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Magie

Variantes Singulier Pluriel
Féminin magie magies

Définitions de « magie »

Trésor de la Langue Française informatisé

MAGIE, subst. fém.

A. − Synon. de magisme. (Dict. xixeet xxes.).
B. −
1.
a) Art fondé sur une doctrine qui postule la présence dans la nature de forces immanentes et surnaturelles, qui peuvent être utilisées par souci d'efficacité, pour produire, au moyen de formules rituelles et parfois d'actions symboliques méthodiquement réglées, des effets qui semblent irrationnels. Synon. goétie, nécromancie, occultisme, théurgie.Toute religion qui, par le moyen des prêtres, fait descendre du ciel des secours sur la terre, n'est-elle pas une branche de magie? (Dupuis,Orig. cultes,1796, p.432).Les matérialistes se sont donné la peine de réviser les procès de la magie d'antan. Ils ont retrouvé dans la possession des Ursulines de Loudun, des religieuses de Poitiers (...) les symptômes de la grande hystérie (Huysmans,Là-bas,t.1, 1891, p.233):
1. ... si une volonté de Dieu n'atteint le monde sensible qu'après avoir été transmise (...) par les Esprits intermédiaires (...) La magie, dans ces conditions, sera l'art de trouver le mot qui permettrait à l'homme de se subordonner un des Esprits (...). À ce niveau de pensée (...) la magie (...) peut signifier pour l'homme pur, la recherche d'une perfection, pour d'autres celle d'un pouvoir. WagnerMagie1939, p. 108.
Magie cérémonielle. ,,Magie qui agit sur les esprits (autres que les esprits des hommes vivants) par le moyen d'un rituel`` (Lal. 1968).
Magie blanche. Magie qui opère de façon occulte sur les forces et les esprits du bien et qui permet à l'homme d'utiliser leurs pouvoirs. Synon. théurgie.Ils résultent [les charmes] d'une science approfondie de la blanche magie, et ne peuvent, en aucune façon, compromettre le salut de l'âme (Nerval,Nouv. et fantais.,1855, p. 216).Tu ne crois pas (...) à la théurgie, à la magie blanche? − Non (...). Personne n'ose avouer qu'il satanise (Huysmans,Là-bas,t. 2, 1891, p. 220).Ceux-ci [les démons] obéissant aux ordres du sorcier, on en vint vite à supposer qu'un pacte les liait à lui. Mais ainsi toute magie «blanche» (...) était niée (Wagner,Magie1939, p. 130).
Magie noire, démoniaque, diabolique, ou p. ell. du déterm., magie. Magie qui opère sur les forces et les esprits du mal. Synon. goétie.Le mot de magie désignoit l'empire du mal sans bornes (Staël,Allemagne,t. 2, 1810, p. 366).Emploie (...) la magie blanche et noire, les neuvaines à l'Église et les rendez-vous au sabbat, pourvu que j'aie une lignée mâle (Balzac,Enf. maudit,1831-36, p. 405).La structure même du dogme catholique (...) devait (...) immobiliser quelque temps la magie sur le plan démoniaque (WagnerMagie1939, p. 129).
Magie théurgique*.
SYNT. Formule, livre, opération, phénomène, pratique, scène de magie; employer, pratiquer la magie; esprits évoqués par la magie.
b) SC. HUM.
α) ETHNOL. Ensemble des procédés d'actions sur la nature qui sont fondés sur les rapports de sympathie existant dans la nature et sur une causalité directe de la pensée (d'apr. Mucch. Sc. soc. 1969). MM. Hubert et Mauss (...) ont montré (...) que la croyance à la magie est inséparable de la conception du mana (Bergson,Deux sources,1932, p. 173):
2. La magie procède d'un rituel d'inversion des normes ambiantes. Là où le fer est prohibé, on doit systématiquement y avoir recours. Parce que l'inceste est interdit, on le transgresse (...), non pour se singulariser, mais pour acquérir par le renversement du champ structurel qui fonde la religion, la proximité maxima avec le sacré, qui est le principe de toute efficacité. Laplantine1974, p. 118.
β) HIST. DE LA PHILOS. Magie naturelle. Ensemble des expériences de physique, de chimie, etc., produisant des effets que la science ne pouvait pas expliquer. À la magie naturelle (...) qui fait, par exemple, pousser des roses en décembre, se superpose une magie divine double quant à son origine, double quant à son but (WagnerMagie1939, p. 184).La magie naturelle a été entendue en plusieurs sens. (...) sous ce nom [sont décrites] beaucoup de simples expériences de physique (Lal.1968).[Selon Bacon] ,,[Ensemble] des opérations qui dépendent de la connaissance de la cause formelle par opposition à celles qui n'exigent que la connaissance d'une cause efficiente`` (Lal. 1968). Bacon distingue deux degrés de la science théorique de la nature, la physique et la métaphysique, auxquels correspondent deux sciences pratiques ou arts: la mécanique et la magie naturelle (Goblot1920).
2. Gén. au plur. Procédés magiques. Lazare nous a parlé du ternaire, des hérésiarques gnostiques, Paul Adam des envoûtements et de je ne sais quelles magies (Gide,Corresp.[avec Valéry], 1891, p. 109).
