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Conter fleurette : définition et origine de l'expression

L’histoire littéraire est peuplée de personnages romantiques. Parmi ceux-là, certains ont davantage marqué le paysage, au point de devenir de véritables références. Ainsi, lorsqu’on parle de séduction, de galanterie, de conquêtes amoureuses, on pense à Valmont, à Julien Sorel, ou, plus populaires encore, à Casanova (terme passé dans le langage courant pour désigner un tombeur) ou Don Juan (qui a donné naissance à l’adjectif donjuanesque). Le point commun entre tous ces bourreaux du cœur ? Ils maîtrisent à la perfection l’art de « conter fleurette ». Nous vous expliquons ici les origines et l’histoire de cette charmante expression. Bonne lecture !

Définition de l’expression « conter fleurette »

L’expression française, aujourd’hui encore fréquemment utilisée, « conter fleurette » est une locution verbale qui désigne le discours léger et séducteur de celui qui veut charmer. Voici la définition qu’en donne l’Académie française : « Fleurette, diminutif de Fleur, a donné naissance à l’expression Conter fleurette. On conte fleurette à une femme, on lui tient des propos aimables, galants, badins. » Il existe aussi la variante orthographique « conter florette ». On dira aussi un « conteur de fleurettes »

Origine de l’expression « conter fleurette »

À l’origine, l’expression « conter fleurette » avait pour sens premier « raconter des balivernes » avant de revêtir le sens plus plaisant qu’on lui donne aujourd’hui. L’expression est née au XVIIe siècle, en 1654, plus exactement, selon Alain Rey et Sophie Chantreau, dans le Dictionnaire d’expressions et locutions (2003).

L’expression se forme de deux termes fréquemment utilisés à l’époque – un peu moins aujourd’hui : « conter », équivalent à « raconter » et « fleurette », diminutif du mot fleur. Selon le Cnrtl, le terme « fleurette », dans son acception ancienne et vieillie, renvoie déjà par extension à  « l’aspect platonique de l’amour mêlé de sentimentalité et de mièvrerie » (exemple : « Toi, dans le sentiment, tu penses tout de suite au traversin. La fleurette, c’est pas ton rayon. Enfin, c’est comme ça », Marcel Aymé, Clérambard, 1950).

Par la suite, le terme « fleurette » a même donné naissance au verbe « fleureter », qui, en moyen français, signifie « tenir des propos légers » (Dictionnaire du moyen français). Comme le souligne l’Académie française, nous pourrions rapprocher le verbe fleureter du verbe né de l’anglais « flirter », né au XIXe siècle

Il serait donc aisé de penser que l’expression serait née ainsi, de l’idée véhiculée par le terme « fleurette » :  tenir des propos légers et sans importance. Mais d’où vient donc l’aspect romantique et séducteur. À cela, Horace Raisson tente de donner une explication dans l’introduction de son Code galant ou art de conter fleurette (1834).

Selon lui, fleurette ne serait pas seulement un mignon diminutif du mot fleur, mais le prénom d’une jeune fille dont se serait épris Henri IV, en 1566, alors âgé de quinze ans. Voici un extrait du récit qu’il en fait (disponible en ligne ou dans les archives de Gallica Bnf, nous vous conseillons sa lecture, l’anecdote étant ravissante) : 

Un trouble naïf et touchant se peint sur les traits charmants de la jeune fille. Henri sent s’arrêter le battement de son cœur, un doux regard s’échange rapidement entre eux. Henri, en retournant au château, apprend que cette aimable enfant s’appelle Fleurette et qu’elle habite avec son père, jardinier du château (…). Dès le lendemain, le jardinage est devenu la passion dominante de Henri (…). Depuis près d’un mois, le sensible Henriot en contait à Fleurette; tous deux s’aimaient éperdument, sans trop savoir encore ce qu’ils se voulaient, ils l’apprirent un soir à la fontaine.

Horace Raisson, Code galant ou art de conter fleurette

Exemples d’usage de l’expression « conter fleurette »

Je ne sais si la mère savait quelque chose lors de ma première visite, mais toujours est-il que quelques jours après, elle me permit non seulement de voir sa fille, mais de lui conter fleurette et je le fis si bien qu’elle reçut mes déclarations comme vraies.

Gatien Courtilz de Sandras, Pierre Marteau, Mémoires de Mr. d’Artagnan, 1700

Habillée en capitaine de cavalerie, et masquée, j’ai conté fleurette à la plus belle dame de l’assemblée. J’avais droit de m’applaudir de mes succès galans lorsque trois rivaux, oui, trois, sont venus me défier d’une manière très-peu courtoise.

Madeleine Maupain, Lettre du 15 juillet 1704, à Monsieur le Chevalier de Séranne ; parue dans La Revue de Paris de 1833

Alors voilà il a conté fleurette à une dame mariée. Le démon, dit Mme la Supérieure. J’approuve, et je poursuis. Une femme mariée qui a une très bonne situation.

Jean Giono, Les Grands chemins

Si le bailli lui eût conté fleurette, elle l’eût été dire au roi ; et si le bon Dieu eût été amoureux d’elle, elle l’eût été dire au curé.

Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer, 1866

« Ça va !… » dit-elle, comme il voulait renouer la conversation. Et cela signifiait qu’elle n’avait pas besoin de lui, qu’elle prendrait seule les décisions nécessaires, comme de coutume, qu’il n’avait pas d’explications à donner et qu’il pouvait aller conter fleurette aux gamines.

Georges Simenon, Le Relais d’Alsace, 1933

N’hésitez pas à visiter notre section dédiée aux expressions francophones pour découvrir de nouvelles expressions.

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Violaine Epitalon

Violaine Epitalon

Violaine Epitalon est journaliste, titulaire d'un Master en lettres classiques et en littérature comparée et spécialisée en linguistique, philosophie antique et anecdotes abracadabrantesques.

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