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La versification : organisation et mesure des vers 

Définition de la versification

La versification désigne l’ensemble des règles et techniques de rédaction des vers, propre à la poésie et au théâtre.

Afin d’émouvoir et de séduire le lecteur, le poète porte son attention sur les sonorités, le rythme et les images. Pour ce faire, il emploie les techniques de versification.

Dans cet article, nous allons nous attarder sur l’organisation des vers et des strophes.

Qu’est-ce qu’un vers en poésie ?

Le vers est une unité formée par un ou plusieurs mots écrits sur une ligne unique, qui se mesure selon certaines règles. Chaque vers, en fonction du nombre de syllabes qui le compose, porte un nom spécifique, et donne une force au vers.

Les types de vers en poésie

Les vers les plus courants sont : 

  • L’alexandrin : vers de douze syllabes, est long, employé régulièrement en poésie et au théâtre, dans les tragédies classiques.

[…] Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler ; […]

Racine, Phèdre

[…] Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps […]

Victor Hugo, Demain, dès l’aube…
  • Le décasyllabe : vers de dix syllabes, classique et populaire, longtemps réservé à la poésie épique, puis au cœur des pièces lyriques.

[…] En trepignant; le sang rouge il amasse 
Dedans le creux d’une profonde tasse, 
Puis le renverse en la fosse à trois fois,
L’espée au poing, priant à haute voix 
La royne Hecate et toutes les familles […]

Pierre Ronsard, La Franciade, chant IV

[…] Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux […]

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal
  • L’octosyllabe : vers de huit syllabes, qui apparaît dans de nombreux genres poétiques et donne un ton à la fois lyrique et léger.

Aux branches claires des tilleuls
Meurt un maladif hallali.
Mais des chansons spirituelles
Voltigent parmi les groseilles.
Que notre sang rie en nos veines,
Voici s’enchevêtrer les vignes.[…]

Arthur Rimbaud, Bannières de mai
  • Ensuite viennent les hexasyllabes, quadrisyllabes et dissyllabes, composés respectivement de six, quatre ou deux syllabes. Plus rares, ils produisent un effet de d’accélération ou de surprise.

La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée… […]

Paul Verlaine, La Lune blanche

[…] On doute
La nuit…
J’écoute : –
Tout fuit,
Tout passe ;
L’espace
Efface
Le bruit.

Victor Hugo, Les Djinns

Selon les époques, des poètes construisent leurs écrits sur des vers impairs (trisyllabe, pentasyllabe, heptasyllabe, ennéasyllabe, hendécasyllabe) mais aussi des vers libres, ces derniers étant rédigés par des poètes symbolistes du XIXe siècle.

Le découpage du vers

Des règles précises régissent le découpage des vers. L’unité de base du vers est la syllabe, cette dernière correspondant à un son. Il existe cependant des particularités lors du décompte des syllabes :

La règle du e- muet

Dans un vers, on ne compte le -e final muet que si le mot suivant commence par une consonne. En fin de vers ou devant une voyelle, on ne compte jamais le -e muet.

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Prenons comme exemple le célèbre vers de Paul Verlaine issu de Romances sans paroles :

Il / pleu / re / dans / mon / cœur / 
Com / m(e) il / pleut / sur / la / ville(e)

La diérèse

La diérèse est une suite de voyelles qui peut se prononcer deux fois, rendant la prononciation du mot plus lente et plus souple. Elles comptent donc pour deux syllabes.

Un exemple avec le mot violon dans un alexandrin des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire. Ici, on prononce le « i » et le « o » de manière distincte :

Le / vi / o / lon  frémit comme un cœur qu’on afflige

La synérèse

Si la suite de sons se prononce en une seule syllabe, il s’agit d’une synérèse. Les deux voyelles contigües, placées dans le même mot, comptent pour une seule syllabe. 

Le poème La biche de Maurice Rollinat, construit sur des octosyllabes, contient des synérèses :

La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fondre les yeux
Son petit faon délici / eux
A disparu dans la nuit brune

[…]

Mais aucune réponse, aucune,
À ses longs appels anxi / eux

Ces deux derniers procédés sont souvent employés par les poètes pour des considérations techniques mais aussi stylistiques, car la lecture du poème est différente en fonction de la prononciation.

Vers simple et vers composé

Parmi ces vers certains sont dits simples et d’autres composés.  Le vers simple n’a pas de césure en milieu de vers, contrairement au vers composé que l’on peut couper en deux parties de longueur égale, marquant ainsi une impression de régularité.

