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La fable

Qu’est qu’une fable ?

Une fable est un court récit en vers qui raconte une histoire imaginaire illustrant la plupart du temps une morale au caractère implicite ou explicite. L’objectif de la fable est d’instruire le lecteur grâce à une leçon de sagesse, et de le divertir. 

La fable appartient au genre de l’apologue qui, selon Jean de La Fontaine, comme ce dernier le précise dans une de ses préfaces, « est composé de deux parties, dont on peut appeler l’une le corps, l’autre l’âme ; le corps est la fable ; l’âme, la moralité. » 

Comme le conte, la fable est issue du registre merveilleux et fait appel à l’imagination et à la réflexion du lecteur pour interpréter le message transmis par l’auteur, parfois de manière implicite. En plus d’être amusants, certains textes issus des fables permettent à l’auteur de s’exprimer sur les mœurs de son siècle. 

Par exemple La fable La Cour du Lion, qui est une critique sociale de la cour du Roi et de ses courtisans, où Jean de La Fontaine utilise les animaux personnifiés :

La Cour du Lion

Sa Majesté Lionne un jour voulut connaître
De quelles nations le Ciel l'avait fait maître.
Il manda donc par députés
Ses vassaux de toute nature,
Envoyant de tous les côtés
Une circulaire écriture,
Avec son sceau. L'écrit portait
Qu'un mois durant le Roi tiendrait
Cour plénière, dont l'ouverture
Devait être un fort grand festin,
Suivi des tours de Fagotin.
Par ce trait de magnificence
Le Prince à ses sujets étalait sa puissance.
En son Louvre il les invita.
Quel Louvre ! Un vrai charnier, dont l'odeur se porta
D'abord au nez des gens. L'Ours boucha sa narine :
Il se fût bien passé de faire cette mine,
Sa grimace déplut. Le Monarque irrité
L'envoya chez Pluton faire le dégoûté.
Le Singe approuva fort cette sévérité,
Et flatteur excessif il loua la colère
Et la griffe du Prince, et l'antre, et cette odeur :
Il n'était ambre, il n'était fleur,
Qui ne fût ail au prix. Sa sotte flatterie
Eut un mauvais succès, et fut encore punie.

[…]

Jean de La Fontaine, La cour au Lion

Étymologie du mot fable 

Apparu au XIIe siècle, le mot fable provient du latin fabula signifiant « propos, conversation, récit », puis plus précisément « récit ou histoire inventée ». Le mot fabliau, forme picarde du mot fable, est un genre né au Moyen-Âge qui désignait un bref récit moral à visée comique ou satirique. L’auteur d’une fable est un fabuliste et le fablier désigne le recueil de fables.

Des mots de la même famille sont couramment utilisés aujourd’hui : une personne qui fabule (qui raconte des histoires) est un fabulateur. Ces histoires sont appelées des fabulations ou affabulations. L’adjectif fabuleux caractérise aujourd’hui quelque chose de formidable et merveilleux. 

Les origines de la fable

En France, Jean de La Fontaine a rendu ce genre littéraire très populaire au XVIIe siècle. Ses fables sont aujourd’hui très présentes dans le paysage littéraire français, dans les programmes scolaires, et ce depuis l’école primaire jusqu’à l’université.

Organisées en recueil en raison de leur brièveté, les premières fables sont apparues pendant l’Antiquité. Ésope, fabuliste grec du VIe siècle avant J.-C. écrivait en prose les premières fables, dont s’est inspiré Jean de La Fontaine en les traduisant en français et en vers.

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LE RENARD ÉCOURTÉ

Un renard, ayant eu la queue coupée par un piège, en était si honteux qu’il jugeait sa vie impossible ; aussi résolut-il d’engager les autres renards à s’écourter de même, afin de cacher dans la mutilation commune son infirmité personnelle. En conséquence il les assembla tous et les engagea à se couper la queue, disant que c’était non seulement un enlaidissement, mais encore un poids inutile que cet appendice. Mais un des renards prenant la parole dit : « Hé ! camarade, si ce n’était pas ton intérêt, tu ne nous aurais pas donné ce conseil. »

Cette fable convient à ceux qui donnent des conseils à leur prochain, non par bienveillance, mais par intérêt personnel.

