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Arthur Rimbaud, Poésies (1870-1871) : À la musique

Poésies 1870 - 1871 Arthur Rimbaud

Arthur Rimbaud écrit ses premiers poèmes à quinze ans. Poésies rassemble l'intégralité de ses poèmes écrits entre 1870 et 1871. Malgré son jeune âge, des poèmes fameux de ce recueil resteront dans l'Histoire de la littérature comme Voyelles ou le Bateau ivre.

Pour citer l'œuvre : Poésies complètes , avec préface de Paul Verlaine et notes de l’éditeurL. Vanier, 1895 (p. 66-68).



À LA MUSIQUE


Place de la Gare, à Charleville.



Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

Un orchestre guerrier, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans la Valse des fifres :
On voit, aux premiers rangs, parader le gandin,
Les notaires montrent leurs breloques à chiffres :

Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs ;
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames,
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;


Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent des traités,
Puis prisent en argent, mieux que monsieur Prud’homme !

Étalant sur un banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois bienheureux, à bedaine flamande,
Savoure, s’abîmant en des rêves divins,
La musique française et la pipe allemande !

Au bord des gazons frais ricanent les voyous ;
Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
Très naïfs, et fumant des roses, des pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes…

— Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts, les alertes fillettes :
Elles le savent bien, et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.

Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles ;
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules…


Je cherche la bottine… et je vais jusqu’aux bas ;
Je reconstruis le corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
— Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres…

Commentaire de texte d'Arthur Rimbaud : À la musique

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L'auteur : Arthur Rimbaud

Rimbaud

Arthur Rimbaud est un poète français, né le 20 octobre 1854 à Charleville et mort le 10 novembre 1891 à Marseille. Bien que brève, la densité de son œuvre poétique fait d'Arthur Rimbaud une des figures premières de la littérature française.

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Sujets :  Poésies (1870-1871)

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