant attendu, que je me suis repris à vivre, à être fort... (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 141). Entre le verbe et le subst. dans une loc. verb.: Pendant assez longtemps, des républicains niaient, en France, les luttes de classes; ils avaient tant horreur des révoltes qu'ils ne voulaient pas voir les faits (Sorel, Réflex. violence, 1908, p. 77). 2. Tant est placé avant le verbe dans des proverbes et dans des expr. figées de la lang. écr.: Tant va la cruche* à l'eau, qu'à la fin, elle se casse. 3. Tant peut être séparé de son corrél. que par une virgule: L'avenir m'effraye tant, que je ne veux pas de l'avenir, et le présent m'est insupportable (Balzac, Illus. perdues, 1843, p. 698). 4. Pour en renforcer l'intensité, tant est répété devant chaque part. passé ou dans chaque synt. verbal (supra ex. de Mirbeau). 5. Le verbe de la prop. sub. peut être au subj. lorsque le verbe de la princ. est à la forme nég. ou à la forme interr.: A-t-il tant de besogne qu'il n'ait aucun loisir? (Grev. 1961,1029, p. 1026).
[Le verbe de la prop. princ. peut être sous-entendu ou avoir été exprimé dans une phrase qui précède] Il avait contribué à désunir bien des couples. D'où d'interminables palabres. Tant et tant que le commandant, excédé de plaintes, l'avait menacé de la prison (Maran, Batouala, 1921, p. 47).
Faire tant que. Agir de sorte que. Elles firent tant que nous tînmes cette disparition pour un superprix d'excellence décerné en cours d'année (Sartre, Mots, 1964, p. 189).
Faire tant et tant que. Je ferai tant et tant en me vouant à elle que l'amour aura sa transparence dans l'impossibilité de nous séparer (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 211).
Tant faire que de. Faire en sorte que. Puisque j'ai tant fait que de savoir ce qu'il écrivait à son ami, pourquoi ne saurais-je pas ce qu'il lui dit à elle? (Balzac, A. Savarus, 1842, p. 83).
À tant faire que de. À supposer qu'on pousse les choses jusqu'à. À tant faire que de le rencontrer, j'aime mieux qu'il me voie autrement (Colette, Chéri, 1920, p. 198).
Faire tant et si bien que. Il fit tant et si bien que le pauvre homme, dans le fossé, se cassa trois doigts (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 37).
b) [Constr. avec des subst. introd. par de] Tant de ... que. Georges aimait tant de choses qu'il n'avait pas le loisir d'aimer longtemps la même (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1503).Une image tenue en réserve pendant tant d'années que, même si j'avais pu deviner, en l'emmagasinant jadis, qu'elle avait un pouvoir nocif, j'eusse cru qu'à la longue elle l'avait entièrement perdu (Proust, Sodome, 1922, p. 1114).
[Avec en au lieu de de + subst.] Mais quoi? Ils en voyaient tant, ils en entendaient de si raides, qu'il aurait fallu les attacher, pour les tenir (Zola, Germinal, 1885, p. 1239).
c) Vx ou littér. [Devant un adj. ou un adv.] Sans être très intelligent, je trouvai la philosophie qu'on m'avait enseignée tant sotte, tant inepte, tant absurde, tant niaise, que je ne crus rien des vérités qu'elle établit et qu'il faut professer et pratiquer si l'on veut passer pour un honnête homme et un bon citoyen (A. France, Vie fleur, 1922, p. 427).
2. [Sans corrél. avec que conséc.; tant est empl. seulement avec une valeur intensive ou quantitative]
a) [Modifie un verbe à un temps simple ou comp.] Un homme qui avait tant vu et tant souffert (Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p. 209).Je voulais voir Sylvie; est-elle encore au bal? Elle ne sort qu'au matin; elle aime tant à danser (Nerval, Filles feu, Sylvie, 1854, p. 610).
Tant et tant. Pardon! Pardon! Je ne pouvais pas croire que tu en avais enduré tant et tant! (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 341).
Tant et plus. C'était un merle qu'on ne pouvait pas voir, et qui sifflait tant et plus dans les taillis (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 136).
(Un) tant soit peu. Si peu que ce soit. Si l'on est tant soit peu critique, on est obligé de se dire en même temps que cela est impossible (Renan, Avenir sc., 1890, p. 329).Le seul moyen précis en effet de créer de la musique à partir d'objets sonores tant soit peu compliqués, c'est le montage(Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 186).
(Être) tant et si peu (qqc.) (rare). Une céleste créature! une danseuse des rues! tant et si peu! (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 114).
[Devant un part. passé passif] Et cependant, n'a-t-il pas sa beauté et son charme indigène, cet habit tant victimé? (Baudel., Salon, 1846, p. 196).Je l'ai enfin, cette aquarelle tant cherchée par les gares de Rouen (Flaub., Corresp., 1865, p. 193).
Non/pas/point tant (modifiant un verbe ou un verbe éventuellement non exprimé, et un compl. circ.). Oui, si la pernicieuse donzelle ne valait point tant seulement la corde pour la pendre, elle n'en était pas moins une magicienne fort entendue! (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 363).Pour chacune de tes larmes, je répandais vingt larmes, non point tant parce que je t'aimais, que parce que je n'osais le dire (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 109).
Merci tant! (vx). Et comme elle donnait difficilement à un sentiment, même le plus vrai, une expression qui ne fût pas affectée par le souci de ce qu'elle croyait élégant, elle répéta à plusieurs reprises: « Merci tant, merci tant » (Proust, Temps retr., 1922, p. 950).
b) Tant de + subst.Un si grand nombre, une si grande quantité de. Ma santé exige tant de soins! (R. Bazin, Blé, 1907, p. 167).
Tant et tant de. Après tant et tant de nuits passées dans des chambres d'hôtel, dans des chambres d'amis, c'était réconfortant de me sentir chez moi, dans ce lit étranger (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 318).
[Dans une phrase nég. ou interr.] Pas tant de. Pas tant de paroles, lui dit l'un d'eux, vous êtes arrêté, suffit! (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 79).Elle avait à vaincre l'insouciance des locataires, qui ne méritaient d'ailleurs pas tant de peines et d'efforts (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p. 62).
[À la fin d'une énumération] N'ont-ils pas éconduit de Paris Papin, Fulton, Lebon et tant d'autres? (Fourier, Nouv. monde industr., 1830, p. 43).
[Avec en (analysable ou non) au lieu de de + subst.] Elle emploie ce moment de liberté au classement de sa correspondance, loin du regard curieux de sa terrible favorite... deux heures. Il n'en faudrait pas tant pour... car elle ne perdrait pas une minute (Bernanos, Mauv. rêve, 1948, p. 1004).
Fam., souvent iron. [Pour marquer son étonnement face aux propos tenus] Tu m'en diras tant ! Quand on est coloriste, mon cher, on n'est pas tenu à voir les choses comme nature. Ce chameau est le tambour-major du régiment des dromadaires créé en Égypte par le grand Bonaparte.Tu m'en diras tant (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 248).
Rem. C'est le n. déterminé qui commande habituellement l'accord du verbe: Tant de sang-froid, tant de sagesse m'indiquent... On peut trouver néanmoins un accord au sing.: comme s'il n'eût pu comprendre que tant de prudence, de courage et de dévouement s'alliât avec un visage qui n'indiquait pas encore vingt ans (Dumas ds Grev. 1986, § 436, p. 725).
c) Vx. Tant + adj.Synon. de si2.Il demanda, comme grâce, de pouvoir achever, avant qu'on le pendît, son Traité des usages et coutumes de Perse, qui devait être, disait-il, une tant belle œuvre (Courier, Pamphlets pol., Réponses aux anon., 1, 1822, p. 147).C'est encore ce qu'il y a de plus positif dans notre tant joyeuse existence (Sue, Atar-Gull, 1831, p. 7).
En empl. concess. Tant + adj. (ou subst. en empl. adj.) + que + verbe au subj.Tant poëte que je sois, je ne suis pas aussi dupe que vous voudriez le croire (Baudel., Poèmes prose, 1867, p. 55).
3. [Tant introd. une prop. à valeur causale ou justificative]
a) [La sub. causale peut se trouver à différents endroits de la phrase]
[En seconde place, après l'énoncé de l'effet] Elle n'osait pas pleurer, tant elle avait peur de la Thénardier (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 470).J'eus de la peine à le reconnaître tant avait maigri son grand corps, déjà mince et frêle naguère (Billy, Introïbo, 1939, p. 16).
[En tête de phrase] Tant est efficace le secours de l'insulte à ce qui vous domine le mieux, et grand le plaisir de fronder un maître: « Je mourrai peut-être de toi, mais crois bien que j'y mettrai le plus de temps possible... » (Colette, Sido, 1929, p. 104).
[Enchâssée dans la princ.] Les pots d'argile se cassaient sur les dalles, les serpents couraient, semblaient pulluler, et, tant ils étaient nombreux, sortir des murs naturellement (Flaub., Salammbô, t. 2, 1863, p. 91).La robe doit sortir, tant elle a de cachet, d'un atelier de fée (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 223).
b) [Introd. une vérité d'ordre général en justification de ce qui vient d'être dit] Tant il est vrai que. Ces quinze jours sont plus distincts dans ma mémoire que les trois années qui venaient de s'écouler, et même peut-être que les trois années qui suivirent et qu'elle passa encore avec moi. Tant il est vrai que la douleur seule marque dans l'enfance le sentiment de la vie (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 282):
1. Dans une anthologie érotique où sont représentés plusieurs écrivains connus, il n'y a que Colette qui ait fourni une page lisible, tant il est vrai que ce sujet si riche et si grave, l'amour physique, n'inspire en général que des pauvretés Green, Journal, 1949, p. 295.
B. − [Adv. de compar.] Synon. de autant.
1. Tant... tant
[Empl. avec le verbe valoir, pour indiquer un rapp. proportionnel (ou inversement proportionnel)] Tant vaut l'âme, tant vaut la doctrine (Bourget, Disciple, 1889, p. 219).
Tant plus... tant plus. Monsieur l'archiprêtre est servi dans la porcelaine fine (...). Mais tant plus la porcelaine est fine, tant plus elle craint le feu (A. France, Mannequin, 1897, p. 151).Elle croit que tant plus que ça se voit, tant plus que c'est beau (Colette, Cl. école, 1900, p. 299).
Tant plus... tant moins. Les gouttières gorgées vomissaient l'eau à pleine gueule, et, du haut des toits en pente douce, des torrents précipités pendaient en longues stalactites, mais enfin ce n'était pas de la pluie, pas le moins du monde; un nuage qui crevait, rien de plus! et, comme il le disait fort bien:Tant plus que ça tomberait beseff, tant moins que ça tomberait longtemps (Courteline, Train 8 h. 47,1888, p. 91).
2. [Dans des phrases nég. ou interr., tant que peut se substituer à autant que] Banal, le vieux fonds de l'homme? Pas tant que vous! − Vous méprisez les bourgeois? Bourgeois vous-même! (Lemaitre, Contemp., 1885, p. 229).Les artistes du Moyen Age, qui passent pour des ingénus et qui ne travaillent pas tant d'après nature qu'on ne le croit (Goncourt, Journal, 1894, p. 680).
Rien tant... que. Il n'aimait rien tant qu'à persuader autrui (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 763).
