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Jules Verne (1828-1925) : vie et œuvre

Portrait de Jules Verne

« Jules Verne ! quel style ! rien que des substantifs ! », s’est exclamé Guillaume Apollinaire en son temps. Trop longtemps et trop souvent confiné aux rayons enfants des librairies, Jules Verne est davantage qu’un petit écrivaillon de jolies historiettes pour bambins. 

Père de la science-fiction et du récit d’aventure, homme visionnaire, source d’inspiration pour les générations futures (il fut adapté au cinéma à de nombreuses reprises), cet auteur à l’imagination et à la curiosité intarissables a marqué des générations par ses histoires sur la lune, au plus profond des entrailles de la terre, sur des îles colonisées ou au fond des océans. 

Auteur de pièces de théâtres, de poésies, de chansons, de récits autobiographiques, il est entré au Panthéon des grands auteurs de la littérature française avec ses Voyages extraordinaires, un recueil de soixante-deux romans et de dix-huit nouvelles. Aujourd’hui, c’est le premier auteur français le plus traduit dans le monde (il se hisse à la seconde place internationale, derrière Agatha Christie… mais devant Shakespeare).

Qui est Jules Verne ?

Jules Verne naît le 8 février 1828 à Nantes. Il est l’aîné de cinq enfants. A l’âge de onze ans, le petit Jules décide de fuguer pour s’engager comme mousse sur un long-courrier en partance pour les Indes, mais son père le rattrape à la première escale. Cette anecdote est considérée comme une légende urbaine et familiale, néanmoins, sévèrement réprimandé par son père, le garçon aurait promis de ne plus voyager que dans ses rêves.

 Après avoir obtenu son baccalauréat en 1846, Jules Verne est envoyé à Paris par son père afin d’y suivre des études de droit. A Nantes, il vit deux amours contrariés : tout d’abord celui qu’il éprouve pour sa cousine, Caroline Tronson, dont on l’éloigne pour la donner en mariage à un homme de quarante ans ; puis la violente passion avortée éprouvée pour une jeune fille rencontrée dans sa ville natale, Rose Herminie Arnault de La Grossetière (à propos de laquelle Jules Verne a composé plusieurs poèmes), mariée par ses parents à un riche propriétaire.

Ces deux tragédies sentimentales marquent l’œuvre romanesque de Jules Verne dans laquelle on retrouve souvent le stéréotype de la jeune fille mariée contre son gré. Christian Chelebourg, professeur de français et spécialiste de l’œuvre vernienne, parle même de « complexe d’Herminie » à ce sujet.

En juillet 1848, Jules Vernes quitte à nouveau Nantes pour Paris et poursuit sans grande conviction ses études de droit (il se rêve déjà « poète couronné » ou « romancier émérite »). La capitale est alors en proie à un climat social turbulent dû à la Révolution française de 1848 (le peuple parisien se soulève, le roi Louis-Philippe abdique et fuit, mettant fin à la monarchie de Juillet). Lorsque Jules Verne arrive, fin juin, les barricades sont à nouveau dressées. Il écrit à ses parents :

 Je vois que vous avez toujours des craintes en province ; vous avez beaucoup plus peur que nous n’avons à Paris… J’ai parcouru les divers points de l’émeute, rues Saint-Jacques, Saint-Martin, Saint-Antoine, le Petit Pont, la Belle Jardinière ; j’ai vu les maisons criblées de balles et trouées de boulets. Dans la longueur de ces rues, on peut suivre la trace des boulets qui brisaient et écorniflaient balcons, enseignes, corniches sur leur passage ; c’est un spectacle affreux, et qui néanmoins rend encore plus incompréhensibles ces assauts dans les rues !

Lettre du 17 juillet 1848 à son père, Correspondance familiale

En marge de ses études de droit, Jules Verne est introduit par son oncle dans les cercles littéraires. Il se plonge dans les œuvres d’Alexandre Dumas, Vigny et Musset, tout en ayant un penchant prononcé pour celles de Molière et Shakespeare.

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Il avoue aussi être sous le charme de Victor Hugo :

J’étais au plus haut point sous l’influence de Victor Hugo, très passionné par la lecture et la relecture de ses œuvres. À l’époque, je pouvais réciter par cœur des pages entières de Notre-Dame de Paris, mais c’étaient ses pièces de théâtre qui m’ont le plus influencé, et c’est sous cette influence qu’à l’âge de dix-sept ans, j’ai écrit un certain nombre de tragédies et de comédies, sans compter les romans.

Entretien donné par Jules Verne à Robert H. Sherard, paru dans le Mc Clure’s Magazine en janvier 1894.

Le père de Jules Verne le presse de devenir avocat, raison pour laquelle il s’inscrit au barreau de Paris et prévoit d’entrer chez un jurisconsulte (Paul Championnière), qui meurt avant d’avoir pu accueillir l’étudiant.

