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Citations sur le des - Page 2036
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C’est lundi qu’il est mort. On devrait faire une loi obligeant à percer le cœur pour être tout à fait sûr ou bien à placer une sonnerie électrique ou un téléphone dans le cercueil et une espèce de conduit d’aération aussi. Signal de détresse. Trois jours. C’est un peu long pour les conserver en été. Autant s’en débarrasser dès qu’on est sûr qu’il n’y a plus. La terre tombait plus mollement. Commence à être oublié. Loin des yeux loin du cœur.
James Joyce — Ulysse -
Personne ici à part moi ne songe à ramasser les miettes. Je montais en courant vers leurs chambres, Nore encore dans mon ventre, Anne ici, Jeanne là, pas étonnant qu’elles aient fui. Pourtant personne n’est moins garde-chiourme que moi. Cacahuètes écrasées. On me prend pour la bonne ici. Ne pas perdre le fil. Loin des yeux, loin du cœur.
Marie Darrieussecq — Bref séjour chez les vivants -
Si l’adage loin des yeux, loin du cœur, est vrai pour la plupart des femmes, il est vrai surtout en fait de sentiments de famille et de protections ministérielles ou royales.
Honoré de Balzac — Le Cabinet des Antiques -
Loin des yeux, loin du cœur ça n’existe pasLoin des yeux, loin du cœur moi je pense à toiEt chaque jour qui passe me rapproche de toiAu rendez-vous de ton amour je suis toujours là
Demis Roussos — Loin des yeux -
Sans un remords, sans un regret, je partiraiLoin devant moi, sans espoir de retourLoin des yeux, loin du cœurJ’oublierai pour toujoursEt ton corps, et tes bras, et ta voixMon amour.
Charles Aznavour — Et pourtant -
Car les uns mettent leur bonheur à vivre avec leurs amis et à leur faire du bien : d’autres sont disposés à agir ainsi, quoiqu’ils ne le fassent pas ; mais telle est leur inclination habituelle, même pendant leur sommeil, même quand ils sont séparés de leurs amis par l’éloignement des lieux ; car cet éloignement ne rompt pas absolument l’amitié, mais il en interrompt les effets et les actes. Cependant, une longue absence semble au moins la faire oublier ; d’où est venu le proverbe : « Souvent le défaut d’entretien rompt et détruit l’amitié. »
Aristote — Éthique à Nicomaque -
Un des arguments des esclavagistes américains en faveur de l’esclavage, c’est que les Blancs du Sud étant tous déchargés des besognes serviles pouvaient entretenir entre eux les relations les plus démocratiques, les plus raffinées de même, l’existence d’une caste de « filles perdues » permet de traiter « l’honnête femme » avec le respect le plus chevaleresque. La prostituée est un bouc émissaire ; l’homme se délivre sur elle de sa turpitude et il la renie. Qu’un statut légal la mette sous une surveillance policière ou qu’elle travaille dans la clandestinité, elle est en tout cas traitée en paria.
Simone de Beauvoir — Le deuxième sexe -
Pour mettre ses petits en sécurité, cette tigresse doit traverser un lac, mais les crocodiles des marais attendent leur heure.
National Geographic — Une tigresse et ses petits traversent un lac grouillant de crocodiles | National Geographic -
Lai Ching-te s'est entêté à défendre la position de "l'indépendance de Taiwan", a fait remarquer le responsable, ajoutant que la dernière "escale" de Lai Ching-te aux Etats-Unis était un déguisement qu'il a utilisé pour vendre les intérêts de Taiwan afin de chercher à obtenir des gains dans les élections locales par des actes malhonnêtes.