3. [Pour marquer l'étonnement; en parlant d'un événement, de qqc. de surprenant, d'inexplicable] C'est de la magie. Il n'y a que l'enfance, la tendre enfance qui brille et que l'on voudrait revivre pour voir, pour mieux voir. C'est de la magie. L'innocence (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p. 328).(Comme) par magie. Synon. (comme) par enchantement.J'ai repris ici, comme par magie, mon grand travail, mes 16 heures par jour (Balzac,Corresp.,1833, p. 312).Sous les noms de prévision et de tradition, l'avenir et le passé (...) dominent et restreignent le présent. Le monde social nous semble alors aussi naturel que la nature, lui qui ne tient que par magie (Valéry,Variété II,1929, p.57).
4. Art de l'illusionniste, du prestidigitateur. Un tour* de magie; Le Festival de la Magie.
C. − Au fig.
1. Effet qui semble surnaturel, irrationnel, par la force, l'intensité du sentiment, du plaisir, de la satisfaction qu'il procure. Synon. charme, enchantement.Je n'ose désirer particulièrement l'une des deux alternatives. Vous voir dans huit jours est une magie; vous attendre un mois a un charme (Mallarmé,Corresp.,1870, p. 328).Quand quelqu'un tombe amoureux de vous, vraiment amoureux, c'est une magie, tout se transforme (Beauvoir,Mandarins,1954, p. 395).
2. Magie + adj. ou de + subst.Influence, charme provoqué par quelque chose qui est profondément ressenti sans toujours être raisonné. Synon. envoûtement, fascination.Magie de l'avenir, du passé; magie de l'absence, de la présence (de qqn). La jeune femme sentit son coeur se serrer; plus qu'une autre sans doute, elle était accessible à la magie du soir, à ce quelque chose de trouble et de délicieux qu'elle respirait malgré elle, dans la douceur étouffante de l'air tiède (Green,Journal,1934, p. 249).
[En parlant d'un affect, d'une qualité physique ou morale d'une pers.] Magie de l'amitié, de la beauté, du regard, du visage. Je ne sais quel nuage de tristesse couvrait son front. Quand elle m'aperçut, il se dissipa tout à coup. Magie de l'amour ! (Duras,Édouard,1825, p. 186).Endormez sa fièvre pas la magie de vos sourires et de vos caresses. Qu'il soit calme entre vos paroles (Valéry,Corresp. [avec Gide], 1891, p. 102):
3. Ce qui achevait le charme, c'était la magie de la voix, pure, chaude et veloutée: chaque mot sonnait comme un bel accord; autour des syllabes dansait, comme une odeur de thym ou de menthe sauvage, l'accent riant du midi, aux rythmes rebondissants. Rolland,J.-Chr.,Révolte, 1907, p. 462.
[En parlant de la création littér., picturale, musicale ou des réalisations en ces domaines et de leurs qualités] Traduites, dépouillées de la magie du style poétique, les productions de Byron me firent l'effet de sujets de mélodrames (Delécluze,Journal,1827, p. 378).L'artiste (...) a réservé la magie d'un pinceau calme et fier pour la figure (Balzac,Goriot,1835, p.207).Ce qu'on appelle la magie du dessin, des couleurs, recommence à nourrir tout ce qui nous entoure (Éluard,Donner,1939, p.94).
SYNT. Magie de l'art, des écrits, de la littérature, de la poésie, du verbe; magie verbale.
Rem. L'effet produit peut être négatif: Je ne découvris la noire magie des mots que lorsqu'ils me mordirent au coeur (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p.22).
Prononc. et Orth.: [maʒi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1535 «science, religion des mages» (De Selve, Vies de Plutarque, 22vo, édit. 1547 ds Delb. Notes mss: La théologie secrette des Perses, qu'ilz appelloient magie); 2. 1555 «art de produire, par des procédés occultes, des phénomènes sortant du cours ordinaire de la nature» ici fig. (Ronsard, Les Meslanges, éd. P. Laumonier, VI, 249: Il n'est point de plus grand magie Que la docte voix d'une amie Quand elle est jointe a la beauté); 1579 (R. Benoist ds Wagner Magie, p. 174: La cognoissance dicte magie a esté distribuee par les anciens [...] en deux especes. La premiere est une parfaite congnoissance de la philosophie naturelle [...]. La seconde est celle qui luë par l'invocation et enchantemens des demons ou diables); 1612 magie naturelle (Jean Baptiste Porta Neapolitani, La Magie naturelle qui est, les secrets et miracles de nature, trad. du latin en françois chez Thomas Daré); 1692 magie démoniaque (P. de Lancre, Incredulité et Mescreance, p. 32 ds Wagner, Magie p. 218); 1630 magie noire, magie blanche (Agrippa d'Aubigné, Lettres de poincts de science, éd. E. Réaume et F. de Caussade, I, 452); 1671 magie divine (J. A. Belin, Traité des Talismans, p. 8 ds Wagner Magie, p. 210); 3. 1757 magie de l'art «effet extraordinaire de surprise et de plaisir que produisent les arts» (Caylus, Tabl. XIII, p. 20 ds Brunot t.6, p.745, no2). Empr. au latmagia (empr. au gr. μ α γ ε ι ́ α) «religion des mages perses», «sorcellerie». Fréq. abs. littér.: 903. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)981, b)730; xxes.: a)1243, b)1863. Bbg. Duch. Beauté. 1960, p.106. _ Lerch (E.). Ét. lexicol.: Les Trois Mages: magie, magique, magicien. Fr. mod. 1934 t.2, pp.19-23. _ Mack. t.2 1939, p.191. _ Pichois (Cl.). De la magie des magiciens à la magie des artistes. In: [Mél. Gossen (C. Th.)]. Bern, 1976, t.2, pp.737-749. _ Wagner Magie 1939, 292 p.