Jules Verne ne va donc jamais exercer le droit. D’autant plus qu’il semble tout à fait déterminé à se consacrer à la littérature : par le biais des cercles littéraires, il fait la connaissance d’Alexandre Dumas et lui présente une de ses pièces de théâtre, une comédie intitulée Les Pailles rompues. Il a alors vingt-deux ans. Il continue aussi d’écrire des nouvelles, puis est embauché comme secrétaire au Théâtre-lyrique en 1852, ce qui lui permet de faire jouer ses pièces.

La même année, Jules Verne fait une rencontre décisive pour son inspiration romanesque avec le géographe et aventurier Jacques Arago, qui s’est rendu célèbre avec le récit de son Voyage autour du monde. Ce dernier lui ouvre les yeux sur un tout nouveau genre de littérature : le récit de voyage. Jules Verne a trouvé sa voie – il va même jusqu’à refuser de prendre plus tard la direction du Théâtre-lyrique qu’on lui propose, « je veux être libre et prouver ce que j’ai fait », affirme-t-il.

Jules Verne écrit à son père : « J’étudie encore plus que je ne travaille ; car j’aperçois des systèmes nouveaux, j’aspire avec ardeur au moment où j’aurai quitté ce Théâtre-Lyrique qui m’assomme. » En 1857, il se marie avec Aimée de Viane, une veuve de 26 ans mère de deux enfants, avec laquelle il aura un garçon, Michel. Cette idylle n’empêche pas Jules Verne d’entreprendre son premier grand voyage, en 1859, en Angleterre et en Ecosse, dont il tente de tirer un ouvrage (refusé par l’éditeur Pierre-Jules Hetzel).

L’ère du succès

Si Jules Verne a déjà écrit des pièces de théâtre, c’est avec la parution de son premier roman, Cinq semaines en ballon, en 1863, chez l’éditeur Pierre-Jules Hetzel, qu’il pose la première pierre de son édifiante réputation. C’est le premier succès de l’écrivain et la toute première pièce de son Magnum Opus : les Voyages extraordinaires. Il a à cette époque signé un contrat avec cet éditeur, qu’il tient jusqu’à sa mort, selon lequel il s’engage à lui fournir deux, puis trois romans par an

Dès lors, c’est une suite d’aventures pour l’écrivain, dans tous les sens du terme. Sa vie et son œuvre ne sont plus qu’une seule et unique réalité. Il écrit soixante-deux romans, et pour chacun s’astreint à un labeur régulier, non seulement en matière d’écriture, mais aussi de documentation. « Pour chaque pays nouveau, il m’a fallu imaginer une fable nouvelle. Les caractères ne sont que secondaires », écrit-il. 

Jules Vernes est un visionnaire et un conteur hors-pair : du Nautilus (le sous-marin), au voyage sur la lune, le ballon, l’hélicoptère et l’avion, en passant par une quantité de péripéties toutes plus extraordinaires les unes que les autres, menées par des héros qui peuplent désormais les imaginaires collectifs (Michel Strogoff, le Capitaine Nemo, Phileas Fogg…).

En parallèle de l’élaboration de ses « voyages extraordinaires », il sillonne lui-même le monde : il part en Amérique, à bord du Great-Eastern avant de s’acheter des bateaux – tous porteront le nom de Saint-Michel – pour voyager en Méditerranée ou dans les pays nordiques. 

En 1872, il devient membre titulaire de l’Académie des sciences, des lettres et des arts d’Amiens.  Jules Vernes décide à cette occasion de lire un extrait d’un de ses romans en cours, qui n’est autre que son roman le plus célèbre : Le Tour du monde en 80 jours (les aventures du fameux Phileas Fogg qui, à la suite d’un pari, s’élance dans un tour du monde). Le livre connaît un immense succès. 

En 1886, son neveu Gaston lui tire dessus à coup de revolver, le blessant à la jambe. Cette blessure l’empêche définitivement de voyager. Vers 1902, atteint de diabète, il est fortement diminué dans ses forces et ne trouve que peu d’énergie, d’autant plus que sa maladie attaque son acuité visuelle. Terrassé par sa maladie, il s’éteint à Amiens, le 19 mars 1905.

L’œuvre de Jules Verne

Jules Verne n’était certes pas un inventeur de mécaniques, mais il fut un conteur à l’imagination si débordante qu’il a su, par le biais de récits précis, documentés, presque scientifiques, anticiper un grand nombre d’inventions du XXe siècle. Sur terre, sur mer, dans les airs… parmi les innovations qui sont restées dans nos mémoires, on note le Nautilus de Vingt-Mille lieues sous les mers (1869) que nous citions auparavant, mais aussi l’Albatros, la plateforme volante du roman Robur-le-Conquérant (1969) et l’incontournable vaisseau spatial de De la Terre à la Lune (1865).

