Victoire à la Pyrrhus : définition et origine de l’expression
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Appréciée des écrivains et des journalistes, la formule « victoire à la Pyrrhus » s’emploie souvent pour commenter l’actualité, notamment politique. De fait, si l’expression fait référence à un événement historique de l’Antiquité, elle a depuis traversé les siècles, jusqu’à se figer dans notre langage contemporain. Dans ces lignes, découvrez la définition et l’origine de l’expression « victoire à la Pyrrhus ».
Définition de l’expression « victoire à la Pyrrhus »
L’expression « victoire à la Pyrrhus » désigne un succès obtenu à un coût si élevé qu’il s’apparente presque à une défaite. Il s’agit d’une victoire amère, coûteuse et épuisante, qui entraîne des pertes si lourdes pour le vainqueur que son triomphe en est terni, voire rendu caduc.
Ce genre de « victoire qui n’en est pas une » ne laisse pas de place à la célébration ou à la gloire, et peut même compromettre le progrès ou l’avenir du prétendu « vainqueur ».
L’expression peut faire penser à une autre locution, « gagner la bataille, mais pas la guerre », qui rappelle que remporter un unique affrontement ne garantit pas le succès final, et souligne la primauté de la stratégie à long terme sur les victoires immédiates et coûteuses.
Origine de l’expression « victoire à la Pyrrhus »
« Victoire à la Pyrrhus » est une expression qui trouve ses racines dans l’Antiquité, spécifiquement dans la vie de Pyrrhus, roi de l’Épire. Ce brillant stratège militaire et souverain remporta deux victoires remarquables contre les Romains, à Héraclée en 280 av. J.-C., et à Ausculum l’année suivante.
Toutefois, ces victoires furent si coûteuses en termes de pertes humaines que Pyrrhus lui-même aurait déclaré : « Encore une victoire comme celle-là et nous sommes perdus ! ». L’épisode est relaté par Plutarque, qui reprend à son compte les récits de Denys d’Halicarnasse, dans ses Apophtegmes de rois et de généraux.
[Pyrrhus] avait perdu une grande partie des forces qu’il avait amenées, et presque tous ses amis et principaux commandants ; il n’avait aucun moyen d’avoir de nouvelles recrues (…). Tandis que, comme une fontaine s’écoulant continuellement de la ville, le camp romain se remplissait rapidement et abondamment d’hommes frais, pas du tout abattus par la défaite, mais gagnant dans leur colère une nouvelle force et résolution pour continuer la guerre.
Plutarque, Apophtegmes de rois et de généraux
Selon le récit, Pyrrhus a vu son armée décimée au terme de la bataille, sans possibilité de recruter de nouveaux soldats, du fait de la population limitée du royaume de l’Épire. En revanche, Rome, malgré les défaites, pouvait aisément remplacer ses troupes. Finalement, l’effort de guerre représenté par ces victoires était tel qu’elles se muèrent en défaites, et Pyrrhus fut contraint à abandonner sa campagne en Italie.
Bien que l’expression ait une origine militaire, elle est désormais employée dans une variété de contextes, pour illustrer des situations où la victoire s’obtient au prix d’énormes sacrifices, rendant le succès contre-productif. Que ce soit en économie, en politique, dans la justice, ou dans le sport, une « victoire à la Pyrrhus » évoque tout succès dont le coût humain, matériel ou financier, diminue voire éclipse l’accomplissement.
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Exemples de l’usage de l’expression « victoire à la Pyrrhus »
Vous avez l’air de croire que la victoire est désormais promise à la France, je le souhaite de tout mon cœur, vous n’en doutez pas. Mais enfin depuis qu’à tort ou à raison les Alliés se croient sûrs de vaincre (pour ma part je serais naturellement enchanté de cette solution mais je vois surtout beaucoup de victoires sur le papier, de victoires à la Pyrrhus avec un coût qui ne nous est pas dit) et que les Boches ne se croient plus sûrs de vaincre, on voit l’Allemagne chercher à hâter la paix, la France à prolonger la guerre (…)
Marcel Proust, À la recherche du temps perdu
Une malédiction frappe la science qui court de succès en succès tous ses triomphes, et ils sont réels, sont des victoires à la Pyrrhus. À mesure que se gonfle, dans l’océan de ce que nous ne savons pas, la sphère de ce que nous savons, le nombre de points de contact entre savoir et ignorance croît proportionnellement.
Jean d’Ormesson, C’était bien
Chacun peut faire l’amère expérience qu’envers la haine, l’amour ne mène qu’à une victoire à la Pyrrhus. D’où s’ensuit ce mouvement de balançoire qui porte le nom d’ambivalence.
Catherine Millot, Abîmes ordinaires
Cette dernière optique était celle des révolutionnaires de l’Est, qui menèrent l’attaque contre Bernstein Plekhanov, Parvus et Rosa Luxemburg et qui avaient le soutien de Karl Kautsky, le plus éminent théoricien du Parti allemand, bien qu’il se sentît sans doute plus à l’aise avec Bernstein qu’en compagnie de ses alliés nouveaux venus. Ce fut pour eux une victoire à la Pyrrhus, qui « ne fit que renforcer l’aliénation en évacuant la réalité ».
Hannah Arendt, Vies politiques