Y1, y, lettre
La vingt-cinquième lettre de l'alphabet; un exemplaire de cette lettre.
A. − [La lettre en tant que telle]
1. [Y désigne y] Je dédaignai les merciers et ne cherchai plus à deviner le sens de l'Y énigmatique qui brille en or sur leur enseigne (A. France, Livre ami, 1885, p. 163).− [Forme dessinée de la lettre] Ils s'arrêteront sur une anagramme presque parfaite − il n'y manque qu'un C − de Crayencourt: Yourcenar. « Pour le plaisir de l'y », dira Marguerite (J. Savigneau, M. Yourcenar, Paris, Gallimard, 1990, p. 68).
− [P. allus. au symb. math. corresp.; la différence, entre x et y, effectivement interchangeables, est sans conséq.] Nous nous sommes battus trois fois, parce que il soutenait avoir vu des X sur les boutons d'un habit, où je crois qu'il y avait des Y (Dumas père, Henri III, 1829, II, 2, p. 146).
2. [Par rapport à la forme physique du caractère] − [D'un point de vue esthét.] Quand reviendrons-nous à « poëte » et à « poësie »? Qui nous rendra les « Plëiades »? Qui restituera le calice royal de l'« y » dans ce mot de « lis » démocratisé? (Morier1961, p. 921, s.v. rime).
−
[Figures de la forme] Elle se partageait en deux rues, obliquant l'une à gauche, l'autre à droite. Jean Valjean avait devant lui comme les deux branches d'un Y (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 541).♦ En forme d'y, en y. Pécuchet, le tournant vers la Grande-Ourse, lui montra l'étoile polaire, puis Cassiopée, dont la constellation forme un Y, Véga de la Lyre, toute scintillante, et, au bas de l'horizon, le rouge Aldebaran (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 79).Maurice avait rapproché les sourcils, il avait une ride en Y sur le front, il paraissait réfléchir (Sartre, Sursis, 1945, p. 153).
− Tiré comme un bel y grec. Être bien habillé. (Ds France 1907).
B. − [Y désigne un référent autre que lui-même, directement, p. attrib. arbitraire, ou indirectement, en tant qu'abrév. d'un signe lex.]
1. [Avec un référent lex.] −
[Abrév. d'une lettre; substitution, oralement, du signe lex.] ♦ Y. Symbole de l'yttrium. (Dict. xixeet xxes.).
− [Abrév. de plus d'une lettre] . Y.M.C.A. [Abrév. de Young men's christian association] Une organisation de bienfaisance. Deux poilus regardent les petites femmes de l'Y.M.C.A. « Sais-tu ce que c'est, mon vieux? − Ya moyen coucher avec » (Barrès, Cahiers, t. 11, 1918, p. 332).
2. [Sans référent lex.] De cette loge, on surveillait également, par une petite fenêtre pratiquée en Y, la porte V, qui donnait sur l'appartement du vieux Bob (G. Leroux, Parfum, 1908, p. 80).−
Variable algébrique. Un facteur commun diviserait leur somme 2 x et leur différence 2 y, et par suite x et y, ce qui est impossible, x et y étant supposés premiers entre eux (Gds cour. pensée math., 1948, p. 91).♦ L'axe des y. La courbe représentative des moments fléchissants est une parabole (...) tournant sa concavité vers les y négatifs (Résal, Ponts métall., t. 2, 1889, p. 11).
− [Une entité ou une propriété indéterminées] Le même symbolisme grossier sur lequel on prétendait fonder la contingence de l'action accomplie aboutit, par un prolongement naturel, à en établir l'absolue nécessité. Bref, défenseurs et adversaires de la liberté sont d'accord pour faire précéder l'action d'une espèce d'oscillation mécanique entre (...) deux points x et y (Bergson, Essai donn. imm., 1889, p. 141).
