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Cabinet

Variantes Singulier Pluriel
Masculin cabinet cabinets

Définitions de « cabinet »

Trésor de la Langue Française informatisé

CABINET1, subst. masc.

I.− [Désigne un lieu]
A.− Petit pièce d'un appartement, généralement à l'écart. Cabinet de débarras (cf. cagibi, réduit) :
1. Laurent (...) habitait (...) un petit cabinet meublé qu'il payait dix-huit francs par mois; ce cabinet, mansardé, troué en haut d'une fenêtre à tabatière, qui s'entrebâillait étroitement sur le ciel, avait à peine six mètres carrés. Laurent rentrait le plus tard possible dans ce galetas. Zola, Thérèse Raquin,1867, p. 31.
2. ... un souvenir d'enfance lui revenait à l'esprit : il se revoyait, à dix ans, enfermé par punition dans le cabinet noir; il avait enlevé la serrure et fui de la maison... R. Rolland, Jean-Christophe,Le Buisson ardent, 1911, p. 1397.
PHOT. Cabinet noir. Synon. de chambre* noire.
Rem. Attesté dans Ac. 1932.
En partic.
1. Vieilli. Cabinet particulier, plus rare, cabinet de société. Pièce à l'écart dans un restaurant, pour les clients qui désirent être seuls. Plusieurs (...) chambres servant de cabinets de société aux habitués du cabaret (Sue, Fleur de Marie,1857, p. 23):
3. Réfléchissons, se dit-il, je ne veux pas qu'elle débarque chez moi, c'est trop dangereux; alors le mieux serait, sous prétexte de lui offrir un verre de porto et un biscuit, de la conduire chez Lavenue qui est en même temps qu'un café-restaurant un hôtel. Je ferais préparer une chambre; ce serait moins dégoûtant que le cabinet particulier ou que le vulgaire garni des passes;... Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 154.
P. anal., vieilli. Tonnelle. Cabinet de verdure. Un cabinet de capucines (Pourrat, Gaspard des Montagnes, Le Château des sept portes, 1922, p. 180).
Rem. Un ex. dans la docum. de cabinet de rocailles (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 492).
2. Cabinet de toilette. Pièce ou réduit aménagé pour la toilette. Une chambre à coucher avec cabinet de toilette (Balzac, La Cousine Bette,1847, p. 155).
Cabinet(s) (d'aisances). Pièce, endroit réservé aux besoins naturels. Cette petite cour boueuse, empestée de l'odeur du cabinet ouvert (Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 185):
4. ... ma diarrhée est revenue. Le lendemain de mon retour à Paris, je suis allé quatorze fois aux cabinets;... Renard, Journal,1903, p. 864.
B.− [Désigne un lieu de travail]
1. Littéraire
a) Vieilli. Pièce réservée au travail intellectuel. Cabinet du directeur, cabinet d'étude, cabinet de travail. Synon. mod. et cour. bureau :
5. ... Blaise (...) s'engagea dans les couloirs pour gagner son bureau particulier qui jouxtait le cabinet de M. Joseph Pasquier. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 94.
6. ... quant à son avenir personnel, il s'en foutait. (...) et c'est à peine s'il avait le cœur un peu barbouillé le jour où il entra dans le cabinet du juge d'instruction. Ce bureau, semblable à des milliers d'autres bureaux, paraissait moins réel qu'un décor de théâtre; ... S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 477.
P. méton., rare. Le mobilier de la pièce :
7. Tout l'appartement, sauf une pièce, était meublé dans le goût moderne. Mmede Champcenais avait fait le voyage de Nancy, pour y commander une salle à manger, un cabinet de travail, un boudoir, et deux chambres art nouveau. Romains, Les Hommes de bonne volonté,Le 6 octobre, 1932, p. 45.
Péj. [Déterminant de subst.] Homme, vie de cabinet. Géographes de cabinet et (...) explorateurs en chambre (Benoit, L'Atlantide,1919, p. 67):
8. Se composer un idéal de cabinet et vouloir l'imposer à l'humanité, c'est témoigner d'une conception bien superficielle des jeux profonds des choses. Barrès, Scènes et doctrines du nationalisme,t. 2, 1902, p. 222.
b) Vx. Cabinet de chimie, de physique. Laboratoire notamment privé, de chimie, de physique; p. méton., ensemble des objets qui s'y trouvent. Il a été perdu par la morphine. Origine, rages de dents. Facilité de son cabinet de chimie (Barrès, Mes cahiers,t. 7, 1908-09, p. 317):
9. ... elle [la vue] nous fait voir des corps où il n'y en a pas (...) dans les cabinets de physique, par l'arrangement de quelques miroirs concaves, on me fait voir un objet au milieu de la chambre; ... Destutt de Tracy, Éléments d'idéologie,Idéologie, 1801, p. 127.
c) P. anal., vx. Cabinet de lecture, plus rare cabinet littéraire. Établissement commercial où le public peut consulter ou emprunter des livres, des journaux (cf. bibliothèque). Prendre un abonnement, s'abonner à un cabinet de lecture :
10. Dans la chambre de ma grand-mère les livres étaient couchés; elle les empruntait à un cabinet de lecture et je n'en ai jamais vu plus de deux à la fois. Sartre, Les Mots,1964, p. 30.
2. Usuel. Lieu d'exercice de certaines professions libérales : professions médicales, avocats, hommes d'affaires, etc. (cf. étude). Cabinet de consultation :
11. Mais, une fois installé dans le petit appartement du troisième étage, avec les meubles rigoureusement nécessaires à sa noble profession, exigés d'ailleurs par l'Ordre des avocats qui n'admet pas un nouveau confrère s'il n'a pas un cabinet convenable (...) Théodose de la Peyrade devint avocat près la Cour royale de Paris. Balzac, Les Petits bourgeois,1850, p. 56.
12. ... le souvenir de joies crues et fortes s'atténuerait lentement dans des études de notaires ou d'avoués, ou des cabinets de médecins. La vie professionnelle laissait déjà passer, par l'entre-bâillement de ses fenêtres, de gros espoirs de politique, de beaux mariages et d'argent. Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 181.
13. − Suzanne, dit le docteur, quand voudras-tu consentir à frapper discrètement avant de tourner le bouton et de pousser la porte? Songe que c'est ici le cabinet d'un médecin. Tu pourrais, à l'improviste, me trouver en train d'examiner un malade. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Cécile parmi nous, 1938, p. 104.
MÉD. Cabinet de groupe. ,,Ensemble formé par les cabinets de consultation de plusieurs praticiens de médecine générale et spécialistes et par divers services et installations (radiologie, salle de pansements et de petites interventions, secrétariat, etc.) qu'ils utilisent en commun`` (Méd. Biol. t. 1 1970).
P. méton. Ensemble des moyens de travail, de la clientèle, des affaires de ces professions; les entreprises qu'elles peuvent constituer (cf. agence). Le cabinet de brevet valait quinze cent mille francs (Barrès, Mes cahiers, t. 2, 1898-1902, p. 99):
14. La dot d'Agnès serait de 300 000 francs, dont la plus grande partie serait versée au moment où Camille aurait trouvé une part dans un cabinet d'avocat-conseil ou quelque affaire de ce genre. Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 81.
15. J'ai un cabinet d'avocat qui marche trop bien pour avoir le temps de me faire une opinion sur les diverses idéologies politiques. Montherlant, Demain il fera jour,1949, I, 2, p. 714.
Cabinet d'affaires. Établissement commercial s'occupant de problèmes contentieux ou financiers qui lui sont soumis par les clients :
16. ... la Baronne aperçut, au-dessus d'un vitrage garni de taffetas vert à une hauteur qui ne permettait pas aux passants de jeter des regards indiscrets : Écrivain public, et sur la porte : Cabinet d'affaires Ici l'on rédige les pétitions, On met les mémoires au net, etc. Discrétion, célérité. Balzac, La Cousine Bette,1847, p. 412.
C.− [Dans des syntagmes figés] Salle ou ensemble de salles où sont exposés des objets rares, notamment de valeur documentaire; p. méton., ces objets. Le cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale (cf. musée, galerie). ... des squelettes blanchis qui sautillent (...) sur leurs faux muscles de laiton, dans les cabinets d'anatomie (Nodier, La Fée aux miettes,1831, p. 115):
17. Les dents de poissons, que je nomme composées, forment d'ordinaire des plaques plus ou moins grandes, (...); quelquefois elles sont disposées en quinconce; d'autres fois elles occupent toute la largeur de l'espace, qu'elles couvrent comme autant de bandes. Les raies à dents plates, comme la raie bouclée, etc., nous en offrent un exemple en petit; mais on trouve dans plusieurs cabinets d'histoire naturelle des mâchoires ou des palais de poissons qui portent des dents d'une structure pareille, beaucoup plus grandes; ... Cuvier, Leçons d'anat. comp.,t. 3, 1805, p. 112.
18. Le dernier mot de l'imitation, c'est de produire une copie que l'on puisse prendre pour l'original (...) Il en résulte que les personnages représentés dans les cabinets de cire, revêtus de leurs propres habits, (...) seraient, au plus haut degré, des œuvres d'art. Ch. Blanc, Gramm. des arts du dessin,1876, p. 18.
19. ... aucun Américain n'avait fait de fouilles, aucune des riches familles ne possédait au xviiiesiècle de ces cabinets de curiosités qui sont à l'origine de tant de musées européens; ... Morand, New-York,1930, p. 225.
SYNT. Cabinet d'antiquités, d'estampes, de gravures, de minéralogie, de miniatures.
II.− POL. ET ADMIN. [Désigne un ensemble de pers.]
A.− Usuel. Ensemble des proches conseillers d'une personnalité officielle de l'État. Le cabinet du chef de l'État, d'un ministre, d'un préfet; cabinet ministériel, préfectoral; directeur, attaché de cabinet. Chargé de mission au cabinet du Ministre de l'Armement (Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 286).M. Roland de Margerie, chef du cabinet diplomatique du Président du Conseil (De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 46):
20. L'ancienne camarilla d'avant la guerre, dont l'expression la plus nette était le cabinet militaire de l'Empereur, comptait parmi ses fortes têtes le général de Falkenhayn. Barrès, Mes cahiers,t. 11, 1914-18, p. 240.
En partic., vx. Cabinet noir. Service secret d'État chargé de la censure du courrier :
21. Dans sa jalouse rage, la soupçonnant [sa femme], non sans vraisemblance, d'envoyer et de recevoir des lettres, il [Hippolyte Cérès] jura de les intercepter, rétablit le cabinet noir, jeta le trouble dans les correspondances privées, arrêta les ordres de bourse, fit manquer les rendez-vous d'amour, provoqua des ruines, traversa des passions, causa des suicides. A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 380.
B.− [En régime parlementaire] Ensemble des ministres, secrétaires et sous-secrétaires d'État, solidairement responsables du pouvoir exécutif devant le Parlement. Synon. ministère, gouvernement.Former, renverser le cabinet. Le ministère Dessolles, cabinet modéré dont faisaient partie MM. Decazes et Deserre (Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 726):
22. Son programme [de Brisson], (...), sera une déception pour tous ceux qui s'obstinaient à croire qu'un cabinet de réformateurs doit être un cabinet de réformes. La vanité de cette espérance nous fut depuis longtemps démontrée, non sans éclat, par des hommes qui siègent au premier rang dans le cabinet Brisson. Le chef du ministère, que je n'ose plus dénommer radical, mais qui a pleinement droit, devant tous les partis, au nom de républicain, semble avoir pris résolument son parti de notre nouveau mécompte. Clemenceau, L'Iniquité,1899, p. 436.
23. ... en septembre 1939, le gouvernement français, à l'exemple du cabinet anglais, accepta d'entrer dans le conflit déjà commencé en Pologne, ... De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 22.
Conseil de cabinet. Réunion du cabinet sous la présidence du Chef du gouvernement :
24. 31. Le Président de la République préside le Conseil des ministres, qui apparaît comme le seul collège dans lequel se prennent des décisions, car les secrétaires d'État sont appelés à siéger au Conseil des ministres, les conseils de cabinet n'ayant qu'un rôle de préparation des décisions et correspondant à des organismes d'études comme les conseils interministériels. Nouv. rép. de dr.,Paris, Dalloz, 1962, p. 954.
Vx. Question de cabinet. Question de confiance :
25. Vous voulez savoir quel est le plan de campagne de l'opposition. Je ne crois pas qu'il soit arrêté dans ses détails; du moins, que je sache. L'amendement qui doit poser la question de cabinet n'est pas arrêté et ne peut l'être avant qu'on ne connaisse le discours de la couronne... Tocqueville, Correspondance[avec Henry Reeve], 1835-59, p. 82.
PRONONC. : [kabinε].
ÉTYMOL. ET HIST. − A.− 1. 1491 « petite chambre retirée servant d'accessoire à une plus grande pièce » (Compte des menus plaisirs du roi, fo58 dans Gay, s.v. garde-nappe); 1536 « espace ombragé dans un jardin, entouré d'arbrisseaux » (Roger de Collerye, 276 dans IGLF); 1751 « pièce où les femmes font leur toilette » (Encyclop. t. 2); 1762 cabinet à toilette (Inv. du château de Jarnac, 13 dans IGLF); spéc. 1690 « lieu d'aisance » (Fur.); 2. 1542 « pièce où l'on conserve des objets précieux » (P. de Chanzy, Instit. de la Femme chrest., II, 10 dans Hug.); av. 1614 cabinet d'armes (Brantôme, Cap. estr. le mareschal d'Estrozze II, 243, ibid.); 1694 cabinet de peintures, de tableaux, d'antiques (Ac.); 3. a) 1539 « pièce où l'on se retire pour réfléchir, travailler » (Est. : Le cabinet de Mithridates); 1627 « pièce où l'on s'adonne aux études » (Crespin, Thrésor des 3 langues, s.v.); 1835 cabinet de lecture (Ac.); b) 1834 cabinet d'affaires (Landais). B.− 1606 [et non 1539] pol. cabinet du Roy (Nicot); 1708 (Fur. ... on appelle Cabinet, le Conseil des Rois; la Politique; le Gouvernement; les secrets et les mystères d'Etat). Dér. de cabine*; suff. -et* (REW3, no1624; FEW t. 2, 1, p. 14b; Bl.-W.5; EWFS5). L'hyp. d'un empr. à l'ital. gabinetto doit être écartée, l'ital., qui n'est pas attesté av. la 2emoitié du xvies. (Batt.), étant empr. au fr. (DEI; Devoto; Cor.).