Un responsable de la partie continentale condamne fermement la décision provocatrice du PDP de Taiwan de poursuivre sa collusion avec les Etats-Unis -
Et Blum : « Et alors … » (mais cette fois Iglésia n’était plus là : tout l’été ils le passèrent une pioche (ou, quand ils avaient de la chance, une pelle) en main à des travaux de terrassement puis au début de l’automne ils furent envoyés dans une ferme arracher les pommes de terre et les betteraves, puis Georges essaya de s’évader, fut repris (par hasard, et non par des soldats ou des gendarmes envoyés à sa recherche mais – c’était un dimanche matin – dans un bois où il avait dormi, par de paisibles chasseurs), puis il fut ramené au camp et mis en cellule, puis Blum se fit porter malade et rentra lui aussi au camp, et ils y restèrent tous les deux, travaillant pendant les mois d’hiver à décharger des wagons de charbon, maniant les larges fourches, se relevant lorsque la sentinelle s’éloignait, minables et grotesques silhouettes, avec leurs calots rabattus sur leurs oreilles, le col de leurs capotes relevé, tournant le dos au vent de pluie ou de neige et soufflant dans leurs doigts tandis qu’ils essayaient de se transporter par procuration c’est-à-dire au moyen de leur imagination, c’est-à-dire en rassemblant et combinant tout ce qu’ils pouvaient trouver dans leur mémoire en fait de connaissances vues, entendues ou lues, de façon-là, au milieu des rails mouillés et luisants, des wagons noirs, des pins détrempés et noirs, dans la froide et blafarde journée d’un hiver saxon – à faire surgir les images chatoyantes et lumineuses au moyen de l’éphémère, l’incantatoire magie du langage, des mots inventés dans l’espoir de rendre comestible – comme ces pâtes vaguement sucrées sous lesquelles on dissimule aux enfants les médicaments amers – l’innommable réalité dans cet univers futile, mystérieux et violent dans lequel, à défaut de leur corps, se mouvaient leur esprit: quelque chose peut-être sans plus de réalité qu’un songe, que les paroles sorties de leurs lèvres: des sons, du bruit pour conjurer le froid, les rails, le ciel livide, les sombres pins.
Claude Simon — La Route des Flandres -
Fort de ses trois ans d’expérience, Franck pense qu’il existe des conducteurs sérieux, même parmi les noirs. A… est aussi de cet avis, bien entendu. Elle s’est abstenue de parler pendant la discussion sur la résistance comparée des machines, mais la question des chauffeurs motive de sa part une intervention assez longue et catégorique. Il se peut d’ailleurs qu’elle ait raison. Dans ce cas, Franck devrait avoir raison aussi. Tous les deux parlent maintenant du roman que A… est en train de lire, dont l’action se déroule en Afrique. L’héroïne ne supporte pas le climat tropical (comme Christiane). La chaleur semble même produire chez elle de véritables crises :“C’est mental, surtout, ces choses-là”, dit Franck. Il fait ensuite une allusion, peu claire pour celui qui n’a pas feuilleté le livre, à la conduite du mari. Sa phrase se termine par “savoir la prendre” ou “savoir l’apprendre”, sans qu’il soit possible de déterminer avec certitude de qui il s’agit, ou de quoi. Franck regarde A…, qui regarde Franck. Elle lui adresse un sourire rapide, vite absorbé par la pénombre. Elle a compris, puisqu’elle connaît l’histoire. Non, ses traits n’ont pas bougé. Leur immobilité n’est pas si récente : les lèvres sont restées figées depuis ses dernières paroles. Le sourire fugitif ne devait être qu’un reflet de la lampe, ou l’ombre d’un papillon. Du reste, elle n’était déjà plus tournée vers Franck, à ce moment-là. Elle venait de ramener la tête dans l’axe de la table et regardait droit devant soi, en direction du mur nu, où une tache noirâtre marque l’emplacement du mille-pattes écrasé la semaine dernière, au début du mois, le mois précédent peut-être, ou plus tard. Le visage de Franck, presque à contre-jour, ne livre pas la moindre expression. Le boy fait son entrée pour ôter les assiettes. A… lui demande, comme d’habitude, de servir le café sur la terrasse. Là, l’obscurité est totale. Personne ne parle plus. Le bruit des criquets a cessé.