Non tant par... que par... La rencontre de Napoléon et du pape Pie VII est un grand moment, non point tant par les événements qui en résultèrent que par la signification légendaire de ces fortes images, où l'on voit les deux puissances affrontées (Alain, Propos, 1921, p. 284).
Pas tant (...) que ça. Et proclamant qu'elle est une dinde: « Non pas tant dinde que ça! fait Lorrain... » (Goncourt, Journal, 1894, p. 633).La violette, modeste? Pas tant que ça! Elle fleurit la première comme si elle craignait la comparaison (Renard, Journal, 1902, p. 737).
3. [Dans qq. expr. affirm.]
Tous tant que nous sommes. Autant que nous sommes. Prolétaires, tous tant que nous sommes, la propriété nous excommunie (Proudhon, Propriété, 1840, p. 194).
Tant qu'il vous plaira. Beau génie tant qu'il vous plaira, M. le chevalier (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 271).
Tant qu'il peut, tant que ça peut. Lentement il se baisse, Applique son naseau sur le pauvre instrument, Et souffle tant qu'il peut (Florian, Fables, 1792, p. 172).C'était là une heure unique, un des plus vifs et des plus beaux moments qu'il aurait jamais; et enragé contre lui-même, bandait son âme tant qu'il pouvait, pour se donner de l'émotion (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 219).
Tant qu'il veut. En lui envoyant des bijoux tant qu'elle en veut (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 78).
4. En tant que. Dans la mesure où.
[Suivi d'un verbe] Même l'amour de Dieu en tant qu'il est sensible (S. Weil, Pesanteur, 1943, p. 95).Mon corps en tant qu'il est capable de synergie sait ce que signifie pour l'ensemble de mon expérience telle couleur en plus ou en moins (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 377):
2. Au surplus, les peuples, en tant qu'ils ne sont que des collections d'individus, peuvent offrir des exemples plus vastes, mais identiques en chacune de leurs parties, de cette cécité profonde, obstinée et déconcertante. Proust, Sodome, 1922, p. 1049.
[Suivi d'un subst. (ou d'un n.)] La vraie question pour le critique n'est donc pas de savoir si tel auteur a l'importance de Balzac ou de Tolstoï, mais s'il existe en tant que « planète », s'il constitue un monde clos (Mauriac, Journal 2, 1937, p. 159).
[Suivi d'un adj. ou d'un part. passé empl. comme adj.] Car Loisy a ce scrupule en tant qu'excommunié (Du Bos, Journal, 1927, p. 143).
En tant que tel*.
5. [Coordonnant deux termes de même nature ou de même fonction] Tant bien que mal, tant mal que bien. Car nous sommes persuadés qu'une infinité de bâtimens s'y sont perdus pour s'en être rapportés là-dessus aveuglément à toutes les cartes tant françaises qu'anglaises et espagnoles (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 156).Il est démontré que ce n'est qu'à force de farines et de fécules que les congestions graisseuses se forment, tant chez l'homme que chez les animaux (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 231).
Tant bien que mal. Médiocrement, avec un résultat aléatoire. Je me suis aperçu à temps de mon tort, et je suis revenu tant bien que mal (Constant, Journaux, 1804, p. 152).
6. [Suivi de à + inf., remplace dans l'usage cour.: à tant faire que de] Il a fait une risée et dit comme ça que tant qu'à marcher il marcherait tout le chemin (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 140).Tant qu'à faire de les occire j'aimais mieux m'en charger moi-même! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 503).
7. Tant mieux*.
8. Tant pis. V. pis1.
Pop. Tant pire. Tant pire! décrète Jadin compétente. C'est des fleurs d'homme bien (Colette, Vagab., 1910, p. 68).
C. − Tant que. [Introd. une prop. circ. de temps]
1. [Marque que deux actions sont simultanées et de durée égale] Aussi longtemps que. Tant que je serai là, tant que je vivrai. Tant qu'elle sera sur pied, elle travaillera à vous perdre (Marat, Pamphlets, Aux Fr. patriotes, 1792, p. 299).Pour nous détacher de cette vie dont nous ne nous détachons guère tant que nous y sommes (Michelet, Journal, 1831, p. 79).Tant qu'on voudra de lui, il restera (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 172).
Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Elle avait si froid qu'elle était sûre de ne plus jamais se réchauffer, il fallait se secouer, ne pas permettre au désespoir de la prendre à la gorge. Tant qu'il y avait de la vie... (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 87).
2. [Pour indiquer le moment où s'achève la durée d'une action] Jusqu'à tant que. Jusqu'à ce que. J'engage donc ma correspondante à continuer de parler jusqu'à tant qu'on lui apporte la preuve qu'ils parlaient mal (Grev.1986, § 1081, p. 1652).
3. Tant que j'y suis, tant que nous y sommes. Pendant que. Pourquoi, tant que j'y étais, ne pas jalouser ceux-ci les présents, puis les autres, les absents, qui viendront, un à un, remplir le cercle noir de ces niches encore vides... (Benoit, Atlant., 1919, p. 233).
II. − Nominal
A. − [Désigne une quantité indéterminée de choses prises collectivement] Mais toute considération d'avenir n'aboutissait qu'à me faire dépenser davantage. Ah! Qu'aurais-je besoin de tant, une fois seul!... pensais-je et j'observais, plein d'angoisse et d'attente, diminuer, plus vite encore que ma fortune, la frêle vie de Marceline (Gide, Immor., 1902, p. 459).
Rare. [Peut représenter un coll. de pers.] Pourquoi diable l'enfant a-t-il choisi, entre tant, cet imbécile? (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 157).
B. − [Désigne une quantité déterminée de choses qu'on ne veut pas ou qu'on ne peut pas préciser]
1. [Empl. seul, désigne une certaine mesure, en partic., une somme] Peser tant; coûter, dépenser, rapporter, valoir tant; être payé tant de l'heure. Mai ne dit pas aux prés: Les fleurs, c'est tant. Voyez mon tarif. Vous paierez Tant pour la violette et tant pour la lavande (Hugo, Légende, t. 2, 1859, p. 1040).Vous lui dites: Combien? Il répondra: Tant! Tope! Tope!... Et c'est fait! (Sardou, Rabagas, 1872, iii, 4, p. 125).Je vous vends mon secret: je réclame tant pour le livrer, et tant, si vous réussissez... (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 206).
Être tant. En tel ou tel nombre. Qu'ils [les jeunes poètes] gardent Ibsen! Nous c'était Hugo. Qu'ils soient tant et plus, nous restons les mêmes, N'étant pas trop vieux, n'allons tout de go Pas encor songer aux plongeons suprêmes (Verlaine, Épigr., 1894, p. 222).
Un tant pour cent. Synon. de tantième, pourcentage.J'ai un tant pour cent sur les commandes que j'apporte (Bourdet, Sexe faible, 1931, iii, p. 442).
[Dans un n. de nombre (une somme, une date...) lorsqu'on ne veut ou ne peut pas préciser le nombre des unités (parfois des dizaines)] Je n'ai jamais eu la patience de compter les livres qui composent ma bibliothèque. Je suppose que leur nombre s'élève à deux mille et tant (Delécluze, Journal, 1827, p. 360).
Empl. subst. Le tant. Tel jour, telle date. Le tant du mois. V. tantième ex. de Aymé.
2. [Déterminé par un compl. (désignant une unité) introd. par la prép. de] Un certain nombre, une certaine quantité de. Le valet de chambre (...) trompetta l'arrivée au Havre du grand poëte (...). Ce grand personnage voulait une maison composée d'au moins tant de pièces, car il amenait son secrétaire, un cuisinier, deux domestiques et un cocher (Balzac, Modeste Mignon, 1844, p. 173):
3. Vous dites qu'une chose pèse tant, eh? Tant de livres; et que vous avez tant de bushels de grain en stock, tant de gallons de pétrole; Et combien tout cela vaut de dollars. Car comme tout A Un poids et une mesure, tout vaut Tant. Claudel, Échange, 1954, I, p. 748.
[Avec ell. du compl. déterminatif] Entre tant. Je ne citerai plus, entre tant, qu'un passage de la lettre ouverte du 7 septembre 1843 à Théophile Gautier (Durry, Nerval,. 1956, p. 27).
C. − [Dans des loc. où tant est suj. gramm. ou suj. log.]
Tant s'en faut (que). Il s'en faut de beaucoup. Vous n'êtes pas adroit, vous... ah! non... tant s'en faut! (Châteaubriant, Lourdines, 1911, p. 62).Tant s'en faut du reste que tout lui parût irréprochable dans ce qu'il avait fait ou écrit pendant cette période belliqueuse (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 456).
Tant il y a que. Il y a en tout cas ceci, à savoir que... Tant il y a, mon cher ami, que vous êtes privé de mon éloquence politique et qu'il faudra définitivement vous en passer, car je veux que mes lettres vous arrivent et je vois bien qu'elles courent grand risque de se perdre quand elles parlent d'autres choses que de la pluie et du beau temps (Tocqueville, Corresp.[avec H. Reeve], 1856, p. 206).Mais on s'apercevait bientôt que, pour inhumaine qu'elle fût, une telle langue convenait précisément à cela même que M. Benda s'efforçait d'exprimer, tant il y a que l'abstrait prend chez lui quelque chose de charnel (Massis, Jugements,1924, p. 210).Tant y a que. Tant y a qu'à sa mort, en 1788, elle m'a laissé 1 500 livres de dettes (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 76).
Si tant est que. En admettant que, s'il est vrai que. Voyons, cher beau-père, à quoi puis-je vous être bon? si tant est que je puisse être bon à quelque chose (Augier, Gendre M. Poirier, 1854, p. 282).Il était parti dès neuf heures, parlant entre ses dents de grosses affaires, d'affaires très importantes qui le retiendraient probablement jusqu'au soir, si tant est d'ailleurs qu'il lui fût possible de revenir (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 10).
D. − Vx. Entre tant. Entre temps. Vous, pour avoir rendu les armes, Je vous trouve fondue en larmes Et qui m'insultez entre tant (Toulet, Contrerimes, 1920, p. 116).
REM.
Tantet (un), loc. adv.,fam., vieilli. Un peu, un petit peu. Synon. un tantinet.La bouche [d'un ange] (...) fendue en coup de sabre, s'entr'ouvre en un sourire qui finit (...) par devenir un tantet gouailleur (Huysmans, Cathédr., 1898, p. 388).