CABINET2, subst. masc.

Vieilli
A.− Meuble à tiroirs, très ouvragé (cf. bahut). Cabinets espagnols à multiples tiroirs, marquetés d'ébène, d'ivoire et d'écaille (T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1963, p. 303):
Le cabinet de ce temps était un meuble vaste, avec un tiroir au milieu, et deux portes à pointes de diamant, une en haut, une en bas. Derrière, deux planches comme rayons, ce qui faisait trois étages avec le fond. On en possédait deux ou trois ou plus suivant sa fortune; dont une toujours réservée à la chambre des époux. On y empilait vêtements et linge... Pesquidoux, Le Livre de raison,1932, p. 19.
B.− [P. anal. de forme] Cabinet d'orgue. Synon. plus fréq. buffet* d'orgue.
Rem. Attesté dans la plupart des dict. généraux.
PRONONC. : [kabinε].
ÉTYMOL. ET HIST. − 1528 mobilier (Compte des menus plaisirs du roi, fo28 vodans Gay); 1668 cabinet d'orgues (Comptes des bâtiments du roi Louis XIV, I, 180 dans IGLF). Même mot que cabinet1; p. anal. avec le sens « pièce où l'on range des objets précieux ».
STAT. − Cabinet1 et 2. Fréq. abs. littér. : 5 075. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 7 465, b) 10 042; xxes. : a) 8 601, b) 4 658.
BBG. − Boulan 1934, p. 169. − Cagnon (M.), Smith (S.). Le Vocab. de l'archit. en France de 1500 à 1550. Cah. Lexicol. 1971, no18, pp. 101-102. − Colomb. 1952/53, pp. 237-238. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 10. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 3. − Lutaud (O.). − Translation, trad., tradition. Empr. lex. au premier radicalisme angl. Cah. Lexicol. 1968, no13, p. 58. − Quem. 2es. t. 2 1971, p. 9. − Rommel (A.). Die Entstehung des klassischen französischen Gartens im Spiegel der Sprache. Berlin. 1954, passim.Sar. 1920, p. 25. − Wind 1928, p. 64, 153, 202.

