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Sophisme

Variantes Singulier Pluriel
Masculin sophisme sophismes

Définitions de « sophisme »

Trésor de la Langue Française informatisé

SOPHISME, subst. masc.

A. − LOGIQUE
1. Argument, raisonnement qui, partant de prémisses vraies, ou considérées comme telles, et obéissant aux règles de la logique, aboutit à une conclusion inadmissible. Sophisme de la flèche de Zénon. Le problème de la liberté est (...) né d'un malentendu: il a été pour les modernes ce que furent, pour les anciens, les sophismes de l'école d'Elée, et comme ces sophismes eux-mêmes, il a son origine dans l'illusion par laquelle on confond succession et simultanéité, durée et étendue, qualité et quantité (Bergson,Essai donn. imm., 1889, p. 183).Il faut (...) se garder des explications simplistes, unilatérales, et du sophisme: post hoc, ergo propter hoc (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 760).J'entends bien ne pas renouveler (...) les vieux sophismes hérités des Mégariques (le « tas de blé », le « chauve ») (Marrou,Connaiss. hist., 1954, p. 87).
2. Argument, raisonnement ayant l'apparence de la validité, de la vérité, mais en réalité faux et non concluant, avancé généralement avec mauvaise foi, pour tromper ou faire illusion. Probe autant qu'une fleur née au fond d'une forêt est délicate, elle ne connaissait ni les maximes du monde, ni ses raisonnements captieux, ni ses sophismes (Balzac,E. Grandet, 1834, pp. 110-111).Les premiers troubles de la jeunesse la trouvèrent démunie, sans défense contre le mal, sans protection contre les sophismes et les piperies du monde (Psichari,Voy. centur., 1914, p. 5).
Rem. Le sens log. n'est pas toujours nettement distingué; la distinction paraît cependant nécessaire, dans la mesure où le sens log. n'implique pas la volonté de faire croire une proposition fausse, mais le désir de montrer les limites des règles logiques en créant un illogisme ou une antinomie.
B. − Au fig. ou p. métaph., littér. Erreur, illusion. Les sophismes de l'imagination. Elle s'attache à démêler le sophisme du cœur, à lui dénoter la part d'amour-propre dans ses larmes (Sainte-Beuve,Port-Royal, t. 2, 1842, p. 491).Les sophismes du haschisch sont nombreux et admirables, tendant généralement à l'optimisme, et l'un des principaux, le plus efficace, est celui qui transforme le désir en réalité (Baudel.,Paradis artif., 1860, p. 378).
Prononc. et Orth.: [sɔfism̭]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1175 soufisme (Benoît de Ste-Maure, Chronique des ducs de Normandie, 27855 ds T.-L.); ca 1174-76 sofisme (Guernes de Pont-Sainte-Maxence, Saint Thomas, éd. E. Walberg, 4134). Empr. au lat.sophisma, empr. au gr. σ ο ́ φ ι σ μ α « habileté, adresse », « invention ingénieuse », « argument ou raisonnement captieux ». Fréq. abs. littér.: 429. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 906, b) 436; xxes.: a) 664, b) 416.