− En partic. Chromosome Y. Chromosome mâle. V. x ex. de Rostand.Le chromosome Y diffère de X en ce qu'il est un peu plus grand et a la forme d'un V à branches très inégales (Cuénot, La Genèse des espèces animales, Paris, Alcan, 1932, p. 144).
− [Une pers. indéterm. ou non identifiée] Je remarque en passant que c'est l'idée vague qui est le plus généralement comprise − et qu'on passe pour obscur dès qu'on précise. (Cf. X, Y) (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1899, p. 350).Indépendance: à l'égard de mes antécédents, et de ce que X. et Y. peuvent croire être mes ambitions (Larbaud, Journal, 1931, p. 248).
Prononc. et Orth.: i [i] grec. L'élision est générale, l'y. La liaison est probable dans des y, deux y, un y, en y. La semi-voyelle [j]à l'initiale d'une partie des mots en y- a le comportement d'une consonne. Elle ne suscite pas l'élision, la yole. Elle entraîne la syncope, six yoles ([sis] réduit à [si]). Elle ne connaît pas la liaison, les yoles [lejɔl], ni la substitution de la forme jonctive, beau yearling (pour *bel yearling), ni l'enchaînement (l'insertion d'un coup de glotte, d'une pause, voire d'un [ə] est probable dans cette voie). L'initiale [i] de iambe, iode, iota, etc., échappe, ou à peu près, au phénomène. La liaison est certaine, l'iode, un peu moins les autres aspects du phénomène. Littré, s.v. yole: « L'y joue le rôle de consonne, la yole, les yoles, sans lier l's » Ac. 1935: « Au début de la plupart des mots, y se comporte comme s'il était précédé d'une h aspirée, et la voyelle finale de l'article ou de la préposition de ne s'élide pas devant lui. Le yucca. La pointe du yatagan ». Étymol. et Hist. 1. 1119 y griu, y (Philippe de Thaon, Comput, éd. I. Short, 1553 et 1559); 2. 1832 (Raymond: Y Figure un chemin qui se sépare au bout en deux parties); 3. 1842 chim. (Ac. Compl.); 4. 1846 alg. (Besch.). Vingt-cinquième lettre de l'alphabet, lat. y, gr. υ, empr. tardivement par les latins à l'alphabet gr. pour écrire les mots tirés du grec.
Y2, pron. adv. et pers.
I. − [Y, pron. adv., représente le lieu où l'on est ou le lieu où l'on va. Il s'oppose ainsi à en qui représente le lieu d'origine]
A. − [Représente un syntagme prép. de lieu]
1. [Avec à] Jamais (...) je ne me rendrai à la bibliothèque pour y consulter les archives (Sartre, Nausée, 1938, p. 127).
2. [Avec une autre prép. chez, dans, en, sous, sur...] Y aller (en Bretagne, dans le Poitou, chez Paul). Il chercha la lettre dans sa poche, l'y sentit, mais il n'osa pas l'ouvrir (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 193).Il n'y avait plus de verres, de fioles ni de bouteilles sur la table de nuit; deux bougies y brûlaient (A. France, Vie fleur, 1922, p. 336).Ah! c'est bon, n'est-ce pas? d'être sous l'aile du pouvoir. On y est mieux que sous l'aile de Jésus-Christ (Montherl., Port-Royal, 1954, p. 1048).
B. − [Représente un adv. de lieu] Tu verras ici Charles, tu y verras M. Pagnerre, tu y auras le cœur et l'esprit contents (Hugo, Corresp., 1862, p. 411).Il déjeunait dehors, souvent même il y dînait (Zola, Curée, 1872, p. 121).On s'assied là-dedans, on s'y couche plutôt, sur des tapis de Perse qui recouvrent des coussins moelleux comme un lit (Farrère, Homme qui assass., 1907, p. 72).−
[Y est pléonastique] ♦ [Avec un adv. là, dessus...] On n'est pas toujours obligé de penser à cette terre plate et au vent qui s'y aiguise dessus (Giono, Regain, 1930, p. 78).
