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Tel est pris qui croyait prendre : définition et origine de l'expression

C’est chose commune lors des jeux de stratégie que d’user de la technique du bluff et de vouloir jouer au plus malin en espérant remporter le pactole. Mais il arrive que le sort ne joue pas toujours en la faveur de l’esbroufeur et que l’adversaire lève le voile sur un bien meilleur jeu et chourave la victoire. Dans ce genre de situation, il serait d’usage d’utiliser la moquerie : « Tel est pris qui croyait prendre ». Cette expression française est encore régulièrement utilisée de nos jours bien qu’elle nous vienne de loin. Nous vous révélons ici quel en est l’auteur et quelles sont ses origines. N’hésitez pas à parcourir les autres articles de cette section dédiée aux expressions françaises ! Bonne lecture !

Définition de l’expression « Tel est pris qui croyait prendre »

L’expression « Tel est pris qui croyait prendre » est une locution-phrase qui signifie qu’à vouloir jouer au plus rusé, on finit par se faire soi-même avoir. Elle concerne ceux qui, se croyant plus ingénieux que leurs semblables, voient leur propre machination se retourner contre eux. La phrase a valeur de conclusion morale.

Dans ce proverbe, le verbe « prendre » est, par extension, compris au sens de « tromper ». Le Cnrtl indique que la construction « prendre quelqu’un + expression » indique « une attitude physique, morale ou intellectuelle ». L’on peut noter par ailleurs la polyptote présente dans l’expression : une figure de sonorité qui consiste à répéter le même mot mais sous des formes grammaticales différentes. Ici, la variation du verbe « prendre » donne une impression de boucle et d’écho au sein de la phrase, au service du sens.

L’expression « A malin malin et demi » est quasi synonyme de « Tel est pris qui croyait prendre », elle signifie, elle aussi, que l’on peut être très malin mais toujours trouver plus malin que soi. « L’arroseur arrosé » est une expression dont la morale, sans être similaire en tous points à « Tel est pris qui croyait prendre » s’en rapproche fortement (celui qui voulait faire un tour à quelqu’un est lui-même joué en fin de compte).

Origine de l’expression « Tel est pris qui croyait prendre »

L’expression « Tel est pris qui croyait prendre » nous vient du plus grand faiseur de morales que la littérature française ait porté : Jean de La Fontaine. Elle est tirée du récit Le Rat et l’Huître, neuvième fable du livre VIII de Jean de La Fontaine (dans le second recueil des Fables), publié pour la première fois en 1678. Pour cet apologue (un petit récit narratif et démonstratif servant à illustrer une morale), La Fontaine s’est inspiré de la fable d’un sonnet intitulé « Le Rat domestiqué et l’Ouytre », tiré des Fables d’Esopes et d’autres en rime française (1595).

La fable narre le parcours d’un rat explorateur, ayant décidé de sillonner le monde et de découvrir ses secrets. Mais le rat, peu cultivé et arrogant, qui s’extasie devant chaque nouveauté, est roulé par son peu de connaissance et sa naïveté : il se fait prendre au piège par une huître dont il voulait faire son repas. La fable comporte un double enseignement, fourni en guise de conclusion par l’auteur (la seconde étant notre fameuse expression) :

Nous y voyons premièrement :
Que ceux qui n’ont du monde aucune expérience
Sont aux moindres objets frappés d’étonnement :
Et puis nous y pouvons apprendre,
Que tel est pris qui croyait prendre.

Pour aller plus loin :  Voici quelques expressions françaises héritées de La Fontaine et aujourd’hui tombée dans le langage courant :

Tout flatteur vit au dépens de celui qui l’écoute

La Fontaine, Le Corbeau et le Renard

Rien ne sert de courir, il faut partir à point

La Fontaine, Le Lièvre et la Tortue

La méfiance est la mère de la sûreté

La Fontaine, Le Chat et un vieux Rat

La raison du plus fort est toujours la meilleure

La Fontaine, Le Loup et l’Agneau

Exemples d’usage de l’expression « Tel est pris qui croyait prendre »

Nous descendons d’auto pour contempler ce cortège fantastique et Gidal prend, à la clarté du magnésium, quelques photos de certains de ces véhicules: ce sont des «paniers à salade» allemands. Est pris celui qui croyait prendre.

Gide, Journal, 1943

La polémique connaîtra un retournement qui ne manque pas de sel ces « erreurs » serviront d’argument à Cendrars, le moment venu, pour défendre ses droits d’écrivain face à des plagiaires (au cinéma, notamment) qui tenteront de se réclamer de l’histoire, qui n’appartient à personne. Or ces inexactitudes, qu’on lui reprochait, prouvent son apport. Telestprisquicroyaitprendre.

Claude Leroy, L’Or de Blaise Cendras, 1991
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Violaine Epitalon

Violaine Epitalon

Violaine Epitalon est journaliste, titulaire d'un Master en lettres classiques et en littérature comparée et spécialisée en linguistique, philosophie antique et anecdotes abracadabrantesques.

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