Wiktionnaire

Nom commun - français

cabinet \ka.bi.nɛ\ masculin

  1. (Construction) Petite pièce retirée.
    • Marguerite tira alors de son aumônière une petite clef dorée, ouvrit la porte du cabinet et montra du doigt le jeune homme à sa suivante. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre X)
    • Le “cabinet”, au XVlle siècle, était simplement une pièce réservée pour un usage défini, et ne comportait nullement l’idée de dimension restreinte. — (Jean de La Varende, Versailles, édition Henri Lefebvre, 1959, page 45)
    • Un cabinet de toilette.
    • Cabinet de débarras.
    • Cabinet d’aisances.
  2. (Au pluriel) (Par métonymie) (Construction) Toilettes.
    • Un gamin noir qui pissait un bock dans l’urinoir a dit que Jimmie est entré dans un des cabinets et a fermé la porte. Une minute plus tard, un mec est arrivé, a ouvert la porte d'un coup de pied et a tiré à deux reprises, à bout portant. — (James Lee Burke, La pluie de néon, traduit de l'américain par Freddy Michalski, Paris : Éditions Rivages, 1999)
    • Les cabinets étaient dans la cour. — (Annie Ernaux, La place, Livre de Poche, page 52)
  3. (Par extension) (Construction) Pièce tranquille où l’on travaille.
    • Cabinet de lecture, lieu où, moyennant une rétribution, l’on donne à lire des journaux et des livres et où l’on en prête.
    • Il s’est retiré, enfermé dans son cabinet.
    • La vie de cabinet est nuisible à sa santé.
    • Cabinet d’étude.
    • N’est-ce pas beau, un pareil ensemble, un document si définitif et si total, où il n’y a pas un trou ? On dirait une expérience de cabinet, un problème posé et résolu au tableau noir… — (Émile Zola, Le Docteur Pascal, G. Charpentier, 1893, chapitre V)
  4. (Par extension) (Construction) Locat qui accueille des professions libérales.
    • Cet argent sera prélevé sur le compte que j’ai ouvert pour Hector afin qu’il puisse ouvrir un cabinet quand Sarah prendra les commandes du cabinet d’expertise comptable. — (Eggy Stephan, L’Amour en cavale, Éditions Publibook, 2009, page 195)
    • Ou, peut-être, crispées parce que par la porte du cabinet on entendait le vrombissement de la fraise dentaire. Il ressemblait au bruit d’une scie à bois. — (Maurice Germain, Renversements, Éditions Edilivre, 2015, page 40)
    • Cet avocat a un très bon cabinet. — Il lui a cédé son cabinet.
    • Il se fait de son cabinet trente ou quarante mille francs par an.
  5. Ensemble des collaborateurs d’un ministre.
    • Lors de sa nomination un ministre forme son cabinet avec des personnes ayant sa confiance et des fonctionnaires détachés.
    • Il a été nommé chef de cabinet du Ministère de l’Intérieur.
    • Il entra dans le cabinet comme ministre des affaires étrangères.
  6. (Vieilli) Ministres qui forment le conseil du gouvernement.
    • Bien que le nouveau cabinet se présentât devant les Chambres comme cabinet de concentration républicaine, il avait son axe dans le parti radical. — (Joseph Caillaux, Mes Mémoires, I, Ma jeunesse orgueilleuse, 1942, page 95)
  7. (Vieilli) Lieu où l’on place, où l’on expose des objets d’étude ou de curiosité, tels que livres, tableaux, médailles, productions naturelles, etc.
    • Banassac, qui avait fabriqué des poteries sous les Romains, frappa alors des monnaies et ce village peut « revendiquer la dixième partie des monnaies mérovingiennes éparses dans tous les cabinets du monde ». — (J.-B. Delon, Histoire de Gévaudan-Lozère, Mende : Imprimerie Saint-Privat, 1941, page 37)
    • Un cabinet de peintures, de tableaux, d’armes, de curiosités, de raretés, d’antiques, de médailles.
    • Un cabinet d’histoire naturelle, d’anatomie.
    • Le cabinet des manuscrits, le cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale à Paris.
    • Cabinet de physique, collection des divers instruments nécessaires pour les expériences de physique.
  8. (Par métonymie) Collections qui y sont entreposées.
    • Il a un riche cabinet, sa collections est impressionnante.
  9. (Par extension) Meuble, buffet à multiples compartiments et tiroirs servant à ranger les objets précieux.
    • Cabinet de laque de Chine.
    • Cabinet d’ébène, d’écaille de tortue, etc.
    • Pied de cabinet.
    • Cabinet d’orgue, armoire dans laquelle il y a un orgue.
    • Franchement, il est bon à mettre au cabinet ;
      Vous vous êtes réglé sur de méchants modèles,
      Et vos expressions ne sont point naturelles.
      — (Molière, Le Misanthrope ou l’Atrabilaire amoureux (acte I, scène 2 (en parlant d’un sonnet))
  10. Petit lieu couvert dans un jardin et formé de treillage, de maçonnerie ou de verdure.
    • Cabinet de verdure.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

CABINET. n. m.
Lieu de retraite pour travailler seul ou converser en particulier. Il s'est retiré, enfermé dans son cabinet. La vie de cabinet est nuisible à sa santé. Cabinet d'étude. Homme de cabinet, Celui que sa profession oblige à travailler dans un cabinet et à mener une vie sédentaire. On dit plutôt aujourd'hui Homme de bureau. Par extension, Cabinet d'affaires, Établissement où l'on se charge de diriger des affaires contentieuses. Cabinet de lecture, Lieu où, moyennant une rétribution, l'on donne à lire des journaux et des livres et où l'on en prête. Il signifie figurément Clientèle, ensemble des affaires dont on est chargé. Cet avocat a un très bon cabinet. Il lui a cédé son cabinet. Il se fait de son cabinet trente ou quarante mille francs par an. Il se dit aussi, dans le régime constitutionnel, des Ministres qui forment le Conseil du gouvernement. Il entra dans le cabinet comme ministre des Affaires étrangères. Il a été nommé chef de cabinet du Ministère de l'Intérieur. Le cabinet donna sa démission. Le président du Conseil posa la question de cabinet dans cette circonstance, Il déclara que le Ministère se retirerait si le vote de la Chambre lui était contraire. On dit plutôt aujourd'hui La question de confiance. Il se dit également de Certaines petites pièces d'un appartement plus retirées que les autres et destinées à différents usages. Cabinet de toilette. Cabinet de débarras. Cabinet d'aisances ou simplement Cabinet et plus souvent Cabinets. Voyez AISANCES. Il se dit, en outre, d'un Lieu où l'on place, où l'on expose des objets d'étude ou de curiosité, tels que livres, tableaux, médailles, productions naturelles, etc. Un cabinet de peintures, de tableaux, d'armes, de curiosités, de raretés, d'antiques, de médailles. Pièce de cabinet. Un cabinet d'histoire naturelle, d'anatomie. Un cabinet de livres. Le cabinet des manuscrits, le cabinet des médailles de la Bibliothèque Nationale à Paris. En ce sens il vieillit. Il se dit également de Tout ce qui est contenu dans un cabinet d'objets précieux, de curiosités, etc. Il vend son cabinet. Il fait, il forme un cabinet. On estime le cabinet d'un tel vingt mille francs. Il a un riche cabinet. Cabinet de physique, Collection des divers instruments nécessaires pour les expériences de physique. Cabinet noir, Local où l'on procédait par ordre du gouvernement à l'ouverture de certaines correspondances. Il se disait aussi de l'Ensemble des agents chargés de ce service. Cabinet noir, en termes de Photographie. Voyez NOIR. Il se dit encore d'une Espèce de buffet à plusieurs layettes ou tiroirs qui servait autrefois à décorer les appartements. Cabinet de laque de Chine. Cabinet d'ébène, d'écaille de tortue, etc. Pied de cabinet. Cabinet d'orgue, Espèce d'armoire dans laquelle il y a un orgue. Il signifie aussi un Petit lieu couvert dans un jardin et formé de treillage, de maçonnerie ou de verdure. Cabinet de chèvrefeuille, de jasmin, etc. Cabinet de verdure.

Littré (1872-1877)

CABINET (ka-bi-nè ; le t ne se lie pas dans la conversation ; au pluriel l's se lie : des ka-bi-nè-z élégants ; cabinets rime avec traits, succès, paix) s. m.
  • 1Petite pièce qui, dans un appartement, est à l'écart et sert à divers usages. Cabinet de toilette. Cabinet noir.

    Cabinet d'aisances, ou, absolument, cabinet, lieu destiné aux besoins naturels.

  • 2Pièce où l'on se retire pour travailler. Avoir son entrée dans le cabinet du roi ou, simplement, dans le cabinet. La vie de cabinet est nuisible à la santé. Cabinet d'étude. Homme de cabinet, homme que sa profession oblige à travailler dans le cabinet. Viens dans mon cabinet consoler mes ennuis, Corneille, Cid, II, 5. Souvent ce cabinet, superbe et solitaire, Des secrets de Titus est le dépositaire, Racine, Bérén. I, 1. Il est homme de cabinet et curieux, Sévigné, 597. S'occuper sans relâche d'études difficiles, d'affaires épineuses, et faire de son cabinet le centre de son existence, est un état peu naturel, Buffon, Cerf. Ferdinand III fit la guerre de son cabinet, Voltaire, Louis XIV, 2. Dans le temps qu'on arrêtait le prince de Condé, le cardinal Mazarin demanda à l'abbé de la Rivière, qui était dans la salle : Savez-vous bien ce qui se passe ? L'abbé ayant répondu qu'il n'en savait rien, il dit : On arrête là-bas, dans le cabinet, M. le prince, M. le prince de Conti et M. de Longueville, Segrais, Mémoires, t. II, p. 16.
  • 3Cabinet d'affaires, établissement où un homme habile dans les affaires dirige celles qu'on lui confie.