♦ [Avec l'adv. rel. où] Il recherche des plaisirs où l'âme n'y trouve nulle paix (Grev.1986, § 655, p. 1038).
♦ [Avec un syntagme prép. en appos.] Les Prussiens n'y entreront pas (dans Paris): c'est un épouvantail de M. Thiers (Flaub., Corresp., 1871, p. 223).Mais toi, mon garçon, tu y viendras, au sermon (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Père Amable, 1886, p. 216).
C. − [Désigne un compl. de lieu prép. ou un adv. de lieu] Passereau se traîna tant bien que mal jusqu'à son lit et s'y abattit lourdement (Borel, Champavert, 1833, p. 187).L'hôtel est un pays en petit. On y vient au monde, on y souffre, on y travaille et parfois l'on y meurt (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 195).
II. − [Y, pron. équivaut à une constr. indir. et représente un nom, un pron. ou une prop. entière]
A. − [Fonctions]
1. [Y est compl. d'un verbe ou d'une loc. verb.]
a) [Corresp. à un subst. introd. par à] Cette fièvre qui devient une anxiété, une angoisse, un amour de la mort, quand on s'y abandonne imprudemment (Amiel, Journal, 1866, p. 201).La politique, il n'y comprend rien (Renard, Journal, 1901, p. 688).− [Dans des constr. vieillies ou figées, corresp. à un subst. introd. par une autre prép. en, par, pour...] Croire en Dieu, y croire. Neuf fois sur dix, cela se retourne contre lui; il le sait, et il y persiste; c'est de la manie (Montherl., Malatesta, 1946, III, 4, p. 496).Balzac y insiste, « la ridicule phraséologie fut un élément de succès » (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 45).
b) [Y représente]
α) [un subst.] Cette chambre pouvait voir et connaître de toutes plaintes et clameurs, recevoir toutes requêtes et y pourvoir (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 374).La connaissance purement intellectuelle « exile à l'infini tout ce qu'elle croit étreindre »: la notion me sépare de l'objet autant qu'elle m'y unit (Lacroix, Marxisme, existent., personn., 1949, p. 110).
β) [un inf.] Tu n'as pas idée de la difficulté de monter à une tribune pareille et d'y parler sans radotages et sans être stupéfié par les regardeurs, les auditeurs et les interrupteurs. Quant à lire, il n'y faut pas penser, cela ne s'écoute pas du tout (Lamart., Corresp., t. 2, 1834, p. 18).
γ) [une prop. entière] Je ne retournerai plus à Juvigny, dit-elle d'une voix ferme. − À d'autres! s'exclama le chevalier, je vous y forcerai bien (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 217).Cette femme qui va vieillir demain, que n'oublie-t-elle pas, − songez-y! − sous le charme magique des avant-dernières caresses! (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p. 226).− [Y est empl. comme régime dans une prop. compar.] Sans doute aurions-nous dû vous envoyer une auto, comme nous y avons pensé (Sandf.t. 11965,§ 81).
2. [Y est compl. d'un adj. ou d'un part. en fonction d'adj.]
a) [Y précède le verbe] Être attaché à la morale, y être attaché. Je parlai de M. Dubois, de Gérard, de Psyché et l'amour, dans le Jardin du Luxembourg à Fontanet et à Mouron qui y furent indifférents (A. France, Vie fleur, 1922, p. 463).
b) [Y se place immédiatement devant un adj. dans qq. expr. figées: renseignements afférents à une affaire, renseignements y afférents] Fais embarquer tout l'équipage à bord de la goëlette, y compris les Noirs (Sue, Atar-Gull, 1831, p. 21).Sur le rebord de la cheminée et sur les planches y attenantes (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 626).Parmi ces plaques unies frappées par la lumière parfumée d'une forêt de bougies et de girandoles y incluses (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 363).