Wiktionnaire

Nom commun - français

sophisme \sɔ.fism\ masculin

  1. (Rhétorique) Raisonnement qui n’est logique ou vrai qu’en apparence, mais qui est délibérément conçu pour tromper ou faire illusion.
    • […] le sophisme du progrès et l'illusion de croire à l'avenir de l'homme ! — (Pierre-Henri Simon, Pour un garçon de 20 ans, 1967)
    • Dans ce point de vue, on apercevra que les raisonnements que l’on vient d’exposer ne sont que des sophismes frivoles, ou un badinage de l’esprit, fort déplacé dans l’examen d’une matière si importante. — (François Quesnay, Observations sur le Droit naturel des hommes réunis en société, 1765)
    • Le sophisme que je combats dans cet écrit est d’autant plus dangereux, appliqué aux travaux publics, qu’il sert à justifier les entreprises et les prodigalités les plus folles. Quand un chemin de fer ou un pont ont une utilité réelle, il suffit d’invoquer cette utilité. Mais si on ne le peut, que fait-on ? On a recours à cette mystification : « Il faut procurer de l’ouvrage aux ouvriers. » — (Frédéric Bastiat, Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, 1850)
    • Ce caractère de nécessité historique donne au mouvement antipatriotique actuel une force qu'on chercherait vainement à dissimuler au moyen de sophismes. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908, p.153)
    • Ces docteurs confondent, par un grossier sophisme, un idéal qui, en tant que non changeant, peut par pure métaphore être qualifié de mort, avec les hommes, les êtres charnels qui embrassent cet idéal, lesquels, en cet embrassement, peuvent être si peu morts qu’ils se battront avec acharnement pour le défendre.— (Julien Benda, La trahison des clercs : Appendice des valeurs cléricales, 1927, éd. 1946)
    • J'avais dénoué cent fois ce sophisme, en montrant que le ressort des guerres n'était pas tant l'intérêt que l'honneur ; chose bien aisée à comprendre pour des hommes qui présen­tement risquaient tout, avec une faible chance de gagner, et de gagner fort peu. — (Alain, Souvenirs de guerre, page 215, Hartmann, 1937)
  2. (Courant) Tout raisonnement logique ou vrai qu’en apparence, qu'il soit exprimé avec bonne foi (paralogisme) ou dans le but de tromper (vrai sophisme).
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

SOPHISME. n. m.
Argument captieux, qui pèche ou dans le fond ou dans la forme. Prenez garde à cet argument, c'est un sophisme. Ce livre est tout plein de sophismes. Découvrir, développer, réfuter un sophisme.

Littré (1872-1877)

SOPHISME (so-fi-sm') s. m.
  • Faux raisonnement qui a quelque apparence de vérité. On entend par sophismes certains raisonnements éblouissants, dont on sent bien la fausseté ; mais on est embarrassé à la découvrir, Dumarsais, Œuv. t. V, p. 340. On est désolé de voir les sophismes qu'employa la cruauté, Montesquieu, Esp. XII, 18. L'amitié, le devoir y peuvent enchaîner [à la vie] un infortuné ; des prétextes et des sophismes ne l'y retiendront point, Rousseau, Hél. III, 21. Tout le monde connaît son sophisme [de Buridan] de l'âne placé entre deux bottes égales de foin, Diderot, Opin. des anc. phil. scolastiques. Le sophisme est la fausse monnaie de l'éloquence, Marmontel, Œuv. t. V, p. 321.

    Par extension. Sophismes d'amour-propre, d'intérêt, de passions, faux raisonnements que suggèrent l'amour-propre, l'intérêt, les passions.

    Fig. Les sophismes du cœur, illusions, égarements du cœur.

HISTORIQUE

XIIe s. Li reis jure les oilz, ja cil moz n'i sera ; Car sofisme, ço dist, e grant engin i a, Th. le mart. 108.

XIIIe s. Il n'entendent pas à cel dire Le sofisme qu'il lor fesoit ; Li bons chevaliers nel disoit Se por oïr non qu'il diroient, Lai de l'ombre. Et je si le questionnai, De gramaire li demandai, De soffime et de question Ne me sot respondre un boton, Ren. 21127.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

SOPHISME, s. m. (Logique.) le sophisme est le singe du syllogisme. Pour être séduisant & captieux, il faut nécessairement qu’il en affecte la figure & la mine. On peut dire de lui en général, que ce qu’il a de vicieux consiste dans une contravention à quelqu’une des regles générales ou particulieres de quelqu’une des quatre figures, d’où résultent toutes les sortes des syllogismes.

La logique du Port-Royal les réduit à sept ou huit, ne s’arrêtant pas à remarquer ceux qui sont trop grossiers pour surprendre les personnes un peu attentives.

Le premier, consiste à prouver autre chose que ce qui est en question. Ce sophisme est appellé par Aristote ignoratio elenchi, c’est-à-dire l’ignorance de ce qu’on doit prouver contre son adversaire ; c’est un vice très-ordinaire dans les contestations des hommes. On dispute avec chaleur, & souvent on ne s’entend pas l’un l’autre. La passion ou la mauvaise foi fait qu’on attribue à son adversaire ce qui est éloigné de son sentiment, pour le combattre avec plus d’avantage, ou qu’on lui impute les conséquences qu’on s’imagine pouvoir tirer de sa doctrine, quoiqu’il les désavoue & qu’il les nie.

