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Les paronymes

Qu’est-ce qu’un paronyme ?

Les paronymes sont des mots très souvent confondus car leur prononciation ou leur graphie sont similaires, variant d’un son ou deux. Malgré cette ressemblance phonétique, les paronymes ont un sens totalement différent.

Cette proximité orthographique entraîne des hésitations, maladresses ou non-sens. Nous listons les principales confusions dans la seconde partie de cet article.

Étymologiquement, le mot « paronyme » provient du grec paronumos, composé du préfixe « para » pour « à coté de » et du suffixe « onoma, onymie » pour « nom ». La signification est donc la suivante : « qui porte un nom semblable, qui vient d’un autre mot ».

Les éléments pouvant différer dans un paronyme sont :

  • le préfixe : amener / emmener ; affluence / influence
  • le suffixe : croître / croire ; recouvrer / recouvrir
  • une ou plusieurs lettres du radical : conjecture / conjecture

Paronymes et paronomase

En rhétorique, la paronomase est une figure de style qui consiste à rapprocher des paronymes, provoquant un écho et laissant penser que le sens des mots est lié. 

Dans ces vers de Paul Verlaine, la paronomase pleure / pleut souligne la tristesse du poète, qui associe la pluie à ses pleurs :

Il pleure dans mon cœur
Comme il
pleut sur ma ville

Verlaine, Romances sans paroles, Il pleure dans mon cœur.

Quelles sont les confusions fréquentes de paronymes ?

Dans l’expression écrite et orale, il est essentiel de bien connaître les paronymes pour éviter les confusions.  Nous vous proposons de découvrir ceux qui pourraient fréquemment vous induire en erreur.

« À l'attention de » ou « à l'intention de » ? 

On utilise la mention « À l’attention de » uniquement en tête d’une lettre ou sur une enveloppe, pour préciser au destinataire du document que ce dernier lui est adressé.

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Quant à l’expression « à l’intention de », elle pourrait être remplacée par « en l’honneur de », indiquant que la démarche est effectuée pour faire plaisir à quelqu’un.

Dans ce monde du sabbat et du blasphème, la raison ne survit que réfugiée dans une tour de Saint-Sulpice, où la femme du sonneur de cloches mitonne à l'intention de rares rescapés de divins pot-au-feu.

Joris-Karl Huysmans, Là-Bas

>> Comment différencier « à l’attention de » ou « à l’attention de » ?

« Empreint » ou « emprunt » ?

Le mot « empreint » est le participe passé du verbe empreindre signifiant « marquer, porter l’empreinte de » alors que le nom commun « emprunt » est issu du verbe emprunter, lié à l’action d’obtenir un prêt.

L'histoire des sentiments entre ce vieillard et cette femme encore belle et jeune est empreinte de fraîcheur et de dévotion.

Georges Clémenceau, Lettres à une amie

« Prescrire » ou « proscrire » ?

Le verbe « prescrire » signifie « ordonner, recommander expressément », il est plutôt utilisé dans le domaine de la santé au sens de la prescription médicale du médecin sur ordonnance.  Le verbe « proscrire » est synonyme du verbe « interdire, bannir, exclure ».

Le monde entier, spectateur de cette lutte, a vu ceux-là mêmes qui s'étaient le plus affolés de ce système, le proscrire, le déclarer subversif, dangereux, incommode et absurde, sitôt que de travailleurs ils se furent métamorphosés en oisifs.

Honoré de Balzac, La comédie Humaine

« Conjoncture » ou « conjecture » ?

Le nom commun « conjoncture » représente une situation qui résulte d’un concours de circonstances, comme la « conjoncture économique » par exemple.

Quant au mot « conjecture », il s’agit d’une opinion ou d’une idée, qui ne se fonde sur rien de certain, donc plutôt dans le sens d’une suggestion ou d’une hypothèse.

Il les examinait et les comptait machinalement, et sa rêverie, poussée d'une conjecture à l'autre, avait cette fluctuation que donne le passage d'une sécurité profonde à une certitude terrible.