3. [Y peut se substituer à le lorsque celui-ci représente un compl. prép. en fonction d'attribut] Ô Étoiles, vous êtes à faire peur, Vous y êtes toutes! toutes! (Laforgue, Poés., 1887, p. 109).− Oh! si elle était en vers! − Mais elle y est, dit Barbier. − Oui, mais en d'autres vers (Renard, Journal, 1898, p. 459).Il était parfaitement au courant des événements il y a une dizaine d'années; il n'y est plus (Grev.1986, § 648, p. 1029).− [Dans le fr. parlé ou région., y peut représenter un adj.] [Le Provençal, la tête dans un baquet de tripes:] Si elles sont belles (...) Ah! je te crois qu'elles y sont! Té, vé (Richepin, Truandailles, 1891, p. 255).
4. [Y en constr. avec voici et voilà] M'y voici! vous y voilà! − (...) Tenez, nous y voilà... Les voyez-vous? − Qui donc? − Les corbeaux qui vont coucher au puits (Dusaulx, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 323).
5. [Avec reprise par un syntagme prép. apposé]
a) [Le syntagme apposé suit y] Voilà maintenant que nous sommes à Bar-le-Duc! Mais queq' nous allons y foutre, à Bar-le-Duc! (Courteline, Train 8 h. 47, 1888, p. 100).Mes griefs?... Vous croyez que j'y tiens, à mes griefs? (Sandf.t. 11965,§ 83).
b) [Le syntagme apposé précède y] Mais, à son salut, oh! si je le pouvais, j'y travaillerais malgré lui. Par tous les moyens, oui! (Zola, Dr Pascal, 1893, p. 23).−
[Dans ce cas, la prép. est gén. omise] La liberté relative, on y arrive plus facilement encore sans galons (Sandf.t. 11965,§ 83).
Rem. Dans la lang. parlée, il arrive souvent qu'y annonce le compl. qui suit en y ajoutant après coup le membre de phrase qu'il représente: Les Henrouille, dès avant leur mariage, ils y pensaient déjà à s'acheter une maison (Céline, Voyage, 1932, p. 309).
B. − [Désigne gén. une chose, mais peut désigner aussi]
1. [un animal] Ce chien, je m'y suis attaché. [Fabrice] sauta lestement sur le cheval. Il y était à peine et cherchait l'étrier de droite avec le pied, lorsqu'il entendit siffler une balle de fort près (Stendhal, Chartreuse, 1839, p. 62).
Rem. 1. L'empl. de lui et de leur est normal, même à propos d'animaux ou de choses, quand il y a un obj. dir. (avec donner, demander, devoir, préférer, etc.), lui et leur étant des obj. seconds: Le cheval rua et le charretier lui donna un coup de fouet (Littré). Ce cuir ne vaut rien, on lui a donné un mauvais apprêt (Ac., s.v. apprêt). 2. Cependant, même dans ce cas, on trouve parfois y: j'ignore de quoi nous sommes faits, et peu importe le nom qu'on y donne (Grev. 1986, § 653, p. 1035).
2. [une pers.]
a) [Y peut être empl. comme obj. indir. quand les pron. conjoints sont exclus (notamment avec certains verbes: avoir affaire, croire, en appeler, habituer, penser, prendre garde, recourir, renoncer, rêver, songer...)] C'est un homme dangereux, prenez-y garde! Je voyais bien des gens d'Égypte, mais je n'osais guère m'y fier; je les tâtais, et ils me tâtaient (Mérimée, Carmen, 1845, p. 58).Je pensai à Anne. J'y pensai d'une telle manière que je m'assis sur mon lit, le cœur battant (Sagan, Bonjour tristesse, 1954, p. 76).
