La langue française

Accueil > Linguistique > Le paradoxe – Figure de style [définition et exemples]

Le paradoxe – Figure de style [définition et exemples]

Définition du paradoxe

Un paradoxe  est une figure de style qui consiste à associer deux mots ou idées contradictoires dans une phrase, un vers ou un discours, allant à l'encontre du sens commun.

En contredisant une idée généralement admise, ces associations surprenantes et troublantes entre des termes ou idées complètement opposés invitent à la réflexion, parfois même à la provocation.

Par exemple, dans cet extrait des Mémoires de Saint-Simon : 

Elle ne me dissimula ni l'un ni l'autre, et déploya toute son éloquence, qui n'était pas médiocre, pour me persuader que l'amitié devait pardonner cette légèreté, toute pesante qu'elle fût.

Saint-Simon, Mémoires.

Malgré l’incompatibilité sémantique entre les termes « pesante » et « légèreté », il se dégage une certaine subtilité dans le discours.

Dans ses Figures du discours, Pierre Fontanier emploie le terme paradoxisme pour désigner cette figure de style « qui revient à ce qu’on appelle communément Alliance de mots, (…) artifice de langage par lequel des idées et des mots, ordinairement opposés et contradictoires entre eux, se trouvent rapprochés et combinés de manière que, tout en semblant se combattre et s’exclure réciproquement, ils frappent l’intelligence par le plus étonnant accord, et produisent le sens le plus vrai, comme le plus profond et le plus énergique ».

Procédé rhétorique efficace qui, selon Henri Bénac, « cache souvent, sous une formule ou une idée qui paraît étonnante, une vérité que l’on peut soutenir », le paradoxe est une figure de l’opposition qui dévoile souvent des vérités, mises en relief par l’illogisme de leur formulation, comme par exemple dans cette citation de Turgot : 

Avoir toujours raison, c’est un grand tort 

Turgot

Autre exemple avec le vers de Britannicus :  « Ah ! si dans l’ignorance il le fallait instruire… » 

Selon Jean-François de Laharpe (repris dans les Figures de discours de Pierre Fontanier), « Instruire dans l’ignorance est parfaitement juste. (…) C’est qu’en effet, lorsqu’on n’élève un prince que pour régner sous son nom, (…) on lui donne des leçons d’ignorance.(…). Laharpe observe à ce sujet, et avec raison, que la beauté de ces expressions qui semblent s’éloigner l’une de l’autre, consiste dans la justesse des idées qui les rapprochent ; que, sans cette justesse, ce ne serait qu’un pur galimatias, qu’un bizarre et monstrueux accouplement de mots discordants et vides de sens, ou à contre-sens. »

Inscrivez vous au Parcours Figures de style

Découvrez chaque mardi une nouvelle figure de style.

Construit sur un raisonnement illogique ou irréel, frôlant l’absurde, le paradoxe est pourtant à l’origine de puissantes réflexions. Nombreux sont les concepts philosophiques ou théories scientifiques qui se basent sur des paradoxes.

Jean-Jacques Rousseau, philosophe des Lumières, était connu pour être un « auteur à paradoxes », particulièrement des paradoxes éducatifs, contraires à l’opinion commune, tels que :

  • «  L’instruction des enfants est un métier où il faut savoir perdre du temps pour en gagner » ;
  • « J’enseigne à mon élève un art très long [...], c’est celui d’être ignorant. »

Histoire et étymologie du paradoxe

Apparu au XVe siècle, le terme paradoxe vient du mot grec παράδοξος , paradoxos. Composé du préfixe παρὰ, para pour « à côté » et du nom δόξα, doxa pour « opinion, croyance, ce à quoi on s’attend », il signifie « opposé au sens commun ». 

Le Dictionnaire de l’Académie française (9ième édition) définit le paradoxe comme « une proposition qui, énonçant son propre contraire, paraît à la fois vraie et fausse ; un raisonnement dont la conclusion contredit les prémisses ou qui engendre deux conclusions contradictoires.  Les paradoxes de Zénon d’Élée. Le paradoxe du menteur, mis en forme au IVe siècle avant Jésus-Christ par Eubulide de Mégare, et dans lequel un menteur, confessant qu’il ment, atteste du même coup la véracité de ses dires. »

En savoir plus sur les définitions et l’étymologie du paradoxe >

Exemples de paradoxes

L’insensible Valois ressentit cet outrage…

Voltaire, La Henriade

Paris est tout petit, c'est là sa vraie grandeur.

Jacques Prévert

Un paresseux est un homme qui ne fait pas semblant de travailler.

Alphone Allais

Toujours vers quelque objet pousse quelque désir,
Il se ramène en soi, n'ayant plus où se prendre,
Et, monté sur le faîte, il aspire à descendre.

Corneille, Cinna

Même elle avait encore cet éclat emprunté
Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage,
Pour réparer des ans l'irréparable outrage.

Racine, Athalie

Les hommes souvent veulent aimer, et ne sauraient y réussir ; ils cherchent leur défaite sans pouvoir la rencontrer ; et si j’ose ainsi parler, ils sont contraints de demeurer libres.

 La Bruyère, Les Caractères, IV, 16

Le terrible fardeau de n’avoir rien à faire…

Nicolas Boileau, Épitres.

(…) Celle qui de son chat fait son seul entretien,
Celle qui toujours parle et ne dit jamais rien ? (…)

Nicolas Boileau, Satires X, Les femmes

Et je poursuivrai dans ce sens jusqu'à ce que je connaisse quelque chose de certain, ou du moins, à défaut d'autre chose, que je connaisse comme certain que justement il n'y a rien de certain.

Descartes, Les  Méditations métaphysiques

Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Baudelaire, Fleurs du mal, À une passante

D’où naissent ces rencontres des poètes anciens : c’est puer que de sentir bon (…)

Michel de Montaigne, Essais

Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers.

La Bible, Le Nouveau Testament, Évangile selon Saint Matthieu, 20:16  

Ô Dieu, que la guerre est jolie !

Guillaume Apollinaire, L’adieu du cavalier

Consultez notre guide des figures de style en français pour en savoir plus.

Partager :
ou Nous soutenir

Natacha Lovato

Natacha Lovato

Natacha Lovato rédige pour La langue française des articles autour de la linguistique, la littérature et les expressions. Passionnée par la langue française, elle s'est aujourd'hui spécialisée dans la communication écrite afin de transmettre ses connaissances. Elle est aussi gérante d'un organisme de formation dédié à la communication écrite, et accompagne les adultes pour des remises à niveaux en français afin de perfectionner leurs écrits professionnels.

Tous les articles de Natacha Lovato >
Sujets :  figure de style

Recevez chaque semaine une figure de style par courriel

Découvrez chaque mardi une nouvelle figure de style pour mieux comprendre les textes littéraires.


Laisser un commentaire

Vous devez vous connecter pour écrire un commentaire.

Se connecter S'inscrire