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Avoir pignon sur rue : définition et origine de l’expression

Principalement employée pour désigner un commerce, l’expression « avoir pignon sur rue » est entrée dans la langue française il y a de cela plusieurs siècles, et s’utilisait plutôt pour décrire des habitations. 

Alors, pourquoi disons-nous « avoir pignon sur rue », et comment le sens de cette locution populaire a-t-il évolué jusqu’à la signification que nous lui connaissons aujourd’hui ? Réponses dans cet article sur l’origine, la définition et l’usage de la formule « avoir pignon sur rue ».

Définition de l’expression « avoir pignon sur rue »

Dans sa définition première, « avoir pignon sur rue » signifie posséder sa propre maison. On l’emploie généralement pour parler de la résidence d’un propriétaire, particulièrement si cette dernière est d’envergure — par exemple, lorsque quelqu’un détient un immeuble entier, une maison spacieuse ou bien un appartement meublé avec beaucoup de goût et de faste.

Par glissement du sens de l’expression, « avoir pignon sur rue » signifie aussi être à la tête d’un commerce ou d’une boutique, laquelle est présente physiquement et matériellement dans la rue, accessible au plus grand monde et souvent très appréciée dans le quartier. 

Par extension, dans la société moderne et dématérialisée dans laquelle nous vivons aujourd’hui, on oppose fréquemment les enseignes « avec pignon sur rue » et les boutiques entièrement en ligne, qui ne proposent pas de points de vente « physiques ».

Une dernière évolution de cette expression en retient l’idée de notoriété : au sens large et figuré, « avoir pignon sur rue », c’est être susceptible d’être reconnu dans la rue, ou bénéficier d’une situation financière et matérielle suffisamment confortable pour être connu et apprécié par ses pairs.

Origine de l’expression « avoir pignon sur rue »

À l’origine, le « pignon » est un élément architectural constitutif des maisons de ville. En effet, entre le XVe et le XVIIe siècle, les habitations comportaient en leur sommet un pignon de forme triangulaire, servant à soutenir la poutre principale de la charpente. 

Ce pignon pouvait être orienté côté cour ou bien côté rue. Dans ce dernier cas, il faisait donc partie intégrante de la façade. Celle-ci était décorée avec faste par les propriétaires les plus aisés, et de façon plus sommaire pour les propriétaires plus modestes.

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Aussi, on disait « avoir pignon sur rue » pour décrire ces maisons plus décorées, synonymes de richesse et de confort financier. C’est en ce sens qu’au XVIe siècle, l’expression évolue et commence à se rapporter aux propriétaires de biens de manière générale, ainsi qu’aux commerçants.

Aujourd’hui, la notion de richesse associée à cette expression a globalement disparu, et a laissé sa place à celle de notoriété, mais également de confiance et de stabilité : un propriétaire ou un commerçant qui a pignon sur rue est généralement considéré comme étant fiable et honnête.

Exemples de l’usage de l’expression « avoir pignon sur rue »

Souffrez, monsieur, qu’on vous salue,
C’est là ce qui s’appelle avoir pignon sur rue !

Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac

Et que dire de celui qui avait hérité un petit bien de famille, qui épousait pignon sur rue, ou qui tenait demeure de loisir sur la place de l’Église ?

Saint-John Perse, Vents

Plus d’embrouilles. Plus de combinaisons à la petite semaine. La stricte légalité. Vous avez compris, Chevreau ? À partir du moment où nos établissements ont pignon sur rue, il faut vivre dans la légalité. Cela va sans dire.

Patrick Modiano & Sempé, Catherine Certitude

Allons ! Je comprendrais ça d’enfants à la mamelle. Mais des hommes faits, avec pignons sur rues, des barbes, un ventre, vous n’en êtes plus à chercher votre lait les yeux fermés ! Voyons.

Jean Giono & Jean-Pierre Grenier, Le Cheval fou

Pignon sur rue et rognons velus voilà bien
Le triste sort de tout celui qui s’embourgeoise
Le mystère c’est qu’on sait pas comment ça vient
Mais un beau jour on s’aperçoit que l’on merdoise

Raymond Queneau, Le Chien à la mandoline

Délicieuse maison, n’est-ce pas ? Les deux têtes que vous voyez là sont celles d’esclaves nègres. Une enseigne. La maison appartenait à un vendeur d’esclaves. Ah on ne cachait pas son jeu, en ce temps-là. On avait du coffre, on disait « Voilà, j’ai pignon sur rue, je trafique des esclaves (…) »

Albert Camus, La Chute 

Point de pignon sur rue, pas même de domicile fixe. Il couchait sous les ponts de la métaphysique, à la belle étoile de la métaphysique. Il y avait en lui quelque chose du vaurien, du vagabond, quelque chose de l’homme des bois (mais ces yeux clairs ! Ces mains les plus belles du monde !), et du gardien de nuit et de l’homme de ronde et du guide dans les Châteaux, les Systèmes, du guide en Votre Propre Pensée.

Francis Ponge, Le Grand Recueil

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Nicolas Lafarge-Debeaupuis

Nicolas Lafarge-Debeaupuis

Nicolas Lafarge-Debeaupuis est rédacteur indépendant, et prête ses mots à différents médias et entreprises. Se décrivant volontiers comme « un geek avec une plume », il se sent dans son élément naturel lorsqu’il écrit sur des sites web tels que La langue française.

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