La langue française

Accueil > Dictionnaire > Définitions du mot « ruminer »

Ruminer

Définitions de « ruminer »

Trésor de la Langue Française informatisé

RUMINER, verbe trans.

A. −
1. PHYSIOL. ANIM. Mâcher une seconde fois un aliment après l'avoir régurgité. Un herbivore ventru qui rumine toute une prairie (Duhamel,Conf. min., 1920, p. 69).Son cadavre [d'un homme] engraisse l'herbe que rumine le bœuf, sa cendre amende le sol où puise le froment (Arnoux,Juif Errant, 1931, p. 223).P. métaph. Arthur se mit à faire les cent pas, ruminant l'herbe tendre de ses sentiments (H. Bazin,Tête contre murs, 1949, p. 288).
Empl. abs. Des vaches rousses et blanches (...) ruminaient, couchées de biais dans l'herbe (Genevoix,Raboliot, 1925, p. 202).V. masure B 2 ex. de Flaubert.
2. P. anal., rare. [Le suj. désigne une pers.] Mastiquer longuement. Au lieu de prendre leur temps et de ruminer chaque morceau, ils avalaient quatre à quatre comme gens affamés (Sand,Maîtres sonneurs, 1853, p. 150).
B. − Au fig.
1. Qqn rumine qqc.
a) Tourner et retourner quelque chose dans son esprit. Synon. méditer (v. ce mot A).Ruminer un coup, un projet; ruminer une idée. Le candidat se mit à ruminer son plan d'attaque, ses visites, la lettre officielle pour le secrétaire perpétuel (A. Daudet,Immortel, 1888, p. 161).Il ne ressentait aucun trouble et put ruminer son affaire tout à loisir (Aymé,Derr. chez Martin, 1938, p. 146).
Empl. abs. Après avoir bien ruminé, longtemps ruminé (Ac. 1935). Tu vois bien que monsieur l'abbé rumine, lui dit sa femme, ne le trouble donc pas (Balzac,Employés, 1837, p. 177).
Ruminer de + inf.Former le projet de faire quelque chose. [Henry James] ruminait d'en interdire la réimpression [d'une œuvre de jeunesse], s'il faisait fortune avec ses comédies (Blanche,Modèles, 1928, p. 166).
b) En partic. Revenir de façon obsessionnelle sur un même thème, une même préoccupation. Synon. remâcher, ressasser.Ruminer des regrets, des scrupules; ruminer sa vie, son passé; ruminer ses ennuis, ses remords, ses soucis, ses souvenirs; ruminer un dilemme, une déception, une vengeance. Il rêvassait encore, remâchait et ruminait ses embêtements, avait hâte de dormir pour oublier (Huysmans,En mén., 1881, p. 141).Le Promeneur solitaire, tout en herborisant, ne s'interrompt guère de ruminer ses chagrins, (...) il revient toujours aux vieilles obsessions de sa vie (Mauriac,Trois gds hommes dev. Dieu, 1947, p. 119).
Empl. abs. Ressasser des idées sombres. Synon. broyer* du noir.Ils restèrent à ruminer pendant trois semaines, sans rien faire (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 4).« Sors! au lieu de ruminer », conseillait Lecouvreur (Dabit,Hôtel Nord, 1929, p. 242).
PSYCH. Être en proie à la rumination mentale. Plus les malades ruminent, moins ils ont de mouvements d'agitation (Janet,Obsess. et psychasth., t. 1, 1903, p. 237).
2. Qqn rumine sur qqc.Réfléchir longuement sur quelque chose. Synon. méditer (à/sur qqc.).La Charte, sur laquelle il venait de ruminer, offrait à son ambition la magnifique voie de la Députation (Balzac,Vieille fille, 1836, p. 284).
REM. 1.
Rumineur, -euse, subst.Personne qui rumine (supra B 1 a). Il appelait à pleine voix son petit ou son grand ami, que, le plus souvent (...) il surprenait couché, languissant (...). « Rumineur, qu'as-tu, qu'as-tu, qu'as-tu donc enfin? » (Cladel,Ompdrailles, 1879, p. 149).
2.
Rumineux, -euse, subst.,pop. Personne qui est en proie à une idée fixe, à une obsession. La bande immonde des rumineux (Céline,Mort à crédit, 1936, p. 452).
Prononc. et Orth.: [ʀymine], (il) rumine [-min]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Déb. xiiies. « réfléchir longuement sur une chose » (Ste Julienne, 828 ds T.-L.); 2. 1328 « (de certains animaux) remâcher les aliments à demi-mâchés » (Propriétés des choses, II, 10, 14, ibid.). Empr. au lat.ruminare « ruminer » et par suite « répéter, remâcher », dér. de rumen « premier estomac des ruminants ». Ruminer a éliminé au sens propre l'a. fr. rongier (v. ronger). Fréq. abs. littér.: 387. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 342, b) 666; xxes.: a) 642, b) 608. Bbg. Quem. DDL t. 6.

