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Sucrer les fraises : définition et origine de l’expression

Si l’on dit de vous que vous « sucrez les fraises » au sens propre, cela signifie que vous êtes en train de saupoudrer de délicieux fruits rouges, en vue de préparer un dessert qui ravira à coup sûr les palais les plus gourmands. 

Mais si l’on s’amuse à remarquer que vous « sucrez les fraises » au sens figuré, on emploie alors une formule nettement moins agréable, qui laisse entendre que vous avez pris de l’âge et que celui-ci exerce sur vous une forte emprise.

Pour vous aider à faire la distinction entre ces deux emplois, nous vous expliquons dans cet article la définition de l’expression « sucrer les fraises », ainsi que l’origine de cette locution peu flatteuse.

Définition de l’expression « sucrer les fraises »

L’expression « sucrer les fraises » joue sur l’image d’une personne secouant une cuillère remplie de sucre au-dessus d’un bol de fraises : ce saupoudrage caractéristique est assimilé, par effet d’analogie, aux tremblements qui agitent entre autres les membres des personnes âgées.

Lorsqu’on dit de quelqu’un qu’il « sucre les fraises », cela implique donc, par le biais d’une plaisanterie de mauvais goût, qu’il est sujet aux spasmes, aux frissons et aux frémissements, ou de manière plus générale, qu’il manifeste des signes de vieillesse évidents, d’ordre physique ou mental.

De façon plus imagée encore, « sucrer les fraises » signifie être sénile, voire gâteux, et se trouver affaibli par les effets de l’âge. Comme vous l’aurez compris, cette expression de registre familier n’est pas véritablement destinée à la flatterie, et s’emploie plutôt pour une personne dont on veut se moquer ou que l’on souhaite diminuer.

Origine de l’expression « sucrer les fraises »

Une idée reçue attribue l’origine de l’expression « sucrer les fraises » à la collerette qui surmontait les vêtements des hommes au XVIe et au XVIIe siècle, portant également le nom de fraise. Selon la croyance populaire, les personnes âgées, lorsqu’elles se poudraient le visage, répandaient un peu de cette poudre sur leur fraise, faisant penser à du sucre dispersé sur des fruits.

Toutefois, l’origine de l’expression proviendrait bel et bien du geste consistant à sucrer les fraises – le fruit, cette fois-ci – qui évoque en effet le tremblement incontrôlable qui affecte certaines personnes âgées, en raison d’une maladie ou de problèmes de santé plus insidieux. 

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L’expression aurait été employée pour la première fois au XIXe siècle, mais on trouve ses premiers usages dans la littérature dès le début du XXe siècle. L’image, toujours aussi parlante, demeure utilisée de nos jours — sans doute au grand dam de nos aînés, dont on imagine qu’ils se passeraient bien de cette plaisanterie peu élogieuse !

Exemples de l’usage de l’expression « sucrer les fraises »

Depuis, tous les matins, en sucrant les fraises, ses mains tiraient hors de la bande Le Provençal du colonel Moutiers. Jusqu’à ce jour, rien ne s’était produit mais le tremblement de la chair, chez la Félicie, ne se calmait pour ainsi dire jamais, même pas entre les bras du grand Magne qui la coinçait dans tous les cagibis.

Pierre Magnan, Les courriers de la mort

Voilà Félicien qui se met à sucrer les fraises à pas trente ans d’âge, et son père, donc l’Achille Guérillot, un buveur aussi, ah oui, un buveur. Enfin, quoi, vous l’avez connu.

Marcel Aymé, Le Vin de Paris

Maintenant, voyez-moi, j’ai cinquante-quatre ans et plus bon à rien, forcément. J’ai lâché mon métier de plombier, je tremble de partout, regardez mes mains, je sucre les fraises, les jambes qui grelottent, elles pèsent comme du plomb et à chaque instant la tête qui s’en va. Comment expliquez-vous ça ?

Marcel Aymé, Le passe-muraille

J’avais compté sur leur couardise, et je ne m’étais pas trompé. Le marchand d’huile était depuis longtemps sous le couvert du bois (où il se serait bien gardé d’aller, s’il avait été honnête commerçant), le dindon était blanc comme un linge, claquait des dents et sucrait les fraises (…).

Jean Giono, Les récits de la demi-brigade

Ils me prennent tous pour un foutu cinglé, poursuivit Comell. Et je ne me lasse pas de voir leur stupéfaction quand on en arrive à la présentation des preuves, tout le bastringue démonté de A à Z. Y en a qui se mettent à hurler. D’autres, plus rares, qui tombent dans les pommes. La plupart se contentent de blêmir et d’allumer une cigarette en sucrant les fraises comme dans un roman policier. 

Steve Fisher, Vicky

Ils dorment, pas seulement l’âge, les tranquillisants. Et aussi le vin. Les vieux. Laure, elle, fera une petite vieille impeccable. Elle tiendra le coup très bien. Elle est increvable. Elle restera digne jusqu’au dernier souffle, alors que Gabriel, sûrement, finira gâteux, bredouillant, crachant sa soupe et sucrant les fraises. Vous croyez qu’on leur en file, des fraises, aux vieux, dans les hospices ?

Catherine Rihoit, Les petites annonces
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Nicolas Lafarge-Debeaupuis

Nicolas Lafarge-Debeaupuis

Nicolas Lafarge-Debeaupuis est rédacteur indépendant, et prête ses mots à différents médias et entreprises. Se décrivant volontiers comme « un geek avec une plume », il se sent dans son élément naturel lorsqu’il écrit sur des sites web tels que La langue française.

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