Ésope, Recueil des Fables d’Ésope.

Entre le Ier siècle et le XVIe siècle, d’autres auteurs, fabulistes ou poètes, ont écrit des fables appelées isopets : Phèdre, Babrius, Marie de France, Guillaume Haudent, Gilles Corrozet ou encore le prieur Audin et ses Fables héroïques

Les caractéristiques de la fable

Pour qu’un récit soit défini comme une fable, il est nécessaire que ce dernier regroupe certaines caractéristiques. Découvrons ensemble les spécificités de ce genre littéraire.

Le récit au service de la morale dans la fable

La fable est un moyen pour le fabuliste d’exprimer une vérité. Implicite ou explicite, la morale est en général écrite au présent, sous forme d’un constat, d’un conseil ou d’une leçon de vie. 

Prononcée par le personnage ou l’auteur, la morale est placée au début ou à la fin de la fable. Cependant, il arrive qu’elle soit sous-entendue, laissant la place à la réflexion du lecteur, comme dans Le corbeau et le Renard, où la critique de la vanité humaine est symbolisée par le vers « Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. »

Les personnages dans la fable

Très souvent, les personnages que l’on trouve dans une fable sont des animaux personnifiés au caractère symbolique évoluant dans un décor simple. Grâce à la personnification, le fabuliste leur attribue un statut d’être humain, avec ses qualités et ses défauts. Ainsi, sont abordés des thèmes comme l’orgueil, la méchanceté, la bonté et bien d’autres encore. Citons par exemple La Poule aux œufs d’or qui traite de l’avarice.

L'avarice perd tout en voulant tout gagner.

Je ne veux, pour le témoigner,
Que celui dont la Poule, à ce que dit la Fable,
Pondait tous les jours un œuf d'or.
Il crut que dans son corps elle avait un trésor.
Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable
A celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,
S'étant lui-même ôté le plus beau de son bien.
Belle leçon pour les gens chiches :
Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus
Qui du soir au matin sont pauvres devenus
Pour vouloir trop tôt être riches ?

Jean de La Fontaine, La Poule aux œufs d’or

Les fables mettent également en évidence des personnes comme La Laitière et le Pot au lait, des idées abstraites (La Mort et le Mourant) ou des éléments naturels comme dans l’exemple ci-dessous, fable avec une morale explicite dans les derniers vers.

Le Torrent et la Rivière

Avec grand bruit et grand fracas
Un Torrent tombait des montagnes :
Tout fuyait devant lui ; l'horreur suivait ses pas,
Il faisait trembler les campagnes.
Nul voyageur n'osait passer
Une barrière si puissante :
Un seul vit des voleurs, et se sentant presser,
Il mit entre eux et lui cette onde menaçante.
Ce n'était que menace, et bruit, sans profondeur ;
Notre homme enfin n'eut que la peur.
Ce succès lui donnant courage,
Et les mêmes voleurs le poursuivant toujours,
Il rencontra sur son passage
Une Rivière dont le cours
Image d'un sommeil doux, paisible et tranquille
Lui fit croire d'abord ce trajet fort facile.
Point de bords escarpés, un sable pur et net.

Il entre, et son cheval le met
A couvert des voleurs, mais non de l'onde noire :
Tous deux au Styx allèrent boire ;
Tous deux, à nager malheureux,
Allèrent traverser, au séjour ténébreux,
Bien d'autres fleuves que les nôtres.
Les gens sans bruit sont dangereux ;
Il n'en est pas ainsi des autres.

Jean de La Fontaine, Le Torrent et la Rivière

Rimes, sonorités et rythmes des vers de la fable

La fable est construite comme un poème selon les techniques de versification. Rimes et sonorités, rythme et organisation des vers, rendent le texte distrayant en multipliant les effets. Souvent composée de rimes mêlées, la configuration de la fable s’adapte aux péripéties et aux dialogues, assez fréquents dans ce genre littéraire.

Citons l’exemple de L’Hirondelle et les petits Oiseaux où les vers sont effectivement de mesure différente, avec un rythme qui lui est propre. 