Le second suppose pour vrai ce qui est en question ; c’est ce qu’Aristote appelle pétition de principe. On peut rapporter à ce sophisme tous les raisonnemens où l’on prouve une chose inconnue, par une qui est autant ou plus inconnue, ou une chose incertaine, par une autre qui est autant ou plus incertaine.

La troisieme prend pour cause ce qui n’est point cause. Ce sophisme s’appelle non causa pro causâ, il est très-ordinaire parmi les hommes, & on y tombe en plusieurs manieres : c’est ainsi que les Philosophes ont attribué mille effets à la crainte du vuide, qu’on a prouvé démonstrativement en ce tems & par des expériences ingénieuses, n’avoir pour cause que la pesanteur de l’air. On tombe dans le même sophisme, quand on se sert de causes éloignées & qui ne prouvent rien, pour prouver des choses ou assez claires d’elles-mêmes, ou fausses, ou du-moins douteuses. L’autre cause qui fait tomber les hommes dans ce sophisme, est la sotte vanité qui nous fait avoir honte de reconnoître notre ignorance ; car c’est de-là qu’il arrive que nous aimons mieux nous forger des causes imaginaires des choses dont on nous demande raison, que d’avouer que nous n’en savons pas la cause ; & la maniere dont nous nous échappons de cette confession de notre ignorance est assez plaisante. Quand nous voyons un effet dont la cause est inconnue, nous nous imaginons l’avoir découverte, lorsque nous avons joint à cet effet un mot général de vertu ou de faculté, qui ne forme dans notre esprit aucune autre idée, sinon que cet effet a quelque cause ; ce que nous savions bien, avant d’avoir trouvé ce mot. Ceux qui ne font point profession de science, & à qui l’ignorance n’est pas honteuse, avouent franchement qu’ils connoissent ces effets, mais qu’ils n’en savent pas la cause ; au lieu que les savans qui rougiroient d’en dire autant, s’en tirent d’une autre maniere, & prétendent qu’ils ont découvert la vraie cause de ces effets, qui est, par exemple, qu’il y a dans les arteres une vertu pulsifique, dans l’aimant une vertu magnétique, dans le sené une vertu purgative, & dans le pavot une vertu soporifique. Voilà qui est fort commodément résolu ; & il n’y a point de Chinois qui n’eût pû avec autant de facilité, se tirer de l’admiration où on étoit des horloges en ce pays-là, lorsqu’on leur en apporta d’Europe ; car il n’auroit eu qu’à dire, qu’il connoissoit parfaitement la raison de ce que les autres trouvoient si merveilleux, & que ce n’étoit autre chose, sinon qu’il y avoit dans cette machine une vertu indicatrice qui marquoit les heures sur le cadran, & une vertu sonorifique qui les faisoit sonner : il se seroit rendu par-là aussi savant dans la connoissance des horloges, que le sont ces Philosophes dans la connoissance du battement des arteres, & des propriétés de l’aimant, du sené & du pavot.

Il y a encore d’autres mots qui servent à rendre les hommes savans à peu de frais, comme de sympathie, d’antipathie, de qualités occultes. Ce qui les rend ridiculement savans, c’est qu’ils s’imaginent l’être effectivement, pour avoir trouvé un mot auquel ils attachent une certaine qualité imaginaire, que ni eux ni personne n’a jamais conçue.

Le quatrieme consiste dans un dénombrement imparfait. C’est le défaut le plus ordinaire des personnes habiles que de faire des dénombremens imparfaits, & de ne considérer pas assez toutes les manieres dont une chose peut être ou peut arriver ; d’où ils concluent témérairement, ou qu’elle n’est pas, parce qu’elle n’est pas d’une certaine maniere, quoiqu’elle puisse être d’une autre : ou qu’elle est de telle & telle façon, quoiqu’elle puisse être encore d’une autre maniere qu’ils n’ont pas considérée.

Le cinquieme fait juger d’une chose par ce qui ne lui convient que par accident. Ce sophisme est appellé fallacia accidentis. Il consiste à tirer une conclusion absolue, simple & sans restriction de ce qui n’est vrai que par accident : c’est ce que font tant de gens qui déclament contre l’antimoine, parce qu’étant mal appliqué, il produit de mauvais effets ; & d’autres qui attribuent à l’éloquence tous les mauvais effets qu’elle produit, quand on en abuse ; ou à la Médecine les fautes de quelques ignorans.