    La clientèle, l'ensemble des affaires dont on est chargé. Cet avocat, cet homme d'affaires a un très bon cabinet. Il a cédé son cabinet.

  • 4Conseil où se traitent les affaires générales de l'État. Le cabinet des Tuileries, le gouvernement français. Le cabinet de Saint-James, le gouvernement anglais. La politique des cabinets européens. Les secrets du cabinet. Ce furent bien le cabinet et les favoris qui établirent ce crime, Montesquieu, Espr. XII, 8. La base des conversations des nouvellistes est une curiosité frivole et ridicule ; il n'y a point de cabinet si mystérieux qu'ils ne prétendent pénétrer, Montesquieu, Lett. pers. 130. Je ne suis pas ici un historien qui doit vous développer le secret des cabinets ni l'ordre des batailles ni l'intérêt des partis, Bossuet, Reine d'Anglet.

    Tenir cabinet, tenir conseil. On tenait cabinet mal à propos, l'on donnait des rendez-vous sans sujet, Retz, II, 65.

    Les membres du conseil. Le cabinet tout entier donna sa démission. Une partie du cabinet fut changée.

  • 5Cabinet de lecture, lieu où on lit, moyennant rétribution, des journaux et des livres.
  • 6Lieu où l'on expose des objets d'étude et de curiosité. Cabinet de tableaux, d'anatomie. Le cabinet d'histoire naturelle, au jardin des Plantes. Mon cerveau est comme un cabinet dont les tableaux se remueraient, Fénelon, Exist. 48. C'est pour l'incrédule qu'on a formé ces cabinets où la mort est le démonstrateur, Chateaubriand, Génie, III, II, 2.

    Les collections exposées dans un cabinet. Il fait, il forme un cabinet. Il a un riche cabinet. Cabinet de physique, collection d'instruments de physique. Et si j'étais homme à cabinet, ne doutez pas que ce n'en fût la plus riche pièce, Guez de Balzac, Livre VII, 35. On lui confia le soin de mettre en ordre la bibliothèque publique et le cabinet des médailles, Condorcet, Haller. Comme il est important, dans ces expériences, de connaître l'origine des matières qu'on soumet à l'analyse, on est obligé d'indiquer le cabinet d'où elles sont tirées, Condorcet, Bucquet.

  • 7Petit lieu couvert dans un jardin. Cabinet de verdure.
  • 8Anciennement, lieu de réunion, ruelle. Souvenez-vous de ces cabinets où l'esprit se purifiait, Fléchier, Mont. Il ne fournit rien au cabinet ni aux nouvellistes, La Bruyère, 9. La place, madame, que vous me laissez prendre quelquefois dans votre cabinet, Voiture, Lettr. 72.
  • 9Anciennement, buffet à plusieurs compartiments. Cabinet d'orgue, l'armoire qui renferme un orgue. Il lui envoya un cabinet de lacque et plusieurs bijoux, Rousseau, Hél. VI, 14. Cabinets d'ébène et autres enrichis de cuivre doré, peinture, broderie, payeront à l'estimation à raison de six pour cent de leur valeur, Ordonn. de 1680. Les dames… lisant leurs beaux écrits… Les ont au cabinet sous le chevet du lit, Régnier, Sat. II. Franchement il [votre sonnet] est bon à mettre au cabinet [c'est-à-dire à être gardé en portefeuille, non publié], Molière, Misanthr. I, 2.

HISTORIQUE

XVIe s. Sur le gazon et sous les verts sapins, Sous cabinets tout fleuris d'aubepins, Pour reposer Diane s'estoit mise, Marguerite de Navarre, dans JAUBERT, Glossaire. Toutes les salles, chambres et cabinetz estoyent tapissez en diverses sortes, Rabelais, Garg. I, 55. Ce n'est rien de nouveau que de faire des cabinets d'hommeaux [ormeaux] ou autres arbres, Palissy, 63. Claribel, visitant et furetant ses coffres, boites et cabinets, trouva ce qu'il ne cherchait pas, Yver, p. 640. Davantage, il y en eut de la cour propre, tant hommes que femmes, qui quelquefois desrobent des paroles du cabinet, qui manderent à leurs parens et amis que…, Lanoue, p. 636. Quel est son soulas, sinon de se veautrer dans les salles de Bacchus et dans les cabinets de Venus ? Lanoue, p. 512. Quelquefois nous entrons dans le grand cabinet, dans la foule de quelque grand, D'Aubigné, Faen. I, 4. Elle me donna assignation dans le cabinet d'un grand jardin, D'Aubigné, ib. II, 15. Il facha bien au jeune ecolier de quiter un cabinet de livres couverts bien proprement et autres meubles, D'Aubigné, Vie, V. La memoire est un cabinet de tout ce que nous apprenons et voyons, Paré, XVIII, 11. Ung petit cabinet faict en façon d'aumoires, De Laborde, Émaux, p. 180. À Pierre Rossert, libraire demeurant à Paris, cinquante et une livres cinq sols tournoys, pour ung cabinet de cuir doré, à ouvrage moresque, De Laborde, ib. Et y a chez lui tant de cabinets et d'arriere boutiques, dont il sort tantost homme, tantost satyre, Charron, Sagesse, I, 40.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CABINET. Ajoutez :
10Cabinet d'eau, dans l'établissement de certaines roues hydrauliques, conduit fermé par lequel passe l'eau de la chute avant d'arriver sur la roue.
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Encyclopédie, 1re édition (1751)

CABINET, s. m. (Architect.) sous ce nom on peut entendre les pieces destinées à l’étude, ou dans lesquelles l’on traite d’affaires particulieres, ou qui contiennent ce que l’on a de plus précieux en tableaux, en bronzes, livres, curiosités, &c. On appelle aussi cabinet, les pieces où les dames font leur toilette, leur oratoire, leur méridienne, ou autres qu’elles destinent à des occupations qui demandent du recueillement & de la solitude. On appelle cabinet d’aisance, le lieu où sont placées les commodités, connues aujourd’hui sous le nom de lieux à soupape.

Les premieres especes de cabinets doivent être pour plus de décence, placés devant les chambres à coucher & non après, n’étant pas convenable que les étrangers passent par la chambre à coucher du maitre pour arriver au cabinet, cette derniere piece chez un homme d’un certain rang, lui servant à conférer d’affaires particulieres avec ceux que son état ou sa dignité amenent chez lui ; par ce moyen le maître, au sortir du lit, peut aller recevoir ses visites, parler d’affaires sans être interrompu par les domestiques, qui pendant son absence entrent dans la chambre à coucher par des dégagemens particuliers, & y font leur devoir, sans entrer dans le lieu qu’habitent les maîtres, à moins qu’on ne les y appelle. Je parle ici d’un cabinet faisant partie d’un appartement destiné à un très-grand seigneur, à qui pour lors il faut plusieurs de ces pieces, qui empruntent leur nom de leurs différens usages, ainsi que nous venons de le dire ci-dessus. On a une piece qu’on appelle le grand cabinet de l’appartement du maître ; elle est consacrée à l’usage dont nous venons de parler ; c’est dans son cabinet paré qu’il rassemble ce qu’il a de tableaux ou de curiosités ; son arriere-cabinet contient ses livres, son bureau, & c’est là qu’il peut recevoir en particulier, à la faveur des dégagemens qui l’environnent, les personnes de distinction qui demandent de la préférence : un autre lui sert de serre-papiers, c’est là que sont conservés sous sa main & en sûreté ses titres, ses contracts, son argent : enfin il y en a un destiné à lui servir de garde-robe & à contenir des lieux à soupape, où il entre par sa chambre à coucher, & les domestiques par un dégagement. Ce detail nous a paru nécessaire.