Prononc. et Orth.: [tɑ ̃]. Homon. tan, taon, temps et formes de tendre. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. Adv. de degré 1. a) modifie un adv. 2emoit. xes. « très, beaucoup » (St Léger, éd. J. Linskill, 21: Il lo reciut [l'évêque de Poitiers; St Léger], tam ben en fist [v. note sur tam p. 21]); fin xes. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 106: Tan dulcement pres a parler [Jesus]; 130); b) ca 1100 « tellement, si » fréq. dans les exclam. (Roland, éd. J. Bédier, 2946: Ceste dolor ne demenez tant fort!); c) α) fin xes. corrél. de que introd. une conséc. « tellement ... que » (Passion, 73: Los sos talant ta fort mostred [Jesus] Que grant pavors pres als Judeus); β) ca 1100 terme d'appel, suivi d'une conséq. en parataxe « id. » (Roland, 1601: Li quens le fiert tant vertuusement Tres qu'al nasel tut le elme li fent); d) ca 1170 loc. adv. tant seulement « seulement » (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 104); e) α) tant pis loc. adv. [xvies. Bl.-W.1-5] 1663 (Molière, Crit. Ecole des femmes, I, 1: Tant pis pour ceux [...] qui se tuent tout le jour à parler ce jargon obscur [...] Tant pis encore de prendre peine à dire des sottises); av. 1664 tant pis pour lui (Ablancourt d'apr. Rich. 1680); 1668 Médecin Tant pis [...] son confrère Tant mieux noms plaisants (La Fontaine, Fables, V, 12); β) tant mieux [id.] marque la satisfaction devant un résultat heureux 1690 (Fur.); 1694 tant mieux pour lui (Ac.); 1718 tant pis, tant mieux marque que l'on ne se soucie guère de la chose dont on parle (Ac.); 2. modifie un adj. a) 2emoit. xes. « très, beaucoup » (St Léger, 160: Ewruins, qui tan fud miels); b) α) id. terme d'appel annonçant une conséc. en parataxe « tellement [+ adj.] que » (ibid., 153: Li perfides [Ebroïn] tam fud cruels, Li ols del cap li fai crever); β) 1130-40 corrél. de que introd. une conséc. « id. » (Wace, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 1561; 1564); c) ca 1100 tant par [+ adj.] cume [+ subst.] marque une compar. « autant que, comme » (Roland, 3162: le chef recercelet [de Baligant] Tant par ert blancs cum flur en estet); d) ca 1215 tant plus loc. adv. exprimant l'intensité « d'autant plus » (Aimeri de Narbonne, 2459 ds T.-L., 85, 26: tant sui ge plus marrie); 3. modifie un verbe a) ca 1050 « tellement, si bien » (St Alexis, 7; 334); b) id. spéc. « si longtemps » tant durer (ibid., 445); c) α) id. corrél. de que introd. une conséc. (ibid. 26; 34); β) id. la conséc. est en parataxe (ibid. 320: Tant l'as celet [la présence d'Alexis sous l'escalier], mult i as grant pechet); d) ca 1150 tant [...] plus que « bien plus que » (Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 189: Passai avant, tant fis plus que estot); e) ca 1200 tant [...] plus [...] que « d'autant plus [...] que » (Poème moral, éd. A. Bayot, 3624: Tant hairat plus Deu que plus de mal arat). B. 1. Servant à exprimer une compar. a) expr. de l'égalité α) 2emoit. xes. tan [de ...] quant « autant de [...] que » (St Léger, 135: Por quant il pot, tan fai de miel); 1160-74 tant por [...] tant por « autant pour [...] que pour; soit pour ... soit pour » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 1392: Tant por un, tant por el moult le cuilli en hé); β) ca 1100 tant cum « autant que » mode ind. (Roland, 76: tant cum vos en vuldrez; 2110); 1remoit. xiiietant que « id. » (Aucassin et Nicolette, éd. M. Roques, XIV, 18); b) expr. de la variation proportionnelle α) ca 1150 quant plus [...] tant plus (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1449: Quant il plus l'estreisnt et covri, Tant corut plus et espandi); β) ca 1200 tant plus [...] tant plus « plus [...] plus » (Poème moral, 118-119); c) α) 1370-72 en tant comme [+ subst.] « en qualité de, comme » (Nicole Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, III, 10, p. 194, note 2: c'est impossible que mal en tant comme mal soit bien); 1690 en tant que (Fur.); β) en tant que loc. conj. « pour autant que, dans mesure où » + ind. (Palsgr., p. 865 b); 2. corrél. d'un terme introd. une conséc. supra I A 1 c, I A 2 b β, I A 3 c β; 3. corrél. d'une conj. introd. une temp. a) coïncidence de 2 durées α) loc. conj. tant cum « aussi longtemps que » ca 1050 + ind. [la durée envisagée a des limites déterminées, probables; Moignet, p. 235] (St Alexis, 165: N'en volt turner [Alexis; de sa pauvreté] tant cum il ad a vivre); ca 1100 (Roland, 1802); id. + subj. [les limites de la durée semblent imprécises; Moignet, loc. cit.; fréq. lorsque le verbe de la princ. est de forme nég.] (ibid., 544); β) ca 1200 tant que « id. » + ind. (Poème moral, 2959: tant que la luxure suet l'omme emprisoneir, Vers l'amor Deu ne puet son coraige esleveir); b) situation par rapport à un procès postérieur ca 1100 tant [...] que « jusqu'à ce que » + ind. [le procès est prévu comme probable ou posé comme effectif] (Roland, 1829: Tant le guardent quel rendent a Charlun); ca 1135 (Couronnement de Louis, éd. Y. G. Lepage, réd. AB, 1981: Puis s'en alerent tant qu'il sont a Poitiers); 1225-30 + subj. [mode subj. procès pensé comme possible] (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 2410: Ja fin ne prendra ceste guerre, Tant que j'en veille la pes querre); 4. sert à exprimer la cause a) ca 1100 tant introduit une causale [issu de l'empl. conséc.] + ind. (Roland, 2880: Sur lui se pasmet, tant par est anguisseus); 1230-35 (Mort le roi Artu, éd. J. Frappier, 53, 10); b) ca 1165 en tant que loc. conj. « étant donné que » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 25041); 5. ca 1135 introd. une adversative (implique une notion de degré) + subj. (Couronnemment de Louis, réd. AB, 1647: Gardez n'en isse nus hom [...] tant saiche bien proier, Que il n'en ait toz les membres tranchiez); 6. ca 1165 se tant est que loc. conj. exprimant la condition restr. « à supposer que, en admettant que » + subj. (Benoît de Ste-Maure, op. cit., 22083: se tant est que estre puisse; 29697: se tant est que faire le puisse). C. La loc. tant de (tant pron. indéf. relié à un subst. par la prép. de) [cf. ce tant de « autant de » 1erquart xiiies. Courtois d'Arras, éd. E. Faral, 72] 1. le subst. désigne un inanimé a) ca 1050 « autant de » tant de [...] dunt (St Alexis, 99: Tant an retint [de l'aumône] dunt ses cors puet guarir; 252); 1119 en tant De tens (Philippe de Thaon, Comput, 1965 ds T.-L., 83, 6); b) ca 1100 « tellement, une si grande quantité de » id. (Roland, 132: Tant i avrat de besanz esmerez Dunt bien purrez vos soldeiers luer); 2. le subst. désigne une pers. ca 1100 tant de « un si grand nombre » + que introd. une conséc. (ibid., 1035: Tant en i a [des corps d'armée] que mesure n'en set). D. a) Ca 1240 en tant com de + subst. « en ce qui concerne, quant à » (Jean de Thuin, Jules César, 76, 2 ds T.-L., 92, 6); 1288 tant que (Jean de Journi, Dîme de pénitence, 2414, ibid., 93, 43); ca 1349 tant qu'a (Dial fr. fl., F I b, ibid., 93, 40); b) 1395 tant qu'est a parler de (Voyage à Jérusalem du seigneur d'Anglure, 251, ibid., 93, 51); c) 1905 tant qu'à + inf. avec valeur concess. (Gide, Journal, p. 155: tant qu'à m'ennuyer, je préfère...). II. A. 1. Adj. indéf. accordé avec le subst. qualifié a) plur. α) masc. « si nombreux » ca 1050 cas régime (St Alexis, 471: tanz jurs t'ai desirret); ca 1100 cas suj. (Roland, 1401: Tant bon Franceis i perdent lor juvente!); β) fém. ca 1050 (St Alexis, 397; 473); b) sing.; le subst. a valeur coll. de plur. α) ca 1100 masc. (Roland, 570 [conséc. en parataxe]: L'empereür tant li dunez aveir N'i ait Franceis ki tot ne s'en merveilt; 1623); β) id. fém. (ibid. 2922: tante gent adverse); 2. adj. invar. [cf. I C] id. (ibid., 3979 [conséc. en parataxe]: Tant a oït e sermuns e essamples Creire voelt Deu); 1160-74 (Wace, Rou, III, 120: Tant eurent terres); 1176-81 [la conséc. annoncée par tant est introd. par que] (Chrétien de Troyes, Chevalier de la charrette, éd. M. Roques, 1016). B. 1. Ca 1100 tant « si nombreux » annonce une conséc., supra II A 1, 2; 2. id. tant corrél. de com introd. une compar. d'égalité « autant de...que » (Roland, 2378; 3631: Cascuns i fiert tanz granz colps cum il poet). III. Pron. indéf. 1. neutre a) α) ca 1100 « autant que ceci, cela; ceci, cela précisément; ceci, cela » (ibid. 2098: Ki tant ne set...); ca 1165 (Benoît de Ste-Maure, op. cit., 29893: Tant me disent, ne plus ne meins); β) id. corrél. annonçant une complétive introd. par que (Id., op. cit., 13562; 19936); v. aussi pourtant et partant2adv.; b) ca 1120-1150 précédé du dém. cel « ce [que, qui] » (Grant mal fist Adam, I, 35 ds T.-L., 82, 24; avrai dit Cel tant que jeo sai); ca 1160 (Eneas, 3038, ibid., 82, 85); 2. masc. plur. 1160-74 empl. abs. (Wace, Rou, III, 340: Se ele ne fust de tanz seüe [l'aventure]); ca 1165 tant de (Benoit de Ste-Maure, op. cit., 12268: en raduisit tanz [de combattants]); id. tant de + que conséc. (Id., op. cit., 15666: e des Menelau i ot tanz Que ...). IV. Subst. 1. plur. précédé d'un numéral qui le multiplie « fois [autant] » déb. xiies. cent milie tant (Benedeit, St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1797); 2. 1370-72 désigne une quantité que l'on n'exprime pas (Nicole Oresme, op. cit., V, 10, p. 292, note 4: la loi de souffrir tant pour tant n'est pas juste [cf. p. 291, note 1: Tele chose est appelee [...] pena talionis]); 1530 ung tant (Palsgr., p. 848 a: il est plus hault que vous d'ung tant); 1668 désigne une somme d'argent, un revenu déterminés (La Fontaine, Fables, VI, 4: rendre tant [de la concession d'une ferme]); 1882 un tant pour cent [sur les ventes] (Zola, Au bonheur des dames, II ds Gil Blas, 21 déc., col. 5 d'apr. Quem. DDL t. 16). Tant indéf. fonctionnant comme adj., pron., subst., décliné sur le parad. de la 1reclasse des adj. (sing. masc. tanz [tans], tant; fém. tante; neutre tant. Plur. masc. tant, tanz [tant]; fém. tantes) est issu de l'adj. lat. tantus « de cette quantité, de cette grandeur, aussi grand » (urbes tantas; tanta vitia; sescenta tanta reddere « six cents fois autant »); fréq. empl. en corrél., notamment tantus ... quantus, tantus ... quam. Dès l'époque imp. (Properce, Manilius, Lucain, Stace, Lat. Gramm. 2 Syntax und Stilistik, p. 206), l'évol. s'amplifiant à basse époque, tanti plur. est empl. comme synon. de tot « tant de; de si nombreux », le caractère bref de ce dernier adv. expliquant en partie son déclin (déb. iiies. Tertullien ds Blaise Lat. chrét.; cf. fin ives. Peregr. Aether., V, 8: quae quidem omnia singulatim scribere satis fuit, quia nec retineri poterant tanta, v. Löfstedt, p. 147). L'acc. neutre sing. tantum est relevé avec valeur nom. au sens de « cette grandeur, cette quantité, autant » (tantum debuit, Plaute; tantum dabis, Cicéron); il peut également être pris avec valeur adv.: empl. avec le génitif d'espèce sing. (tantum belli, Tite-Live; tantum licentiae, Cicéron) ou plur. (tantum civium, Cicéron), en corrél. avec quantum (tantum verborum est quantum necesse est, Cicéron) ou avec ut conséc. (tantum animi ut..., id.). Dès l'époque class., tantum adv. s'emploie comme synon. de l'adv. tam « si, tellement » pour modifier un adj. (Virgile, Horace). Fréq. abs. littér.: 42 104. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 65 745, b) 52 489; xxes.: a) 57 095, b) 60 500. Bbg. Gardner (R.)., Greene (M. A.). A Brief description of Middle Fr. syntax. Chapell Hill, 1958, pp. 85-86. − Gérard (J.). l'Exclam. en fr. Tübingen, 1980, pp. 74-83. − Gougenheim (G.). L'Ind. après tant ... que. Mél. Gamillscheg (E.). Tübingen, 1957, pp. 183-190. − Lehmann (G.). L'Empl. mod. de l'adv. fr. tellement, comp. à celui de si et du tant d'intensité. Lund, 1959, 30 p. − Martin (R.). Temps 1971, pp. 337-339. − Ménard Synt. 1973, p. 32, 216, 221, 313. − Moignet 1973, p. 238, 240, 249, 271. − Morel (M.-A.). Ét. sur les moy. gramm. et lex. propres à exprimer une concession en fr. contemp. Thèse, Paris III, 1980, p. 267, 270, 554. − Pinchon (J.). Les Pron. adv. en et y. Genève, 1972, pp. 59-275. − Quem. DDL t. 21, 38. − Richard (P.). Tanz and fois with cardinal numbers in Old and Middle Fr. In: [Mél. Ewert (A.)]. Oxford, 1961, pp. 194-213. − Togeby (K.). Gramm. fr. 4. Les Mots inv. Copenhague, 1984, p. 183, 193.

