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La gradation – Figure de style [définition et exemples]

Définition de la gradation

La gradation est une figure de style qui consiste à énumérer des mots ou groupes de mots qui évoquent une idée similaire avec une intensité croissante ou décroissante. Cette figure permet de créer un effet d'amplification de par la répétition d'une même idée avec une force différente. Le sens de la phrase s'en retrouve renforcé et l'auteur termine souvent par une hyperbole dans le cas d'une gradation ascendante. La gradation suppose une progression vers l'idée finale.

Pierre Fontanier, grammairien français, classe dans Les Figures du discours la gradation en tant que figures par déduction, aux côtés de la répétition et la métabole. Ces figures sont fondées sur un mécanisme d’attente d’une répétition ou d’un même motif.

La gradation ascendante

La gradation ascendante gagne progressivement en intensité. Elle commencera donc par des évocations atténuées de l'idée finale, voire euphémiques, pour progresser ensuite vers des évocations plus fortes, jusque parfois des hyperboles.

C’est un roc ! c’est un pic ! c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ? … c’est une péninsule !

Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac

Dans cet exemple connu, « La tirade du nez » de Cyrano de Bergerac, le personnage d'Edmond Rostand parle de son nez en des termes qui, progressivement, deviennent de plus en plus exagérés, afin de souligner l'énormité de celui-ci.

La gradation descendante

La gradation descendante est le total inverse de sa contrepartie ascendante, et diminue progressivement en intensité. On commence donc par des termes exagérés, voire hyperboliques, pour finir sur des thèmes atténués, voire euphémiques. La célèbre loi du talion, « Œil pour œil, dent pour dent », qu'on utilise pour exprimer le désir de vengeance, est un exemple méconnu de gradation descendante, on part de l'oeil (qu'on arrache à son ennemi) pour finir sur une simple dent.

Vous voulez qu'un roi meure, et pour son châtiment
Vous ne donnez qu'un jour, qu'une heure, qu'un moment !

Racine, Andromaque, acte IV, scène 3

Dans cet exemple, la gradation descendante est évidente, on part du jour, puis on passe à l'heure pour finir à un simple moment.

Attention, il existe des gradations qui peuvent être considérées à la fois comme ascendantes et descendantes. Par exemple, dans « Ma reine, ma femme, mon amour », on peut y voir l'effet descendant si on considère le statut social qui passe de la reine au simple amour (personnification), mais on peut aussi prendre en compte la charge émotionnelle qui passe du simple titre de la femme à ce qu'elle représente vraiment pour le locuteur.

La gradation rompue

Dans le cas où l'auteur romprait une gradation par un terme beaucoup plus fort ou faible que la progression ne le suggère, on parle de gradation rompue. Dans l'exemple suivant, Molière montre l'avarice du personnage en rompant la gradation après « on m'a coupé la gorge » (quoi de pire que d'être assassiné ?), et en y apposant quelque chose de bien moindre importance pour la majorité des gens (se faire voler son argent) :

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Je suis perdu, je suis assassiné, on m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent

Molière, L'Avare

On parle également de bathos lorsqu'on est en présence d'une gradation rompue par un terme à connotation négative, généralement pour obtenir un effet d'ironie. Par exemple :

Alfred De Musset, esprit charmant, aimable, fin, gracieux, délicat, exquis, petit.

Victor Hugo

Étymologie de la gradation

L'étymologie du mot « gradation » est à chercher du côté du latin gradatio, issu lui-même de gradus (« degré »). On la désigne souvent par le terme grammatical « circonlocution » qui désigne les « détours de langage qui, en évitant les termes précis, visent à masquer la pensée ou à adoucir ce que l'on veut dire. »

Retrouvez toutes les informations sur le mot « gradation » dans notre dictionnaire >

Exemples de gradations

Va, cours, vole, et nous venge.

Corneille, Le Cid

Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c'est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !

Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac

Ils s'accrochent, ils mordent, ils lacèrent, ils en bavent.

Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit

C'en est fait ; je n'en puis plus ; je me meurs ; je suis mort ; je suis enterré.

Molière, L'Avare

[…] ta beauté même aura son terme ; elle doit décliner et périr un jour comme une fleur qui tombe sans avoir été cueillie ; et moi cependant je gémis, je souffre, ma jeunesse s’use dans les larmes, et se flétrit dans la douleur.

Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse

Marchez, courez, volez où l’honneur vous appelle.

Nicolas Boileau, Le Lutrin

Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant de millions de peuples passés au fil de l’épée.

Montaigne, Les Essais

Le fleuve naît, gronde et s’écoule
La tour monte, vieillit et s’écroule

Alphonse de Lamartine, Le Chêne

Ce ne sont que sarcasmes, moqueries, paronomasies, épanalepses et redites.

Rabelais, Tiers Livre

Elles piaillaient, beuglaient, hurlaient

Baudelaire, Le Vieux Saltimbanque

Les vieux ne bougent plus (…) leur monde est trop petit
Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit.

Jacques Brel, Les vieux

Vous voulez en savoir plus sur les figures de style ?
Consultez notre guide des figures de style en français.

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