Wiktionnaire

Nom commun - français

magie \ma.ʒi\ féminin

  1. (Fantastique) Art prétendu auquel on attribue le pouvoir d’opérer, par des moyens occultes, des effets surprenants et merveilleux.
    • Il leur a été enjoint d’extirper la magie et l’hérésie, et voilà qu’on les accuse d’étudier les secrets cabalistiques des juifs et la magie païenne des Sarrasins ! — (Walter Scott, Ivanhoé, traduit de l’anglais par Alexandre Dumas, 1820)
    • On voulait voir dans son fait de la superstition et de la magie ; on lui reprochait d'attribuer à certains objets, à ses armes, à son étendard, à ses anneaux, une puissance miraculeuse : […]. — (Jacques Porchat, La vie et la mort de Jeanne d'Arc, racontées a la jeunesse, Borrani & Droz, 1852, page 145)
    • —Je ne pourrais partir ainsi sous vos regards sans contrarier toutes les lois de la magie. Quand vous sommeillerez, il me sera facile de m’échapper dans un rayon de lune, car je suis subtil. — (Anatole France, L’Étui de nacre, 1892, réédition Calmann-Lévy, 1923, page 242)
    • La vraie question, nous le verrons, est de définir ce qu'était la magie pour les Anciens : science des "Mages" ou sorcellerie ? La frontière entre les deux est indécise, certainement autant qu'elle ne l'était, au Moyen-Âge, entre alchimie et science. — (André-Julien Fabre, Mythologie et plantes médicinales de l'Antiquité, publié dans Histoire des Sciences Médicales. volume 37(1), 2003, page 65)
  2. (Figuré) Pouvoir qu’exercent sur les sens et sur l’âme, les beaux-arts, la poésie, l’éloquence, les passions, les affections vives.
    • […] ; l’air est caressant, la terre sourit partout, et partout de douces magies enveloppent l’âme, la rendent paresseuse, amoureuse, l’amollissent et la bercent. — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832)
    • C'est la raison pour laquelle 30 participants prirent, vers 14 heures, les routes des forêts de Seillon et Certines, avec le secret espoir d'admirer les frondaisons d'automne, un peu tôt cependant pour la magie des bois aux bouleaux et acacias d'or, et des fayards rouges. — (Bulletin de la Société des naturalistes et des archéologues de l'Ain, 1963, volume 77, page 144)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

