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Remuer

Définitions de « remuer »

Trésor de la Langue Française informatisé

REMUER, verbe

I. − Empl. trans.
A. −
1. [Le compl. d'obj. dir. désigne un objet inerte isolé] Changer de position, de place. Synon. déplacer.Remuer une chaise, de la vaisselle, des pierres; lourd à remuer. Aussitôt toutes les gamines s'agitent comme si le feu était à leurs bas; on se pousse, on se pince, on remue les bancs, les livres tombent, nous les empilons dans nos grands tabliers (Colette,Cl. école, 1900, p. 48).C'était des braves petites bêtes (...) ils m'attendaient dans la soupente... Dès qu'ils m'entendaient remuer l'échelle... Ils roucoulaient double! (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 503).
En partic.
a) Remuer la terre. Transporter de la terre d'un endroit à un autre; en partic., ,,creuser et porter de la terre pour faire des retranchements`` (Ac. 1835-1935). Les Allemands avaient tant remué la terre autour de nous, que leurs tranchées touchaient presque nos redoutes, et qu'on aurait dit, du haut des remparts, une grande taupinière à perte de vue (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 124).Les Soviets ne pouvaient pas s'équiper en un an; il fallait remuer la terre, barrer des fleuves (Alain, Propos, 1935, p. 1264).
Remuer (la terre). (La) travailler pour (la) cultiver. Synon. retourner.Des champs fraîchement remués dont la terre était brune (Fromentin, Dominique, 1863, p. 26).
b) Remuer des documents, des papiers, etc. Manipuler des documents, des papiers pour faire une recherche. En remuant ses paperasses sur sa table, il rencontra la lettre d'Hussonnet (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 22).Les érudits ont remué les archives des familles et des paroisses, et sa vie désormais nous est assez bien connue (Guéhenno, Jean-Jacques, 1948, p. 43).
c) COMPTAB. Remuer un compte. Renvoyer un compte d'un folio à un autre (Dict. xxes.).
d) Vx. Remuer un enfant. ,,Le nettoyer et le changer de langes`` (Ac. 1835-1935).
2. [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose mobile autour d'un point, d'un axe, d'une chose] Faire osciller. Vent qui remue les branches. Les parterres de Saint-Cloud embaumaient; le souffle de la Seine remuait vaguement les feuilles (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 162).Quelqu'un remua le bouton de la serrure (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 670).
Expr. fig. Remuer le couteau dans la plaie. V. couteau A 2 d.
3. En partic. [Le compl. d'obj. dir. désigne une partie du corps] Mouvoir. Remuer les bras, la tête, les hanches, les lèvres; chien qui remue la queue. La mouche remua une aile frileuse, fléchit sur ses pattes, et s'envola (Camus, Exil et Roy., 1957, p. 1557):
1. − J'aimerais savoir qui était du jury. − Veux-tu que j'écrive à Largilier pour le lui demander? dit Christine, soucieuse de satisfaire ce caprice de malade (...). Augustin sourit, remua l'index de gauche à droite. Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 495.
Expr. N'avoir qu'à/ne pas remuer le (petit) doigt (v. ce mot I C 1). Ne remuer ni pied ni patte (v. patte1B 4). Remuer le cœur, l'estomac, les entrailles. Provoquer des nausées ou un sentiment de dégoût. L'horreur de la secousse molle dont l'omnibus leur avait remué les entrailles, en passant sur le corps (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 749).Le flot copieux de quelque valse viennoise (...) remue les estomacs et les cœurs (Ponge, Parti pris, 1942, p. 52).
B. −
1. [Le compl. d'obj. dir. désigne des objets mobiles, des éléments de petite dimension qui constituent un ensemble ou un fluide] Déplacer un ensemble d'éléments. Remuer du grain, la vase, des cendres; remuer des objets dans un tiroir. M. le baron de Chemillé (...) remuant les cailloux avec sa canne (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p. 12).Je remue l'eau, pour attirer le poisson (Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1316).Une grande pelle de bois, celle dont on se sert dans les greniers pour remuer le blé (Pesquidoux, Chez nous, 1923, p. 67).
P. anal. Et la cloche tintait longtemps (...) tantôt assourdie, tantôt rapprochée, au gré des souffles tièdes qui remuaient l'air (Loti, Rom. enf., 1890, p. 148).
En partic. Tourner et retourner (une boisson, une préparation, un aliment). Remuer une sauce, une vinaigrette; remuer un café (pour faire fondre le sucre); remuer la soupe. Maurice assaisonnait méticuleusement la salade et la remuait avec des spatules de bois (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 78):
2. Le forgeron fumait sa pipe, en regardant Gervaise tourner autour du malade. (...) il s'attendrissait à la voir verser de la tisane dans une tasse, remuer le sucre sans faire de bruit avec la cuiller. Zola, Assommoir, 1877, p. 486.
2. Au fig.
a) Loc. verb. fam. Remuer l'argent (à la pelle); remuer l'or/des capitaux/des millions, p. méton., des affaires. Disposer de capitaux importants et les faire travailler, brasser beaucoup d'affaires. Bientôt, remuant les capitaux à la pelle, il eut huit maisons sur les nouveaux boulevards (Zola, Curée, 1872, p. 419).Il remuait les millions et regardait aux centimes (A. France, Vie fleur, 1922, p. 514).
b) Loc. verb. Remuer la boue, la merde (vulg.), l'ordure. S'intéresser à des affaires louches, à des scandales ou les évoquer. Bah! ç'a été un moment, une folie... et puis tiens! Je t'en prie, ne me fais pas parler de ces choses... J'aurais peur de te salir en remuant toute cette boue devant toi (A. Daudet, Arlésienne, 1872, iii, 5etabl., 11, p. 430).
Proverbe, vulg. Plus on remue la merde, plus elle pue. V. merde I A.
c) [En parlant d'événements passés plus ou moins oubliés] Ressasser ou évoquer dans une conversation. Remuer des souvenirs. Dans cet accablement, toute la famille d'ailleurs, les yeux vagues, continuait à remuer les amertumes de son histoire. Jamais la chance ne leur avait souri (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 412).Je me suis revu dans l'avenue Victor Hugo, en 1908 ou 10, par une après-midi de mars, avec ma mère; mais à quoi bon remuer tout cela? On n'en tire aucun profit (Green, Journal, 1941, p. 162).