Une hirondelle en ses voyages
Avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup su
Peut avoir beaucoup retenu.
Celle-ci prévoyait jusqu'aux moindres orages,
Et devant qu'ils fussent éclos, 

Les annonçait aux Matelots.

Il arriva qu'au temps que le chanvre se sème,
Elle vit un manant en couvrir maints sillons.
"Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux Oisillons :
Je vous plains ; car pour moi, dans ce péril extrême,
Je saurai m'éloigner, ou vivre en quelque coin.
Voyez-vous cette main qui par les airs chemine ?

[…]

Jean de La Fontaine, L’Hirondelle et les petits Oiseaux

Exemples de fables

Une petite sélection de fables issues de différents recueils écrits par des fabulistes cités plus haut dans l’article. 

Le Rossignol et l’Épervier

Un rossignol perché sur un chêne élevé chantait à son ordinaire. Un épervier l’aperçut, et, comme il manquait de nourriture, il fondit sur lui et le lia. Se voyant près de mourir, le rossignol le pria de le laisser aller, alléguant qu’il n’était pas capable de remplir à lui seul le ventre d’un épervier, que celui-ci devait, s’il avait besoin de nourriture, s’attaquer à des oiseaux plus gros. L’épervier répliqua : « Mais je serais stupide, si je lâchais la pâture que je tiens pour courir après ce qui n’est pas encore en vue. »

Cette fable montre que chez les hommes aussi, ceux-là sont déraisonnables qui dans l’espérance de plus grands biens laissent échapper ceux qu’ils ont dans la main.

Ésope, Le Rossignol et l’Épervier

Le Loup et l’Agneau

La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l’allons montrer tout à l’heure.

Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d’une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
– Sire, répond l’Agneau, que votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu’elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d’Elle,
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
– Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l’an passé.
– Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas né ?
Reprit l’Agneau, je tette encor ma mère.
– Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
– Je n’en ai point.
– C’est donc quelqu’un des tiens :
Car vous ne m’épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l’a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond des forêts
Le Loup l’emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.

Jean de La Fontaine, Le loup et l’Agneau

Lire notre commentaire du Loup et l’Agneau de La Fontaine >

Sagesse requise au prince

Si un prince ou un gouverneur
Ne sait soi-même se conduire,
Comment pourra-t-il par honneur
A bien vivre les siens induire ?

Gilles Corrozet, Sagesse requise au prince

Le roi des colombes

Les colombes se cherchaient un seigneur.
Comme roi, elles choisirent un autour,
afin qu’il leur causât moins de maux
et qu’il les protégeât des autres.
Mais, quand il fut devenu leur seigneur
et qu’il eut obtenu tout pouvoir sur elles,
il se mit à tuer et dévorer
toutes celles qui s’approchaient de lui.
Voilà pourquoi une des colombes prit la parole
et dit ainsi à ses compagnes :
« Quelle grave erreur, dit-elle, nous avons commise
quand nous avons choisi l’autour comme roi,
lui qui nous tue jour après jour.
Mieux aurait valu rester pour toujours
sans seigneur plutôt que d’avoir celui-ci.
Auparavant, nous nous méfiions soigneusement de lui
et n’avions à redouter que ses pièges ;
depuis que nous l’avons fait venir parmi nous,
c’est au grand jour qu’il a commis
les actes qu’il faisait auparavant en cachette. »
Cette fable s’adresse à la plupart,
qui choisissent des seigneurs mauvais.
Il commet une grave erreur
celui qui se place sous la coupe
d’un homme cruel ou sans parole :
il n’en retirera rien sinon du déshonneur.

Marie de France, Le roi des colombes (Traduit par Baptiste Laïd)
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Natacha Lovato

Natacha Lovato

Natacha Lovato rédige pour La langue française des articles autour de la linguistique, la littérature et les expressions. Passionnée par la langue française, elle s'est aujourd'hui spécialisée dans la communication écrite afin de transmettre ses connaissances. Elle est aussi gérante d'un organisme de formation dédié à la communication écrite, et accompagne les adultes pour des remises à niveaux en français afin de perfectionner leurs écrits professionnels.

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