MAGIE. n. f.
Art prétendu auquel on attribue le pouvoir d'opérer, par des moyens occultes, des effets surprenants et merveilleux. Opération de magie. Plusieurs inventeurs ont été accusés de magie. Magie naturelle, ou Magie blanche, Celle qui, par des moyens naturels, mais inconnus au vulgaire, produit des effets qui semblent surnaturels et merveilleux; par opposition à Magie noire, Celle qui est censée opérer des effets vraiment surnaturels, avec le secours des êtres infernaux, et qui est la Magie proprement dite.

MAGIE se dit figurément du Pouvoir qu'exercent sur les sens et sur l'âme les beaux-arts, la poésie, l'éloquence, les passions, les affections vives. La magie de la couleur, du clair-obscur. La magie du chant, de la musique, de la parole. La magie du jeu d'un acteur. Cet auteur séduit par la magie de son style. La magie de l'amour.

Littré (1872-1877)

MAGIE (ma-jie) s. f.
  • 1Religion des mages ; synonyme de magisme qui est plus usité. À l'âge de quatorze ans, lorsque l'esprit commence à se former, on leur [aux enfants des rois de Perse] donnait pour leur instruction quatre hommes des plus vertueux et des plus sages de l'État : le premier, dit Platon, leur apprenait la magie, c'est-à-dire, dans leur langage, le culte des dieux selon les anciennes maximes et selon les lois de Zoroastre, fils d'Oromaze…, Bossuet, Hist. III, 5.
  • 2Art prétendu de produire des effets contre l'ordre de la nature. Ruinons par magie une amitié si forte, Rotrou, Herc. mour. II, 2. Parlez au diable, employez la magie ; Vous ne détournerez nul être de sa fin, La Fontaine, Fabl. IX, 7. Les Égyptiens étaient infectés et d'idolâtrie et de magie ; le peuple de Dieu même était entraîné par leurs exemples, Pascal, Pensées, t. I, p. 309, éd. LAHURE. Ah ! ma bonne, c'est dommage que nous n'y sommes [ensemble] quelquefois au moins, par quelque espèce de magie, en attendant le printemps qui vient, Sévigné, 8 juill. 1671. L'empereur Théodore Lascaris attribuait sa maladie à la magie ; ceux qui en étaient accusés n'avaient d'autre ressource que de manier un fer chaud sans se brûler, Montesquieu, Esp. XII, 5. Dans le pouvoir de chasser les démons était compris celui de détruire les opérations de la magie ; car la magie fut toujours en vigueur chez toutes les nations, Voltaire, Dict. phil. Église.

    Fig. Assez de gens ont toujours dans la tête un faux merveilleux enveloppé d'une obscurité qu'ils respectent ; ils n'admirent la nature que parce qu'ils la croient une espèce de magie où l'on n'entend rien, Fontenelle, Mondes, 1er soir.

    Magie naturelle, ou magie blanche, celle qui, par des moyens naturels, mais inconnus au vulgaire, produit des effets qui semblent surnaturels. Non, tout ce que je sais n'est que blanche magie, Molière, l'Ét. I, 4.

    Magie noire, celle qui est censée opérer des effets surnaturels à l'aide des démons.

    Fig. Cette noire magie ordinaire aux chrétiens L'arrête indignement dans vos honteux liens, Corneille, Théod. II, 5.

    C'est la magie noire, se dit d'une chose qu'il est malaisé de pénétrer, et où l'on ne comprend rien. Mais où a-t-il tant pris d'argent, ma fille ? c'est la magie noire, Sévigné, 288.

    Ce n'est pas la magie noire, il ne faut point de magie pour cela, se dit d'une chose facile à faire ou à comprendre. Je surprenais l'apothicaire par les progrès que je faisais dans sa profession, qui, dans le fond, n'est pas la magie noire, Lesage, Est. Gonz. 17.