Dans ce dernier cas, chaque moitié de vers se nomme hémistiche, et est obligatoirement séparée par une césure. Par exemple, un alexandrin se compose de 6 + 6 syllabes, donc de deux hémistiches.

Mon âme a son secret, // ma vie a son mystère,
Un amour éternel // en un moment conçu :
Le mal est sans espoir, // aussi j’ai dû le taire,
Et celle qui l’a fait // n’en a jamais rien su.

Félix Arvers, Sonnet

Qu’est-ce qu’une strophe ?

La strophe est un ensemble de vers limité, formant un groupe. Le poème présente une certaine harmonie, due à la régularité des vers et des rimes, qui peuvent se répéter continuellement. Les strophes sont séparées les unes des autres par des espaces ou des blancs typographiques.

Les différents types de strophes

Une strophe, qui contient entre deux et quatorze vers, porte un nom en fonction de sa longueur.

  • Le distique, le tercet et le quatrain, constitués respectivement de deux, trois et quatre vers, sont les plus courantes.

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l’heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé. […]

Paul Verlaine, Colloque sentimental
  • Le quintil, le sizain (ou sixain), le septain, le huitain et le dizain sont des strophes qui comprennent cinq, six, sept, huit ou dix vers. Voici un exemple de sizain, très employé par les poètes classiques du XIXe siècle :

Les turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
Chio, l’île des vins, n’est plus qu’un sombre écueil,
Chio, qu’ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un chœur dansant de jeunes filles.


Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis,
Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
Courbait sa tête humiliée ;
Il avait pour asile, il avait pour appui
Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
Dans le grand ravage oubliée.

Victor Hugo, L’Enfant

L’organisation des strophes dans les poèmes à forme fixe

Dans une poésie ou une pièce, les strophes peuvent être plus ou moins régulières. Plusieurs schémas sont possibles, selon le type et la disposition de la strophe mais également des vers qui la composent. On peut trouver différentes formes poétiques dites « fixes », dont la principale caractéristique est le respect d’un certain ordre, établi selon des règles prédéfinies. Voici les plus courantes : 

  • Composé de trois strophes avec des octosyllabes ou décasyllabes, le rondeau est construit sur deux rimes.

Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s’est vêtu de broderie
De soleil luisant, clair et beau.

Il n’y a bête ni oiseau
Qu’en son jargon ne chante ou crie :
« Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie ! »

Rivière, fontaine et ruisseau,
Portent, en livrée jolie,
Gouttes d’argent d’orfèvrerie ;
Chacun s’habille de nouveau :
Le temps a laissé son manteau.

Charles d’Orléans, Ballades er rondeaux
  • Le refrain apparait dans les ballades ou les chansons, lorsque la même strophe est répétée à plusieurs reprises et régulièrement. C’est une façon de rythmer le texte et donner du sens au poème.

Une ballade, qui doit elle-même respecter certaines règles (trois strophes de huitains ou de dizains, suivies d’une demi-strophe) se termine toujours par un refrain.

Par exemple, le refrain « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté », rythme L’Invitation au voyage de Charles Baudelaire, dans son recueil des Fleurs du Mal

  • D’origine italienne, le sonnet, qui date du XVIe siècle, est composé de quatorze vers (décasyllabes ou alexandrins) répartis en deux quatrains, eux-mêmes construits sur deux rimes embrassées et deux tercets. Plusieurs schémas créent des symétries et des contrastes très appréciés des poètes.

C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur Rimbaud, Le dormeur du Val
  • Le pantoum (ou pantoun), poème à forme fixe originaire de la Malaisie, est construit sur le principe de la répétition et de l’alternance des rimes. Composé de quatre quatrains, dix des seize vers doivent être différents. Le principe est le suivant : le deuxième et le quatrième vers du premier quatrain deviennent respectivement le premier et le troisième vers du quatrain suivant. Ce schéma se poursuit jusqu’au dernier vers. 

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !

Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;
Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige.

Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !

Charles Baudelaire, Harmonie du soir

En complément de la mesure des vers qui régissent l’écriture des poèmes, les rimes et la sonorité, le rythme ont également une grande importance dans la versification.

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Natacha Lovato

Natacha Lovato

Natacha Lovato rédige pour La langue française des articles autour de la linguistique, la littérature et les expressions. Passionnée par la langue française, elle s'est aujourd'hui spécialisée dans la communication écrite afin de transmettre ses connaissances. Elle est aussi gérante d'un organisme de formation dédié à la communication écrite, et accompagne les adultes pour des remises à niveaux en français afin de perfectionner leurs écrits professionnels.

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