Wiktionnaire

Verbe - français

ruminer \ʁy.mi.ne\ transitif ou intransitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. (Zoologie) Mâcher de nouveau les aliments qui ont déjà été avalés.
    • Les bœufs ruminent ce qu’ils ont mangé.
    • Lorsqu’un animal rumine, une partie des aliments brassés avec les liquides dans le rumen est régurgitée dans l’œsophage et expulsée dans la bouche où elle se mélange à la salive. L’animal la mastique longuement et l’avale de nouveau. — (Bill Forse, Christian Meyer, et al., Que faire sans vétérinaire ?, Cirad / CTA / Kathala, 2002, page 35)
    • La pénombre le dissimulait, la rumeur sourde des vaches qui ruminaient dominait le bruit de sa respiration précipitée. — (Louis Pergaud, La Vengeance du père Jourgeot, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
  2. (Figuré) Tourner et retourner une chose dans son esprit.
    • Alors, ceux sur qui le malheur est tombé, on finit par les laisser se cacher dans leur trou, seuls avec ce malheur, à ruminer. — (Marcel Martinet; La Maison à l’abri, 1918)
    • Le langage de l’Anglais dénote une connaissance approfondie du cœur et de la vie ; celui du Français brille d’un éclat léger, pimpant, éphémère ; l’Allemand rumine longtemps une phrase alambiquée dont le sens échappe à bien des gens. — (Nicolas Gogol, Les âmes mortes, 1842 ; traduction de Henri Mongault, 1949)
    • Là-dessus, au lieu de roupiller, j'ai commencé à ruminer des tas de projets. — (Jo Barnais [Georges Auguste Charles Guibourg, dit Georgius], Mort aux ténors, chapitre XX, Série noire, Gallimard, 1956, page 184)
    • Par peur d'affronter la culpabilité qui résulte d'une vie inaccomplie, nous nous cherchons des actes et des pensées de moindre importance que nous ruminons sans relâche. — (Anselm Grün, Choisis la vie !: Le courage de se décider, Carnets Nord, 2012)
    • Julia n'y portait guère attention, elle marchait, tête haute, ruminant en elle-même les phrases qu'elle pourrait dire à son mari. — (Élise Mahé, Les Hommes à la tête coupée, Mon Petit Éditeur, 2013, page 209)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

RUMINER. v. tr.
Remâcher. Il ne se dit au propre que de Certains animaux pourvus de plusieurs estomacs, qui font revenir du premier les aliments qu'ils ont avalés, pour les mâcher de nouveau. Les bœufs ruminent ce qu'ils ont mangé. Absolument, Les brebis, Les chameaux ruminent. Il signifie, figurément et familièrement, Tourner et retourner une chose dans son esprit. Il y a longtemps qu'il ruminait ce projet. Il rumine quelque chose dans sa tête. Que ruminez-vous là? Absolument, Après avoir bien ruminé, longtemps ruminé.

Littré (1872-1877)

RUMINER (ru-mi-né) v. a.
  • 1Opérer la rumination. Les bœufs ruminent ce qu'ils ont mangé.

    Fig. Il y a compensation à tout : si mes plaisirs sont rares et courts, je les goûte aussi plus vivement, quand ils viennent, que s'ils m'étaient plus familiers ; je les rumine, pour ainsi dire, par de fréquents souvenirs, Rousseau, Promen. 9.

    Absolument. Vous mangerez de tous les animaux qui ont la corne divisée en deux et qui ruminent ; mais vous ne devez point manger de ceux qui ruminent et dont la corne n'est point fendue, Sacy, Bible, Deutéron. XIV, 6. Le pourceau aussi vous sera impur, parce qu'encore qu'il ait la corne fendue, il ne rumine point, Sacy, ib. XIV, 8.

  • 2 Fig. et familièrement. Penser et repenser à une chose. Le bœuf vint à pas lents ; Quand il eut ruminé tout le cas en sa tête, Il dit que du labeur des ans Pour nous seuls il portait les soins les plus pesants, La Fontaine, Fabl. X, 2. Les manichéens… inféraient qu'il y avait un principe commun de tout mal, un souverain mal, pour ainsi parler, un dieu méchant dont tout le plaisir est de nuire, ruminant toujours en soi-même quelque dessein tragique et funeste, Bossuet, 2e sermon, Démons, 1. Ruminez en vos esprits ce petit mot d'Origène : ne croyez pas qu'il suffise de s'être renouvelé une fois, il faut renouveler la nouveauté même, Bossuet, 1er sermon, Pâques, 1. Si vous êtes à Fontainebleau, mon cher ange, je vous prie de ruminer tout cela dans votre tête très sage, et de le confier à votre bon cœur, Voltaire, Lettr. d'Argental, 18 oct. 1776.