  • 3 Fig. Effets qui sont produits sur les sens ou sur l'âme, et qui sont comparés aux effets de la magie. La magie du chant, de la parole. La magie de l'espérance. Pourvu qu'il [le duc d'Orléans] se garde des embûches et des fausses promesses du Mazarin, qui a une magie particulière à tromper et à étourdir les princes, Patin, Lett. t. II, p. 19. J'ai vu le roi de Prusse attendri à une simple lecture de Bérénice qu'on faisait devant lui… quel charme tira des larmes des yeux de ce héros philosophe ? la seule magie du style de ce vrai poëte, Voltaire, Irène, Lett. J'ai conçu la magie de la lumière et des ombres, Diderot, Salon de 1765, Œuv. t. XIII, p. 4, dans POUGENS. Le lieu, le temps, l'auditoire à ma dévotion, et la magie d'une lecture adroite assurant mon succès, je glissais sur le morceau faible, en appuyant sur les bons endroits, Beaumarchais, Barb. de Sév. Préface. C'est là [l'émotion même de l'auteur], en partie, le secret, la magie du talent de Richardson ; eh bien, ce talent, cette magie était alors toute nouvelle en Angleterre, et presque dans la littérature européenne, Villemain, Litt. fr. 18e siècle, 2e part. 1re leçon.

HISTORIQUE

XVIe s. Meris, le vieux sorcier… M'apprist une magie aux nochers peu connue, Desportes, Élégies, II, 5, Pyromance.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

MAGIE, science ou art occulte qui apprend à faire des choses qui paroissent au-dessus du pouvoir humain.

La magie, considérée comme la science des premiers mages, ne fut autre chose que l’étude de la sagesse : pour lors elle se prenoit en bonne part, mais il est rare que l’homme se renferme dans les bornes du vrai, il est trop simple pour lui. Il est presqu’impossible qu’un petit nombre de gens instruits, dans un siecle & dans un pays en proie à une crasse ignorance, ne succombent bien-tôt à la tentation de passer pour extraordinaires & plus qu’humains : ainsi les mages de Chaldée & de tout l’orient, ou plutôt leurs disciples (car c’est de ceux-ci que vient d’ordinaire la dépravation dans les idées), les mages, dis-je, s’attacherent à l’astrologie, aux divinations, aux enchantemens, aux maléfices ; & bientôt le terme de magie devint odieux, & ne servit plus dans la suite qu’à désigner une science également illusoire & méprisable : fille de l’ignorance & de l’orgueil, cette science a dû être des plus anciennes ; il seroit difficile de déterminer le tems de son origine, ayant pour objet d’alleger les peines de l’humanité, elle a pris naissance avec nos miseres. Comme c’est une science ténébreuse, elle est sur son trône dans les pays où regnent la barbarie & la grossiereté. Les Lapons, & en général les peuples sauvages cultivent la magie, & en font grand cas.

Pour faire un traité complet de magie, à la considérer dans le sens le plus étendu, c’est-à-dire dans tout ce qu’elle peut avoir de bon & de mauvais, on devroit la distinguer en magie divine, magie naturelle & magie surnaturelle.

1°. La magie divine n’est autre chose que cette connoissance particuliere des plans, des vûes de la souveraine sagesse, que Dieu dans sa grace revele aux saints hommes animés de son esprit, ce pouvoir surnaturel qu’il leur accorde de prédire l’avenir, de faire des miracles, & de lire, pour ainsi dire, dans le cœur de ceux à qui ils ont à faire. Il fut de tels dons, nous devons le croire ; si même la Philosophie ne s’en fait aucune idée juste, éclairée par la foi, elle les revere dans le silence. Mais en est-il encore ? je ne sai, & je croi qu’il est permis d’en douter. Il ne dépend pas de nous d’acquérir cette desirable magie ; elle ne vient ni du courant ni du voulant ; c’est un don de Dieu.

2°. Par la magie naturelle, on entend l’étude un peu approfondie de la nature, les admirables secrets qu’on y découvre ; les avantages inestimables que cette étude a apportés à l’humanité dans presque tous les arts & toutes les sciences ; Physique, Astronomie, Médecine, Agriculture, Navigation, Méchanique, je dirai même Éloquence ; car c’est à la connoissance de la nature & de l’esprit humain en particulier & des ressorts qui le remuent, que les grands maîtres sont redevables de l’impression qu’ils font sur leurs auditeurs, des passions qu’ils excitent chez eux, des larmes qu’ils leur arrachent, &c. &c. &c.