Il y a encore d’autres cabinets ; on en a un du côté de l’appartement de société, qui a ses usages particuliers ; il peut servir pour un concert vocal ; les lieux pour les concerts composés de beaucoup d’instrumens devant être plus spacieux, alors on les appelle salle de concert ; dans ce même cabinet on peut tenir jeu, pendant que la salle d’assemblée, qui est à côté, serviroit ainsi que celle de compagnie, à recevoir une plus nombreuse société. Un petit sallon peut aussi servir de cabinet au même usage : mais sa forme elliptique, la maniere dont il est plafonné, & principalement les pieces qui l’environnent, lui ont fait donner le nom de sallon, pendant que la piece qui lui est opposée peut recevoir le nom de cabinet, par rapport à l’appartement dont elle fait partie ; cependant il faut avoüer qu’il est, pour ainsi dire, des formes consacrées à l’usage de chaque piece en particulier : par exemple, il semble que les cabinets destinés aux affaires ou à l’étude, doivent être de forme réguliere, à cause de la quantité des meubles qu’ils sont obligés de contenir, au lieu que ceux de concerts, de bijoux, de toilette, & autres de cette espece, peuvent être irréguliers : il faut sur-tout que la décoration des uns & des autres soit relative à leur usage, c’est-à-dire qu’on observe de la gravité dans l’ordonnance des cabinets d’affaires ou d’étude ; de la simplicité dans ceux que l’on décore de tableaux ; & de la légereté, de l’élegance, & de la richesse, dans ceux destinés à la société, sans que pour cela on use de trop de licence.

Il n’y a personne qui ne sente la nécessité qu’il y a de faire précéder les chambres à coucher par les cabinets, sur-tout dans les appartemens qui ne sont composés que d’un petit nombre de pieces.

On appelle aussi cabinets, certains meubles en forme d’armoire, faits de marqueterie, de pieces de rapport & de bronze, servant à serrer des médailles, des bijoux, &c. Ces cabinets étoient fort en usage dans le dernier siecle : mais comme ils ne laissoient pas d’occuper un espace assez considérable dans l’intérieur des appartemens, on les y a supprimés. Il s’en voit encore cependant quelques-uns dans nos anciens hôtels, exécutés par Boule, ébeniste du roi, ainsi que des bureaux, des secrétaires, serre-papiers, bibliotheques, &c. dont l’exécution est admirable, & d’une beauté fort au-dessus de ceux qu’on fait aujourd’hui.

On appelle aussi cabinets, de petits bâtimens isolés en forme de pavillons, que l’on place à l’extrémité de quelque grande allée, dans un parc, sur une terrasse ou sur un lieu éminent ; mais leur forme étant presque toûjours sphérique, elliptique ou à pans couverts, en calotte, & souvent percés à jour, le nom de sallons leur convient davantage ; & lorsque ces pieces sont accompagnées de quelques autres, comme de vestibules, d’anti-chambres, garde-robes, &c. on les nomme belvederes. Voyez Belvedere.

On appelle cabinets de treillage, de petits sallons quarrés, ronds, ou à pans, composés de barreaux de fer maillé d’échalats peints en verd, tels qu’il s’en voit un à Clagny, d’un dessein & d’une élégance très estimable, & plusieurs à Chantilly, d’une distribution très-ingénieuse. (P)

Cabinet d’Histoire naturelle. Le mot cabinet doit être pris ici dans une acception bien différente de l’ordinaire, puisqu’un cabinet d’Histoire naturelle est ordinairement composé de plusieurs pieces & ne peut être trop étendu ; la plus grande salle ou plutôt le plus grand appartement, ne seroit pas un espace trop grand pour contenir des collections en tout genre des différentes productions de la nature : en effet, quel immense & merveilleux assemblage ! comment même se faire une idée juste du spectacle que nous présenteroient toutes les sortes d’animaux, de végétaux, & de minéraux, si elles étoient rassemblées dans un même lieu, & vûes, pour ainsi dire, d’un coup d’œil ? ce tableau varié par des nuances à l’infini, ne peut être rendu par aucune autre expression, que par les objets mêmes dont il est composé : un cabinet d’Histoire naturelle est donc un abregé de la nature entiere.

Nous ne savons pas si les anciens ont fait des cabinets d’Histoire naturelle. S’il y en a jamais eu un seul, il aura été établi chez les Grecs, ordonné par Alexandre, & formé par Aristote. Ce fameux naturaliste voulant traiter son objet avec toutes les vûes d’un grand philosophe, obtint de la magnificence d’Alexandre des sommes très-considérables, & il les employa à rassembler des animaux de toute espece, & à les faire venir de toutes les parties du monde connu. Ses livres sur le regne animal, prouvent qu’il avoit observé presque tous les animaux dans un grand détail, & ne permettent pas de douter qu’il n’eût une ménagerie très-complette à sa disposition, ce qui fait le meilleur cabinet que l’on puisse avoir pour l’histoire des animaux. D’ailleurs les dépouilles de tant d’animaux, & leurs différentes parties disséquées, étoient plus que suffisantes pour faire un très-riche cabinet d’Histoire naturelle dans cette partie ; car on ne peut pas douter qu’Aristote n’ait disséqué les animaux avec soin, puisqu’il nous a laissé des résultats d’observations anatomiques, & qu’il a attribué à certaines especes des qualités particulieres, dont elles sont doüées à l’exclusion de toute autre espece. Pour tirer de pareilles conséquences, il faut avoir, pour ainsi dire, tout vû. Si nous sommes quelquefois tentés de les croire hasardées, ce n’est peut-être que parce que les connoissances que l’on a acquises sur les animaux depuis la renaissance des lettres, ne sont pas encore assez étendues, & que les plus grandes collections d’animaux que l’on a faites sont trop imparfaites en comparaison de celles d’Aristote.

La science de l’Histoire naturelle fait des progrès à proportion que les cabinets se completent ; l’édifice ne s’éleve que par les matériaux que l’on y employe, & l’on ne peut avoir un tout que lorsqu’on a mis ensemble toutes les parties dont il doit être composé. Ce n’a guere été que dans ce siecle que l’on s’est appliqué à l’étude de l’Histoire naturelle avec assez d’ardeur & de succès pour marcher à grands pas dans cette carriere. C’est aussi à notre siecle que l’on rapportera le commencement des établissemens les plus dignes du nom de cabinet d’Histoire naturelle.

Celui du jardin du Roi est un des plus riches de l’Europe. Pour en donner une idée il suffira de faire ici mention des collections dont il est composé, en suivant l’ordre des regnes.

Regne animal. Il y a au cabinet du Roi différens squeletes humains de tout âge, & une très-nombreuse collection d’os remarquables par des coupes, des fractures, des difformités, & des maladies : des pieces d’anatomie injectées & desséchées ; des fœtus de différens âges, & d’autres morceaux singuliers conservés dans des liqueurs : de très-belles pieces d’anatomie représentées en cire, en bois, &c. quelques parties de momies & des concrétions pierreuses tirées du corps humain. Voyez la description du cabinet du Roi, Hist. nat. tome III. Quantité de vêtemens, d’armes, d’ustenciles de sauvages, &c. apportés de l’Amérique & d’autres parties du monde.

Par rapport aux quadrupedes, une très-grande suite de squeletes & d’autres pieces d’ostéologie, & quantité d’animaux & de parties d’animaux conservées dans des liqueurs, des peaux empaillées, une collection de toutes les cornes des quadrupedes, des bézoards, des égagropiles, &c.

De très-beaux squeletes des oiseaux les plus gros & les plus rares ; des oiseaux entiers conservés dans des liqueurs, & d’autres empaillés, &c.

Une nombreuse collection de poissons de mer & d’eau douce desséchés ou conservés dans des liqueurs.

Un très-grand nombre d’especes différentes de serpens, de lésards, &c. recueillis de toutes les parties du monde.

Une très-grande suite de coquilles, de crustacées, &c.

Enfin quantité d’insectes de terre & d’eau, entr’autres une suite de papillons presque complette, & une très-grande collection de fausses plantes marines de toutes especes.

Regne végétal. Des herbiers très-complets faits par M. de Tournefort & par M. Vaillant ; de nombreuses suites de racines, d’écorces de bois, de semences & de fruits de plantes ; une collection presqu’entiere de gommes, de résines, de baumes, & d’autres sucs de végétaux.

Regne minéral. Des collections de terres, de pierres communes & de pierres figurées, de pétrifications, d’incrustations, de résidus pierreux, & de stalactites : une très-belle suite de cailloux, de pierres fines, brutes, polies, façonnées en plaques, taillées en vases, &c. & de pierres précieuses, de crystaux ; toutes sortes de sels & de bitumes, de matieres minérales & fossiles, de demi-métaux & de métaux. Enfin une très-nombreuse collection de minéraux du royaume, & de toutes les parties de l’Europe, surtout des pays du nord, des autres parties du monde, & principalement de l’Amérique.