Loc. verb., vieilli. Remuer la cendre de qqn. Fouiller dans le passé, dans la vie de quelqu'un, pour juger ses actes. Il n'y a pas d'utilité à remuer la cendre des morts (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 353).« Toi?... son frère? » dit-elle simplement, avec un peu de surprise, − mais avec tant d'indifférence que j'en restai confondu. − Et je regrettais déjà d'être venu remuer cette cendre, pour n'y trouver que banalité et désenchantement (Loti, Mariage, 1882, p. 186).
C. − Au fig.
1. [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose abstr.] Mettre en mouvement, en branle. Synon. stimuler.Si l'on donne des citations, qu'on insiste sur Waterloo, qu'on fasse ressortir ce que ce livre a de national, qu'on remue la fibre française (Hugo, Corresp., 1862, p. 388).Paul la dévorait du regard, cherchant ce qu'il fallait faire pour éveiller son attention, pour remuer sa curiosité (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Sœurs, 1884, p. 1259).
En partic. Agiter, brasser. Remuer des paradoxes, des idées. Deux ou trois augures cherchaient pourquoi le catholicisme trouve plus que jamais audience dans la jeunesse la mieux instruite. Ils ne remuaient que les lieux communs (Alain, Propos, 1931, p. 1027).
2. [Le compl. d'obj. dir. désigne un ensemble de pers., ou un groupe hum.] Solliciter, pousser à agir. Remuer l'opinion, la société. Comprenez-vous l'embêtement d'être condamné pour immoralité? (...). J'ai remué pas mal de monde, mais je doute fort du succès (Flaub., Corresp., 1856, p. 214).C'est maintenant qu'elle allait pouvoir agir, remuer des gens. Elle venait de vendre quelques bijoux, de rassembler ses économies. Elle s'était abouchée enfin avec des agences sérieuses (Martin du G., Thib., Consult., 1928, p. 1095).
Expr. Remuer ciel et terre. V. ciel I B 1 b.
En partic., vieilli. Pousser à la révolte. Synon. agiter, soulever.Remuer des hommes. On remua les associations secrètes, on opéra le soulèvement de toute la population allemande (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 16).
3. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers. ou un ensemble de pers.] Ébranler quelqu'un sur le plan intellectuel ou émotionnel; émouvoir profondément. Synon. atteindre, ébranler, bouleverser, retourner.Remuer aux larmes. C'est à propos du Normandy, catastrophe qui a remué l'Angleterre pendant que la Haute-Cour absorbait la France (Hugo, Corresp., 1870, p. 247).Le visage est revenu l'autre soir avec une netteté effrayante me remuer jusqu'au cœur, me remuer à en pleurer (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1905, p. 20).
[P. méton. du compl. d'obj. dir.] Souvenir qui remue l'imagination, voix qui remue les cœurs. La sensibilité que montre un intrépide guerrier remue l'âme d'une façon toute nouvelle (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 26).Elle se tenait cachée derrière la porte, pour épier le babillage enfantin, qui lui remuait le cœur (Rolland, J.-Chr., Maison, 1909, p. 1057).
II. − Empl. intrans.
A. −
1. [Le suj. désigne un animé] Faire un ou plusieurs mouvements. Synon. bouger.Femme enceinte qui sent son enfant remuer. On l'entendait tousser, haleter et remuer au fond de ce trou (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Père Amable, 1886, p. 226).Et dans l'étable On entend remuer les bêtes dans la paille (Ch. Guérin, Cœur solit., 1904, p. 167).
[P. méton.; le suj. désigne une partie du corps] Épaules, lèvres, pieds qui remuent. Je ne déteste pas ça, ces petits nez qui remuent quand la bouche parle (Dumas fils, Fils natur., 1858, prol., 9, p. 49).Armand regardait la femme avec un attendrissement certain. Elle était jeune, et sa poitrine remuait quand elle chantait (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 108).
Expr. Ton nez remue! V. nez I D 2.
2. P. ext. [Le suj. désigne une pers.] Agir, s'agiter. Remuer d'émotion, d'impatience; il ne peut rester sans remuer. Ils ne savent échapper à l'ennui secret qui les ronge qu'en remuant toujours (Delécluze, Journal, 1824, p. 22).Nous avons des outils. Nous allons creuser le bout de la sape jusqu'à l'air libre, en nous relayant (...). J'aime mieux remuer que de me morfondre (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 22).
3. Au fig., vieilli. [Le suj. désigne un ensemble de pers. ou un groupe hum.] Se montrer actif, s'agiter; commencer à se soulever. De son côté l'opposition (...) remue afin d'avoir des places; elle se plaint; elle est hargneuse (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 519).
B. − [Le suj. désigne une chose] Être animé d'un mouvement alternatif, osciller. Synon. bouger.Dent de lait qui remue; blés qui remuent au vent. Les ailes de sa coiffe qui remuaient au vent (Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 389):
3. Que veux-tu, ma petite Fanny, il est comme ça... Et puis, il faut se rendre compte qu'il ne doit pas avoir beaucoup de temps pour écrire, et puis sur un bateau, c'est difficile; ça remue tout le temps, tu comprends... Pagnol, Fanny, 1932, I, 1ertabl., 14, p. 58.
III. − Empl. pronom. [Le suj. désigne une pers.]
A. − Faire des mouvements, se déplacer. Synon. bouger, se mouvoir.Avoir de la peine à se remuer; enfant qui ne cesse de se remuer. J'ai sur les reins une espèce de rhumatisme (...). Cela m'empêchera d'aller vous voir dimanche, car je me remue difficilement (Lamennais, Lettres Cottu, 1821, p. 113).Il commença de nouveau à l'épier avec méfiance (...). Elle se remua pour détourner son attention (Drieu La Roch., Rêv. bourg., 1937, p. 110).
[P. méton.] Je piochais le jardin, j'épluchais les légumes; et, elle, ses dix doigts ne se remuaient que pour arranger des chiffons! (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 97).
B. − Vieilli. Déménager. Je sais bien que j'ai ma chambre chez eux, et une chambre que m'envie le maître de la maison. Mais je suis si lâche pour me remuer maintenant et j'ai si peur de tomber malade chez les autres! (Goncourt, Journal, 1887, p. 677).
C. − Au fig., fam. Agir, faire des efforts pour atteindre un but. Synon. s'activer, se décarcasser (fam.), se démener, se dépenser.Allons, remue-toi! Quand vous vous êtes remué pour eux [les gens], vous croyez avoir tout fait. Vous vous trompez; il serait bien aimable de leur donner signe de vie quelquefois (Flaub., Corresp., 1846, p. 328).L'aîné casé, la mère se remue pour faire donner de l'instruction au second (Goncourt, Journal, 1875, p. 1078).
