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Passer sous les fourches caudines : définition et origine de l’expression

Nous vous souhaitons de ne jamais avoir à passer sous les fourches caudines. Pourquoi ? Parce que, derrière cette expression au sens quelque peu abscons, se cache une réalité loin d’être agréable. Découvrez dans cet article les origines historiques de cette expression. Bonne lecture !

Définition de l’expression « passer sous les fourches caudines »

L’expression « passer sous les fourches caudines » fait référence, au sens propre, à une bataille rapportée par l’historien romain Tite-Live et qui s’est déroulée en 321 avant J.-C. entre les armées romaines et les Samnites, à l’issue de laquelle les Samnites humilièrent les Romains défaits.

Par la suite, l’expression « fourches caudines » fut comprise au sens figuré, par transposition du lieu géographique et de la fameuse bataille par le biais d’une métonymie. Aujourd’hui, elle se comprend donc au sens assez large de « vivre une situation désagréable ». Voici la définition qu’en donne le Cnrtl : « Subir des conditions dures ou humiliantes imposées par une personne ou une situation ».

Origine de l’expression « passer sous les fourches caudines »

C’est chose rare, mais satisfaisante : nous n’avons aucun doute sur l’origine de l’expression « passer sous les fourches caudines ». Comme évoquée plus haut, c’est la bataille des Fourches Caudines, ayant eu lieu au IVe siècle avant J.-C., qui a donné son nom à cette expression.  Le nom de la bataille vient elle-même du lieu dans lequel elle a pris place : Furculae Caudinae, un défilé situé à l’est du Caudium, une région située entre Capoue et Beneventum (Italie centrale).

Cette bataille est restée célèbre dans les récits populaires - preuve en est avec cette expression qui en est issue - pour l’humiliation subie par les Romains, défaits par les Samnites à l’issue du combat. Voyez plutôt : l’armée romaine, acculée dans le défilé, subit une défaite cuisante à laquelle les Samnites ajoutèrent un dernier affront : ils obligèrent tous les membres de la légion à passer sous le joug. Le joug était en quelque sorte l’ancêtre du limbo, voici comment le décrit le Larousse en ligne : « Chez les Romains, javelot attaché horizontalement sur deux autres fichés en terre, et sous lequel le vainqueur faisait passer, en signe de soumission, les chefs et les soldats de l'armée vaincue. »

Cette humiliation marqua tant les Romains qu’elle resta inscrite dans l’histoire romaine comme un épisode assez marquant pour que Tite-Live y consacre tout un chapitre, dans le livre IX de l’Histoire romaine :

On fixa ensuite le moment où seraient livrés les otages et où les légions, privées de leurs armes, passeraient sous le joug. (...) Tous courbèrent donc ainsi la tête sous le joug, et, ce qui était en quelque sorte plus accablant, passèrent sous les yeux des ennemis. Lorsqu'ils furent sortis du défilé, quoique, pareils à des hommes arrachés des enfers, il leur semblât voir la lumière pour la première fois, cette lumière même, leur découvrant à quel point était humiliant l'état de l'armée, leur fut plus insupportable que tous les genres de mort.

Tite-Live, Histoire romaine

Si l’événement remonte à l’Antiquité, l’utilisation de l’expression dans le langage courant est quant à lui plus difficile à dater. Sur le site des archives de la BnF, on trouve une première occurrence datée de 1793, dans Mémoires secrets et critiques des cours, des gouvernements, et des mœurs des principaux États de l'Italie, par un certain Joseph Gorani. Voici l’extrait :

Tout homme né avec une certaine fierté dans l'âme eût refusé de comparoître après une pareille sommation, mais Fantoni étoit un cadet fort pauvre il solicitoit un emploi, et pour l'obtenir il se fut soumis à passer sous les fourches caudines.

Joseph Gorani, Mémoires secrets et critiques des cours, des gouvernements, et des mœurs des principaux États de l'Italie

Ainsi, l’expression ne fait pas directement référence aux lances baissées des Samnites, comme on pourrait le penser, mais bien à un lieu géographique - qu’on a cependant aujourd’hui encore du mal à situer - et au nom d’une bataille. Morale de l’histoire ? N’humiliez jamais un perdant, il s’en souviendra… Même après plusieurs siècles.

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Exemples d’usage de l’expression « passer sous les fourches caudines »

L'armée romaine qui combattait les Samnites, avait failli rencontrer dans les forêts voisines du lac Averne de nouvelles Fourches caudines.

Michelet, Histoire romaine, 1831

Je vais faire un effort et tenter un emprunt; il faut enfin courber le front sous les fourches caudines de l'argent 

Balzac, Correspondances, 1839

Pour garder ce modeste poste, il avait dû passer sous les fourches caudines de Lacombe, le maire.

Van Der Meersch, Invasion 14, 1935

La victoire de François Mitterrand en 1981 avait souvent été vécue comme un retour de l'espérance au beau milieu de la tourmente économique; cinq ans plus tard, le gouvernement socialiste a dû se plier aux contraintes de la gestion et passer sous les fourches caudines de la rigueur. 

Alain Duhamel, Les Habits neufs de la politique, 1989

Mais je pense que nous n'en sommes pas encore réduits à passer ainsi sous les fourches caudines de MM. Gérault-Richard et consorts.

Proust, À la recherche du temps perdu

N'hésitez pas à compléter cet article si nécessaire et à ajouter vos réflexions sur cette expression française en commentaire.

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Violaine Epitalon

Violaine Epitalon

Violaine Epitalon est journaliste, titulaire d'un Master en lettres classiques et en littérature comparée et spécialisée en linguistique, philosophie antique et anecdotes abracadabrantesques.

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Commentaires

Mwalimu Bruno

Je dis tout simplement merci à tous ceux qui m'apprend des choses sur ce site. Je ne jamais eu un bon endroit pour apprendre comme celui-ci. J'ai déjà commencé à faire votre publicité parmi les jeunes de mon pays le Congo Kinshasa. En tout cas merci !

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Stokofish
Bonjour, un rapport avec la notion de"fourches patibulaires" et la forme de ces gibets ? Merci
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