Alain Robbe-Grillet — La Jalousie -
Par les journées de juillet très chaudes, le mur d’en face jetait sur la petite cour humide une lumière éclatante et dure.Il y avait un grand vide sous cette chaleur, un silence, tout semblait en suspens ; on entendait seulement, agressif, strident, le grincement d’une chaise traînée sur le carreau, le claquement d’une porte. C’était dans cette chaleur, dans ce silence – un froid soudain, un déchirement.Et elle restait sans bouger sur le bord de son lit, occupant le plus petit espace possible, tendue, comme attendant que quelque chose éclate, s’abatte sur elle dans ce silence menaçant.Quelquefois le cri aigu des cigales, dans la prairie pétrifiée sous le soleil et comme morte, provoque cette sensation de froid, de solitude, d’abandon dans un univers hostile où quelque chose d’angoissant se prépare.Étendu dans l’herbe sous le soleil torride, on reste sans bouger, on épie, on attend.Elle entendait dans le silence, pénétrant jusqu’à elle le long des vieux papiers à raies bleues du couloir, le long des peintures sales, le petit bruit que faisait la clef dans la serrure de la porte d’entrée. Elle entendait se fermer la porte du bureau.Elle restait là, toujours recroquevillée, attendant, sans rien faire. La moindre action, comme d’aller dans la salle de bains se laver les mains, faire couler l’eau du robinet, paraissait une provocation, un saut brusque dans le vide, un acte plein d’audace. Ce bruit soudain de l’eau dans ce silence suspendu, ce serait comme un signal, comme un appel vers eux, ce serait comme un contact horrible, comme de toucher avec la pointe d’une baguette une méduse et puis d’attendre avec dégoût qu’elle tressaille tout à coup, se soulève et se replie.Elle les sentait ainsi, étalés, immobiles, derrière les murs, et prêts à tressaillir, à remuer.Elle ne bougeait pas. Et autour d’elle toute la maison, la rue semblaient l’encourager, semblaient considérer cette immobilité comme naturelle.Il paraissait certain, quand on ouvrait la porte et qu’on voyait l’escalier, plein d’un calme implacable, impersonnel et sans couleur, un escalier qui ne semblait pas avoir gardé la moindre trace des gens qui l’avaient parcouru, pas le moindre souvenir de leur passage, quand on se mettait derrière la fenêtre de la salle à manger et qu’on regardait les façades des maisons, les boutiques, les vieilles femmes et les petits enfants qui marchaient dans la rue, il paraissait certain qu’il fallait le plus longtemps possible – attendre, demeurer ainsi immobile, ne rien faire, ne pas bouger, que la suprême compréhension, que la véritable intelligence, c’était cela, ne rien entreprendre, remuer le moins possible, ne rien faire.Tout au plus pouvait-on, en prenant soin de n’éveiller personne, descendre sans le regarder l’escalier sombre et mort, et avancer modestement le long des trottoirs, le long des murs, juste pour respirer un peu, pour se donner un peu de mouvement, sans savoir où l’on va, sans désirer aller nulle part, et puis revenir chez soi, s’asseoir au bord du lit et de nouveau attendre, replié, immobile.
Nathalie Sarraute — Tropismes -
[…] [ces] mouvements indéfinissables qui glissent très rapidement aux limites de la conscience ; ils sont à l’origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu’il est possible de définir. Ils me paraissaient et me paraissent encore définir la source secrète de notre existence. […] A ces mouvements qui existent chez tout le monde et peuvent à tout moment se déployer chez n’importe qui, des personnages anonymes, à peine visibles, devaient servir de simple support.
Nathalie Sarraute — Le Langage dans l’art du roman -
Puis ils mettent les boutiques à sac, les pillent de fond en comble. Que volent-ils ? De la nourriture, des livres ? Non des blousons, des jeans, des pull-overs, des walkmans, des radiocassettes, des jeux vidéos.
Danièle Sallenave — Passages de l’Est -
Deux vols en deux jours, au même endroit à Brest : à chaque fois, ce sont des manettes de jeux vidéos qui sont dérobées, et pas pour les mêmes raisons.
France Bleu — Pourquoi vole-t-on des manettes de jeux vidéos à Brest ? -
Plus d’un Français sur deux de plus de 10 ans (53 %) joue à des jeux vidéo. Un secteur qui trône toujours à la première place de l’industrie culturelle devant le cinéma et le livre.
Ouest-France — Jeux vidéo : « Les créateurs français sont très demandés à l’international » -
Si la franchise de jeux vidéo de simulation de football change de nom, elle ne change pas de formule. EA Sports FC 24 sera dans la lignée des précédents FIFA, avec quelques améliorations en plus.
Jeuxvideo.com — Voici les 7 jeux vidéo les plus attendus sur Nintendo Switch d’ici la fin de l’année -
De plus en plus furtif, de plus en plus présent, comme une rumeur ensemencée dans un village bafoué, le beau Ali a viré sa cuti, effacé à l’esprit-de-sel ses tatouages de petit maquereau romanesque et balancé la lame qui a assuré ses premiers succès ; il ne quitte plus son cache-poussière et sa Matt 49 ; il tue avec des motifs supérieurs ceux qu’il gardait hier pour un salaire de nervi.
Boualem Sansal — Le serment des barbares -
Lors de l’accident, le blessé était-il encore en possession de la mallette décrite par le garagiste de Fontenay et, si oui, qui s’est emparé de cette mallette ? Dehors, des policiers fouillent le fossé et le champ en contrebas de la route.
Georges Simenon — Le Rapport du gendarme -
J’entasse des vêtements dans une grande mallette bleue ; elle est trop petite parce que « là-bas » il fait très froid et je dois emporter beaucoup de choses.