Wiktionnaire

Adverbe - français

tant \tɑ̃\ invariable

  1. Tellement ; en grande quantité ; en nombre ; à un tel point.
    • […], depuis la Seconde Guerre mondiale, les nations d'Europe occidentale ont laissé dépérir leur industrie charbonnière, tant il était facile de se procurer, en abondance et à bas prix, le pétrole du Proche et du Moyen-Orient. — (Panayiotis Jerasimof Vatikiotis, L’Islam et l’État, 1987, traduction d’Odette Guitard, 1992, page 178)
    • En un tour de main, j'insérai une K7 vierge dans la caméra, attrapai mon voile noir et dévalai l'escalier, me retenant à la rampe tant mes jambes mollissaient. — (Anne-Isabelle Tollet, La mort n'est pas une solution: Asia Bibi condamnée à la pendaison pour blasphème, Éditions du Rocher, 2015)
    • Un sandwich enroulé (wrap en anglais) dans une tortilla de blé, voilà l'idée toute simple née en Californie dans les années 1990. Digne descendant du burrito, le wrap n'a pas tardé à conquérir le monde, tant il se prête à toutes les variations. — (Estérelle Payany, Wraps, éd. Variations gourmandes/Solar éditions, 2012, introduction)
    • Le jour qu’il a tant plu. — Cette femme tant aimée.
  2. (En particulier) Se dit pour les personnes, ou les choses, que ne distingue rien de particulier, se dit avec une nuance de dénigrement.
    • Comme il y en a tant.
    • Un ami comme il y en a tant.
  3. (Avec de) Une telle quantité de, une telle proportion de, un tel degré de.
    • Il a tant d’amis qu’il ne manquera de rien.
    • Je suis allé tant de fois chez lui.
  4. (Avec que) Il a une fonction de corrélatif.
    • Plusieurs modèles de sous-soleuses existent sur le marché, tant sous forme d’instruments traînés que d’instruments portés pour les principales marques de tracteurs à relevage hydraulique ou mécanique. — (Pierre Bonhomme, Le sous-solage : Santé de la terre et vigueur des récoltes, dans La Terre marocaine, vol. 27, n° 278-289, Ministère de l'agriculture et des forêts, 1953, page 103)
    • Si le principe de cette « sismologie stellaire », ou astérosismologie, est simple, sa mise en œuvre est un véritable défi, tant en termes d'observations que de modélisation théorique. — (Éric Michel, Michel Auvergne & Annie Baglin, L'astérosismologie : voir battre le cœur des étoiles, dans Pour la Science, n°409, novembre 2011)
    • Le plus important devenait, pour Marie, son intégration dans sa nouvelle paroisse, faire connaissance tant avec les grenouilles de bénitiers qu’avec les paroissiens plus ou moins occasionnels. — (A. Nonyme, Le Graal de Marie, Éditions Publibook, 2010, page 215)
  5. (Forme d’exclamation au début d’une phrase) À tel point.
    • Tant il était abusé. - Tant le monde est crédule. - Tant il est vrai que… - Tant il est difficile d’être modéré dans la bonne fortune.
  6. Autant. — Note : Dans ce sens il s'emploie surtout dans les phrases avec une négation.
    • L’accablement particulier qui l’oppressait ne provenait pas tant d’une anxiété patriotique que de la faim ; évidemment, il se sentait très affamé. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 326 de l’édition de 1921)
    • Je n’aime pas tant les Alsaciens qui me traitent sans respect, et je ne suis pas si fâché qu’on nous les ait pris. — (Jean-Paul Sartre, Les mots, 1964, collection Folio, page 34.)
    • Tu y trouveras, ma belle, tant de galants que tu voudras, mais pour le mariage, pfuitt, tu n'en auras que le revers. — (Jean Rogissart, Mervale, Éditions Denoël, Paris, 1937, page 105)
    • À Eupatoria, dont la rade présentait un spectacle effrayant, quinze transports, tant français qu’anglais, furent jetés à la côte […] — (Frédéric Zurcher et Élie-Philippe Margollé, Les Naufrages célèbres, chap. 19, Hachette, Paris, 1873, 3e édition, 1877, page 185)
    • – Vous ne perdez pas le sens des affaires, dit Angelo.
      – Il ne serait pas perdu pour tout le monde, dit l’homme, tant vaut-il que je le garde.
      — (Jean Giono, Le hussard sur le toit, 1951, réédition Folio Plus, page 94)
  7. Quantité indénombrable.
    • Cette conversation se tenait une nuit de Noël de l’an de grâce mil six cent et tant — (Alphonse Daudet, Les trois messes basses, dans Contes du lundi, 1873, Fasquelle, collection Le Livre de Poche, 1974, page 196.)
    • Jamais je n'aurais obtenu un semblable résultat en m'obstinant à croupir dans les marécages du reportage et du chroniquage à tant la ligne. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 179)
    • Nous partagerons, il y en aura tant pour vous et tant pour moi.
    • Il me demanda combien j’avais de revenu, je lui dis que j’en avais tant.
    • Je lui ai donné soixante et tant de francs.
    • Il lui donna tant pour cent sur les bénéfices.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

TANT. adv. de quantité
. Tellement, en si grande quantité, en tel nombre, à un tel point. Le jour qu'il a tant plu. Cette femme tant aimée. Comme il y en a tant se dit, avec une nuance de dénigrement, de Personnes ou de choses que ne distingue rien de particulier. Un ami comme il y en a tant.

TANT s'emploie encore avec Que comme corrélatif. Il mangea tant qu'il s'en rendit malade. Tant fut plaidé qu'ils se ruinèrent de part et d'autre. Prov., Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse. Faire tant que.... Faire un tel effort que. Si je faisais tant que d'aller à Rome, je voudrais y rester longtemps.

TANT s'emploie aussi par forme d'exclamation au début d'une phrase et signifie À tel point. Tant il était abusé. Tant le monde est crédule. Tant il est vrai que.... Tant il est difficile d'être modéré dans la bonne fortune. Avec la négation, il signifie quelquefois Autant. Rien ne m'a tant fâché que cette nouvelle. Il ne faut pas tant discourir.

TANT redoublé s'emploie pour marquer une égalité, une même proportion, un degré semblable; il se dit surtout proverbialement. Tant vaut l'homme, tant vaut la terre, La valeur, le rendement d'une chose est proportionné à l'intelligence, au travail, à l'industrie de celui qui s'en occupe.