Toutes ces collections sont rangées par ordre méthodique, & distribuées de la façon la plus favorable à l’étude de l’Histoire naturelle. Chaque individu porte sa dénomination, & le tout est placé sous des glaces avec des étiquettes, ou disposé de la maniere la plus convénable. (I)

* Pour former un cabinet d’Histoire naturelle, il ne suffit pas de rassembler sans choix, & d’entasser sans ordre & sans goût, tous les objets d’Histoire naturelle que l’on rencontre ; il faut savoir distinguer ce qui mérite d’être gardé de ce qu’il faut rejetter, & donner à chaque chose un arrangement convenable. L’ordre d’un cabinet ne peut être celui de la nature ; la nature affecte par-tout un desordre sublime. De quelque côté que nous l’envisagions, ce sont des masses qui nous transportent d’admiration, des groupes qui se font valoir de la maniere la plus surprenante. Mais un cabinet d’Histoire naturelle est fait pour instruire ; c’est-là que nous devons trouver en detail & par ordre, ce que l’univers nous présente en bloc. Il s’agit d’y exposer les thrésors de la nature selon quelque distribution relative, soit au plus ou moins d’importance des êtres, soit à l’intérêt que nous y devons prendre, soit à d’autres considérations moins savantes & plus raisonnables peut-être, entre lesquelles il faut préférer celles qui donnent un arrangement qui plait aux gens de goût, qui intéresse les curieux, qui instruit les amateurs, & qui inspire des vûes aux savans. Mais satisfaire à ces différens objets, sans les sacrifier trop les uns aux autres ; accorder aux distributions scientifiques autant qu’il faut, sans s’éloigner des voies de la nature, n’est pas une entreprise facile ; & entre tant de cabinets d’Histoire naturelle formés en Europe, s’il doit y en avoir de bien rangés, il doit aussi y en avoir beaucoup d’autres qui peut-être auront le mérite de la richesse, mais qui n’auront pas celui de l’ordre. Cependant qu’est-ce qu’une collection d’êtres naturels sans le mérite de l’ordre ? A quoi bon avoir rassemblé dans des édifices, à grande peine & à grands frais, une multitude de productions, pour me les offrir confondues pêle-mêle & sans aucun égard, soit à la nature des choses, soit aux principes de l’histoire naturelle ? « Je dirois volontiers à ces Naturalistes qui n’ont ni gout ni génie : Renvoyez toutes vos coquilles à la mer ; rendez à la terre ses plantes & son engrais, & nettoyez vos appartemens de cette foule de cadavres, d’oiseaux, de poissons, & d’insectes, si vous n’en pouvez faire qu’un chaos où je n’apperçois rien de distinct, qu’un amas où les objets épars ou entassés ne me donnent aucune idée nette & précise. Vous ne savez pas faire valoir l’opulence de la nature, & sa richesse dépérit entre vos mains. Restez au fond de la carriere, taillez des pierres ; mais laissez à d’autres le soin d’ordonner l’édifice ». Qu’on pardonne cette sortie au regret que j’ai de savoir dans des cabinets, même célebres, les productions de la nature les plus prétieuses, jettées comme dans un puits : on accourt sur les bords de ce puits, vous y suivez la foule, vous cherchez à percer les ténebres qui couvrent tant de raretés ; mais elles sont trop épaisses, vous vous fatiguez envain, & vous ne remporterez que le chagrin d’être privé de tant de richesses, soit par l’indolence de celui qui les possede, soit par la négligence de ceux à qui le soin en est confié.

Nous n’aurions jamais fait, si nous entreprenions la critique ou l’éloge de toutes les collections d’Histoire naturelle qui sont en Europe ; nous nous arrêterons seulement à la plus florissante de toutes, je veux dire le cabinet du Roi. Il me semble qu’on n’a rien négligé, soit pour faire valoir, soit pour rendre utile ce qu’il renferme. Il a commencé dès sa naissance à intéresser le public par sa propreté & par son élegance : on a pris dans la suite tant de soins pour le compléter, que les acquisitions qu’il a faites en tout genre, sont surprenantes, sur-tout si on les compare avec le peu d’années que l’on compte depuis son institution. Les choses les plus belles & les plus rares y ont afflué de tous les coins du monde ; & elles y ont heureusement rencontré des mains capables de les réunir avec tant de convenance, & de les mettre ensemble avec tant d’ordre, qu’on n’auroit aucune peine à y rendre à la nature un compte clair & fidele de ses richesses. Un établissement si considérable & si bien conduit, ne pouvoit manquer d’avoir de la célébrité, & d’attirer des spectateurs ; aussi il en vient de tous états, de toutes nations, & en si grand nombre, que dans la belle saison, lorsque le mauvais tems n’empêche pas de rester dans les salles du cabinet, leur espace y suffit à peine. On y reçoit douze à quinze cents personnes toutes les semaines : l’accès en est facile ; chacun peut à son gré s’y introduire, s’amuser, ou s’instruire. Les productions de la nature y sont exposées sans fard, & sans autre apprêt que celui que le bon goût, l’élegance, & la connoissance des objets devoient suggérer : on y répond avec complaisance aux questions qui ont du rapport à l’Histoire naturelle. La pédanterie qui choque les honnêtes gens, & la charlatanerie qui retarde les progrès de la science, sont loin de ce sanctuaire : on y a senti par une impulsion particuliere aux ames d’un certain ordre, quelle bassesse ce seroit à des particuliers qui auroient quelques collections d’Histoire naturelle, de prétendre s’en faire un mérite réel, & de travailler à enfler ce mérite, soit en les étalant avec faste, soit en les vantant au-delà de leur juste prix, soit en mettant du mystere dans de petites pratiques qu’il est toûjours assez facile de trouver, lorsqu’on veut se donner la peine de les chercher. On a senti qu’une telle conduite s’accorderoit moins encore avec un grand établissement, où l’on ne doit avoir d’autres vûes que le bien de l’établissement, où en rendant le public témoin des procédés qu’on suit, on en tire de nouvelles lumieres, & l’on répand le goût des mêmes occupations. C’est le but que M. d’Aubenton, garde & démonstrateur du cabinet du Roi, s’est proposé, & dans son travail au cabinet même qu’il a mis en un si bel ordre, & dans la description qu’on en trouve dans l’Histoire naturelle. Nous ne pouvons mieux faire que d’insérer ici ses observations sur la maniere de ranger & d’entretenir en général un cabinet d’Histoire naturelle ; elles ne sont point au-dessous d’un aussi grand objet.

« L’arrangement, dit M. d’Aubenton, le plus favorable à l’étude de l’Histoire naturelle, seroit l’ordre méthodique qui distribue les choses qu’elle comprend, en classes, en genres, & en especes ; ainsi les animaux, les végétaux, & les minéraux, seroient exactement séparés les uns des autres ; chaque regne auroit un quartier à part. Le même ordre subsisteroit entre les genres & les especes ; on placeroit les individus d’une même espece les uns auprès des autres, sans qu’il fût jamais permis de les éloigner. On verroit les especes dans leurs genres, & les genres dans leurs classes. Tel est l’arrangement qu’indiquent les principes qu’on a imaginés pour faciliter l’étude de l’Histoire naturelle ; tel est l’ordre qui seul peut les réaliser. Tout en effet y devient instructif ; à chaque coup d’œil, non-seulement on prend une connoissance réelle de l’objet que l’on considere, mais on y découvre encore les rapports qu’il peut avoir avec ceux qui l’environnent. Les ressemblances indiquent le genre, les différences marquent l’espece ; ces caracteres plus ou moins ressemblans, plus ou moins différens, & tous comparés ensemble, présentent à l’esprit & gravent dans la mémoire l’image de la nature. En la suivant ainsi dans les variétés de ses productions, on passe insensiblement d’un regne à un autre ; les dégradations nous préparent peu à peu à ce grand changement, qui n’est sensible dans son entier que par la comparaison des deux extrèmes. Les objets de l’Histoire naturelle étant présentés dans cet ordre, nous occupent assez pour nous intéresser par leurs rapports, sans nous fatiguer, & même sans nous donner le dégoût qui vient ordinairement de la confusion & du desordre.

» Cet arrangement paroît si avantageux, que l’on devroit naturellement s’attendre à le voir dans tous les cabinets ; cependant il n’y en a aucun où l’on ait pû le suivre exactement. Il y a des especes & même des individus qui, quoique dépendans du même genre & de la même espece, sont si disproportionnés pour le volume, que l’on ne peut pas les mettre les uns à côté des autres ; il en est de même pour les genres, & quelquefois aussi pour les classes. D’ailleurs on est souvent obligé d’interrompre l’ordre des suites ; parce qu’on ne peut pas concilier l’arrangement de la méthode avec la convenance des places. Cet inconvénient arrive souvent, lorsque l’espace total n’est pas proportionné au nombre des choses qui composent les collections : mais cette irrégularité ne peut faire aucun obstacle à l’étude de l’Histoire naturelle : car il n’est pas possible de confondre les choses de différens regnes & de différentes classes ; ce n’est que dans le détail des genres & des especes, que la moindre équivoque peut causer une erreur.