Prononc. et Orth.: [ʀ əmɥe], (il) remue [-my]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 « opérer un changement, changer » (Roland, éd. J. Bédier, 779: La rereguarde est jugee sur lui [Rollant]: N'avez baron qui jamais la remut); 2. a) déb. xiies. a remüers « de manière à changer, de rechange; en quantité » (Benedeit, St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 601); b) 1174-76 remuer sun abit « changer de vêtement » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 534); 3. 1130-40 « permuter » (Wace, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 1097); 4. ca 1213 remuer les plaies « en changer le pansement, les panser » (Faits des Romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, III, 18, § 25, p. 688, 21). B. Mettre en mouvement, agiter (quelque chose de mobile) 1. a) ca 1135 trans. ne remüer ne les mains ne les piez (Couronnement de Louis, éd. Y. Lepage, réd. AB, 1944); b) ca 1223 intrans. (Gautier de Coinci, Miracles, éd. Fr. K. Koenig, 1 Mir 11, 1866: Li cuers de joie me remue); 2. a) 1174-77 remuenz [en parlant de Renart] « en continuel mouvement, rapide, vif » (Renart, éd. M. Roques, 5980); b) α) ca 1200 remuant [En parlant d'un cheval] (Raimbert de Paris, Ogier le Danois, 11101 ds T.-L.); β) ca 1200 intrans. [id.] (Jean Bodel, Saisnes, éd. F. Menzel et E. Stengel, 1327: Chascuns monte el cheval, qui li saut et remue). C. Mettre en mouvement (un objet isolé) 1. une personne a) α) ca 1160 réfl. « se déplacer, se mettre en mouvement » (Eneas, 3194 ds T.-L.); 1176-81 intrans. sanz remüer (Chrétien de Troyes, Chevalier au lion, éd. M. Roques, 595); β) ca 1160 réfl. « s'en aller » (Eneas, 6226 ds T.-L.); b) ca 1165 trans. « repousser, chasser (l'ennemi) » (Benoît de Ste-Maure, op. cit., 8827, ibid.); c) ca 1213 fig. part. passé « issu de » dans le syntagme uns cosins remuez « un cousin issu [de germain] » (Faits des Romains, III, 17, § 4, p. 666, 21); 1265 coisin remué de germain (Livre de jostice et de plet, éd. Rapetti, II, VI, 19, p. 234); 2. un inanimé a) 1160-74 « déplacer, bouger » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 1246: A la charue apleiz soc et coutre lessa, Ne vout rienz remuer); 1421-23 milit. remuer les terres des bolvars (doc. Arch. Orléans ds Gdf. Compl.); b) ca 1213 remuer hostel « déménager » (Faits des Romains, I, 2, § 4, p. 656, 33); 1252 intrans. « id. » (Arch. Douai QQ, fol. XLIII v ods M. Tailliar, Rec. d'actes en lang. wal., Douai, 849, p. 207); ca 1283 (Livre Roisin, éd. R. Monier, § 92, p. 64), cf. remuer mesnage, v. remue-ménage. D. Mettre en mouvement, agiter les parties mobiles d'un ensemble 1. ca 1170 intrans. « bouillonner, être en effervescence » (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 3705: An tot le cors de li n'ot vainne Don ne li remuast li sans); 2. a) xiiies. trans. remuer la plume [de la coute] (Narcisse, éd. M. T. Thiry-Stassin et M. Tyssens, 197, var. ms. A); ca 1393 grains tribler et remuer (Ménagier de Paris, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p. 4, 25); b) xiiies. empl. abs. (Chrétien de Troyes, Chevalier au lion, 1187, var. mss A et P: Lors ont par tot cerchié et quis Et reverchié et remué, Si que tuit furent tressüé). E. fig. 1. « changer » a) 1174-78 intrans. « changer de conduite » (Étienne de Fougères, Livre des manières, éd. R. A. Lodge, 893); ca 1223 trans. changer son affaire « id. » (Gautier de Coinci, Miracles, 1 Mir 11, 1569); b) ca 1265 remuer les meurs et les us (Brunet Latin, Trésor, II, 40, éd. Fr. J. Carmody, p. 207); 2. 1176 trans. remuer son cuer « le déplacer, en changer le but, l'objet » (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 4476 : Ja nel [mon cuer] quier remuer, Einz voel qu'a son seignor remaingne); 3. a) ca 1200 intrans. « entrer, être en mouvement, en action » (Jean Bodel, op. cit., 1341: Don n'i ot si harde cui pansers ne remue); b) fin xves. réfl. soi remuer de + inf. « se mettre en branle pour; en mesure de » (Les franches repues de Fr. Villon ds Œuvres de Fr. Villon, éd. P. Lacroix, Paris, 1877, p. 216); 1668 se remuer empl. abs. « se mettre en branle, faire des efforts pour atteindre un but; réussir » (La Fontaine, Fables, VI, 18); c) 1588 trans. « mettre en branle, en alerte, agiter » remuer le ciel et la terre à la fois (Montaigne, Essais, III, 11, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 1025); 1671 remuer ciel et terre (Pomey); 4. ca 1270 trans. remüer le cuer [a aucun] « ébranler, troubler, émouvoir » (Richard le Beau, 2384 ds T.-L.); 1735-41 se sentir remuée jusqu'au fond de l'âme (Marivaux, Vie de Marianne, 4epart. ds Romans, éd. M. Arland, p. 221); 5. a) 1538, 10 juil. réfl. « être fomenté, tramé » (Calvin, Lettres, éd. J. Bonnet, t. 1, p. 10: Il se remue pour le present une afaire de merveilleuse consequence), cf. remuer mesnage, v. remue-ménage; b) α) 1607 intrans. « susciter le trouble, la sédition« (Hulsius d'apr. FEW t. 6, 2, p. 288b); 1653 (Vaugelas, Quinte Curce, IX, Paris, A. Courbé, p. 703; β) 1681 trans. « soulever, appeler à la révolte » remuer l'Orient (Bossuet, Hist. universelle, I, 9eépoque ds Œuvres, éd. Velat et Y. Champaillier, Paris, 1961, p. 715). Dér. de muer*; préf. re-*. Fréq. abs. littér.: 3 727. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 732, b) 6 461; xxes.: a) 7 675, b) 4 594.
DÉR.
Remuable, adj.a) [En parlant d'une chose] Que l'on peut remuer, déplacer. (Dict. xixeet xxes.). Meuble peu remuable. b) Au fig., vx. [En parlant d'une pers.] Qui peut s'émouvoir, capable d'être touché. Synon. sensible.Les erreurs que j'ai commises en politique sont venues de l'idée que les hommes étaient toujours remuables par la vérité, si elle leur était présentée avec force (Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 502). [ʀ əmɥabl̥]. 1resattest. a) ca 1265 « changeant, sujet à changement » (Brunet Latin, Trésor, I, 11, éd. Fr. J. Carmody, p. 26 [oppos. à parmanable], b) 1596 « que l'on peut mouvoir » (Hulsius, d'apr. FEW t. 6, 2, p. 289b), très rare jusqu'à 1834, Land., c) 1796 « susceptible d'être touché, ému par quelque chose » (Staël, De l'infl. des passions ds Œuvres, publiées par son fils, 1820-21, t. 3, p. 293, d'apr. B. W. Jasinski ds éd. Corresp., t. 1, 1, 1962, p. 58); de remuer, suff. -able*.