On tombe aussi souvent dans ce mauvais raisonnement, quand on prend les simples occasions pour les véritables causes ; comme qui accuseroit la religion chrétienne d’avoir été la cause du massacre d’une infinité de personnes, qui ont mieux aimé souffrir la mort que de renoncer Jesus-Christ ; au lieu que ce n’est ni à la religion chrétienne, ni à la constance des martyrs qu’on doit attribuer ces meurtres, mais à la seule injustice & à la seule cruauté des payens.

On voit aussi un exemple considérable de ce sophisme dans le raisonnement ridicule des Epicuriens, qui concluoient que les dieux devoient avoir une forme humaine, parce que dans toutes les choses humaines, il n’y avoit que l’homme qui fût doué de la raison. « Les dieux, disoient ils, sont très heureux : nul ne peut être heureux sans la vertu : il n’y a point de vertu sans la raison, & la raison ne se trouve nulle part ailleurs qu’en ce qui a la forme humaine : il faut donc avouer que les dieux sont en forme humaine. » Voilà qui n’est pas bien conclu. En vérité ce que M. de Fontenelle a dit des anciens, savoir qu’ils ne sont pas sujets, sur quelque matiere que ce soit, à raisonner dans la derniere perfection, n’est point exagéré. « Souvent, dit cet auteur ingénieux, de foibles convenances, de petites similitudes, des jeux d’esprit peu solides, des discours vagues & confus passent chez eux pour des preuves ; aussi rien ne leur coute à prouver ; mais ce qu’un ancien démontroit en se jouant, donneroit à l’heure qu’il est, bien de la peine à un pauvre moderne ; car de quelle rigueur n’est-on pas sur les raisonnemens ? On veut qu’ils soient intelligibles, on veut qu’ils soient justes, on veut qu’ils concluent. On aura la malignité de démêler la moindre équivoque ou d’idées ou de mots ; on aura la dureté de condamner la chose du monde la plus ingénieuse, si elle ne va pas au fait. Avant M. Descartes on raisonnoit plus commodément ; les siecles passés sont bien heureux de n’avoir pas eu cet homme-là. »

Le sixieme passe du sens divisé au sens composé, ou du sens composé au sens divisé ; l’un de ces sophismes s’appelle fallacia compositionis, & l’autre fallacia divisionis. J. C. dit dans l’Evangile, en parlant de ses miracles : les aveugles voient, les boiteux marchent droit, les sourds entendent. Il est évident que cela ne peut être vrai, qu’en prenant ces choses séparément, c’est-à-dire dans le sens divisé. Car les aveugles ne voyoient pas demeurant aveugles, & les sourds n’entendoient pas demeurant sourds. C’est aussi dans le même sens qu’il est dit dans les Ecritures, que Dieu justifie les impies ; car cela ne veut pas dire qu’il tient pour justes ceux qui sont encore impies, mais bien qu’il rend justes, par sa grace, ceux qui étoient impies.

Il y a au contraire, des propositions qui ne sont vraies qu’en un sens opposé à celui-là, qui est le sens divisé. Comme quand S. Paul dit : que les médisans, les fornicateurs, les avares n’entreront point dans le royaume des cieux, car cela ne veut pas dire que nul de ceux qui auront eu ces vices ne seront sauvés, mais seulement que ceux qui y demeureront attachés ne le seront pas.

Le septieme passe de ce qui est vrai à quelque égard, à ce qui est vrai simplement ; c’est ce qu’on appelle dans l’école, à dicto secundùm quid, ad dictum simpliciter. En voici des exemples. Les Epicuriens prouvoient encore que les dieux devoient avoir la forme humaine, parce qu’il n’y en a point de plus belle que celle-là, & que tout ce qui est beau doit être en dieu. C’étoit fort mal raisonner ; car la forme humaine n’est point absolument une beauté, mais seulement au regard des corps ; & ainsi n’étant une perfection qu’à quelque égard & non simplement, il ne s’ensuit point qu’elle doive être en dieu, parce que toutes les perfections sont en dieu.