Mais Jules Verne n’en était pas moins écrivain pour autant ; c’est un véritable conteur qui s’attache à la construction d’une histoire, à sa trame narrative, à l’importance des descriptions, des tableaux, et du style. À son éditeur Hetzel, il confie : « Vous me dites des choses bien aimables et même bien flatteuses sur mon style qui s’améliore. Évidemment, vous devez faire allusion aux passages descriptifs dans lesquels je me déploie de mon mieux. […] Tout ceci, c’est pour vous dire combien je cherche à devenir un styliste, mais sérieux ; c’est l’idée de toute ma vie […] ».

Jean-Paul Dekiss, réalisateur et écrivain français spécialiste de l’oeuvre de Jules Verne confirme cette aspiration de l’écrivain : « Son rapport singulier à l’éducation a fait de Jules Verne un auteur pour enfants ; l’intérêt documentaire qu’il porte à la science le fait auteur scientifique ; sa réussite dans l’anticipation, auteur de science-fiction ; l’aventure le fait classer par la critique littéraire auteur populaire de second rang ; par l’arrière-plan auquel il relègue les analyses psychosociologiques il est considéré sans profondeur ; son style transparent est transformé en style inexistant. Que de malentendus !… »

Jules Verne, par son génie de l’imaginaire, ne se contente pas de relater des faits ou d’aligner les anecdotes. Mais, par le biais de ses connaissances accumulées, par sa somme de notes prises (et classées méticuleusement, nous en avons la preuve au Musée Jules Verne de Nantes) au sujet de l’histoire, la géographie, les techniques et sciences diverses, livre des mondes qui vont au-delà du réel. 

Les univers de Jules Verne

Au vu de la production monumentale de romans verniens, il semble quasiment impossible de déceler un thème principal. Ses récits imaginaires semblent ne pas souffrir la catégorisation : ils relèvent tant du roman historique, que policier, du récit d’aventure, frôlent la science-fiction et le fantastique. 

Entre Cinq semaines en ballon (1863), où l’on explore l’Afrique orientale ; le Voyage au centre de la terre (1864), où le savant allemand Otto Lidenbrock part à l’exploration des entrailles de la terre en passant dans un volcan islandais ou encore L’Île mystérieuse (1875), qui nous fait suivre les aventures de cinq personnages qui tentent de coloniser une île déserte, les ouvrages de Jules Verne explorent des thèmes variés : la géologie, la cryptologie, la paléontologie, les robinsonnades, la cryptographie, les alchimistes, mais aussi des questions plus larges, politiques et sociologiques.

Il arrive que des motifs, apparus dans une œuvre, ressurgissent dans la suivante, et créent une forme d’unité. Comme c’est le cas du « rayon vert », titre du roman paru en 1882, mais aussi évoqué dans des oeuvres qui précèdent. 

Plus étonnant encore, l’œuvre de Jules Verne n’est pas seulement une porte ouverte vers le futur ou d’autres mondes, mais aussi une clef de lecture de certains problèmes contemporains. Engagé contre l’esclavage, par exemple, Jules Verne est un homme de son temps.

Dans Cinq Cents Millions de bégum, paru en 1879, il évoque le conflit de 1870 ; dans Nord contre Sud (1887), c’est la guerre de Sécession aux États-Unis qui est abordée ; dans L’Invasion de la mer (1905), Jules Verne parle de la conquête de l’Algérie. Il explore de même la montée du capitalisme (l’Invasion de la mer, en 1905), la révolte canadienne (Famille-sans-nom, en 1889), ou les problèmes du progrès (Robur-le-Conquérant, en 1886)…

Davantage qu’un simple auteur pour enfants, Jules Verne a entraperçu dans ses livres les potentielles dérives de la Révolution industrielle qu’il a vécue et des multiples innovations à suivre. Dans Cinq Semaines en ballon, il écrit : « Cela sera peut-être une fort ennuyeuse époque que celle où l’industrie absorbera tout à son profit ! À force d’inventer des machines, les hommes se feront dévorer par elles ! Je me suis toujours figuré que le dernier jour du monde sera celui où quelque immense chaudière, chauffée à trois milliards d’atmosphères, fera sauter notre planète ! »

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Violaine Epitalon

Violaine Epitalon

Violaine Epitalon est journaliste, titulaire d'un Master en lettres classiques et en littérature comparée et spécialisée en linguistique, philosophie antique et anecdotes abracadabrantesques.

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Commentaires

coco

Bonjour et Merci pour votre article sur Jules Verne ! la lecture est agréable et il m'a apporté de nouvelles connaissances. Vivement le prochain ! Je vous souhaite une agréable journée.
Corinne Q.

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Merci Coco !

À bientôt,
Nicolas

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