TANT sert aussi à marquer une Certaine proportion, un certain rapport entre les choses dont on parle; il s'emploie alors avec Que comme corrélatif. Tant plein que vide. Tant bon que mauvais. Je le sers tant pour lui que pour me faire plaisir. Ce n'est pas tant manque de soin que manque d'argent. Il se dit encore de Toute sorte de nombre qu'on n'exprime point. Nous partagerons, il y en aura tant pour vous et tant pour moi. Il me demanda combien j'avais de revenu, je lui dis que j'en avais tant. Je lui ai donné soixante et tant de francs. Il lui donna tant pour cent sur les bénéfices. Dans ce journal, on paie tant la ligne. Tant et tant, tant et plus, Une très grande quantité. Il a tant et tant de richesses, il en a tant et plus.

TANT DE signifie Une telle quantité de, une telle proportion de, un tel degré de. Il a tant d'amis qu'il ne manquera de rien. J'ai été tant de fois chez lui.

TANT SOIT PEU, loc. adv. Si peu que ce soit. Donnez-m'en tant soit peu.

TANT PLUS QUE MOINS, loc. adv. et fam., À peu près. Il a dix mille livres de rente, tant plus que moins.

TANT MIEUX, Locution adverbiale dont on se sert pour marquer qu'une chose est avantageuse, qu'on en est bien aise. L'effet du remède a été rapide, tant mieux. S'il se conduit sagement, tant mieux pour lui.

TANT PIS, Locution adverbiale dont on se sert pour marquer qu'une chose est désavantageuse, qu'on en est fâché. S'il ne se corrige pas, tant pis pour lui. Si cela arrive, tant pis. Fam., Tant pis, tant mieux se dit pour marquer qu'On ne se soucie guère de la chose dont Il s'agit et qu'il n'y a grand sujet ni de s'affliger ni de se réjouir.

TANT QUE, loc. conj. Aussi loin que. Tant que la vue peut s'étendre. Il signifie également Aussi longtemps que. Tant que je vivrai. Tant qu'il occupera cette place, il en remplira les devoirs. Tant que le monde durera.

EN TANT QUE, loc. conj. Selon que, autant que. Il ne tenait aux hommes qu'en tant qu'ils pouvaient le servir. Il s'emploie particulièrement en termes de Procédure. En tant qu'il m'appartient. En tant que besoin sera. Il s'emploie encore, dans le langage ordinaire, pour Comme. En tant qu'homme il les plaint, mais en tant que juge il les condamne.

TANT S'EN FAUT QUE, loc. conj. Bien loin que. Tant s'en faut qu'il y consente, qu'au contraire il y répugne.

TANT IL Y A QUE, TANT Y A QUE, loc. conj. et fam. Quoi qu'il en soit, avec tout cela, enfin. Je ne sais pas bien ce qui donna lieu à leur querelle, tant il y a qu'ils se battirent.

SI TANT EST QUE, loc. conj. et fam. À supposer que, en admettant que. Je ne manquerai pas d'y aller, si tant est que je le puisse. Si tant est que cela soit comme vous le dites.

Littré (1872-1877)

TANT (tan ; le t se lie : tan-t-il est vrai)

Résumé

  • 1° Substantif abstrait qui exprime une quantité indéfinie, indéterminée.
  • 2° Tant de, suivi d'un substantif, une si grande quantité de.
  • 3° Tant et si, tant et de tels, tant et tant.
  • 4° Faire tant que…, obtenir par ses efforts. Faire tant de, faire tant que, aller jusqu'à, jusqu'au point de.
  • 5° Pris adverbialement. Tant, avec un verbe, en si grande quantité.
  • 6° Tant, devant un adjectif, si, tellement.
  • 7° Tant, construit avec un participe passif.
  • 8° Tant, suivi d'un adjectif et de que, signifiant quelque… que.
  • 9° Tant par forme d'épiphonème, et signifiant à tel point.
  • 10° Il se dit pour autant dans une phrase négative ou interrogative.
  • 11° Il se dit pour autant dans quelques phrases affirmatives.
  • 12° Tant et plus.
  • 13° Il sert à marquer un certain rapport, une certaine proportion entre les choses dont on parle.
  • 14° Tant que, aussi longtemps que.
  • 15° Tant que, aussi loin que.
  • 16° Tant que, jusqu'à ce que.
  • 17° Tant que, de façon que.
  • 18° Tant plus que moins.
  • 19° Comme il y en a tant.
  • 20° Tant mieux. Tant pis.
  • 21° En tant que, selon que.
  • 22° Tant il y a que, tant y a que.
  • 23° Tant soit peu.
  • 24° Tant s'en faut que.
  • 25° Si tant est que.
  • 26° Sur et tant moins.
  • 27° À tant, à ce point-là, là-dessus.
  • 28° Tant plus, tant plus ; tant plus, tant moins.
  • 29° Tant plus, signifiant d'autant plus.
  • 30° Tant seulement.
  • 1Substantif abstrait qui exprime une quantité indéfinie, indéterminée. Un d'eux, le plus hardi, mais non pas le plus sage, Promit d'en rendre tant [de la ferme], La Fontaine, Fabl. VI, 4. Cet homme par son testament, Selon les lois municipales, Leur laissa [à ses filles] tout son bien par portions égales, En donnant à leur mère tant, La Fontaine, ib. II, 20. L'un, c'était le marchand, savait l'arithmétique : à tant par mois, dit-il, je donnerai leçon, La Fontaine, ib. x, 16. Et pour notre patron une somme de tant, Boursault, Ésope à la cour, IV, 5. Mon bien se monte à tant : tenez, voilà le vôtre, Boileau, Sat. x. Une taxe par tête, un tribut de tant pour cent, sont les seuls [tributs] convenables, Montesquieu, Esp. XIII, 10. Ils [les libraires] font travailler des auteurs à tant la feuille, comme je fais travailler mes manœuvres dans mon jardin à tant la toise, Voltaire, Lett. Catherine II, 1er janv. 1772. Dans l'indépendance où je voulais vivre, il fallait cependant subsister ; j'en imaginai un moyen très simple : ce fut de copier la musique à tant la page, Rousseau, Conf. VIII. Toi, Pierre, combien as-tu payé cette année-ci ? tant ; le voilà, Courier, Pamphlet des pamphlets.

    Tant tenu, tant payé, voy. TENU.

    Lorsque tant, en ce sens, suit un nom de nombre, il veut de après soi. Vingt et tant de sous. Il leur a montré que, de cent cinquante et tant d'opinions qui visaient au souverain bien, il n'y en avait pas une qui eût touché le but, Guez de Balzac, Socrate, 1er disc. J'aurai, mes comptes faits, plus de quatre cent et tant de mille livres, Dancourt, Femme d'intr. v, 7.

    Terme de jeu. Familièrement. Être tant à tant, avoir autant de points, autant de parties l'un que l'autre.

  • 2Tant de, suivi d'un substantif, une si grande quantité de. Nous n'avons qu'un honneur, il est tant de maîtresses ! Corneille, Cid, III, 6. Comment peut-on, par rapport à Dieu et même à l'humanité, garder tant d'or, tant d'argent, tant de meubles, tant de pierreries, au milieu de l'extrême misère des pauvres dont on était accablé dans ces derniers temps ? Sévigné, à Mme de Coulanges, 3 fév. 1695. Mon esprit rebuté de tant d'indignes traitements qu'on a faits à la majesté et à la vertu, Bossuet, Reine d'Angleterre. Tant de précaution affaiblit votre règne, Racine, Brit. IV, 4. Certes il eût mieux valu que ces soldats eussent tué l'empereur Théodose, comme ils en avaient tué tant d'autres, que d'égorger quinze mille de leurs compatriotes, Voltaire, Pol. et lég. Paix perp. 21. Tant de candeur dans cette physionomie, et tant de perfidie, d'ingratitude dans ce cœur ! Riccoboni, Œuv. t. I, p. 244, dans POUGENS.

    Tant de… que, une si grande quantité que. Je prends tant de plaisir à vous écrire, que je n'en trouve guère davantage à ne rien faire, Voiture, Lett. 15. Vous avez tant de philosophie, que l'un de ces jours je vous prierai de m'en faire part, pour m'aider à soutenir vos malheurs et mes chagrins, Sévigné, à Bussy, 23 août 1673. Tant de coups imprévus m'accablent à la fois, Qu'ils m'ôtent la parole, et m'étouffent la voix, Racine, Phèdre, IV, 2. L'empire de la mer donne tant de supériorité, que, si vous étiez dans une île, aucune puissance n'oserait vous attaquer, Barthélemy, Anach. Introd. part. 2, sect 3.

    Tant de… avec que et de suivi d'un infinitif. Vous voyez mon logis ; si vous me vouliez faire Tant d'honneur que d'y prendre un champêtre repas, La Fontaine, Fabl. VIII, 10. Qui donc est ce coquin qui prend tant de licence Que de chanter et m'étourdir ainsi ? Molière, Amph. I, 2.

  • 3Tant et si, tant et de tels, tant et tant. Il a fait tant et de si belles actions : cette façon de parler a été fort usitée autrefois par les meilleurs écrivains ; mais aujourd'hui elle a je ne sais quoi de vieux et de rude, Vaugelas, Rem. t. II, p. 555, dans POUGENS. On dit par manière de formule : tant et si longuement qu'il vous plaira, comme en cette phrase : Faites vos affaires à loisir, et demeurez ici tant et si longuement qu'il vous plaira, Acad. Observ. sur Vaugel. p. 70, dans POUGENS. Vous pourriez m'opposer tant et de tels obstacles, Que pour les surmonter il faudrait des miracles, Corneille, Cinna, III, 1. Nous sommes vos voisins, nos filles sont vos femmes ; Et l'hymen nous a joints par tant et tant de nœuds…, Corneille, Hor. I, 4. Mais comme enfin son père A tant et tant de biens qu'il n'en saurait que faire, Th. Corneille, D. Cés. d'Aval. I, 2. Il a tant d'héritiers, le bon seigneur Géronte, Il en a tant et tant, que par fois j'en ai honte, Regnard, le Légat. I, 1.
  • 4Faire tant que…, obtenir par ses efforts que. Les grenouilles… Par leurs clameurs firent tant Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique, La Fontaine, Fabl. III, 4. J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine, La Fontaine, ib. VII, 9. Enfin tant fit l'illustre personnage qu'il fut tout dans la maison et moi rien, Rousseau, Confes. VI.