    Neutralement. Il avait dans la terre une somme enfouie, Son cœur avec, n'ayant d'autre déduit Que d'y ruminer jour et nuit, La Fontaine, Fabl. IV, 20. Et quoique là-dessus je rumine sans fin, Molière, le Dép. II, 4. Pensif et arrêté sur mon cheval, je ruminais sur un fait si singulier, Saint-Simon, 11, 128.

    Absolument. Je crains quelque révolte en son âme agitée ; Le voilà qui rumine, Mairet, Sophon. V, 3. Qu'as-tu à ruminer ? Molière, l'Av. V, 2.

HISTORIQUE

XIIIe s. Quant il i a grant quantité de forage devant eux [les bœufs], il mangent lour saülée, et puis seient et ronngent, Bibl. des chartes, 4e série, t. II, p. 368. Cil moine, cil abbé croulant Doivent touz jours lez un piler Siaumes [psaumes] rungier et mormeler, Gautier de Coincy, p. 365.

XIVe s. Sain [graisse] de bestes qui ne rungent pas si comme porc, ou sius [suif] de bestes qui rungent si comme buef, H. de Mondeville, f° 10.

XVIe s. Mesme pour le labour, les bœufs ne cessent de ruminer, remaschans à loisir ce qu'en peu de temps ils ont mangé, De Serres, 295. Je ruminerai ceste matiere à par moy, et prendray advis à mon oreiller, Palsgrave, p. 508. Les plus jeunes [rossignols] ruminent pensifs [en écoutant les autres], et prennent à imiter certains couplets de chanson, Montaigne, II, 174. Il n'y a rien, selon moy, plus illustre en la vie de Socrates, que d'avoir eu trente jours entiers à ruminer le decret de sa mort, Montaigne, II, 386.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Étymologie de « ruminer »

Du latin ruminare de rumen, « panse ».
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Picard, roumir ; Berry, rouinger, runger, roincer, roinger ; norm. runger ; Nancy, ringer ; Jura, roingi ; prov. romiar, rominar ; espagn. ruminar ; ital. ruminare ; du lat. ruminare ou rumigare, de rumen, gosier (voy. RUMEN).

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Phonétique du mot « ruminer »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
ruminer rymine

Fréquence d'apparition du mot « ruminer » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « ruminer »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « ruminer »

  • Une jeune retraitée apporte une autre vision. «On ne parle que de rumination négative. Moi, ruminer me permet de regarder la situation sur toutes ses facettes et de prendre la bonne décision.» «Alors, c’est plus de la réflexion que de la rumination», nuance la thérapeute. «Non, reprend l’intéressée. C’est une vraie rumination avec le sentiment d’être submergée par mes émotions. Mais, à force d’y penser, tout se décante et j’y vois très clair, j’arrive à une solution.»
    Le Temps — Ruminer ruine la santé? Comment sortir de la spirale infernale - Le Temps
  • L’habit ne fait pas le moine, c’est entendu, ni la barbe le philosophe. De même, comme le dit un proverbe gallois, qu’on n’achète pas une bécasse à cause de son bec. N’empêche, voilà le PDC en train de ruminer un important ravalement de façade.
    Largeur.com — Tempête dans un bénitier | Largeur.com
  • Si nous ne nous convertissons et ne devenons semblables aux vaches, nous n’entrerons pas au royaume des cieux. Il n’y a qu’une chose que nous devrions apprendre d’elles: à ruminer.
    Friedrich Nietzsche — Ainsi parlait Zarathoustra
  • Il est bon d’avoir satisfait son désir en tout, mais il est sage et avisé de ne pas ruminer sa satisfaction jusqu’à la nausée, l’indigestion ou l’insensibilité.
    Alexandra David-Néel — Correspondance
  • Le développement personnel nous exhorte à l'écoute de notre vie intérieure, pourtant, elle nous incite aussi à cesser de ruminer. Il faudrait donc plonger en soi, mais pas trop... Trop penser serait-il mauvais ? Ou existerait-il une saine et une mauvaise manière de penser ?
    France Culture — Ruminer la rumination - Ép. 15/23 - Anti-manuel de philosophie

Traductions du mot « ruminer »

Langue Traduction
Anglais ruminate
Espagnol rumiar
Italien ruminare
Allemand wiederkäuen
Chinois 寻味
Arabe اجترع
Portugais ruminar
Russe раздумывать
Japonais 反すう
Basque ruminate
Corse ruminu
Source : Google Translate API

Synonymes de « ruminer »

Source : synonymes de ruminer sur lebonsynonyme.fr

Combien de points fait le mot ruminer au Scrabble ?

Nombre de points du mot ruminer au scrabble : 9 points

Ruminer

Retour au sommaire ➦