Nous voyons aussi dans Cicéron, au III. livre de la nature des dieux, un argument ridicule de Cotta contre l’existence de Dieu, qui a le même défaut. « Comment, dit-il, pouvons-nous concevoir Dieu, ne lui pouvant attribuer aucune vertu ? Car, dirons-nous qu’il a de la prudence, mais la prudence consistant dans le choix des biens & des maux, quel besoin peut avoir Dieu de ce choix, n’étant capable d’aucun mal ? Dirons-nous qu’il a de l’intelligence & de la raison, mais la raison & l’intelligence nous servent à nous, à découvrir ce qui nous est inconnu par ce qui nous est connu ; or il ne peut y avoir rien d’inconnu à Dieu ? La justice ne peut aussi être en Dieu, puisqu’elle ne regarde que la société des hommes ; ni la tempérance, parce qu’il n’a point de voluptés à modérer ; ni la force, parce qu’il n’est susceptible ni de douleur ni de travail, & qu’il n’est exposé à aucun péril. Comment donc pourroit être Dieu, ce qui n’auroit ni intelligence ni vertu » ? Ce qu’il y a de merveilleux dans ce beau raisonnement, c’est que Cotta ne conclud qu’il n’y a point de vertu en Dieu, que parce que l’imperfection qui se trouve dans la vertu humaine n’est pas en Dieu. De sorte que ce lui est une preuve que Dieu n’a point d’intelligence, parce que rien ne lui est caché ; c’est-à-dire qu’il ne voit rien, parce qu’il voit tout, qu’il ne peut rien, parce qu’il peut tout ; qu’il ne jouit d’aucun bien, parce qu’il possede tous les biens.

Le huitieme enfin, se réduit à abuser de l’ambiguité des mots ; ce qui se peut faire en diverses manieres. On peut rapporter à cette espece de sophisme, tous les syllogismes qui sont vicieux, parce qu’il s’y trouve quatre termes, soit parce que le moyen terme y est pris deux fois particulierement, ou parce qu’il est susceptible de divers sens dans les deux prémisses ; ou enfin parce que les termes de la conclusion ne sont pas pris de la même maniere dans les prémisses que dans la conclusion. Car nous ne restraignons pas le mot d’ambiguité, aux seuls mots qui sont grossierement équivoques, ce qui ne trompe presque jamais ; mais nous comprenons par-là tout ce qui peut faire changer du sens à un mot, par une altération imperceptible d’idées, parce que diverses choses étant signifiées par le même son, on les prend pour la même chose.

Ainsi quand vous entendrez le sophisme suivant :

Les apôtres étoient douze,
Judas étoit apôtre ;
Donc Judas étoit douze.

le sophiste aura beau dire que l’argument est en forme ; pour le confondre, sans nulle discussion ni embarras, démêlez simplement l’équivoque du mot les apôtres. Ce mot les apôtres signifie dans le syllogisme en question, les apôtres en tant que pris tous ensemble & faisant le nombre de douze. Or dans cette signification, comment dire dans la mineure, or Judas étoit apôtre ? Judas étoit-il apôtre en tant que les apôtres sont pris tous ensemble au nombre de douze ?

Citons encore pour exemple ce sophisme burlesque.

Le manger salé fait boire beaucoup ;
Or boire beaucoup fait passer la soif :
Donc le manger salé fait passer la soif.

Ce sophisme porte un masque de syllogisme ; mais il sera bientôt démasqué par une simple attention : c’est que le moyen terme, qui paroît le même dans la premiere & dans la seconde proposition, change imperceptiblement à la faveur d’un petit mot qui est de plus dans l’une, & qui est de moins dans l’autre. Or un petit mot ne fait pas ici une petite différence. Une diphtongue altérée causa autrefois de furieux ravages dans l’Eglise ; & une particule changée, n’en fait pas de moindres dans la Logique pour conserver au moyen terme, le même sens dans les deux propositions. Il falloit énoncer dans la mineure, or faire boire beaucoup fait passer la soif. Au lieu de cela, on supprime ici dans la mineure, le verbe faire devant le mot boire, ce qui change le sens, puisque faire boire & boire, ne sont pas la même chose.