Victor Hugo, Quatrevingt-treize

>> En savoir plus sur la différence entre « conjecture » ou « conjoncture » ?

« Évoquer » ou « invoquer » ?

« Évoquer » est un verbe signifiant « faire allusion, faire mention, rendre présent à l’esprit », tandis que le verbe « invoquer » est employé dans le sens de « solliciter une puissance supérieure, appeler à des prières ».  

On conjure l'idée de maladie en invoquant l'âge ; on élude la notion d'âge en invoquant la maladie et on réussit par ce glissement à ne croire ni à l'une ni à l'autre.

Simone de Beauvoir, La Vieillesse

Je crois être fidèle à son souvenir et à mes souvenirs en évoquant pêle-mêle (encore un de ses mots favoris) les histoires qu'il proposait.

Philippe Soupault, Profils perdus

« Enduire » ou « induire » ?

« Enduire » est employé au sens de « recouvrir une surface d’une matière », comme « enduire le papier peint de colle » ou « enduire ses mains de crème ».

Son paronyme, le verbe « induire », signifie « amener ou tâcher d'amener à ». On le retrouve dans l’expression « induire quelqu’un en erreur » (le conduire à faire quelque chose ou l’amener à se tromper).

Je dis avec intention « automatiquement » et non « inconsciemment » car ce dernier terme nous induirait en erreur. Il ne s'agit ici que de tenir à l'écart du processus psychique l'excès d'énergie d'investissement de l'attention, au moment où s'entend le mot d'esprit.

Sigmund Freud, Le Mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient

« Recouvrir » ou « recouvrer » ?

Les erreurs sur ces paronymes sont liées le plus souvent à la conjugaison de ces deux verbes, que l’on confond régulièrement.

Le verbe « recouvrer » signifie « rentrer en possession de ce qu’on avait perdu, ce qui a été pris et que l’on n’a plus. Recouvrer la vue, la santé, la mémoire par exemple sont des expressions qui s’emploient fréquemment.

Quant au verbe « recouvrir », il désigne l’action de recouvrir entièrement ou de nouveau, comme on le ferait avec une couverture.

Vous comprenez, monsieur, que j’étais sorti du ventre 39 de la fosse aussi nu que de celui de ma mère ; en sorte que, six mois après, quand, un beau matin, je me souvins d’avoir été le colonel Chabert, et qu’en recouvrant ma raison je voulus obtenir de ma garde plus de respect qu’elle n’en accordait à un pauvre diable, tous mes camarades de chambrée se mirent à rire. 

Honoré de Balzac, Le Colonel Chabert

« Ranimer » ou « réanimer » ?

Nous utilisons le verbe « ranimer » au sens propre comme au sens figuré dans les expressions « ranimer le feu, ranimer le passé et les souvenirs » (redonner de l’énergie et de la force).

Elle n'aimait guère ce phraseur, mais il la réchauffait au feu de sa parole, il la ranimait de sa saine médiocrité qui perçait, parfois, sans qu'il s'en doutât, sa morbidesse convenue.

Jean-Paul Sartre, Écrits de jeunesse

La signification de « réanimer » est étroitement lié à la médecine dans le sens de « pratiquer une réanimation » d'un patient évanoui ou sans vie.

Le lendemain matin, il s'était adressé à Françoise Maman, la réanimation, c'est un mot grave, ça veut dire qu'on réanime, ça veut dire que papa est très malade. Alors il faut me dire la vérité. Les enfants voient tout et comprennent tout mieux que les adultes.

Philippe Labro, Tomber sept fois, se relever huit

« Prodige » ou « prodigue » ?