Cette magie très-louable en elle-même, fut poussée assez loin dans l’antiquité : il paroît même par le feu grégeois, & quelques autres découvertes dont les auteurs nous parlent, qu’à divers égards les anciens nous ont surpassés dans cette espece de magie ; mais les invasions des peuples du Nord lui firent éprouver les plus funestes révolutions, & la replongerent dans cet affreux cahos dont les sciences & les beaux arts avoient eu tant de peine à sortir dans notre Europe.

Ainsi, bien des siecles après la sphere de verre d’Archimede, la colombe de bois volante d’Architras, les oiseaux d’or de l’empereur Léon qui chantoient, les oiseaux d’airain de Boëce qui chantoient & qui voloient, les serpens de même matiere qui siffloient, &c. il fut un pays en Europe (mais ce n’étoit ni le siecle ni la patrie de Vaucanson) il fut, dis-je, un pays dans lequel on fut sur le point de bruler Brioché & ses marionnettes. Un cavalier françois qui promenoit & faisoit voir dans les foires une jument qu’il avoit eu l’habileté de dresser à répondre exactement à ses signes, comme nous en avons tant vûs dans la suite, eut la douleur en Espagne de voir mettre à l’inquisition un animal qui faisoit toute sa ressource, & eut assez de peine à se tirer lui-même d’affaire. On pourroit multiplier sans nombre les exemples de choses toutes naturelles, que l’ignorance a voulu criminaliser & faire passer pour les actes d’une magie noire & diabolique : à quoi ne furent pas exposés ceux qui les premiers oserent parler d’antipodes & d’un nouveau monde ?

Mais nous reprenons insensiblement le dessus, & l’on peut dire qu’aux yeux mêmes de la multitude, les bornes de cette prétendue magie naturelle se rétrécissent tous les jours ; parce qu’éclairés du flambeau de la Philosophie, nous faisons tous les jours d’heureuses découvertes dans les secrets de la nature, & que de bons systèmes soutenus par une multitude de belles expériences annoncent à l’humanité dequoi elle peut être capable par elle-même & sans magie. Ainsi la boussole, les thélescopes, les microscopes, &c. & de nos jours, les polypes, l’électricité ; dans la Chimie, dans la Méchanique & la Statique, les découvertes les plus belles & les plus utiles, vont immortaliser notre siecle ; & si l’Europe retomboit jamais dans la barbarie dont elle est enfin sortie, nous passerons chez de barbares successeurs pour autant de magiciens.

3°. La magie surnaturelle est la magie proprement dite, cette magie noire qui se prend toujours en mauvaise part, que produisent l’orgueil, l’ignorance & le manque de Philosophie : c’est elle qu’Agrippa comprend sous les noms de cœlestialis & ceremonialis ; elle n’a de science que le nom, & n’est autre chose que l’amas confus de principes obscurs, incertains & non démontrés, de pratiques la plûpart arbitraires, puériles, & dont l’inéfficace se prouve par la nature des choses.

Agrippa aussi peu philosophe que magicien, entend par la magie qu’il appelle cœlestialis, l’astrologie judiciaire qui attribue à des esprits une certaine domination sur les planetes, & aux planetes sur les hommes, & qui prétend que les diverses constellations influent sur les inclinations, le sort, la bonne ou mauvaise fortune des humains ; & sur ces foibles fondemens bâtit un système ridicule, mais qui n’ose paroître aujourd’hui que dans l’almanach de Liege & autres livres semblables ; tristes dépôts des matériaux qui servent à nourrir des préjugés & des erreurs populaires.

La magie ceremonialis, suivant Agrippa, est bien sans contredit ce qu’il y a de plus odieux dans ces vaines sciences : elle consiste dans l’invocation des démons, & s’arroge ensuite d’un pacte exprès ou tacite fait avec les puissances infernales, le prétendu pouvoir de nuire à leurs ennemis, de produire des effets mauvais & pernicieux, que ne sauroient éviter les malheureuses victimes de leur fureur.

Elle se partage en plusieurs branches, suivant ses divers objets & opérations ; la cabale, le sortilege, l’enchantement, l’évocation des morts ou des malins esprits ; la découverte des trésors cachés, des plus grands secrets ; la divination, le don de prophétie, celui de guérir par des pratiques mystérieuses les maladies les plus opiniâtres ; la fréquentation du sabbat, &c. De quels travers n’est pas capable l’esprit humain ! On a donné dans toutes ces réveries ; c’est le dernier effort de la Philosophie d’avoir enfin desabusé l’humanité de ces humiliantes chimeres ; elle a eu à combattre la superstition, & même la Théologie qui ne fait que trop souvent cause commune avec elle. Mais enfin dans les pays où l’on sait penser, réfléchir & douter, le démon fait un petit rôle, & la magie diabolique reste sans estime & crédit.