Rem. 1. La forme disjointe est fréq. empl. dans ce cas: il s'y intéresse; il s'intéresse à lui; j'y pense, je pense à lui. 2. ,,Y (...) est utilisé de plus en plus souvent pour parler de personnes, peut-être un peu par analogie avec en, (...) les puristes mis à part, on commence à considérer y comme la variante « parlée » des pronoms à lui, à elle, etc. Ceci nous amène à supposer (...) que la différence en ce qui concerne la pronominalisation des compléments (...) n'a rien à voir avec la nature des compléments (humains ou non), mais tient exclusivement à la nature du verbe`` (D. Seelbach ds Sur le verbe, 1986, p. 141).
b) [Dans la lang. fam. ou pop.]
α) [Comme datif conjoint, y est empl. à la place de lui ou de leur] Mords-y l'œil! Ah! dis donc!... J'ai manqué y pouffer au nez. L' pauv'e bonhomme! (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 94).J' vas y porter une lettre (Barbusse, Feu, 1916, p. 171).
β) [Leur, ou plutôt leur z' fait pléonasme avec y dans certains énoncés] Je « leux » y dirai la chose, histoire de rire (Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 350).Aux poulets [policiers] tu pourrais toujours leur-z-y expliquer (Grev.1986, § 653, 2erem., p. 1035).
C. − [Place de y]
1. [Aux modes autres que l'impér. et à l'impér. nég., y précède le verbe] Il y court, il faut qu'il y coure, il faut y courir, n'y cours pas! Y vas pas, tu vas te faire tuer, lui dit Lemoine (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 233).
2. [Avec un verbe à l'impér. positif y suit le verbe (on fait la liaison et on met un trait d'union)] Songez-y, Musette, pour moi, pour vous, cela est bien inconvenant (Murger, Scènes vie boh., 1851, p. 232).Eh bien! vas-y, répond l'impitoyable père à sa fille; vas-y, avec ton mendiant, courir les champs (Lamart., Cours litt., 1859, p. 295).−
[La 2epers. du sing. des verbes en -er est écrite avec s] Tu veux absolument aimer; renonces-y, je t'en prie (Borel, Champavert, 1833, p. 185).♦ [Lorsque y est suivi d'un inf., on n'a ni s final, ni liaison; y se rapporte en fait ici à l'inf.] Va y mettre de l'ordre. On lui avait assez dit qu'il fallait se méfier à Paris, que la plupart des femmes y étaient malades. Même les femmes du monde (...) va y comprendre quelque chose? (R. Guérin, L'Apprenti, Paris, Gallimard, 1949 [1946], p. 269).
3. [Y constr. avec un autre pron. conjoint se place après celui-ci; le, la, me, te, se s'élident graphiquement et phonétiquement: on met un trait d'union entre le verbe, le pron. et y] Tenons-nous-y, fais-m'y penser. Et toi, Tristesse, qui songez comme deux Sœurs Auprès de l'eau où vous aviez jeté la clef et les fleurs De mes plus belles Destinées, Laissez-m'y voir, hélas! penché sur son mirage (Régnier, Poèmes, Tel qu'en songe, 1892, p. 230).
Rem. 1. On peut trouver la forme tonique dans des ex. oraux ou liés à l'oralité: Mènes-y-moi, confies-y-toi. Mets-toi à leur place à ces deux femmes, mets-y-toi un peu (Céline, Voyage, 1932, pp. 554-555). 2. L'usage pop. connaît la constr. z-y (et même zi) derrière un pron. tonique: [Le brigadier au trompette:] Rage dessus [= sur ta trompette]! Metz-toi-zi dedans (D'Esparbès, Tumulte, 1905, p. 142).
4. [Lorsque y et en figurent ensemble dans une constr., y précède en] Réfléchissez avant d'aller à Rome, car on y a trop d'occasions de dépenser son argent, et l'on ne peut pas y en gagner (Taine, Philos. art, t. 2, 1865, p. 31).