Wiktionnaire

Verbe - français

remuer \ʁə.mɥe\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se remuer)

  1. Mouvoir, déplacer.
    • Cette fois, je fermai les poings à m'enfoncer les ongles dans la paume. J'étais décidé à ne plus remuer les doigts. — (Henri Alleg, La Question, 1957)
    • Puisqu'il faut tout avouer, je descendrai en moi jusqu'au tréfonds, j'en remuerai la lie et j'en étalerai la pestilence. — (Jean Rogissart, Hurtebise aux griottes, L’Amitié par le livre, Blainville-sur-Mer, 1954, p. 48)
  2. (En particulier) Transporter de la terre d’un lieu à un autre.
    • En face, au bout d’une chaîne de collines, des terres remuées indiquaient le nouveau fort de Cormeilles. — (Guy de Maupassant, Une partie de campagne, dans La maison Tellier, 1891, réédition Le Livre de Poche, page 186)
    • Le déchaumage est donc une façon culturale légère, destinée, en remuant la couche superficielle du sol, à enterrer les mauvaises graines, pour qu'elles germent au plus vite. — (Les mauvaises herbes et leur destruction, dans Almanach de l'Agriculteur français - 1932, éditions La Terre nationale, page 86)
    • Il lui a fallu remuer beaucoup de terre pour faire ce jardin.
  3. (Figuré) (Familier) Poursuivre ou réveiller une affaire négligée, oubliée ou interrompue.
    • Si vous m’en croyez, vous ne remuerez pas cette affaire.
    • Ce n’est pas une chose à remuer en ce temps-ci.
  4. (Désuet) Nettoyer et changer les langes d'un enfant.
  5. Émouvoir, exciter un sentiment, un mouvement dans l’âme.
    • Les grands mouvements de l’éloquence remuent l’âme, le cœur.
    • Des paroles si touchantes remuèrent les juges, l’auditoire.
    • Puis, elle eut la chance de trouver la cruche, elle lava un verre qu’elle emplit ensuite jusqu’au bord, et qu’elle s’apprêtait à vider, lorsqu’un extraordinaire spectacle la remua à un tel point, qu’elle le posa près de ses gants, sans boire. — (Émile Zola, Le Docteur Pascal, G. Charpentier, 1893, chapitre IX)
  6. Agiter, mettre en mouvement, pousser à une entreprise, à la révolte.
    • Il remua le peuple.
    • Il remuait les esprits.
  7. (Intransitif) Faire un mouvement, bouger.
    • Ne remuez pas de là.
    • Il n’est pas mort, il remue encore.
    • Elle est grosse de cinq mois, elle a senti son enfant remuer.
    • Il y a du vent : les feuilles remuent.
  8. (Intransitif) (Figuré) (Familier) Agir, tenter quelque chose.
    • On ne vous conseille pas de remuer.
    • Si vous remuez, vous êtes perdu.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

REMUER. v. tr.
Mouvoir, déplacer. On a remué cette table, ce buffet. Ne remuez rien, tout est bien rangé. Il ne faut pas remuer le vin quand la vigne est en fleur. Remuer la tête, le bras, la main, le pied. Il est si las qu'il ne peut se remuer. La foule était si grande sur la place qu'on ne pouvait s'y remuer. Fig. et fam., Il ne remue ni pied ni patte, Il est sans mouvement. Il ne saurait remuer ni pied ni patte se dit d'une Personne qu'une grande faiblesse ou une grande lassitude empêche de marcher. Remuer de la terre, Transporter de la terre d'un lieu à un autre. Il lui a fallu remuer beaucoup de terre pour faire ce jardin. En termes de Fortification, Remuer la terre, Creuser et porter de la terre pour faire des retranchements. Partout où les Romains campaient, ils remuaient la terre et faisaient des retranchements. Fig. et fam., Remuer ciel et terre, Faire agir toutes sortes de ressorts, employer toutes sortes de moyens. Il a remué ciel et terre pour obtenir cet emploi, pour aider son ami. Fig. et fam., Remuer une affaire, Poursuivre ou réveiller une affaire négligée, oubliée ou interrompue. Si vous m'en croyez, vous ne remuerez pas cette affaire. Ce n'est pas une chose à remuer en ce temps-ci. Fig. et fam., Remuer beaucoup d'argent, Faire beaucoup d'affaires d'argent. Remuer l'argent à la pelle, Avoir beaucoup d'argent, être fort riche. Fig., Il ne faut pas remuer les cendres des morts, Il ne faut point rechercher leurs actions pour les blâmer, pour flétrir leur mémoire. Remuer un enfant se disait autrefois pour Le nettoyer et le changer de langes. Voyez REMUEUSE.