Mais ne tirons pas vanité de notre façon de penser ; nous y sommes venus un peu tard ; ouvrez les registres de la plus petite cour de Justice, vous y trouverez d’immenses cahiers de procédures contre les sorciers, les magiciens & les enchanteurs. Les seigneurs de jurisdictions se sont enrichis de leurs dépouilles, & la confiscation des biens appartenans aux prétendus sorciers a peut-être allumé plus d’un bucher ; du-moins est-il vrai que souvent la passion a su tirer un grand parti de la crédulité du peuple, & faire regarder comme un sorcier & docteur en magie celui qu’elle vouloit perdre, dans le tems même que suivant la judicieuse remarque d’Apulée accusé autrefois de magie, ce crime, dit-il, n’est pas même cru par ceux qui en accusent les autres ; car si un homme étoit bien persuadé qu’un autre homme le pût faire mourir par magie, il appréhenderoit de l’irriter en l’accusant de ce crime abominable.

Le fameux maréchal d’Ancre, Léonora Galigaï son épouse, sont des exemples mémorables de ce que peut la funeste accusation d’un crime chimérique, fomentée par une passion secrette & poussée par la dangereuse intrigue de cour. Mais il est peu d’exemples dans ce genre mieux constatés que celui du célebre Urbain Grandier curé & chanoine de Loudun, brûlé vif comme magicien l’an 1629. Qu’un philosophe ou seulement un ami de l’humanité souffre avec peine l’idée d’un malheureux immolé à la simplicité des uns & à la barbarie des autres ! Comment le voir de sang-froid condamné comme magicien à périr par les flammes, jugé sur la déposition d’Astaroth diable de l’ordre des séraphins ; d’Easas, de Celsus, d’Acaos, de Cédon, d’Asmodée, diables de l’ordre des trônes ; d’Alex, de Zabulon, Nephtalim, de Cham, d’Uriel, d’Ahaz, de l’ordre des principautés ? comment voir ce malheureux chanoine jugé impitoyablement sur la déposition de quelques religieuses qui disoient qu’il les avoit livrées à ces légions d’esprits infernaux ? comment n’est-on pas mal à son aise, lorsqu’on le voit brûlé tout vif, avec des caracteres prétendus magiques, poursuivi & noirci comme magicien jusques sur le bucher même où une mouche noirâtre de l’ordre de celles qu’on appelle des bourdons, & qui rodoit autour de la tête de Grandier, fut prise par un moine qui sans doute avoit lû dans le concile de Quieres, que les diables se trouvoient toujours à la mort des hommes pour les tenter, fut pris, dis-je, pour Béelzebut prince des mouches, qui voloit autour de Grandier pour emporter son ame en enfer ? Observation puérile, mais qui dans la bouche de ce moine fut peut-être l’un des moins mauvais argumens qu’une barbare politique sut mettre en usage pour justifier ses excès, & en imposer par des contes absurdes à la funeste crédulité des simples. Que d’horreurs ! & où ne se porte pas l’esprit humain lorsqu’il est aveuglé par les malheureuses passions de l’envie & de l’esprit de vengeance ? L’on doit sans doute tenir compte à Gabriel Naudé, d’avoir pris généreusement la défense des grands hommes accusés de magie ; mais je pense qu’ils ont plus d’obligations à ce goût de Philosophie qui a fait sentir toute la vanité de cette accusation, qu’au zele de leur avocat qui a peut-être marqué plus de courage dans son entreprise que d’habileté dans l’exécution & de forces dans les raisonnemens qu’il emploie. Si Naudé a pu justifier bien des grands hommes d’une imputation qui aux yeux du bons sens & de la raison se détruit d’elle-même : malgré tout son zele il eût sans doute échoué, s’il eût entrepris d’innocenter entierement à cet égard les sages de l’antiquité, puisque toute leur philosophie n’a pu les mettre à l’abri de cette grossiere superstition, que la magie tient par la main. Je n’en citerai d’autre exemple que Caton. Il étoit dans l’idée qu’on peut guérir les maladies les plus sérieuses par des paroles enchantées : voici les paroles barbares, au moyen desquelles suivant lui on a une recette très-assurée pour remettre les membres démis : Incipe cantare in alto S : F. motas danata dardaries astotaries, dic una parite usque dum coeant, &c. C’est l’édition d’Alde Manuce que je lis ; car celle d’Henri Estienne, revûe & corrigée par Victorius, a été fort changée sur un point où la grande obscurité du texte ouvre un vaste champ à la manie des critiques.