On pourroit appeller simplement le sophisme, une équivoque ; & pour en découvrir le vice ou le nœud, il ne faudroit que découvrir l’équivoque.

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Étymologie de « sophisme »

Provenç. sofisme ; espagn. sofisma ; ital. sofismo ; du lat. sophisma, en grec σόφισμα, proprement sage pensée, plus tard sophisme. Σόφισμα a même racine que σοφὸς, sage, le même que le vieux latin sapus, d'où sapere (voy. SAVOIR).

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Du latin sophisma, lui-même emprunté au grec ancien σόφισμα, sóphisma (« habileté ; invention ingénieuse ; raisonnement captieux »).
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Phonétique du mot « sophisme »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
sophisme sɔfism

Fréquence d'apparition du mot « sophisme » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Citations contenant le mot « sophisme »

  • Les gémissements poétiques de ce siècle ne sont que des sophismes.
    Lautréamont — Paris
  • Rendu là, devant un tel sophisme, de calibre olympique, est-ce que ça vaut même encore la peine de débattre? À ceux qui s’inquiètent des dérives populistes de Christian Rioux au Devoir, je vous suggère de regarder un peu du côté de Mme Nicolas...
    Le Journal de Québec — Pandémie et laïcité, l’art de faire dans la mauvaise foi... | JDQ
  • Sacrifice et patriotisme, Gloire et honneurs fumisteries, Ces mots ne sont que des sophismes, Qui envoient les hommes à la boucherie.
    Pierre Perret — Amour, liberté, Vérité
  • Je n’ai pas dit que tu étais stupide. J’ai dis que ce très commun « ça existe ailleurs cassés-toi » est stupide. J’ai qualifié l’argument (qui n’en est pas un, c’est un sophisme, et un mauvais sophisme en plus) de stupide, pas la personne.
    iGeneration — App Store : Eddy Cue avait envisagé augmenter la commission à 40 % durant un an | iGeneration
  • Avec un peu de recul et sans entrer dans les détails techniques, sous couvert de motifs recevables, cette réforme est un sophisme. Le diagnostic est bon, le traitement une monumentale erreur.
    Contrepoints — Retraites : le grand sophisme | Contrepoints
  • L’auteur dénonce ce qu’il croit être un sophisme ad hominem, consistant à s’en prendre aux gens qui soutiennent un argument plutôt qu’à l’argument en tant que tel. Selon lui, les experts en santé publique et autres défenseurs du masque se contenteraient d’accuser ses détracteurs de conspirationnisme au lieu d’utiliser des arguments rationnels. Or, critiquer un argument pour en conclure que ceux qui le soutiennent adhèrent à un courant de pensée inquiétant, ce n’est pas un ad hominem.
    Le Devoir — Pour une philosophie au service du bien commun | Le Devoir
  • Postulat, axiome ou sophisme, cette formule fameuse d’Hérodote connaît aujourd’hui un regain d’intérêt face aux nombreux foyers de crises régionales et mondiales. La phrase a fait florès dans les recueils de citations, parfois accompagnée d’une suite moins connue : « car à la guerre, ce sont les pères qui enterrent leur fils tandis qu’en temps de paix ce sont les fils qui enterrent leur père ». Autrement dit, il n’y aurait que les fous pour prendre goût aux affrontements armés.
    La Croix — Trump, un Crésus d’Amérique
  • Refuser la liberté d'objection, au nom de la liberté est une pitrerie ou un sophisme ridicule.
    Bernard Pivot — Le Métier de lire
  • Refuser la liberté d'objection, au nom de la liberté est une pitrerie ou un sophisme ridicule.
    De Bernard Pivot / Le Métier de lire
  • Les gémissements poétiques de ce siècle ne sont que des sophismes.
    De Lautréamont / Paris
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Traductions du mot « sophisme »

Langue Traduction
Anglais sophism
Espagnol sofismo
Italien sofisma
Allemand sophismus
Chinois 诡辩
Arabe مغالطة
Portugais sofisma
Russe софизм
Japonais 洗練
Basque sofisma
Corse sofisimu
Source : Google Translate API

Synonymes de « sophisme »

Source : synonymes de sophisme sur lebonsynonyme.fr

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Sophisme

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