Simone de Beauvoir — Tout compte fait -
Ces joliesses me firent regretter mon insouciance passée, et de ne pas avoir « travaillé l’image » quand il en était encore temps. Saumâtre contretemps au moment des projecteurs, je devais m’éclipser ; au sommet du décri, motus et bouche cousue. Qu’importe, lorgner la grande politique par un trou de serrure suffisait à mon ravissement.
Régis Debray — Les Masques -
« […] seulement, pour des raisons de stricte sécurité, de ne pas quitter l’établissement avant la fin normale de vos heures de cours en cas d’incident, vous ne seriez pas couverts. Naturellement, je vous tiendrai informés des suites techniques. C’est tout. »
Jean-Philippe Arrou-Vignod — Le conseil d’indiscipline -
Très respectueux hommages,P. -S. Schuster & Simon me signalent que le livre (La défense Loujine) leur avait bien sûr été proposé, mais qu’ils n’avaient pas encore vraiment décidé ce qu’ils allaient faire. Je vous tiendrai informé de la suite des événements.
Vladimir Nabokov — Lettres choisies -
— Mon cher Philippe, pour le garde des Sceaux, je vous tiens informé.
Gilles Rozier — Projections privées -
Le 4 octobre dernier [1926], à la fin d’un de ces après-midi tout à fait désœuvrés et très mornes, comme j’ai le secret d’en passer, je me trouvais rue Lafayette : après m’être arrêté quelques minutes devant la vitrine de la librairie de L’Humanité et avoir fait l’acquisition du dernier ouvrage de Trotski, sans but je poursuivais ma route dans la direction de l’Opéra. Les bureaux, les ateliers commençaient à se vider, du haut en bas des maisons des portes se fermaient, des gens sur le trottoir se serraient la main, il commençait tout de même à y avoir plus de monde. J’observais sans le vouloir des visages, des accoutrements, des allures. Allons, ce n’étaient pas encore ceux-là qu’on trouverait prêts à faire la Révolution. Je venais de traverser ce carrefour dont j’oublie ou ignore le nom, là, devant une église. Tout à coup, alors qu’elle est peut-être encore à dix pas de moi, venant en sens inverse, je vois une jeune femme, très pauvrement vêtue, qui, elle-aussi, me voit ou m’a vu. Elle va la tête haute, contrairement à tous les autres passants. Si frêle qu’elle se pose à peine en marchant.
André Breton — Nadja -
L’attitude réaliste, inspirée du positivisme, de Saint Thomas à Anatole France, m’a bien l’air hostile à tout essor intellectuel et moral. Je l’ai en horreur, car elle est faite de médiocrité, de haine et de plate suffisance. C’est elle qui engendre aujourd’hui des livres ridicules, des pièces insultantes. Elle se fortifie sans cesse dans les journaux et fait échec à la science, à l’art, en s’appliquant à flatter l’opinion dans ses goûts les plus bas ; la clarté confinant à la sottise, la vie des chiens. […]
André Breton — Manifeste du surréalisme -
De l’unité du corps, on s’est beaucoup trop pressé à conclure l’unité d’âme, alors que nous abritons peut-être plusieurs consciences et que le vote de celles-ci est fort capable de nous mettre des idées opposées en ballottage.
André Breton — Manifeste du surréalisme -
Nous remplissons des pages de cette écriture sans sujet ; nous regardons s’y produire des faits que nous n’avons même pas rêvés, s’y opérer des alliages les plus mystérieux.
André Breton — Louis Aragon -
Le séjour que j’ai fait en ce lieu et l’attention soutenue que j’ai portée à ce qui s’y passait ont compté grandement dans ma vie et ont eu sans doute une influence décisive sur le déroulement de ma pensée. C’est là (…) que j’ai pu expérimenter sur les malades les procédés d’investigation de la psychanalyse, en particulier l’enregistrement (…) des rêves et des associations d’idées incontrôlées. On peut déjà observer en passant que ces rêves, ces catégories d’associations constitueront, au départ, presque tout le matériel surréaliste.
André Breton — Entretiens -
Il est essentiel que le gouvernement donne l’impression qu’il n’est pas aux mains des factions de gauche et qu’il n’a pas à se rendre pieds et poings liés aux sommations de je ne sais quelle armée prétorienne qui, croyez-moi, n’est pas l’armée. Il va de soi que si un fait nouveau se produisait, une procédure de révision serait entamée. La conséquence saute aux yeux.
Marcel Proust — Le Côté de Guermantes -
« En route, mauvaise troupe », disait mon père et, lorsqu’il rencontrait des gens avec une tête qui ne lui plaisait pas, il criait « Les chiens aboient, la caravane passe ». Et la caravane passait, poussant parfois jusqu’à Guérande ou encore plus loin, à Paimbœuf au bord de la Loire, où habitait le cousin Louis.