    Faire tant de…, aller jusqu'à, se décider à. Ce n'est plus la mode d'y marchander [à donner le monseigneur aux maréchaux], quand on fait tant de leur écrire, Sévigné, 21 août 1675. La fortune a pris plaisir d'en insulter la France [du cardinal de Fleury] en l'en établissant roi absolu, et dans un âge où les autres radotent quand ils font tant d'y parvenir, Saint-Simon, 119, 54.

    Faire tant que de…, même sens. Lorsqu'on fait tant que de rendre raison d'une loi, il faut que cette raison soit digne d'elle, Montesquieu, Espr. XXIX, 16. Parce qu'il n'est pas né pour les petites choses… s'il fait tant que de s'y livrer… il les traite moins bien qu'un autre, Vauvenargues, Sujétion de l'esprit. Quand ils font tant que d'être bons, ils veulent en avoir le mérite, Rousseau, Ém. v. Donnez, donnez, dit-il, puisqu'on a tant fait que de les égorger [des moutons], il faut bien que quelqu'un les mange, Marmontel, Cont. mor. Philos. soi-dis.

    Absolument. Puisque vous avez tant fait, il faut continuer.

  • 5 Pris adverbialement. Tant, avec un verbe, en si grande quantité, tellement. Il ne faut pas tant discourir. Vous qui dites tant que je ne me saurais contraindre, Voiture, Lett. 24. Vous n'aimeriez pas tant, si vous n'étiez aimé, Corneille, Rodog. IV, 3. N'aimons jamais, ou n'aimons guère : Il est dangereux d'aimer tant, Ce n'est pas le plus sûr pour plaire, Quinault, Thés. II, 5. L'Angleterre a tant changé qu'elle ne sait plus elle-même à quoi s'en tenir, Bossuet, Reine d'Anglet.

    Quelquefois, en ce sens, on met par inversion tant en tête de la phrase. Quatre animaux divers… Toutes gens d'esprit scélérat, Hantaient le tronc pourri d'un pin vieux et sauvage ; Tant y furent, qu'un soir à l'entour de ce pin L'homme tendit ses rets, La Fontaine, Fabl. VIII, 22.

  • 6Tant, devant un adjectif, si, tellement. Voilà une malade qui n'est pas tant dégoûtante, Molière, Méd. m. lui, II, 6. Elle n'est pas tant sotte, ma foi ; et je la trouve assez passable, Molière, Fourber. I, 3. La maîtresse tant jolie Dont j'étais si fort entêté, Voltaire, Ép. 19. Voilà, monsieur, l'histoire exacte de ce tant célèbre pèlerinage qui court déjà les quatre coins de la France, Rousseau, Lett. à M. L. C. D. L. 10 oct. 1769. Voilà le propos du lieutenant que je ne trouve point tant sot, Courier, Lett. I, 61. Brisson [le président] demanda de pouvoir achever, avant qu'on le pendît, son traité des usages et coutumes de Perse, qui devait être, disait-il, une tant belle œuvre, Courier, Réponse aux anonymes.

    Tant, employé devant un adverbe, si, tellement. Vous à qui la mort même, de tant près que vous l'ayez vue, n'a jamais pu faire peur, Voiture, Lett. 35. Tu ne fais pas tant mal, Corneille, la Veuve, IV, 8. Je sais vraiment que vous ne vous portez pas tant mal, tant mal, madame, Sévigné, à Mme de Guitaut, 5 mars 1683.

  • 7Tant, construit avec un participe passif. Ce grand homme [le P. Bourgoing], ne voulant pas qu'il fût tant permis aux infirmités d'interrompre les occupations d'un prêtre de Jésus-Christ, Bossuet, Bourgoing. Cette femme autrefois tant aimée, Voltaire, Dict. phil. Tant. Cette femme autrefois tant célébrée par vous, Voltaire, ib.
  • 8Tant, suivi d'un adjectif et de que, signifiant quelque… que, avec le subjonctif ou l'indicatif. Arracher le consentement du lecteur, tant obstiné et opiniâtre qu'il puisse être, Descartes, Rép. aux secondes obj. 53.

    Anciennement, on supprimait le que, et on faisait une inversion ; ce tour pourrait encore être employé. Et même ses courroux, tant soient-ils légitimes, Sont des marques de son amour, Malherbe, I, 5. Il n'est bon courtisan, tant frisé peut-il être…, Régnier, Sat. XI. Dans le style marotique, on peut supprimer le pronom. Oncques ne fut amant tant soit chéri [au lieu de tant soit-il] Qui…, Chaulieu, Madrigal, Sur L***.

  • 9Tant par forme d'épiphonème, et signifiant à tel point. Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port ; Tant, à nous voir marcher en si bon équipage, Les plus épouvantés reprenaient de courage, Corneille, Cid, IV, 3. Tant il est vrai que tout se tourne en révoltes et en pensées séditieuses, quand l'autorité de la religion est anéantie ! Bossuet, Reine d'Anglet. Et moi je ne veux plus, tant tu m'es odieux, Partager avec toi la lumière des cieux, Racine, Théb. IV, 3. Elle [la fauvette tachetée]… se laisse prendre dessus [le nid] plutôt que de l'abandonner… tant est grande la force de cet instinct qui, d'animaux faibles, fugitifs, fait des animaux courageux et intrépides, Buffon, Ois. t. IX, p. 217. Tant dut coûter de peine Ce long enfantement de la grandeur romaine ! Delille, Én. I.
  • 10Il se dit pour autant dans une phrase négative ou interrogative. Je n'estimerai ni n'aimerai jamais rien tant au monde que vous, Voiture, Lett. 14. Je ne puis dire tant de bien de celle-ci [de cette pièce] que de la précédente, Corneille, Place roy. Examen. Des trésors… me pourraient-ils donner tant de joie que votre amitié ? Sévigné, à Mme de Grignan, 9 août 1671. Mais elle n'est pas tant ma fille que l'on pense, Regnard, Démocr. I, 2.
  • 11Il se dit pour autant dans quelques locutions affirmatives.

    Tous tant que nous sommes, tous tant que vous êtes, tout autant que nous sommes, que vous êtes de personnes. Le funeste succès de leurs armes impies… Pour tous tant qu'ils étaient demande-t-il mes pleurs ? Corneille, Hor. III, 2. Et tous tant que nous sommes Nous nous laissons tenter à l'approche des biens, La Fontaine, Fabl. VIII, 7. Ne nous abusons pas, cela nous regarde tous tant que nous sommes, Pascal, Prov. XIX. … Toi et le conquérant… et tous tant que vous êtes, vous avez extrêmement tort, Fontenelle, Milon. Comment vous portez-vous, tous tant que vous êtes ? Voltaire, Lett. Mme de Florian, 3 mars 1770.

    Tant qu'il peut, tant qu'il veut, autant qu'il peut, qu'il veut. Il travaille tant qu'il peut. Il en a tant qu'il veut. Voilà mon Marin… pêchant le mal en eau trouble : il en dit hautement tant qu'il veut ; il en fait sourdement tant qu'il peut, Beaumarchais, 4° mémoire.

    Il pleut tant qu'il peut, il pleut beaucoup

  • 12Tant et plus, autant qu'il en faut et même plus. Laissez-nous le soin de vous chercher des pratiques ; nous vous en fournirons tant et plus, Lesage, Est. Gonz. 38. J'eus aussi des visites de Genève tant et plus, Rousseau, Confess. XI.
  • 13Il sert à marquer un certain rapport, une certaine proportion entre les choses dont on parle. Tant plein que vide. Tant bon que mauvais. Je l'aime tant pour lui que pour son père. Quand les enfants avaient appris à bien lire et à écrire, on leur enseignait la grammaire, tant de la langue latine que de la grecque, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. IX, 2e part. p. 737, dans POUGENS.

    Tant bien que mal, médiocrement.

  • 14Tant que, aussi longtemps que. Je ne me puis estimer malheureux, tant que j'aurai l'honneur d'être aimé de vous, Voiture, Lett. 14. Mais, tant qu'il pourra tout, que pourrai-je, madame ? Corneille, Sertor. III, 4. Tant qu'elle a été heureuse, elle a fait sentir son pouvoir au monde par des bontés infinies, Bossuet, Reine d'Anglet. Tant que les hommes pourront mourir et qu'ils aimeront à vivre, le médecin sera raillé et bien payé, La Bruyère, XIV. Après avoir commandé qu'on les poursuivît tant que le jour durerait, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VI, p. 446, dans POUGENS.
  • 15Tant que…, aussi loin que… Tant que la vue se peut étendre.
  • 16Tant que, jusqu'à ce que (avec le subjonctif). Différez pour le mieux encor cette visite, Tant que, maître absolu de votre jugement, Vous soyez en état de faire un compliment, Corneille, Mélite, v, 2. Adieu, je vais traîner une mourante vie, Tant que par ta poursuite elle me soit ravie, Corneille, Cid, III, 4. La charité se nourrit et s'élève plus sûrement quand elle est comme gardée par la crainte ; c'est ainsi qu'elle se fortifie, tant qu'enfin elle soit capable de se soutenir par elle-même, Bossuet, Fragm. sur div. matières de controv. 3e fragm. Enivrez-vous de ce vin, tant que ses fumées vous fassent perdre…, Bossuet, Pensées, 2. Suppliez, gémissez, implorez sa clémence, Tant qu'elle vous admette enfin en sa présence, Chénier, Élégies, II, 13, édit. FOUQUIÈRE, p. 241.

    L'Académie, dans son Examen du Cid, a blâmé cette locution, mais à tort, car elle se comprend très bien comme l'ont employée Corneille et Bossuet.

  • 17Tant que, de façon que. Toutes sottises dont la belle Se défend avec grand respect, Tant qu'au père à la fin cela devint suspect, La Fontaine, Fabl. IV, 4.
  • 18Tant plus que moins, loc. adv. à peu près. Il a dix mille livres de rente, tant plus que moins.
  • 19Comme il y en a tant, se dit de choses, de personnes qui ne se distinguent par rien de particulier. Qui pouvait imaginer que, pour une fille comme il y en a tant, tu tomberais dans l'état où je te vois ? Diderot, Père de famille, III, 5.
  • 20Tant mieux, loc. adv. qui marque qu'on est content que quelque chose soit. S'il se conduit sagement, tant mieux pour lui.

    Tant pis se dit en un sens contraire. C'est tant pis pour vous, Molière, Tart. II, 2. Tant pis encore de prendre peine à dire des sottises, et d'être mauvais plaisants de dessein formé, Molière, Critique, I. La Condamine est aujourd'hui Reçu dans la troupe immortelle ; Il est sourd, c'est tant mieux pour lui ; Mais il n'est pas muet, et c'est tant pis pour elle, La Condamine, Épigramme sur sa réception à l'Académie.