REMUER signifie, au figuré, Émouvoir, exciter quelque sentiment, quelque mouvement dans l'âme. Les grands mouvements de l'éloquence remuent l'âme, remuent le cœur. Des paroles si touchantes remuèrent les juges, l'auditoire. Il signifie aussi, figurément, Agiter, mettre en mouvement, pousser à quelque entreprise, à la révolte. Il remua le peuple. Il remuait les esprits. Il remua tout l'Orient.

REMUER s'emploie encore comme verbe intransitif et signifie Faire quelque mouvement, bouger. Ne remuez pas de là. Il n'est pas mort, il remue encore. Elle est grosse de cinq mois, elle a senti son enfant remuer. Il y a du vent : les feuilles remuent. Il signifie, figurément et familièrement, Agir, tenter quelque chose. On ne vous conseille pas de remuer. Si vous remuez, vous êtes perdu.

SE REMUER signifie encore Se donner du mouvement, faire des démarches, des efforts pour réussir à quelque chose. Quoi qu'on lui dise, il ne se remue pas. Il est si paresseux qu'il ne se remue pour rien. Il ne s'en remuera pas davantage pour cela. Remuez-vous un peu. Il s'est beaucoup remué pour cette affaire. Faire remuer les puissances, faire que les puissances se remuent, Faire agir les personnes qui ont l'autorité.

Littré (1872-1877)

REMUER (re-mu-é), je remuais, nous remuions, vous remuiez ; que je remue, que nous remuions, que vous remuiez v. a.
  • 1Changer une chose de place, la mouvoir. De ce que j'ai dans l'âme la volonté que ma main soit remuée, il arrive qu'elle l'est en effet au même moment, Bossuet, Connaiss. III, 2. Nous voulons parler ou chanter ; mais nous ne savons pas seulement quels muscles il faut remuer pour parler ou pour chanter, Malebranche, Rech. vér. V, 3. Les chiens, qui le sentent approcher [Télémaque], n'aboient point, mais remuent la queue ; ce qui fait voir à Ulysse que c'est quelqu'un de connaissance qui est sur le point d'entrer, Racine, Lett. à Boileau, 1693, dernière de l'année. Cousin, il faut ici remuer le gigot [danser], Regnard, le Bal, sc. XVII. Vous voyez que je suis bon Français ; je combats les Anglais à ma façon ; je suis comme Diogène qui remuait son tonneau, pendant que tout le monde se préparait à la guerre dans Athènes, Voltaire, Lett. Mme de Fontaine, 16 avr. 1756. Je voudrais, quand ma volonté remue mon bras ou ma jambe, découvrir le ressort par lequel ma volonté les remue ; car sûrement il y en a un, Voltaire, l'H. aux 40 écus, Mariage. L'Hébreu en riant répondit : Votre Grandeur resterait ici jusqu'à demain, que la pierre ne serait pas encore arrivée, elle est à plus de six milles d'ici, et il faudrait quinze hommes pour la remuer, Voltaire, Zadig, 10. Il ne faut pas une longue expérience pour sentir combien il est agréable d'agir par les mains d'autrui, et de n'avoir besoin que de remuer la langue pour faire mouvoir l'univers, Rousseau, Ém. I. Ordinairement les propriétaires confient la garde de leurs magasins à blé à un boulanger, qui se charge de remuer le blé, Genlis, Maison rust. t. III, p. 52, dans POUGENS. Je voulais voir [à Mycènes] jusqu'à la moindre pierre qu'avait pu remuer la main du roi des rois [Agamemnon], Chateaubriand, Itin. part. I.

    Fig. Remuer toutes les pierres, faire tous ses efforts. M. de Lauzun ne se lassait pas de remuer toutes les pierres pour se rapprocher de la cour, Saint-Simon, 108, 159.

    Familièrement. Remuer ses os, changer de résidence, voyager. Il ne faut point remuer ses vieux os, surtout les femmes, à moins que d'être ambassadrice, Sévigné, Lett. à Coulanges, 8 janv. 1690.

    Il ne remue ni pied ni patte, il est sans mouvement.

    Il ne saurait remuer ni pied ni patte, se dit d'un homme très faible ou très fatigué, et qui ne peut marcher.

    Fig. Il ne faut pas remuer la cendre des morts, il ne faut point rechercher leurs actions et attaquer leur mémoire. Et qu'ont fait tant d'auteurs pour remuer leur cendre ? Boileau, Sat. IX.

    Fig. Il ne faut point remuer l'ordure, il est des choses dont il n'est ni décent ni permis de parler.

    Fig. Plus on remue l'ordure, plus elle pue, il ne faut point parler d'une mauvaise action, il faut la laisser oublier.

    Fig. On a remué sa vaisselle, se disait d'un homme à qui on a envoyé les sergents qui l'ont saisi.

    Fig. Remuer les puces à un enfant, lui donner le fouet.

    Fig. et familièrement. Remuer beaucoup d'argent, faire beaucoup d'affaires d'argent.

    Remuer l'argent à la pelle, avoir beaucoup d'argent, être très riche.

  • 2 Terme de manége. Remuer ou siffler la gaule, faire du bruit de la gaule, pour avertir le cheval quand il se ralentit.
  • 3Remuer un enfant, le démailloter, le nettoyer et lui remettre ses langes.
  • 4Remuer de la terre, la transporter d'un lieu dans un autre.

    Terme de guerre. Remuer la terre, fouir et porter la terre pour faire des retranchements, des mines, etc. La vérité est que notre tranchée est quelque chose de prodigieux, embrassant à la fois plusieurs montagnes et plusieurs vallées… les gens de la cour commençaient à s'ennuyer de voir si longtemps remuer la terre, Racine, Lett. à Boileau, 24 juin 1692.