» L’ordre méthodique qui, dans ce genre d’étude, plaît si fort à l’esprit, n’est presque jamais celui qui est le plus avantageux aux yeux. D’ailleurs, quoiqu’il ait bien des avantages, il ne laisse pas d’avoir plusieurs inconvéniens. On croit souvent connoître les choses, tandis que l’on n’en connoît que les numeros & les places : il est bon de s’éprouver quelquefois sur des collections, qui ne suivent que l’ordre de la symmétrie & du contraste. Le cabinet du Roi étoit assez abondant pour fournir à l’un & à l’autre de ces arrangemens ; ainsi dans chacun des genres qui en étoit susceptible, on a commencé par choisir une suite d’especes, & même de plusieurs individus, pour faire voir les variétés aussi bien que les especes constantes ; & on les a rangés méthodiquement par genres & par classes. Le surplus de chaque collection a été distribué dans les endroits qui ont paru le plus favorables, pour en faire un ensemble agréable à l’œil, & varié par la différence des formes & des couleurs. C’est-là que les objets les plus importans de l’Histoire naturelle sont présentés à leur avantage ; on peut les juger sans être contraint par l’ordre méthodique, parce qu’au moyen de cet arrangement, on ne s’occupe que des qualités réelles de l’individu, sans avoir égard aux caracteres arbitraires du genre & de l’espece. Si on avoit toûjours sous les yeux des suites rangées méthodiquement, il seroit à craindre qu’on ne se laissât prevenir par la methode, & qu’on ne vînt à négliger l’étude de la nature, pour se livrer à des conventions auxquelles elle n’a souvent que très-peu de part. Tout ce qu’on peut rassembler de ses productions, dans un cabinet d’Histoire naturelle, devroit y être distribué dans l’ordre qui approcheroit le plus de celui qu’elle suit, lorsqu’elle est en liberté. Quoique contrainte, on pourroit encore l’y reconnoître, après avoir rassemblé dans un petit espace des productions qui sont dispersées au loin sur la terre ; mais pour peu que ces objets soient nombreux, on se croit obligé d’en faire des classes, des genres & des especes, pour faciliter l’étude de leur histoire : ces principes arbitraires sont fautifs pour la plûpart ; ainsi il ne faut les suivre rangées méthodiquement, que comme des indices qui conduisent à observer la nature dans les collections où elle paroît, sans presqu’aucun autre apprêt que ceux qui peuvent la rendre agréable aux yeux. Les plus grands cabinets ne suffiroient pas, si on vouloit imiter scrupuleusement les dispositions & les progressions naturelles. On est donc obligé, afin d’éviter la confusion, d’employer un peu d’art, pour faire de la symmétrie ou du contraste.

» Tant qu’on augmente un cabinet d’Histoire naturelle, on n’y peut maintenir l’ordre qu’en déplaçant continuellement tout ce qui y est. Par exemple, lorsqu’on veut faire entrer dans une suite une espece qui y manque, si cette espece appartient au premier genre, il faut que tout le reste de la suite soit déplacé, pour que la nouvelle espece soit mise en son lieu..... Quoique ce genre d’occupation demande de l’attention, & qu’il emporte toûjours beaucoup de tems, ceux qui font des collections d’histoire naturelle ne doivent point le négliger : on ne le trouvera point ennuyeux ni même infructueux, si on joint au travail de la main l’esprit d’observation. On apprend toûjours quelque chose de nouveau en rangeant méthodiquement une collection ; car dans ce genre d’étude plus on voit, plus on sait. Les arrangemens qui ne sont faits que pour l’agrément, supposent aussi des tentatives inutiles ; ce n’est qu’après plusieurs combinaisons qu’on trouve un résultat satisfaisant dans les choses de goût : mais on est bien dédommagé de la peine qu’on a eue par le plaisir qu’on ressent, lorsqu’on croit avoir réussi. Ce qu’il y a de plus désagréable sont les soins que l’on est obligé de prendre pour conserver certaines pieces sujettes à un prompt dépérissement ; l’on ne peut être trop attentif à tout ce qui peut contribuer à leur conservation, parce que la moindre négligence peut être préjudiciable. Heureusement toutes les pieces d’un cabinet ne demandent pas autant de soins les unes que les autres, & toutes les saisons de l’année ne sont pas également critiques.

» Les minéraux en général ne demandent que d’être tenus proprement, & de façon qu’ils ne puissent pas se choquer les uns contre les autres ; il y en a seulement quelques-uns qui craignent l’humidité, comme les sels qui se fondent aisément, & les pyrites qui se fleurissent, c’est-à-dire qui tombent en poussiere. Mais les animaux & les végétaux sont plus ou moins sujets à la corruption. On ne peut la prévenir qu’en les desséchant le plus qu’il est possible, ou en les mettant dans des liqueurs préparées ; dans ce dernier cas, il faut empêcher que la liqueur ne s’évapore ou ne se corrompe. Les pieces qui sont desséchées demandent encore un plus grand soin ; les insectes qui y naissent & qui y trouvent leurs alimens, les détruisent dans l’intérieur avant qu’on les ait apperçûs. Il y a des vers, des scarabées, des teignes, des papillons, des mites, &c. qui s’établissent chacun dans les choses qui leur sont le plus convenables ; ils rongent les chairs, les cartilages, les peaux, les poils, & les plumes ; ils attaquent les plantes, quoique desséchées avec le plus grand soin ; on sait que le bois même peut être réduit en poudre par les vers : les papillons ne font pas autant de mal que les scarabées ; & il n’y a que ceux qui produisent les teignes qui soient nuisibles. Tous ces insectes pullulent en peu de tems, & leur génération est si abondante, que le nombre en deviendroit prodigieux, si on n’employoit pas différens moyens pour les détruire. La plupart de ces petits animaux commencent ordinairement à éclorre ou à se mettre en mouvement au mois d’Avril, lorsque le printems est chaud, ou au mois de Mai, lorsque la saison est plus tardive ; c’est alors qu’il faut tout visiter, & examiner si on n’appercevra pas la trace de ces insectes, qui est ordinairement marquée par une petite poussiere qu’ils font tomber des endroits où ils sont logés ; dans ce cas il y a déjà du mal de fait ; ils ont rongé quelque chose : ainsi on ne doit point perdre de tems, il faut travailler à les détruire. On doit observer ces petits animaux jusqu’à la fin de l’été ; dans ce tems il n’en reste plus que des œufs, ou bien ils sont arrêtés & engourdis par le froid. Voilà donc environ cinq mois pendant lesquels il faut veiller sans cesse ; mais aussi pendant le reste de l’année, on peut s’épargner ce soin.

» Il suffit en général de garantir l’intérieur d’un cabinet du trop grand froid, de la trop grande chaleur, & sur-tout de l’humidité. Si les animaux desséchés, particulierement ceux de la mer, qui restent toûjours imprégnés de sel marin, étoient exposés à l’air extérieur dans les grandes gelées, après avoir été imbibés de l’humidité des brouillards, des pluies, ou des dégels, ils seroient certainement altérés & décomposés en partie, par l’action de la gelée & par de si grands changemens de température. Aussi pendant la fin de l’automne & pendant tout l’hyver, on ne peut mieux faire que de tenir tous les cabinets bien fermés ; il ne faut pas craindre que l’air devienne mauvais pour n’avoir pas été renouvellé : il ne peut avoir de qualité plus nuisible que celle de l’humidité. D’ailleurs les salles des cabinets sont ordinairement assez grandes pour que l’air y circule aisément : au reste en choisissant un tems sec, on pourroit les ouvrir au milieu du jour. Pendant l’été on a moins à craindre de l’humidité : mais la chaleur produit de mauvais effets, qui sont la fermentation & la corruption. Plus l’air est chaud, plus les insectes sont vigoureux ; plus leur multiplication est facile & abondante, plus les ravages qu’ils font sont considérables : il faut donc parer les rayons du soleil par tous les moyens possibles, & ne jamais donner l’entrée à l’air du dehors, que lorsqu’il est plus frais que celui du dedans. Il seroit à souhaiter que les cabinets d’Histoire naturelle ne fussent ouverts que du côté du nord ; cette exposition est celle qui leur convient le mieux, pour les préserver de l’humidité de l’hyver, & des chaleurs de l’été.