5.
a) Vieilli [Y se place devant un verbe régissant un inf. dont il est compl.] Car une fois perdu parmi ces capitales, ces immenses Paris, aux tourmentes fatales, repos, fraîche gaîté, tout s'y vient engloutir (Brizeux, Marie, 1840, p. 14).
b) [Lorsque le verbe à l'inf. est précédé d'un adv. (bien, trop, toujours...) ou de la 2epartie de la nég. (pas, point, rien, jamais...) y précède le groupe adv. + inf.] Il y échangea les soins du pressoir contre ceux de la presse, et il était, comme il disait, depuis trop longtemps dans les vignes pour ne pas s'y bien connaître (Balzac, Illus. perdues, 1837, p. 20).Des tas de vieillards comme des tas d'immondices et qui allaient mourir et ne le savaient pas, d'autres qui le savaient et pensaient n'y rien pouvoir (Berger, Le Sud, Paris, Grasset, 1962, p. 67).
6. [Y est gén. omis devant le fut. et le cond. de aller, ainsi que devant lui-même avec y avoir] Avez-vous été à Paris? J'irai (Ac.).Ce n'est point parce qu'il y a une rose sur le rosier que l'oiseau s'y pose: c'est parce qu'il y a des pucerons (Renard, Journal, 1897, p. 417).
III. − [Y forme des loc. dans lesquelles il peut s'interpréter comme l'équivalent, à l'origine de là ou de à cela]
A. − [Dans des loc. impers.] Il y a. V. avoir1IV.Il y va de. V. aller1II A 3.Il y paraît. V. paraître1II A 2.Ça y est! V. être12eSection I B 1 c γ.
B. − [Dans des loc. pers., le verbe étant fréq. à la forme pronom. ou nég. ou avec des compl. adv. ou substantivaux]
1. [Avec être] Ne pas y être, n'y être pour personne, y être pour qqc., tant qu'on y est. V. être12eSection I B 1 c.[Avec aller] Vas-y! on y va!. V. aller1I A 2 c.[Avec faire] Rien n'y fait, savoir y faire. V. faire1II B 1.[Avec passer] V. passer11reSection III B 1 c β. [Avec regarder] V. regarder A 2 b β.[Avec revenir] V. revenir II C 1 c.[Avec voir] Ne plus y voir, ne plus y voir clair, n'y voir goutte. V. voir 1reSection I C 2 b.
2. Ne pas y couper. V. couper B 4.N'y pouvoir rien. V. rien II B 6 e.S'y prendre. V. prendre 3eSection III.Ne plus y tenir. V. tenir 2eSection I B.
Prononc. et Orth.: [i]. Étymol. et Hist. [842 iv « là [< lat. ibi, v. FEW t. 4, p. 530] » (Serments de Strasbourg ds Henry Chrestomathie, p. 2)] 1. 2emoit. xes. i, locatif, désigne le lieu de l'action exprimée par le verbe (St Léger, éd. J. Linskill, 142: Defors l'asist, fist i gran miel [mal]; 180: Domine Deus in ciel flaiel I visitét Lethgier son serw); 2. 2emoit. xes. « à cela [mise en rapport avec une situation évoquée précédemment] » (ibid., 51: Il se fud morz, damz i fud granz); 3. a) 2emoit. xes. loc. (ibid., 55: Un compte i oth); b) 1208 il y a (Villehardouin, V,150 cité ds J. Pinchon, Les Pron. adv. en et y, p. 275); c) 1228 il n'i a que de + inf. (Jean Renart, Guillaume de Dole, éd. F. Lecoy, 4341); 4. a) fin xes. avec certains verbes, comme substitut d'un compl. au datif désignant une pers. « à lui [ici i peut également être considéré comme une forme réduite de lui, pron. pers. régime, v. J. Pinchon, op. cit., p. 120] » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 289: Respondet l'altre: « Mal i diz »; 385: Argent ne aur non i donat Mas que son sang et soa carn); b) ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec et Eneide, éd. M. Roques, 5818: Lors la beise et comande à Dé Et ele i recomande lui), encore dans la lang. parlée et fam.; 5. ca 1050 constr. avec en (Alexis, éd. Chr. Storey, 228: en i out), l'ordre en y, ayant été condamné par les grammairiens au xviies., l'ordre y en s'impose ensuite; 6. a) ca 1170 avec des verbes pronom. réfl., substitut de « avec lui, à lui » (Marie de France, Lais, éd. J. Lods, Eliduc, 282: Eliduc respunt qu'il irrat Volenters s'i acuinterat); b) 1176-81 (Chrétien de Troyes, Chevalier Lyon, éd. M. Roques, 742: Se or de rien an moi te fies Ja mar t'i fieroies mes), sur les contraintes (de différents ordres) s'exerçant sur y quand il représente un animé, et leur évol. hist., v. J. Pinchon, op. cit., pp. 92-167. Du lat. hic « ici » (v. FEW t. 4, p. 423), avec, prob., infl. réciproque de hic et ibi, ce dernier étant proposé par certains (v. J. Pinchon, op. cit., pp. 14-19) comme étymon de y malgré la difficulté phonétique. Bbg. Blanche-Benveniste (Cl.). L'Importance du « fr. parlé » pour la description du « fr. tout court ». Rech. Fr. parlé. 1983, no5, pp. 23-45. − Bogacki (K.). Perspective fonctionnelle et locativité. Kwart. neofilol. 1976, t. 23, pp. 49-55. − Huot (H.). Constr. inf. du fr. Genève, 1981, p. 8, 163, 174, 358, 463. − Kaminska (A.). La Valeur des pron. pers. en et y ds Aucassin et Nicolette. R. Ling. rom. 1965, t. 29, pp. 98-104. − Kayne (R.S.). Synt. du fr. Paris, 1977, pp. 131-132, 283-285. − Le Flem (D.C.) Un trait archaïque du franco-québécois: les pron. pléonastiques en et y: Congrès Internat. de Ling. et Philol. Rom. 17. 1983. Aix-en-Provence, 1986, t. 4, pp. 253-265. − Quem. DDL t. 32. − Quicoli (A.C.). The placement of y, en in Fr. causatives. Linguistic analysis. New-York. 1981, t. 8, pp. 343-376. − Seelbach (D.). À propos d'un à datif en fr. Sur le verbe. Lyon, 1986, pp. 133-168. − Tilander (G.). Pourquoi l'ordre réciproque des adv. en, y a-t-il été changé en y en. In: [Mél. Grevisse (M.).]. Gembloux, 1966, pp. 327-333.
Y3, pron. pers.
[Comme notat. de la prononc. pop. de il]
A. − [Il et ils s'écrivent et se prononcent y [i] devant une cons., y [i] et y z' [iz] devant une voy.] J' fous ma démission, l' gouvernement s'arrangera comme y pourra! (Courteline, Train 8 h. 47, 1888, p. 70).Y en a plus que du très bon [du vin blanc]. Y vaut cinq francs la bouteille... (Céline, Voyage, 1932, p. 50).
B. − [Dans l'interr., la syll. -t-il(s) est prononcée [ti] et peut être orthographiée t'il, t-il, t'i ou t'y, ty; p. ext., morphème interr., même au fém.] − Votre pompe, elle marche-t-y bien? (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 19).− [C'est-y..., voilà-t-y... introduisent une phrase exclam.] C'est-y pas des oies qu'il a après sa ceinture! (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 134).Mais voilà-t-y pas que juste devant le café où nous étions attablés un régiment se met à passer (Céline, Voyage, 1932, p. 14).
Prononc. et Orth.: [i]. Étymol. et Hist. V. il et y2.
STAT. − Y1, 2 et 3. Fréq. abs. littér.: 233 388. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 344 519, b) 324 280; xxes.: a) 324 860, b) 329 468.