    Remuer un champ, le bêcher, le fouir, etc. Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût ; Creusez, fouillez, bêchez…, La Fontaine, Fabl. V, 9.

    Fig. et familièrement. Remuer ciel et terre, faire beaucoup de démarches, employer toutes sortes de moyens pour réussir. Mais je veux employer mes efforts plus puissants, Remuer terre et ciel, m'y prendre de tous sens, Molière, l'Ét. V, 12. Il [Satan] remue le ciel et la terre pour susciter des ennemis à Dieu, Bossuet, 1er sermon, Démons, 2.

    On dit dans le même sens : remuer toutes choses. Vous remuez toutes choses pour faire croire que…, Pascal, Prov. XVIII.

  • 5Donner le branle. Il a beau se donner de la peine et remuer sa mauvaise fortune…, Guez de Balzac, liv. II, lett. 9. Nous sommes tous bien faibles et bien tremblants sous la main toute-puissante [de Dieu] qui remue l'Europe d'une telle manière présentement…, Sévigné, 22 av. 1689. Pendant qu'il [le cardinal de Retz] voulait acquérir ce qu'il devait un jour mépriser, il remua tout par de secrets et puissants ressorts, Bossuet, le Tellier. Ce grand capitaine [Annibal], réduit à se sauver de son pays, remua l'Orient contre eux [les Romains], Bossuet, Hist. I, 9. La reine remue en vain la France, la Hollande, la Pologne même, et les puissances du Nord les plus éloignées, Bossuet, Reine d'Anglet. Cet homme de grand secours qui n'épargne ni le saint ni le profane pour entrer dans nos desseins, qui sait remuer les intérêts et les passions, ces deux grands ressorts de la vie humaine, Bossuet, Sermons, Ambition, 1. …Demain, quoique tu fasses, Avec ou malgré toi nous remuerons les masses, Delavigne, la Popular. III, 4.

    Absolument. Il [un politique] avait trop de ce qui élève et qui remue, et trop peu de ce qui fonde et qui affermit, Guez de Balzac, De la cour, 4e disc.

  • 6Apporter trouble, innovation. La licence où se jettent les esprits quand on ébranle les fondements de la religion et qu'on remue les bornes une fois posées, Bossuet, Reine d'Anglet. Les sages lui dénoncèrent [à Henri VIII] qu'en remuant ce seul point [l'autorité de l'Église], il mettait tout en péril, Bossuet, Reine d'Anglet. L'obligation de demeurer parfaitement soumis, sans jamais rien remuer contre l'empire, Bossuet, 5e avert. 13.
  • 7S'occuper de, mettre sur le tapis. Flaccius Illyricus, qui remuait cette question, avait un dessein plus caché, il voulait perdre Mélanchthon, Bossuet, Var. VIII, 16. Les matières que votre prédicateur a remuées, Bossuet, Lett. Corn. 123. Si les vérités de pratique ne sont souvent remuées, souvent amenées à notre vue, elles perdent l'habitude de se présenter et cessent par conséquent d'éclairer, Bossuet, 2e sermon, Dimanche de la passion, 2. Jurisprudence, philologie, critique, langues savantes et étrangères, histoire ancienne et moderne, histoire littéraire, traductions, éloquence et poésie, il [le président Bouhier] remua tout, il embrassa tout, D'Alembert, Éloges, Bouhier.

    Remuer une affaire, en reprendre la poursuite. Pour intimider tous ceux qui à l'avenir seraient tentés de remuer cette affaire, Vertot, Rév. rom. III, p. 235.

  • 8Émouvoir. L'amour peut bien remuer le cœur des héros du monde… mais il y a des âmes d'un ordre supérieur à ses lois, à qui il ne peut inspirer des sentiments indignes de leur rang, Bossuet, Mar.-Thér. Remuez nos consciences, et ne souffrez pas qu'elles tombent dans un assoupissement dont elles ne reviendraient plus, Bourdaloue, 9e dimanche après la Pentecôte, Dominic. t. III, p. 186. Que dans tous vos discours la passion émue Aille chercher le cœur, l'échauffe et le remue, Boileau, Art p. III. Hélas ! mon cher Mentor, je sentais bien dans cet inconnu je ne sais quoi qui m'attirait à lui et qui remuait toutes mes entrailles, Fénelon, Tél. XXIV. L'éloquence et la poésie ne prétendent guère que flatter ou remuer l'imagination, Fontenelle, Lagny. Le prince a des passions ; le ministre les remue ; c'est de ce côté-là qu'il dirige son ministère, Montesquieu, Lett. pers. 127. Et moi, je répondais tout bas à l'homme froid que j'avais remué…, Diderot, Lett. à Mlle Voland, 9 oct. 1759. Tout concourt à prouver, même dans le physique, que l'animal n'est remué que par l'appétit, et que l'homme est conduit par un principe supérieur, Buffon, Nature des anim.

    Absolument. L'un [Corneille] élève, étonne, maîtrise, instruit ; l'autre [Racine] plaît, remue, touche, pénètre, La Bruyère, I. Une jeune beauté, Que j'ai vue au couvent, dont la grâce ingénue Frappe au premier abord, intéresse et remue, Boissy, Deh. tromp. I, 7. S'ils [les sophistes grecs] séduisent quelquefois, ils ne remuent jamais, parce que le paradoxe y tient lieu de la vérité, et la chaleur de l'imagination de celle de l'âme, Barthélemy, Anach. ch. 58.

    Familièrement. Remuer la bile, exciter la colère, l'indignation. Est-ce que ce discours-là ne vous remue pas la bile ? Marivaux, Surpr. de l'amour, I, 7.

