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Clara lit Proust, de Stéphane Carlier : la puissance de la littérature

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Tendre et réjouissant, le texte de Stéphane Carlier est un roman d’amour – dans lequel Clara, une coiffeuse de Chalon, rencontre Marcel Proust, l’indéboulonnable star des lettres françaises.  

Et c’est le coup de foudre, aussi inattendu que puissant. Clara est coiffeuse dans un petit salon de province, entourée d’une galerie de personnages truculents qui vont rapidement croiser, sans le savoir, les êtres tout aussi singuliers et cocasses que la plume de Proust a inscrits dans le patrimoine littéraire. 

Un jour de chance, Clara prend en charge, au salon, un homme particulièrement séduisant. En partant, le bellâtre oublie un livre. Elle le récupère, bien sûr – peut-être reviendra-t-il le chercher ? Peut-être même l’a-t-il sciemment oublié, pour se donner une occasion de revoir Clara ?

Le charmant client ne reviendra pas, et Proust sera oublié quelques mois dans la bibliothèque de Clara… jusqu’à ce qu’elle daigne l’ouvrir, un après-midi d’ennui. « D’abord, rien. Nada, niente, nichts. Une première phrase aussi connue qu’un slogan publicitaire ou le refrain d’une chanson d’enfant et tout s’obscurcit. Les mots sont des fourmis alignées sous ses yeux. Il y est question de François Ier, de Charles Quint et de métempsycose. (…) C’est quoi, ce livre ? 

Mais Proust n’est pas un séducteur débutant – loin de là. Et très vite, Clara se laisse enchanter :

Elle a lu quoi, douze pages, et elle sait déjà comment ça va marcher entre eux. À elle de s’accrocher, de continuer à avancer, souvent dans le brouillard, parfois dans le noir, de ne pas se formaliser de ses phrases à tiroir et de ses imparfaits du subjonctif, de se munir de patience et, s’il le faut, d’un dictionnaire. À lui, en retour, à intervalles réguliers, chaque fois qu’elle s’y attend le moins, de l’éblouir. 

Comme toutes les rencontres décisives, celle de Clara et de Proust est un véritable évènement, une expérience totale ; car tout change, au contact de La Recherche. Les perceptions de Clara s’intensifient, sa sensibilité se déploie : la jeune femme se transforme. Surtout, elle s’apprend.

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Certes, « ils ne sont pas nombreux, ceux qui se réinventent », mais grâce à Proust, Clara fait partie de ceux-là. L’exercice de la lecture des pages de La Recherche, qui « oblige à une lenteur mais aussi à une vigilance », bouleverse la jeune femme autant qu’elle lui permet de se réinventer.

Bien sûr, la rencontre de Clara et de Proust est l’occasion, pour Stéphane Carlier, de partager l’expérience si particulière qu’est la lecture de l’écrivain français. Bien loin de la théorie littéraire et de ses poncifs, il parvient sans difficulté à se maintenir au plus près de la puissance des émotions que procure ces pages. Réjouissant !

Plus elle le lit, mieux elle le comprend. Il n’emploie pas de mots compliqués, c’est juste que ses phrases, souvent, vont voir ailleurs. Une fois qu’elle le sait, qu’elle a compris qu’il ne l’abandonne pas mais reviendra la chercher, ça va tout seul. 

Acheter le livre : Clara lit Proust, de Stéphane Carlier, Gallimard, 192 p., 18,50 €. En librairie depuis le 01/09/2022.

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Sophie Benard

Sophie Benard

De formation philosophique, Sophie Benard est désormais critique littéraire (Le Monde des livres) et journaliste (Slate, Les Inrocks).

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