» Enfin par rapport à la distribution & aux proportions de l’intérieur, comme les planchers ne doivent pas être fort élevés, on ne peut pas faire de très-grandes salles ; car si l’on veut décorer un cabinet avec le plus d’avantage, il faut meubler les murs dans toute leur hauteur, & garnir le platfond comme les murs, c’est le seul moyen de faire un ensemble qui ne soit point interrompu ; & même il y a des choses qui sont mieux en place étant suspendues que partout ailleurs. Mais si elles se trouvent trop élevées, on se fatigueroit inutilement à les regarder sans pouvoir les bien distinguer. En pareil cas, l’objet qu’on n’apperçoit qu’à demi, est toûjours celui qui pique le plus la curiosité : on ne peut guere voir un cabinet d’Histoire naturelle, sans une certaine application qui est déjà assez fatiguante ; quoique la plûpart de ceux qui y entrent, ne prétendent pas en faire une occupation sérieuse, cependant la multiplicité & la singularité des objets fixent leur attention.

» Par rapport à la maniere de placer & de présenter avantageusement les différentes pieces d’Histoire naturelle, je crois que l’on a toujours à choisir. Il y en a plusieurs qui peuvent être aussi convenables les unes que les autres pour le même objet ; c’est au bon goût à servir de regle ». M. d’Aubenton ne prétend entrer dans aucune discussion à cet égard ; il s’est contenté dans sa description du cabinet du Roi, de rapporter la façon dont les choses de différens genres y sont disposées, & en même tems les moyens de les conserver.

Me sera-t-il permis de finir cet article par l’exposition d’un projet qui ne seroit guere moins avantageux qu’honorable à la nation ? Ce seroit d’élever à la nature un temple qui fût digne d’elle. Je l’imagine composé de plusieurs corps de bâtimens proportionnés à la grandeur des êtres qu’ils devroient renfermer : celui du milieu seroit spatieux, immense, & destiné pour les monstres de la terre & de la mer : de quel étonnement ne seroit-on pas frappé à l’entrée de ce lieu habité par les crocodiles, les éléphans & les baleines ? On passeroit de-là dans d’autres salles contiguës les unes aux autres, où l’on verroit la nature dans toutes ses variétés & ses dégradations. On entreprend tous les jours des voyages dans les différens pays pour en admirer les raretés ; croit-on qu’un pareil édifice n’attireroit pas les hommes curieux de toutes les parties du monde, & qu’un étranger un peu lettré pût se résoudre à mourir, sans avoir vû une fois la nature dans son palais ? Quel spectacle que celui de tout ce que la main du tout-puissant a répandu sur la surface de la terre, exposé dans un seul endroit ! Si je pouvois juger du goût des autres hommes par le mien, il me semble que pour joüir de ce spectacle, personne ne regretteroit un voyage de cinq ou six cents lieues ; & tous les jours ne fait-on pas la moitié de ce chemin pour voir des morceaux de Raphael & de Michel-Ange ? Les millions qu’il en coûteroit à l’état pour un pareil établissement seroient payés plus d’une fois par la multitude des étrangers qu’il attireroit en tout tems. Si j’en crois l’histoire, le grand Colbert leur fit autrefois acquitter la magnificence d’une fête pompeuse, mais passagere. Quelle comparaison entre un carrousel & le projet dont il s’agit ? & quel tribut ne pourrions-nous pas en espérer de la curiosité de toutes les nations ?

Cabinets secrets, (Physique) sorte de cabinets dont la construction est telle que la voix de celui qui parle à un bout de la voûte, est entendue à l’autre bout : on voit un cabinet ou chambre de cette espece à l’Observatoire royal de Paris. Tout l’artifice de ces sortes de chambres consiste en ce que la muraille auprès de laquelle est placée la personne qui parle bas, soit unie & cintrée en ellipse ; l’arc circulaire pourroit aussi convenir, mais il seroit moins bon. Voici pourquoi les voutes elliptiques ont la propriété dont nous parlons. Si on imagine (fig. 16. n°. 3. Pneumatique.) une voute elliptique ACB, dont les deux foyers soient F & f, voyez Ellipse, & qu’une personne placée au point F parle tout aussi bas qu’on peut parler à l’oreille de quelqu’un, l’air poussé suivant les directions FD, FC, FO, &c. se réfléchira à l’autre foyer f par la propriété de l’ellipse qui est connue & démontrée en Géométrie ; d’où il s’ensuit qu’une personne qui auroit l’oreille à l’endroit f, doit entendre celui qui parle en F aussi distinctement que si elle en étoit tout proche.

Les endroits fameux par cette propriété étoient la prison de Denys à Syracuse, qui changeoit en un bruit considérable un simple chuchotement, & un claquement de mains en un coup très-violent ; l’aquéduc de Claude, qui portoit la voix, dit-on, jusqu’à seize milles ; & divers autres rapportés par Kircher dans sa Phonurgie.

Le cabinet de Denys à Syracuse étoit, dit-on, de forme parabolique ; Denys ayant l’oreille au foyer de la parabole, entendoit tout ce qu’on disoit en bas ; parce que c’est une propriété de la parabole, que toute action qui s’exerce suivant des lignes paralleles à l’axe, se réfléchit au foyer. Voyez Parabole & Foyer.

Ce qu’il y a de plus remarquable sur ce point, en Angleterre, c’est le dome de l’église de S. Paul de Londres, où le battement d’une montre se fait entendre d’un côté à l’autre, & où le moindre chuchotement semble faire le tour du dome. M. Derham dit que cela ne se remarque pas seulement dans la galerie d’en-bas, mais au-dessus dans la charpente où la voix d’une personne qui parle bas est portée on rond au-dessus de la tête jusqu’au sommet de la voute, quoique cette voute ait une grande ouverture dans la partie supérieure du dome.

Il y a encore à Glocester un lieu fameux dans ce genre, c’est la galerie qui est au-dessus de l’extrémité orientale du chœur, & qui va d’un bout à l’autre de l’église. Deux personnes qui parlent bas, peuvent s’entendre à la distance de 25 toises. Tous les phénomenes de ces différens lieux dépendent à peu-près des mêmes principes. Voyez Echo & Porte-voix. (O)

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Étymologie de « cabinet »

De cabine avec le suffixe -et.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Diminutif de cabine ; génev. gabinet.

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Phonétique du mot « cabinet »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
cabinet kabinɛ

Fréquence d'apparition du mot « cabinet » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « cabinet »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « cabinet »

  • Enfermez-vous dans les cabinets pour dire votre chapelet et, si vous avez quinze ans, pour fumer des cigares.
    Francis Picabia
  • Aujourd'hui, l'instruction ne se fait pas dans le cabinet du juge, mais sur la place publique ou dans les bureaux de rédaction.
    Eugène Brieux — La robe rouge
  • L'ère de la reddition économique est finie. Nous allons mener une nouvelle révolution industrielle. Je vais mettre dans mon cabinet les plus grands tueurs que vous ayez jamais vus.
    Donald Trump — Le Figaro. 3 décembre 2016
  • L'homme qui entre dans le cabinet de toilette de sa femme est un philosophe ou un imbécile.
    Honoré de Balzac — Physiologie du mariage
  • Richement couvert de plaques d’ivoire et de cabochons de lapis-lazuli sur tous ses côtés, ce cabinet (ill. 2 et 3)…
    La Tribune de l'Art — Un cabinet d'Augsbourg en vente à Paris - La Tribune de l'Art
  • Gilles Bellaïche présente son cabinet d'expertise-comptable Financial.
    Nouvelles Publications — Financial, un cabinet d'expertise-comptable marseillais des cinq continents
  • Les feuilletons doivent être lus par petits bouts, aux cabinets.
    Jules Renard — Journal 1893 - 1898
  • Dentistes, kinés, orthodontistes, opticiens, ophtalmologues ont rouvert après le confinement. Mais quelles conditions pour avoir un rendez-vous ? Et se rendre au cabinet ? Votre cas est-il une urgence ? Guide.
    Réouverture dentistes, kinés, ophtalmologues : quelles conditions ?
  • Aller voir un voyant n'est pas plus néfaste que d'aller à la messe, à la mosquée ou même dans le cabinet d'un psy… c'est exactement la même chose.
    Dieudonné — Ciné Live - Avril 2001
  • Élisabeth Gay vient d’ouvrir son cabinet de naturopathie holistique à Nevers. 
    www.lejdc.fr — Une infirmière ouvre son cabinet de naturopathie à Nevers - Nevers (58000)
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Images d'illustration du mot « cabinet »

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Traductions du mot « cabinet »

Langue Traduction
Anglais cabinet
Espagnol gabinete
Italien studio
Allemand kabinett
Portugais gabinete
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Synonymes de « cabinet »

Source : synonymes de cabinet sur lebonsynonyme.fr

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Cabinet

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