  • 9Remuer quelqu'un, le déplacer. Votre petite d'Aix [une fille de Mme de Grignan] me fait pitié, d'être destinée à demeurer dans ce couvent… en attendant une vocation, vous n'oseriez la remuer, de peur qu'elle ne se dissipe, Sévigné, 24 juill. 1680.
  • 10 V. n. Faire quelque mouvement, changer de place. Ne remuez pas de là. Et comme la douleur, un assez long espace, M'a fait, sans remuer, demeurer sur la place, Molière, Éc. des femmes, V, 2. Je suis un peu fâché contre cet Ali d'Égypte, qui ne remue pas plus qu'une momie [dans la guerre des Russes contre les Turcs], Voltaire, Lett. à Catherine II, 14 sept. 1770.

    Fig. Tenter, agir. Les jésuites remuent beaucoup et remueront sans doute à Rome, Bossuet, Lett. quiét. 143. Tant que ma fille n'a eu que sa beauté en partage, aucun n'a remué ; et, maintenant qu'elle a cent mille écus en mariage, vous venez de toutes parts vous offrir en foule, Legrand, Philanthr. sc. 4.

    Exciter trouble, sédition. Il était soupçonné d'avoir voulu remuer, pendant que le roi était aux Indes, Vaugelas, Q. C. IX, 10. Rien ne remuait en Judée contre Athalie : elle se croyait affermie par un règne de six ans, Vaugelas, ib. I, 6. Antiochus fut troublé de la nouvelle qu'il reçut, que les provinces d'Orient et Artaxias, roi d'Arménie, au septentrion, remuaient et étaient prêts de se soulever contre lui, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VIII, p. 669, dans POUGENS.

  • 11Se remuer, v. réfl. Se mouvoir. Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui se remue, La Fontaine, Fabl. III, 4. Quand tout se remue également, rien ne se remue en apparence, comme en un vaisseau, Pascal, Pens. VI, 24, éd. HAVET. Mon cerveau est comme un cabinet de peintures dont les tableaux se remueraient et se rangeraient au gré du maître de la maison, Fénelon, Exist. 48. Je ne puis me remuer ; il y a deux ans que je n'ai mis d'habit, j'ai fermé ma porte à tous les étrangers, Voltaire, Lett. Richelieu, 29 avr. 1772.

    Fig. L'argent se remue, se dit quand il se fait beaucoup d'affaires.

  • 12Se donner du mouvement pour réussir. Hercule veut qu'on se remue, Puis il aide les gens, La Fontaine, Fabl. VI, 18. Que si je viens à être découvert, je verrai, sans me remuer, prendre mes intérêts à toute la cabale, et je serai défendu par elle envers et contre tous, Molière, Festin, V, 2. Il ne sera pas dit qu'en un fait qui me touche Je ne me sois non plus remué qu'une souche, Molière, l'Ét. III, 9. En quelque endroit qu'ils [les pélagiens] se remuassent, saint Augustin les prévenait, Bossuet, Déf. de la tradition, V, 12. Dans un temps où tout un royaume se remue pour la conversion des hérétiques, Bossuet, Louis de Bourbon. La Perse se remuait en sa faveur, Bossuet, Hist. I, 8. Une affaire de rien, et qui ne mérite pas qu'on s'en remue, La Bruyère, VIII.

    Avec ellipse du pronom personnel. Entrons plus avant dans ces ressorts secrets et imperceptibles qui font remuer le cœur humain, Bossuet, Sermons, Ambition, 1.

    Faire remuer les puissances ou faire que les puissances se remuent, faire agir les personnes qui ont l'autorité en main.

  • 13Exciter trouble ou guerre. L'intérêt des gens de qualité ne fut pas aussi la seule cause qui obligea la réforme à se remuer sous François II ou Charles IX ; car ils se seraient remués dès le temps de François Ier et de Henri II, Bossuet, 5e avert. 22.
  • 14Il se dit des mouvements de l'âme, des agitations morales ou politiques. C'est en quoi ces spectacles [du théâtre] sont à craindre, parce que le cœur apprend insensiblement à se remuer de bonne foi, Bossuet, Sermons, Parole de Dieu, 3. Si on lève ces empêchements [la difficulté et la crainte], nos inclinations corrompues commencent à se remuer et à se produire, Bossuet, Serm. Ambition, I. Aussitôt qu'il fut arrivé à cet âge ardent où je ne sais quoi commence à se remuer dans le cœur…, Bossuet, Panégyr. St Benoît, 1. Quelque chose de plus violent se remuait dans le fond des cœurs : c'était un dégoût secret de tout ce qui a de l'autorité, et une démangeaison d'innover sans fin, après qu'on en a vu le premier exemple, Bossuet, Reine d'Anglet.

    Impersonnellement. Sire, vous savez les besoins de vos peuples… il se remue pour Votre Majesté quelque chose d'illustre et de grand, et qui passe la destinée des rois vos prédécesseurs, Bossuet, Sermons, Devoirs des rois, 2.

HISTORIQUE

XIIe s. E il ne se remuerent, ne une pere [pierre] ne gitierent, Machab. I, 2. E ne remuerai pas [je n'éloignerai pas] tut tun lignage de mun autel, Rois, p. 10.

XIIIe s. Et porce que nos gardons la vielle loi, là où ele ne fu pas remuée [changée], Latini, Trés. p. 53. L'aigue ne la terre n'ont pooir de remuer dou leu où la nature les a establies, Latini, ib. p. 112. Quant Berte l'entendi, tous li sans lui remue, Berte, LII. Que onques puis [elle] ne fu de son lit remuée, ib. LXXXII. Hom qui se remue de vile à autre, et amaine son harnas à Paris, il ne doit paier que un denier de chaucie, Liv. des mét. 278. Si me convint cheoir pasmé Desous ung olivier ramé ; Grant piece i jui [restai couché] sans remuer, la Rose, 1779. Chascun an remueront li borjois ces quatre eschevins, Du Cange, remutare.

XIVe s. Robin Doccie cousin germain dudit Martin, et cousin remué de germain de Colette sa fille, Du Cange, ib. Lequel Colin pour ce qu'il estoit haïs de tout le peuple, aucun mire [médecin] ne cirurgien ne le voult [voulut] aler remuer [soigner], Du Cange, ib.