Une personne exceptionnelle et douée est qualifiée de « prodige », au même titre qu’un évènement merveilleux. En revanche, le mot « prodigue » est attribué aux personnes dépensières, d’où le verbe « prodiguer » signifiant « dépenser de l’argent sans compter »

La richesse des fléaux est inépuisable. Ils ont la même loi d'accroissement que toutes les autres richesses, la circulation. L'un entre dans l'autre. La pénétration du phénomène dans le phénomène engendre le prodige. Le prodige, c'est le phénomène à l'état de chef-d'œuvre. 

Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer

>> Différencier les mots "prodigue" et "prodige" ?

« Graduation » ou « gradation » ?

Il faut distinguer la « graduation », qui caractérise « l’action de graduer » avec la notion d’éléments de mesure, de la « gradation » plutôt utilisée en rhétorique.

Allons, ce n'est pas d'une déclinaison progressive de l'accompagnement qu'il s'agit ici, mais d'une graduation des seuils de tolérance à la souffrance...

Patrick Declerck, Le sang nouveau est arrivé

Figure d’amplification, la gradation est une énumération de mots ou de groupe de mots qui progressent de manière croissante ou décroissante.  

« Éminent » ou « imminent » ?

L’adjectif « éminent » signifie « important, élevé, remarquable, supérieur » alors que quelque chose d’imminent représente une action qui est sur le point de se produire.

Fut-ce un mal ou un bien ? Je ne sais mais je souscris volontiers au verdict d’un éminent psychanalyste, je n'ai pas de Sur-moi. Ce n'est pas tout de mourir il faut mourir à temps.

Jean-Paul Sartre, Les Mots

Guettant l'imminent incident que l'écoulement à tout instant annonçait, nous demeurions dans un affût que le fait d'être constamment déçu n'affaiblissait pas mais intensifiait au contraire, et sans doute finissions-nous par trouver, sans le savoir, dans ce lent mais perpétuel renouvellement des eaux, l'inépuisable objet qui comblait notre inépuisable attente.

Patrick Drevet, Le Gour des Abeilles

« Éruption » ou « irruption » ?

Une « éruption » désigne l’apparition soudaine de quelque chose, tel un jaillissement : « un volcan en éruption, une éruption cutanée ».

Jacques Laurier ne pensait pas qu'une éruption prochaine fût à craindre ? Non. Aucune vapeur ne sortait du cratère.

Jules Vernes, Le volcan d'or

Quand une personne ou quelque chose fait une entrée brusque, nous parlons d’une « irruption ». 

On sent l'influence de La Métamorphose de Kafka. Dans une petite ville, un rhinocéros fait irruption.

Eugène Ionesco, Rhinocéros

« Tâche » ou « tache » ?

Dans ces deux mots, qui sont presque des homophones (comme les paronymes ils ont un sens différent, mais ils se prononcent de la même manière), seul le « a » se distingue par une prononciation différente. 

La « tâche », avec un accent circonflexe, désigne le travail à réaliser tandis que le mot « tache », sans accent, représente la tache au sens propre, telle une saleté ou une imperfection : « une tache d’encre, des taches d’huile… »

Il s'acquittera de cette tâche avec une rigueur implacable, mais il découvrira aussi, dans cette communauté paysanne du Guatemala, l'abîme qui sépare le discours du parti des valeurs ancestrales du monde indien.

Mario Monteforte Toledo, Une manière de mourir

>> Quand écrire « tâche » ou « tache » ? 

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Natacha Lovato

Natacha Lovato

Natacha Lovato rédige pour La langue française des articles autour de la linguistique, la littérature et les expressions. Passionnée par la langue française, elle s'est aujourd'hui spécialisée dans la communication écrite afin de transmettre ses connaissances. Elle est aussi gérante d'un organisme de formation dédié à la communication écrite, et accompagne les adultes pour des remises à niveaux en français afin de perfectionner leurs écrits professionnels.

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Sujets :  paronymes

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Commentaires

KONAN

Très très agréable leçon

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La langue française Premium

Merci KONAN pour votre commentaire.

À bientôt,
Nicolas

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martinkalisa4@gma

Votre enseignement supérieur m'avantage vraiment

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