Jacques Prévert — Choses et autres -
« Eh après tout, vous n’avez qu ’à vous répéter le proverbe arabe “Les chiens aboient, la caravane passe.” » Ce conseil que m’avait donné Gide m’est revenu bien des fois à la mémoire. Et à l’occasion je me représente (sur le mode romantique le plus désuet) comme un vagabond à l’échelle de la planète, un de ces voyageurs en train d’errer la nuit au milieu du désert, et passant près de campements désolés aux feux éteints, où de farouches natifs sont tapis (…)
Truman Capote — Les chiens aboient -
Qu’ils viennent à mon secours, eux seuls peuvent me délivrer, ils le savent bien. Un signe venu d’eux, un seul petit signe de soutien, d’acquiescement suffirait pour faire pencher en ma faveur. Je tourne vers eux des regards implorants. Dans leurs yeux attentifs, dans leur silence des images, des mots défilent. Roquet aboyant aux chausses, les chiens aboient la caravane passe, le pou dans la crinière du lion, la grenouille et le bœuf.
Nathalie Sarraute — « Disent les imbéciles » -
Accidents du mystère et fautes de calculs Célestes, j’ai profité d’eux, je l’avoue. Toute ma poésie est là : je décalque L’invisible (invisible à vous). J’ai dit : « inutile de crier, haut les mains ! » Au crime déguisé en costume inhumain ; J’ai donné le contour à des charmes informes ; Des ruses de la mort la trahison m’informe ; J’ai fait voir, en versant mon encre bleue en eux, Des fantômes soudain devenus arbres bleus.
Jean Cocteau — Opéra -
Il restait couché toute la journée sur un lit, il fumait, il lisait des livres policiers, mes brochures. Il fermait les yeux, ça durait des heures, comme ça. Il n’écrivait pas. Ça a duré deux mois. Je commençais à m’inquiéter, je ne l’avais jamais vu écrire de ma vie. Une nuit, il s’est levé brusquement, s’est mis à la table et s’est mis à écrire. Là, son visage s’est transformé, il faisait peur. Sa bouche se crispait. Il était d’une nervosité incroyable. Il a écrit sa pièce en huit jours sans presque de ratures. J’ai compris que lorsqu’il fermait les yeux, étendu sur le lit, il faisait sa pièce dans sa tête, phrase par phrase, acte par acte. A la table, il devenait son propre secrétaire.
Jean Marais — interviewé à la radio française -
Nous avons tous un épiderme sensible aux tziganes et aux marches militaires. […]Il y a des œuvres longues qui sont courtes. L’œuvre de Wagner est une œuvre longue qui est longue, une œuvre en étendue, parce que l’ennui semble à ce vieux dieu une drogue utile pour obtenir l’hébétement des fidèles.Il en est ainsi des magnétiseurs qui hypnotisent en public. La bonne passe qui endort est généralement très courte et très simple, mais ils l’accompagnent de vingt passes postiches qui frappent la foule.La foule est séduite par le mensonge ; elle est déçue par la vérité trop simple, trop nue, trop peu inconvenante. […]Socrate disait : « Quel est cet homme qui mange du pain comme si c’était de la bonne chère, et la bonne chère comme si c’était du pain ? »Réponse : le mélomane allemand.
Jean Cocteau — Le Coq et l’Arlequin -
Comment veux-tu distinguer le faux du vrai, quand on crève de solitude ? On rencontre un type, on essaie de le rendre intéressant, on l’invente complètement, on l’habille de qualités des pieds à la tête, on ferme les yeux pour mieux le voir, il essaie de donner le change, vous aussi…
Romain Gary — Clair de femme -
On s’essaye à jouir et à « faire des expériences ». Mais c’est une vue de l’esprit. Il faut une rare vocation pour être un jouisseur. La vie d’un homme s’accomplit sans le secours de son esprit, avec ses reculs et ses avances, à la fois sa solitude et ses présences.
Albert Camus — Noces -
Quand j’essaye de faire le compte de ce que je dois au côté de Méséglise, des humbles découvertes dont il fut le cadre fortuit ou le nécessaire inspirateur, je me rappelle que c’est cet automne-là, dans une de ces promenades, près du talus broussailleux qui protège Montjouvain, que je fus frappé pour la première fois de ce désaccord entre nos impressions et leur expression habituelle.
Marcel Proust — Du côté de chez Swann -
Les inclinaisons naissantes après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l’amour est dans le changement.
Molière — Don Juan