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Faire l’école buissonnière : définition et origine de l’expression

Avez-vous déjà fait l’école buissonnière ? Si oui, peut-être avez-vous manqué la leçon durant laquelle votre professeur expliqua la définition de cette expression, vraisemblablement apparue dans la langue française au cours du XVIe siècle.

Si tel est le cas, rassurez-vous : nous avons prévu un cours de rattrapage sous la forme de cet article, dans lequel nous revenons sur le sens, l’usage et l’origine de l’expression « faire l’école buissonnière ».

Définition de l’expression « faire l’école buissonnière » 

L’expression « faire l’école buissonnière » signifie paradoxalement « ne pas se rendre à l’école » : on dit cela d’un enfant qui manque les cours de manière délibérée, généralement dans le but de s’adonner à une activité qui lui semble plus plaisante. 

Le « buisson » à laquelle l’expression fait référence suggère que l’élève est occupé à flâner, à se promener – et, au sens figuré, à jouer et à s’amuser – comme quelqu’un qui se baladerait dehors, parmi les buissons, les arbres et la végétation, au lieu de se rendre en classe.

C’est cette image de l’écolier qui déambule de manière insouciante qui confère à cette expression une connotation plutôt positive. À l’inverse, la locution « sécher les cours », qui renvoie pourtant à la même idée, est teintée d’une couleur plus négative : elle souligne la culpabilité de l’élève, considéré comme un cancre. 

Par un effet de transposition de son usage original, le terme est parfois employé comme synonyme d’autres expressions françaises au sens similaire, telles que « faire faux bond » ou « poser un lapin ». Dans ce cas, « faire l’école buissonnière » signifie manquer un rendez-vous, ou ne pas se rendre à la destination prévue.

Origine de l’expression « faire l’école buissonnière »

« Faire l’école buissonnière » est l’une de ces expressions françaises dont l’origine fait débat, bien que la plupart des historiens de la langue française s’accordent à dire qu’elle est apparue au XVIe siècle.

En effet, le terme « école buissonnière » était alors employé pour désigner les écoles de l’Église luthérienne — du nom de Martin Luther, père du protestantisme. Ce dernier fut excommunié en 1561, et sa religion proscrite par l’Église catholique. Aussi, l’enseignement protestant devait avoir lieu de manière clandestine, dans des écoles « buissonnières », ainsi nommées, car elles se trouvaient à l’abri des regards, cachées dans les campagnes ou dans les bois. Il faut toutefois souligner que cet usage de l’expression était éloigné de son sens moderne, puisque ceux qui « faisaient l’école buissonnière » s’y rendaient bel et bien !

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Cependant, la formule fut également repérée dans un texte de Clément Marot, publié en 1535, avec la signification qu’on lui connait aujourd’hui : « Vray est qu’elle fut buissonniere / L’escolle de ceulx de Pavie ». L’auteur fait référence au Concile de Pavie de 1423, convoqué par le pape Martin V. Du fait de l’épidémie de peste qui affectait la ville de Pavie, le Concile fut boudé par le plus grand monde, et dut être transféré à Sienne. À Pavie, les « écoliers » (ou, en l’occurrence, les évêques) furent donc bel et bien absents.

Selon certains théoriciens, l’expression aurait perduré avec le sens de « manquer l’école », car elle renverrait à l’image d’un buisson dans lequel se cachent les enfants pour ne pas être repérés par les adultes ; ou bien à l’idée d’une école si peu fréquentée que les ronces et les mauvaises herbes auraient commencé à y pousser.

C’est bien ce second sens qui a subsisté jusqu’à aujourd’hui, avec l’idée que « faire l’école buissonnière » consiste à flâner et à s’amuser dehors, au lieu de rester confiné entre les quatre murs de la salle de classe. L’expression est désormais ancrée dans la culture populaire, et on la retrouve d’ailleurs dans la chanson « Mon frère » de Maxime Le Forestier, parue en 1972 : « On aurait appris l’argot par cœur / J’aurais été ton professeur / À mon école buissonnière ».


Exemples de l’usage de l’expression « faire l’école buissonnière »

Je fis bien de temps à autre l’école buissonnière […] mais ce ne furent des escapades de brève durée qui devinrent de plus en plus rares.

Joseph Caillaux, Mes Mémoires, I, Ma jeunesse orgueilleuse.

Moisson capricieuse, portraits-souvenirs, voyages, mémoires, lectures et recherches, minimes moins arrogantes que les maximes, enfin l’école buissonnière de la prose et des vers.

Claude Roy, Chemins croisés

— Pauvre Majesté, pauvre Sire, il a fait l’école buissonnière.
— Je suis comme un écolier qui se présente à l’examen sans avoir fait ses devoirs.

Eugène Ionesco, Le Roi se meurt

Mille mètres plus loin, la dure nécessité nous rangerait d’office sur l’échiquier noir de la guerre, mais ici, hors du jeu, oubliés, nous faisions l’école buissonnière. Les balles aussi. Balles perdues, écume des lointains combats.

Un sens à la vie, Antoine de Saint-Exupéry

Dans une salle de jeux vidéo, où des gamins faisaient l'école buissonnière et où les jeunes chômeurs et les génies incompris locaux se rassemblaient pour tester leurs talents, leur chance et leur rage, je vis un jeu vidéo où, quand était atteint le score de vingt-mille points, surgissait un ange rose imaginé par un Japonais et dessiné par un Italien, qui nous souriait gentiment […]

Orhan Pamuk, La vie nouvelle
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Nicolas Lafarge-Debeaupuis

Nicolas Lafarge-Debeaupuis

Nicolas Lafarge-Debeaupuis est rédacteur indépendant, et prête ses mots à différents médias et entreprises. Se décrivant volontiers comme « un geek avec une plume », il se sent dans son élément naturel lorsqu’il écrit sur des sites web tels que La langue française.

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