XVe s. Que chascuns de vous se remue D'y venir bien legierement, Villon, Rep. fr. Lors on feit grande diligence de le prendre, et feut pris et amené en son logis… et ne remuoit ne bras ne jambe, Juvénal Des Ursins, Ch. Vl, 1392. On doit aller guerroier en esté Et ou printemps que l'erbette point drue, Que li chaut vient, et yver se remue, Deschamps, Poésies mss. f° 49. Le trop d'officiers remue [réforme], Que tu as comme oiseaulx en mue ; Et si ne te servent de rien Fors de gaster peuple et le tien, Deschamps, ib. f° 320. Faites le chevalier mettre en une belle chambre, et remuer [panser] ses playes bien et songneusement, Perceforest, t. I, f° 46.

XVIe s. Aristote, qui remue toutes choses, s'enquiert…, Montaigne, I, 14. Pendant que nous nous remuons [vivons]… mais estant hors de l'estre…, Montaigne, I, 14. Remuer les dez, Montaigne, I, 109. Leur religion portoit que les ames estant eternelles ne cessoient de se remuer et changer de place d'un corps à un autre, Montaigne, II, 132. La tribune des harengues regardoit vers la mer ; mais les trente tyrans la remuerent ailleurs pour la faire tourner devers terre, Amyot, Thém. 38. Hannibal se remuoit souvent de lieu à autre, pour voir s'il le pourroit point attirer [Fabius] hors de ceste resolution de ne mettre rien en hasard, Amyot, Fab. 12. Il ne vouloit point des soudards qui remuassent les mains en allant par les champs, ny les pieds en combattant, Amyot, Caton, 17. Les Scythes crevent les yeulx à leurs esclaves, à fin qu'ils leur tournent et remuent leur laict, Amyot, Que la vertu se peut apprendre, 8. À sept ans, aians achevé de remuer [changer] leurs dents, de là en hors autre jugement n'en peut-on faire [de l'âge des chevaux] que par indice, De Serres, 303. Si quelque chose se remue, faites que les advertissements se donnent aussitôt, Bibl. des chartes, 3e sér. t. I, p. 503. De chose perdue le conseil ne se remue, Cotgrave

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

REMUER, v. act. (Gramm.) c’est ou mouvoir un corps sans le changer de place, ou le transporter d’un lieu dans un autre. Tu es mort, si tu remues. Il faut remuer souvent les grains. Il faut que l’argent se remue. On dit remuer une mauvaise affaire. Il remuera ciel & terre pour réussir. Il ne fera rien pour vous obliger, il remuera tout pour vous perdre. Il n’y a presque point de questions qu’Aristote n’ait remuées. Ce peuple est remuant. Pourquoi remuer les cendres des morts ?

Remuer un compte, (terme de Teneur de livres.) c’est le porter ou renvoyer d’un folio à un autre folio d’un livre nouveau, lorsqu’il ne reste plus de place dans l’ancien pour le continuer, & cela après qu’on en a fait la balance au pié des pages qui sont remplies. Ricard. (D. J.)

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Étymologie de « remuer »

Re…, et muer ; Berry, remuer, déménager ; provenç. et espagn. remudar ; ital. rimutare. Le sens primitif est changer de nouveau ; de là, déplacer.

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 Dérivé de muer, avec le préfixe re-.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « remuer »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
remuer rœmµe

Fréquence d'apparition du mot « remuer » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « remuer »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « remuer »

  • Méthode bien connue, dite de l’hélicoptère : remuer beaucoup de vent pour s’élever.
    Bruno Masure — A pleins tubes !
  • Tout penseur qui voudra devenir orateur, tout homme d'esprit et de coeur qui voudra se faire éloquent et être éloquent, remuer les masses, dominer les assemblées, avec sa parole, n'aura qu'à passer de la région des idées dans le domaine des lieux communs.
    Victor Hugo — Carnets intimes
  • Le génie est l'aptitude de voir les choses invisibles, de remuer les choses intangibles, de peindre les choses qui n'ont pas de traits.
    Joseph Joubert — Pensées
  • La littérature n’est pas là que pour faire plaisir mais aussi pour déranger, questionner, émouvoir, remuer.
    Philippe Besson — Evene.fr - Février 2007
  • Hacher finement les herbes, la cive, l’ail, l’oignon, le piment. Dans un saladier, mettre la farine, ajouter la morue, puis les herbes, et l’eau. Bien remuer le tout à l’aide d’une spatule en bois et laissez reposer la pâte pendant 2 heures environ.  
    Franceinfo — À la carte. Portraits de chefs : le soleil de Babette de Rozières
  • Bernanos nomma le mal à venir, quitte à encourir les huées des optimistes qui espéraient trouver encore je ne sais quelle échappatoire et remuer le vent plutôt que de constater les faits, ces optimistes dont Bernanos disait qu’ils s’appliquaient à voir le monde en rose pour mieux se dispenser d’avoir pitié des hommes et des malheurs qu’ils subissaient.
    Lydie Salvayre — Pas pleurer
  • Le but du journalisme n'est ni de déplaire ni de complaire. C'est de remuer la plume dans la plaie. La plume, et aujourd'hui le micro et la caméra.
    Patrick Poivre d'Arvor — Les Dossiers de l’Audiovisuel
  • Les chouans sont restés comme un mémorable exemple du danger de remuer les masses peu civilisées d'un pays.
    Honoré de Balzac — Les Chouans
  • Il faut un peu de savoir, mais ne pas toujours remuer cette sauce.
    Jacques Chardonne — Propos comme ça
  • Le métier des intellectuels est de remuer toutes choses sous leurs signes, noms ou symboles, sans le contrepoids des actes réels. Il en résulte que leurs propos sont étonnants, leur politique dangereuse, leurs plaisirs superficiels.
    Paul Valéry — Tel quel
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Images d'illustration du mot « remuer »

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Traductions du mot « remuer »

Langue Traduction
Anglais stir
Espagnol remover
Italien agitare
Allemand rühren
Chinois 搅拌
Arabe اثارة
Portugais mexer
Russe размешивать
Japonais かき混ぜる
Basque nahastean
Corse stirà
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Synonymes de « remuer »

Source : synonymes de remuer sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « remuer »

Combien de points fait le mot remuer au Scrabble ?

Nombre de points du mot remuer au scrabble : 8 points

Remuer

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