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Se dorer la pilule : définition et origine de l’expression

Quand les beaux jours reviennent, est-ce que vous aimez vous dorer la pilule ? On associe souvent cette singulière expression de la langue française aux vacances et aux journées estivales, durant lesquelles on se prélasse au soleil, dans une douce oisiveté que résume à merveille le mot emprunté de l'italien « farniente »

Mais, loin de la bronzette sur la plage, saviez-vous que « se dorer la pilule » avait au départ un tout autre sens, encore utilisé de nos jours, de surcroît ? Dans cet article, nous revenons sur la définition, l’origine et l’usage de la locution « se dorer la pilule ».

Définition de l’expression « se dorer la pilule »

Dans son acception moderne, la plus courante de nos jours, « se dorer la pilule » (ou, au choix, « se faire dorer la pilule ») signifie « se faire bronzer » : par métonymie, la « pilule » désigne ainsi la peau ; celle de notre corps ou de notre visage, qui brunit légèrement sous les rayons du soleil. 

Par extension, « se dorer la pilule » évoque également le fait de se détendre et de se relaxer. La formule décrit généralement une situation plaisante, mais elle peut parfois avoir un sens péjoratif, au même titre que « se la couler douce » : celui ou celle qui « se dore la pilule », qui ne fait rien, peut aussi être perçu comme un fainéant !

Toutefois, la définition première de « se dorer la pilule » (ou simplement « dorer la pilule ») est plus proche de l’expression « se bercer d’illusions » : elle signifie que l’on présente un fait, un événement ou un objet sous un jour plus agréable qu’il ne l’est vraiment.

Origine de l’expression « se dorer la pilule »

Si ce premier sens est moins connu, il s’agit pourtant de la signification d’origine de l’expression « dorer la pilule ». Et pour cause : au départ, cette locution était des plus pragmatiques, puisqu’elle désignait littéralement le geste de dorer une pilule

En effet, au XVIIe siècle, les apothicaires ont commencé à recouvrir les pilules médicinales d’une fine couche de sucre ou, dans certains cas, d’une infime pellicule d’or. L’objectif était de « faire passer la pilule », c’est-à-dire de rendre les remèdes et les médicaments plus plaisants à ingérer, bien que leur formule intrinsèque soit demeurée inchangée. C’est ainsi que l’expression « dorer la pilule » a acquis le sens d’« enjoliver, donner une apparence trompeuse à une chose peu agréable »

Au fil du temps, la locution a obtenu sa forme pronominale, toujours avec la même signification : au début du XXe siècle, « se dorer la pilule » ou « se faire dorer la pilule », c’est respectivement se voiler la face, ou se laisser berner par autrui.

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On ignore comment « se dorer la pilule » a glissé de sens pour prendre la signification de « se faire bronzer » ou « ne rien faire », mais cet usage est assez récent : il apparait vraisemblablement à partir des années 1980. Sans doute faut-il y voir une analogie avec l’expression « se dorer au soleil » (que l’on trouve aussi sous un pendant plus familier, « se dorer les miches » !).

Exemples de l’usage de l’expression « se dorer la pilule »

Ce salaud d’Arthur ! C’était bien la faute d’Arthur si elle était là. Elle aurait beau se dorer la pilule, c’était du chantage, et rien d’autre. Elle eut un accès de panique et songea à reprendre le chemin de l’hôtel, où un type sympathique l’attendait au bar. 

Day Keene, Le poil roussi

Sophie disparut de nouveau et Daniel resta seul. Il se balança dans le fauteuil de rotin en se disant qu’il jouissait de la tranquillité recouvrée. Puis il s’aperçut qu’il se dorait la pilule et alluma une cigarette. Il se sentait extrêmement ridicule, laissé en carafe dans cette antichambre ici intitulée « salon », tandis que Sophie s’affairait dans la cuisine.

Julia Chamorel, Colin-maillard

Devant leur desserte garnie, Palisseau et Fondant, son commis, avaient le regard éteint des hommes simples et soumis. Ça leur suffisait donc cette petite vie-là ? On était là, n’est-ce pas, pour être à leurs petits soins, aux clients ! Ils payaient pour. Donnant donnant. Comme si un bon pourboire pouvait valoir une heure de liberté perdue ! Très joli de se dorer la pilule, de s’imaginer qu’on serait célèbre un jour, avec son nom dans les journaux, et riche.

Raymond Guérin, L’apprenti

En guise de programme nocturne, je pilai deux Lexomil. J’appelai Édouard avant de me les enfiler. C’était mon meilleur ami et je ne lui avais encore rien dit. Ce n’était pas logique tout ça. J’étais allé faire le petit chez mes parents et Édouard se dorait encore la pilule sous la fausse idée de mon bonheur. Était-ce encore mon meilleur ami ? Pourquoi le voyais-je moins ?

David Foenkinos, Inversion de l’idiotie
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Nicolas Lafarge-Debeaupuis

Nicolas Lafarge-Debeaupuis

Nicolas Lafarge-Debeaupuis est rédacteur indépendant, et prête ses mots à différents médias et entreprises. Se décrivant volontiers comme « un geek avec une plume », il se sent dans son élément naturel lorsqu’il écrit sur des sites web tels que La langue française.

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Commentaires

tomsawyer80

Merci

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