    Familièrement. Tant pis, tant mieux, se dit quelquefois pour marquer qu'on ne se soucie guère de la chose dont il s'agit, et qu'il n'y a grand sujet de s'affliger ni de se réjouir.

    Tant-pis, Tant-mieux, noms plaisants de deux médecins dont l'un assurait que le malade succomberait et l'autre qu'il guérirait. Le médecin Tant-pis allait voir un malade Que visitait aussi son confrère Tant-mieux, La Fontaine, Fabl. v, 12.

  • 21En tant que, loc. conj. Selon que, moyennant, comme, à la condition de. Je suis assuré que ces façons de penser que j'appelle sentiments et imaginations, en tant seulement qu'elles sont des façons de penser, résident et se rencontrent certainement en moi, Descartes, Méd. III, 1. Je ne la fais amoureuse que par ambition, et en sorte qu'elle semble n'avoir point d'amour, qu'en tant qu'il peut servir à sa grandeur, Corneille, Pomp. Examen. Le bien n'est bien qu'en tant que l'on s'en peut défaire ; Sans cela c'est un mal, La Fontaine, Fabl. x, 5. On peut dire que toute idée est distincte, en tant que claire, Logique de Port-Royal, p. 91, dans POUGENS. Déshéritant, en tant que besoin pourrait être, Parents, nièces, neveux, nés aussi bien qu'à naître, Regnard, Légat. IV, 6. L'esprit ne crée et n'imagine des objets qu'en tant qu'ils sont semblables à ceux qu'il a connus par des idées directes et par des sensations, D'Alembert, Œuv. t. I, p. 236.
  • 22Tant il y a que, tant y a que, loc. familière, quoi qu'il en soit. Tant y a que les soldats travaillèrent aux radeaux avec tant de courage que…, Vaugelas, Q. C. 421. Maintenant, si ce dénoûment est selon l'art ou non, c'est une autre question qui se videra en son lieu ; tant y a qu'il se fait avec surprise, et qu'ainsi l'intrigue ni le démêlement ne manque point à cette pièce, Acad. Sentim. Cid. Je suis faible, et ne me pique point de ne l'être pas ; tant y a, je n'en puis plus, Sévigné, 115. Cette comparaison [de Dieu punissant les Juifs par Titus] avec un magistrat qui fait rouer des malfaiteurs, vous fait horreur ; tant y a que Dieu s'est comporté à peu près de même, Bossuet, Sermons, Bonté et rigueur de Dieu, 2. Tant y a qu'il n'est rien que votre chien ne prenne, Racine, Plaid. III, 3.
  • 23Tant soit peu, voy. PEU.

    Tant et si peu qu'il vous plaira, en telle et si petite quantité qu'il vous plaira.

  • 24Tant s'en faut que… voy. FALLOIR, n° 12.
  • 25Si tant est que… avec le subjonctif, si la chose est, supposé que la chose soit. Croyez que vos bonnes grâces à tous me sont très précieuses, si tant est que je les aie, Ch. Sévigné, dans SÉV, t. IX, p. 468, éd. RÉGNIER.
  • 26Sur et tant moins, voy. SUR 2 n° 44, et MOINS.
  • 27À tant, à ce point, là-dessus. À tant (pour user des termes de M. le cardinal d'Ossat), je vous donne le bon soir, Guez de Balzac, Liv. I, lett. 16. À tant se tut ; Richard, tombé des nues, Fut tout heureux de pouvoir s'en aller, La Fontaine, Calendr.

    Cette locution a vieilli, mais on pourrait très bien l'employer d'après la Fontaine et Balzac.

  • 28Tant plus, tant plus ; tant plus, tant moins. Tant plus nous avons de besoin d'une chose, tant plus nous avons d'obligation à celui qui nous la donne, Malherbe, le Traité des bienf. de Sénèque, III, 35. Tant plus il y aura de bienheureux dans le ciel, tant moins il restera de gens de bien sur la terre, Guez de Balzac, Lett. VIII, liv. 7. Quand ils [des madrigaux] sont bons, en ce cas tout prudhomme Les prend au poids, au lieu de les compter ; Sont-ils méchants, tant moindre en est la somme, Et tant plus tôt on s'en doit contenter, La Fontaine, Poésies, mêl. XVI. Tant plus le chemin est long dans l'amour, tant plus un esprit délicat sent de plaisir, Pascal, Pass. de l'amour.

    Cette locution est tombée en désuétude ; et on supprime aujourd'hui tant.

  • 29Tant plus, d'autant plus. Je ne me suis pas moqué de vous alors ; mais je m'en moque tant plus aujourd'hui, Rousseau, Hél. v, 10. Il y a un longtemps qu'à force de m'inspirer du respect, il m'a fait oublier sa naissance ; ou, si je m'en souviens encore, c'est pour honorer tant plus sa vertu, Rousseau, Lett. à Zinzendorf, 20 oct. 1764.
  • 30Tant seulement, pour seulement n'est plus usité ; il est resté dans le langage populaire ; autrefois il était du bon usage. De n'avoir pas chez soi pour lui donner Tant seulement un malheureux dîner, La Fontaine, Faucon.

PROVERBES

Tant vaut l'homme, tant vaut sa terre ou la terre, voy. TERRE.

Tant va la cruche à l'eau qu'elle se brise, en retombant souvent dans la même faute, en s'exposant souvent au même péril, on finit par s'en trouver mal.

REMARQUE

1. Avec tant de et un substantif, le verbe et l'adjectif qui suivent s'accordent avec le substantif, non avec tant. Jamais tant de beauté fut-elle couronnée ? Racine, Esth. III, 9. Tant de galanterie et tant d'esprit n'étaient pas bon signe ; Il fallait apparemment que son amour ne fût plus ni si sérieux, ni si fort, Marivaux, Marianne, 7e part.

2. Je leur donne un tant, et ils me tiennent quitte de tout, n'est pas correct, il faut dire je leur donne tant.

3. Tant ne se joint point à un simple adjectif ; on ne dit pas tant vertueux, tant méchant. Cependant, comme on a vu ci-dessus, il s'emploie de la sorte dans un langage où l'on prend un ton archaïque ou de bonhomie.

4. Après le verbe actif ou neutre, sans auxiliaire, il faut toujours mettre tant : il travaille tant ; il pleut tant.

5. Quand le verbe auxiliaire se joint au verbe actif, on place tant entre l'un et l'autre : Il a tant travaillé, ils ont tant écrit ; et jamais dans ces cas on ne se sert de si.

6. Lorsque vous avez à exprimer un sentiment particulier par un verbe passif, comme je suis si touché, si ému, si courroucé, si animé, vous ne pouvez dire : je suis tant ému, tant touché, tant courroucé, tant animé, parce que ces mots tiennent lieu d'épithète ; mais, lorsqu'il s'agit d'une action, d'un fait, vous employez le mot tant : cette affaire fut tant débattue ; les accusations furent tant renouvelées ; les juges tant sollicités ; les témoins tant confrontés, et non pas si confrontés, si sollicités, si renouvelés, si débattus. La raison en est que ces participes expriment des faits, et ne peuvent être regardés comme des épithètes, Voltaire, Dict. phil. Tant. Voltaire ajoute : " On peut dire surtout en vers : Cette femme tant aimée. Quand on ajoute de qui elle a été aimée, il faut dire : si aimée de vous, de lui, et non tant aimée de lui, parce qu'alors vous désignez un sentiment. " Ceci est une subtilité ; et rien n'empêche de dire : cette femme tant aimée de vous, de lui.

HISTORIQUE

XIe s. Teres e fiez [fiefs] tant com vos en vuldrez, Ch. de Rol. v. … se tant ai de leisir, ib. XXXIV. Par tantes terres [il] ad sun cors demenet, ib. XXXIX. Sunez vos grailes, tant que en cest ost ad, ib. CLIV. Tant chevalcherent que en Sarraguce sunt, ib. CXC.

XIIe s. Mais se voz euz [yeux] où l'on se puet mirer, Qui tant sont cler…, Couci, II. Par tantes foiz [j'] ai esté assailliz, Que je n'ai mais povoir de moi deffendre, ib. v. Et quant je pluz sui loinz de sa contrée, Tant est mes cuers pluz près et ma pensée, ib. XVII. Grant pechié fait qui son homme veut prendre Par biau semblant monstrer, tant que bien tient, ib. XX. On ne puet pas servir à tant seignour, ib. XXIV. Et de cors et de membres [elle] par fu si avenanz, Qu'onques Dex ne fist home tant soit vielz ne crolanz, Se l'osast esgarder, ne li muast talanz, Sax. v.

XIIIe s. Et dura tant leur consaus [conseil] que il furent tuit à un acort, Villehardouin, CX. Et fu devisés qu'il prendroient terre à Corfol, et que li premier atendroient les derreniers, tant [jusqu'à ce] qu'il seroient ensemble, Villehardouin, LVI. Tant com il furent là, on les fist honorer, Berte, III. Mais laissez la tant vivre qu'ele pourra durer, ib. XCVII. À peine [elle] put mot dire, tant li cuers lui failli, ib. CXXVII. Sire, je loe que vous li otroyés bataille, et je ne doute, ne tant ne quant, que nous n'aions la victoire, Chr. de Rains, 25. Mès il est de tel cruauté, Qu'il ne se daingne encor refraindre, Tant me voie plorer ne plaindre, la Rose, 3256. Voilliés que j'aim tant solement ; Autre chose ne vous demant, ib. 3191. Esperance li fait souffrir Tant maus que nus n'en sait le conte Por la joie qui cent tans [cent fois autant] monte, ib. 2638. Car tant cum vous plus atendrez, Tant plus, sachiés, de tens perdrez, ib. 3481. Il i avoit d'oisiaus trois tans [trois fois autant] Qu'en tout le remanant de France, ib. 176. Mais de tant comme as quemins apartient…, Beaumanoir, XXV, 4. Le roy ot conseil que il ne partiroit de Damiete, jusques à tant que son frere le conte de Poitiers seroit venu, Joinville, 218. Nulz ne peut tant pechier, que Dieu ne peut plus pardonner, Joinville, 197.

XIVe s. C'est impossible que mal, en tant comme mal, soit bien, Oresme, Éth. 69. Le bien tant est plus commun, tant plus vault et plus est à aimer, Oresme, ib. 162. Tant plus est une operacion ou passion voluntaire, tant plus est elle à loer ou à vituperer, et tant moins voluntaire, tant moins est à loer, Oresme, ib. 47. Nous avon dit… en quel maniere et en quel cas la loy de rendre tant pour tant est juste, Oresme, ib. 154. Et au pape de Romme irai si esploitant Que vingt mil en arez ; et puis je ferai tant Que monseigneur le roy, son frere le vaillant, Vous en donra plenté…, Guesclin. 14068.