Chacun sait que les anciens avoient attaché les plus grandes vertus au mot magique abracadabra. Q. Serenus, célebre Médecin, prétend que ce mot vuide de sens écrit sur du papier & pendu au cou, étoit un sûr remede pour guérir la fievre quarte ; sans doute qu’avec de tels principes la superstition étoit toute sa pharmacie, & la foi du patient sa meilleure ressource.

C’est à cette foi qu’on peut & qu’on doit rapporter ces guérisons si extraordinaires dans le récit qu’elles semblent tenir de la magie, mais qui approfondies, sont presque toujours des fraudes pieuses, ou les suites de cette superstition qui n’a que trop souvent triomphé du bon sens, de la raison & même de la Philosophie. Nos préjugés, nos erreurs & nos folies se tiennent toutes par la la main. La crainte est fille de l’ignorance ; celle-ci a produit la superstition qui est à son tour la mere du fanatisme, source féconde d’erreurs, d’illusions, de phantômes, d’une imagination échaufée qui change en lutins, en loups-garoux, en revenans, en démons même tout ce qui le heurte ; comment dans cette disposition d’esprit ne pas croire à tous les rêves de la magie ? si le fanatique est pieux & dévot, (& c’est presque toujours ce ton sur lequel il est monté) il se croira magicien pour la gloire de Dieu ; du-moins s’attribuera-t-il l’important privilege de sauver & damner sans appel : il n’est pire magie que celle des faux dévots. Je finis par cette remarque ; c’est qu’on pourroit appeller le sabbath l’empire des amazones souterraines ; du-moins il y a toujours eu beaucoup plus de sorcieres que de sorciers : nous l’attribuons bonnement à la foiblesse d’esprit ou à la trop grande curiosité des femmes ; filles d’Eve, elles veulent se perdre comme elle pour tout savoir. Mais un anonyme (Voyez Alector ou le Coq, lib. II. des adeptes) qui voudroit persuader au public qu’il est un des premiers confidens de satan, prête aux démons un esprit de galanterie qui justifie leur prédilection pour le sexe, & les faveurs dont ils l’honorent : par-là même le juste retour de cette moitié du genre humain avec laquelle pour l’ordinaire on gagne plus qu’on ne perd.

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Étymologie de « magie »

(Date à préciser) Du latin magia (sens identique), qui vient de magus (« magicien », « sorcier », « prêtre chez les Perses ») emprunté au grec ancien μάγος, mágos. Référence nécessaire
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Lat. magia, du grec μαγεία, de μάγος, mage 1.

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Phonétique du mot « magie »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
magie maʒi

Fréquence d'apparition du mot « magie » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « magie »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « magie »

  • L’amour est la magie qui transforme la poussière de nos vies en une brume dorée.
    Anonyme
  • Vient un jour où il n'y a plus de magie à être nu.
    Michel Leiris — Fibrilles, Gallimard
  • La science, dans ses résultats, est plus magique que la magie : c'est une magie à preuves !
    Jean-Marie Adiaffi — La Carte d'identité
  • Le génie est une forme de magie, et le propre de la magie, c'est qu'on ne peut l'expliquer.
    Margot Fonteyn
  • Là où il y a une femme, il y a de la magie.
    Ntozake Shange — Sassafrass
  • Au commencement des temps, les mots et la magie étaient une seule et même chose.
    Sigmund Freud
  • La nuit fait des tours de magie pour les amants de minuit.
    Axelle Red — Amants de minuit
  • Tout est magie, ou rien.
    Novalis
  • La poésie libère la magie des mots.
    Stéphane Jean
  • Le monde est sa propre magie.
    Seijun Suzuki
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Images d'illustration du mot « magie »

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Traductions du mot « magie »

Langue Traduction
Anglais magic
Espagnol magia
Italien magia
Allemand magie
Chinois 魔法
Arabe سحر
Portugais magia
Russe магия
Japonais マジック
Basque magia
Corse magia
Source : Google Translate API

Synonymes de « magie »

Source : synonymes de magie sur lebonsynonyme.fr

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Nombre de points du mot magie au scrabble : 8 points

Magie

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