L’avenir de la littérature, Miki Liukkonen : manifeste pour une littérature expérimentale
Une nouvelle maison d’édition vient de naître : 49 Pages. Cette édition de textes courts vient de publier L’avenir de la littérature de l’écrivain finlandais Miki Liukkonen. Une traduction française bien venue tant l’écrivain finnois — génie de la littérature décédé en 2023 — est visionnaire. Dans cet essai, il se demande ce que sera l’écrivain post-postmoderne à l’ère d’Internet.
Il regrette en effet que la littérature finnoise soit « sans surprise, confortable, peu expérimentale. » Face à la littérature populaire, qui vise à divertir, il souhaite promouvoir la littérature expérimentale. Une littérature qui recherche l’absolu et capture l’essentiel.
C’est que la tentation de verser dans la littérature populaire est forte. Surtout quand l’industrie littéraire est en repli. Le rapport annuel du SNE constate en 2024 une baisse des ventes de livres de 2,1 % en volume par rapport à 2019. Pour Miki Liukkonen, il est cependant primordial de ne pas céder aux désirs des lecteurs pour renouer avec une littérature de la sincérité.
L’avenir de la littérature fait ainsi office de manifeste littéraire. Publié en Finlande en 2017, il accompagne la publication d’une œuvre remarquable : O (Le Castor Astral, janvier 2021), un roman labyrinthique de près de 1000 pages. L’auteur finlandais s’interroge alors sur les conséquences d’Internet sur la littérature. Il décrit plusieurs phénomènes qui empêchent l’innovation littéraire face à la littérature grand public.
Tout d’abord, l’auteur finlandais regrette le partage incessant de nos vies sur Internet. Il décrit, à l’heure des réseaux sociaux, les méfaits de cet existentialisme projeté — je partage donc je suis — créant une sorte de panoptique virtuel auquel on se soumet volontairement.
« Pour que la littérature fasse un saut décisif vers le réel et le sincère, il faudrait qu’elle brise le mur insidieux de l’apparence, qu’elle échappe au panoptique. »
Corollaire de cette évolution sociale, Miki Liukkonen constate l’augmentation du superflu en littérature. Le texte est de moins en moins important face au reste : la couverture, la promotion, le physique des auteurs, leur célébrité…
On constate en effet aujourd’hui une tendance parmi les maisons d’éditions françaises à publier des influenceurs à l’audience pléthorique. Elles s’assurent ainsi un profit facile au détriment, souvent, de la qualité du texte. La publication de Clamser à Tataouine de l’acteur Raphaël Quenard l’illustre bien, mais les exemples sont nombreux…
Face à cette nouvelle réalité, de quoi sera faite la littérature post-postmoderne ?
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Pour Miki Liukkonen, il faut refléter le monde chaotique dans lequel nous vivons. L’arrivée d’Internet a provoqué un excès d’information, avec des stimulations constantes et un déficit d’attention. Il faut que la littérature reflète cette instabilité : « Il faut produire du charabia ».
Il utilise pour cela la technique du triton : quand le roman classique cherche la cohérence, le développement organique, la résolution narrative, le triton introduit un point de rupture, une tonalité discordante qui perturbe cette cohérence.
À l’heure où l’intelligence artificielle ne fait qu’accentuer les effets d’Internet, les éditeurs devront redoubler de courage pour promouvoir cette littérature expérimentale qui brise les codes.
On imagine aisément des tourne-pages aux recettes éculées rédigés par des intelligences artificielles, publiés ensuite sous le nom d’un influenceur célèbre pour en assurer la vente.
Mais heureusement, il reste des éditeurs passionnés et courageux. La création de la maison d’édition 49 Pages est à cet égard une bonne nouvelle. En plus de publier ce petit bijou de théorie littéraire finnoise, elle cherche à réhabiliter les textes courts, ambitieux, et à « rendre à la littérature son feu, qu’elle soit étincelante, brûlante et chaleureuse ».
Souhaitons-leur bonne chance dans cette noble mission ! Et pour les soutenir, vous pouvez dès maintenant vous abonner.
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- L’avenir de la littérature, Miki Liukkonen, 49 Pages, 15 janvier 2026 (acheter en ligne)