XVe s. Or se gardent de moi, car heure viendra que je les payerai de la monnoie pareille ; on la forge à tant que on peut, Froissart, III, IV, 30. Mais tant y a, monseigneur, ils ne payent chose que ils prennent ; et fuit tout le menu peuple partout où ils viennent, Froissart, II, III, 58. De la prise [de] Charles de Montmorency furent les François moult courroucés, mais amender ne le purent tant comme adonques, Froissart, I, I, 141. Or nous tairons nous de parler de lui tant qu'à present et des Anglois, et retournerons aux Escots, Froissart, I, I, 46. Je vous attendrai tant que vous serez revenu, Froissart, I, I, 119. Sire, faites semblant de deloger et de vous traire autre part, et laissez un petit de vos gens devant la ville ; ceux de laiens istront tantost hors ; de tant les connois-je bien, Froissart, I, I, 243. Et pour ceste cause envoyerent devant le roy, et feirent tant qu'ils obtindrent ce qu'ils demandoient, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1406. Et conclut par ce point que tant peu et tant grand qu'il y a de gloire ne de felicité, procede de leur main, J. Chastel. Expos. sur vérité mal prise. De tant que le machineur seroit plus prochain du roi… de tant seroit la chose plus inique, Monstrelet, I, 39. Tant pour le duc que pour luy, Commines, III, 11. De tant qu'ilz sont plus grans, ilz portent les oultrages à plus grant desplaisi et dueil, Commines, III, 11. Ledit Cleret se tint à tant [s'en tint là], et luy laissa son argent, Commines, VI, 2. Et avoit dit [Louis XI] que, si on le veoit en ceste necessité de mort, que l'on ne luy dist fors tant seullement : parlez peu, Commines, VI, 12.

XVIe s. S'il n'est point licite de figurer Dieu par effigie corporelle, tant moins sera-il permis d'adorer une image pour Dieu, Calvin, Instit. 62. Mais quelle moquerie est-ce d'orner une chose si petite d'un tiltre tant superbe ? Calvin, ib. 186. Je ne nie pas que ce ne soit l'office d'un bon fidele, de s'abstenir de toute familiarité des meschans, et de ne se mesler avec eux en quelque affaire que ce soit tant qu'il puisse, Calvin, ib. 824. De tant loing que le veid Pantagruel, il dist es assistans…, Rabelais, Pant. II, 9. Tant plus y estudions, tant moins y entendons, Rabelais, ib. II, 10. Somme, ilz beurent tant et tant, que ilz s'endormirent comme porcz sans ordre parmy le camp, Rabelais, II, 28. On m'a dit que ces tant femmes de bien ont communement maulvaise teste, Rabelais, III, 9. J'ay songé tant et plus, mais je ny entendz note, Rabelais, III, 14. De couraige tant et plus ; je ne crains rien que les dangers, Rabelais, IV, 23. Il fut, tant luy que sa posterité, declaré roturier, Montaigne, I, 56. Faictes leur tant de bonne chere qu'il vous plaira, Montaigne, I, 71. .. Qu'il s'en vestit tant qu'il auroit executé… [jusqu'à ce qu'il eût], Montaigne, I, 95. Ils ne font pas tant malicieusement que lourdement les ingenieux, Montaigne, I, 265. Aussi tost qu'il y a tant soit peu d'apparence que…, Montaigne, II, 93. Il y avait onze mille tant d'ans…, Montaigne, II, 333. Il semble qu'en ces glorieux jours là ce n'estoit pas tant la bataille des Grecs contre les Perses, comme la victoire de la liberté sur la domination, La Boétie, 18. Cresus, ce tant riche roy, La Boétie, 50. L'amitié s'entretient, non tant par un bienfait, que par la bonne vie, La Boétie, 72. Et puis, je disne et mange tant et si peu, que je puisse passer le jour sans me sentir ny vuide ny trop chargé, La Boétie, 203. Vois tu pas que tous les hommes, tant qu'il y en a, par maniere de dire, s'ayment bien eux mesmes ? La Boétie, 209. Il mourut en ceste bataille plus de 15000 hommes, tant du costé de Pyrrhus que du costé des Romains ; mais ilz se retirerent à tant les uns et les autres, Amyot, Pyrrhus, 47. Demosthenes employa entierement tout tant qu'il avoit de sens et de science en l'art de rhetorique, Amyot, Cicér. et Démosth. 1. Est-ce tant que la mort, est-ce si grand malheur, Que le vulgaire croit ? Ronsard, 302. De l'admirer je ne suis assouvy, Car l'œil de voir n'est lassé tant qu'il vive, Ronsard, 50. Amour, tant sois tu fort, tu perdras la bataille, Ronsard, 270. À tant [aussitôt] Francus s'embarque en sa navire, Ronsard, Franciade, I.

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Étymologie de « tant »

Du latin tantum, de même sens.
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Provenç. tant, tan ; espagn. tanto, adj. tan, adverbe ; portug. et ital. tanto ; du latin tantus, si grand. Tantus est formé de l'adverbe tam, et le suffixe tus, comme dans robus-tus ; tam est l'accusatif pris adverbialement du thème pronominal ta, qu'on retrouve dans tum : tantus signifie donc étymologiquement : ainsi, de cette façon.

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Phonétique du mot « tant »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
tant tɑ̃

Fréquence d'apparition du mot « tant » dans le journal Le Monde

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Évolution historique de l’usage du mot « tant »

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Citations contenant le mot « tant »

  • La justice en tant que concept ne triomphe pas toujours - en tant qu'institution, si.
    Philippe Jaenada — La grande à bouche molle
  • Je dois m’attendre à tout – ayant été l’homme le plus haï et le plus adoré du XVIIIe siècle !… Avec de la gaieté – et même de la bonhomie, j’ai eu des ennemis sans nombre – et n’ai pourtant croisé la route de personne. Or, j’ai trouvé la cause de tant d’inimitiés. Dès ma folle jeunesse, j’ai joué de tous les instruments, mais je n’appartenais à aucun corps de musiciens – les musiciens m’ont détesté. J’ai inventé quelques bonnes machines, mais je n’étais pas du corps des mécaniciens – et l’on a dit du mal de moi. Je faisais des vers et des chansons, mais qui m’eût reconnu pour poète ? – j’étais le fils d’un horloger ! N’aimant pas le jeu de loto, j’ai fait des pièces de théâtre, mais on disait : “De quoi se mêle-t-il ? Ce n’est pas un auteur, car il fait d’immenses affaires”. Faute de rencontrer qui voulût me défendre, j’ai imprimé de grands mémoires pour gagner des procès qu’on m’avait intentés. Les avocats se sont écriés : “Peut-on souffrir qu’un pareil homme prouve sans nous qu’il a raison !” J’ai traité avec les ministres de grands points de réformation dont nos finances avaient besoin, mais l’on disait encore : “De quoi se mêle-t-il, puisqu’il n’est point financier ?” Luttant contre tous les pouvoirs, j’ai relevé l’art de l’imprimerie française par les superbes éditions de Voltaire – mais je n’étais pas imprimeur et j’ai eu tous les marchands pour adversaires. J’ai fait le haut commerce dans les quatre parties du monde – mais je ne m’étais point déclaré négociant. J’ai eu quarante navires à la fois sur la mer – mais, n’étant pas un armateur, on m’a dénigré dans nos ports. Un vaisseau de guerre à moi de cinquante-deux canons a eu l’honneur de combattre en ligne avec ceux de Sa Majesté, mais regardé comme un intrus, j’y ai gagné de perdre ma flottille ! De tous les Français, quels qu’ils soient, je suis celui qui a fait le plus pour la liberté de l’Amérique – mais je n’étais point classé parmi les négociateurs…
    Sacha Guitry — Beaumarchais
  • « Tu la payes en nature ? » dit-il. Ça me gêne de dire oui, mais je dis oui si ça peut le rassurer. Non, la chose m’intéresse en tant que spectacle d’art. Il me répond qu’il ne joue pas pour son plaisir, ni pour le plaisir des autres.
    Jean Giono — Œuvres romanesques complètes
  • Oh ! ne pas tant vivre, végéter seulement !
    Jules Renard — Journal 1893 - 1898
  • On pardonne tant que l’on aime.
    François de La Rochefoucauld — Maximes
  • Un instant découragé par l’invraisemblable pagaille qui s’étalait dans les granges, il réussit à entasser tant bien que mal dans celle du fond un bric-à-brac de skis hors d’état, de silex arrachés au jardin pour planter la haie de thuyas, de batteries inutilisables, de bidons en tous genres.
    Philippe Delerm — Le Portique
  • Pourquoi un tel embouteillage ? D'abord, les conditions de lancement sont particulièrement idéales en ce mois de juillet. La planète rouge, la Terre et le Soleil se retrouveront dans le même alignement à la fin de l'année, permettant aux missions de suivre la trajectoire la plus avantageuse possible. Un événement qui ne se produit, en général, que tous les 26 mois.
    leparisien.fr — Ruée vers Mars : mais pourquoi tant de pays mettent-ils le cap sur la planète rouge ? - Le Parisien
  • L’être ou le néant, voilà le problème. Monter, descendre, aller, venir, tant fait l’homme qu’à la fin il disparaît. Un taxi l’emmène, un métro l’emporte, la tour n’y prend garde, ni le Panthéon. Paris n’est qu’un songe, Gabriel n’est qu’un rêve (charmant), Zazie le songe d’un rêve (ou d’un cauchemar) et toute cette histoire le songe d’un songe, le rêve d’un rêve, à peine plus qu’un délire tapé à la machine par un romancier idiot (oh ! pardon)...
    Raymond Queneau — Zazie dans le métro
  • A partir de quarante ans, tant vaut l’homme, tant vaut l’acteur.
    Louis Jouvet
  • Kelly Vedovelli en bikini : Ce tatouage sur l'une de ses fesses qui fait tant parler !
    Public.fr — Kelly Vedovelli en bikini : Ce tatouage sur l'une de ses fesses qui fait tant parler !
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Traductions du mot « tant »

Langue Traduction
Anglais so much
Espagnol tanto
Italien così tanto
Allemand so sehr
Chinois 非常
Arabe بكثير
Portugais muito
Russe так много
Japonais そんなに
Basque asko
Corse tantu
Source : Google Translate API

Synonymes de « tant »

Source : synonymes de tant sur lebonsynonyme.fr

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Nombre de points du mot tant au scrabble : 4 points

Tant

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