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Citations sur le comme - Page 4
Il y a 594 citations sur le comme.
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				Ils se sont mis frénétiquement à me chercher sur Internet. Comme j’ai pris soin d’adopter un pseudonyme, ils ont fait chou blanc. Cet échec a encore exacerbé leur désir de savoir. Gilles Sebhan — La dette 
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				Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;Mon paletot aussi devenait idéal ;J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées ! Mon unique culotte avait un large trou.— Petit Poucet rêveur, j’égrenais dans ma courseDes rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse ;— Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou. Et je les écoutais, assis au bord des routes,Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttesDe rosée à mon front, comme un vin de vigueur ; Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,Comme des lyres, je tirais les élastiquesDe mes souliers blessés, un pied près de mon cœur ! Arthur Rimbaud — Ma bohème 
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				Nos cœurs étaient muets à force d’être pleins ;Nous effeuillions sur l’eau des tiges dans nos mains ;Je ne sais quel attrait des yeux pour l’eau limpideNous faisait regarder et suivre chaque ride,Réfléchir, soupirer, rêver sans dire un mot,Et perdre et retrouver notre âme à chaque flot.Nul n’osait le premier rompre un si doux silence,Quand, levant par hasard un regard sur Laurence,Je vis son front rougir et ses lèvres trembler,Et deux gouttes de pleurs entre ses cils rouler,Comme ces pleurs des nuits qui ne sont pas la pluie,Qu’un pur rayon colore, et qu’un vent tiède essuie.— Que se passe-t-il donc, Laurence, aussi dans toi ?Est-ce qu’un poids secret t’oppresse ainsi que moi ?— Oh ! je sens, me dit-il, mon cœur prêt de se fendre ;Mon âme cherche en vain des mots pour se répandre :Elle voudrait créer une langue de feu,Pour crier de bonheur vers la nature et Dieu.— Dis-moi, repris-je, ami, par quelles influencesMon âme au même instant pensait ce que tu penses ?Je sentais dans mon cœur, au rayon de ce jour,Des élans de désirs, des étreintes d’amourCapables d’embrasser Dieu, le temps et l’espace ;Et pour les exprimer ma langue était de glace.Cependant la nature est un hymne incomplet,Et Dieu n’y reçoit pas l’hommage qui lui plaît,Quand l’homme, qu’il créa pour y voir son image,N’élève pas à lui la voix de son ouvrage :La nature est la scène, et notre âme est la voix.Essayons donc, ami, comme l’oiseau des bois,Comme le vent dans l’arbre ou le flot sur le sable,De verser à ses pieds le poids qui nous accable,De gazouiller notre hymne à la nature, à Dieu :Créons-nous par l’amour prêtres de ce beau lieu !Sur ces sommets brûlants son soleil le proclame,Proclamons-l’y nous-même et chantons-lui notre âme !La solitude seule entendra nos accents : Écoute ton cœur battre, et dis ce que tu sens. Alphonse de Lamartine — Jocelyn 
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				C’est une nuit d’été ; nuit dont les vastes ailesFont jaillir dans l’azur des milliers d’étincelles ;Qui, ravivant le ciel comme un miroir terni,Permet à l’œil charmé d’en sonder l’infini ;Nuit où le firmament, dépouillé de nuages,De ce livre de feu rouvre toutes les pages !Sur le dernier sommet des monts, d’où le regardDans un trouble horizon se répand au hasard,Je m’assieds en silence, et laisse ma penséeFlotter comme une mer où la lune est bercée.[…]Que le séjour de l’homme est divin, quand la nuitDe la vie orageuse étouffe ainsi le bruit ! Alphonse de Lamartine — “Une nuit d’été” 
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				Je ne suis pas un prophète, mais il arrive que je voie ce que les autres voient comme moi, mais ne veulent pas voir. Georges Bernanos — La liberté 
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				À travers le judas je vois réapparaître mon père, avec son chapeau neuf. Il arrive, l’air affairé, humble, comme il est en réalité. Elsa Morante — Territoire du rêve 
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				Dès lors que l’état des forces politiques rend plus ou moins inéluctable un gouvernement de la droite ou du centre, il n’y a pas lieu de s’étonner que les communistes finissent par considérer le combat politique comme un baroud d’honneur, livré pour des programmes d’autant plus chimériques qu’ils n’ont aucune chance d’être mis à l’épreuve des réalités. Gaston Deffere — Un nouvel horizon 
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				Je ne trouve jamais la bonne clé du premier coup. Et, même quand je suis sûr que c’est la bonne, la serrure, immanquablement, refuse de fonctionner, au moins pendant un certain temps, comme pour un baroud d’honneur. Oreste del Bueno — Rien que la vie 
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				A l’issue de ma pause-sommeil de midi, me voilà emportée par une vision qui n’a rien de commun avec un rêve ordinaire, je descends dans la grande pièce et, par ma fenêtre ouverte, j’aperçois, couché en chien de fusil sur le rebord extérieur de l’hôtel en face, un jeune homme pauvrement vêtu de rouge et de vert qui dort à poings fermés comme un enfant… Dominique Rolin — L’Accoudoir 
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				Quant à A. Dumas, tout le monde sait sa verve prodigieuse, son entrain facile, son bonheur de mise en scène, son dialogue spirituel et toujours en mouvement, ce récit léger qui court sans cesse, et qui sait enlever l’obstacle et l’espace sans jamais faillir. Il couvre d’immenses toiles sans fatiguer jamais ni son pinceau ni son lecteur. Il est amusant. Il embrasse, mais il n’étreint pas comme Balzac. Des trois derniers, Balzac est celui qui étreint et qui creuse le plus. Sainte-Beuve — Causeries du Lundi 
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				Ce monde nouveau, régénéré par le baptême du sang, est maintenant encore dans sa jeunesse ; et comme l’énergie des premiers temps a fortement empreint de couleurs poétiques nos deux plus belles productions, la Genèse et l’Illiade, nous ne doutons pas que notre littérature ne se ressente aussi poétiquement de cette vie nouvelle qui anime notre société. Celle-ci est devenue plus vraie ; la littérature le sera aussi. Alexandre Guiraud — article dans La Muse française 
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				Nos enfants souffrent, ils rêvent de bien, d’amour et de jeux, ils les entraînent dans le mal, la haine et l’oisiveté. Ils n’ont que ce moyen pour vivre, se faire harraga, brûler la route, comme jadis on brûlait ses vaisseaux pour n’avoir pas à revenir. Boualem Sansal — Harraga 
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				Féminité puissance sans égale Folle audace de tous ses assauts Prenant le monde comme on prend un bail, Elle part en brûlant ses vaisseaux. Boris Pasternak — Ma sœur la vie et autres poèmes 
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				C’était comme ça que Julian Sowerby choisissait d’exprimer son respect et sa gratitude à une femme d’un tel raffinement et d’une telle générosité ? Philip Roth — Quand elle était gentille 
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				Ici-bas, tout est décomposé, tout est mort, mais là-haut ! Ah, je l’avoue, l’effusion de l’Esprit Saint, la venue du Divin Paraclet se fait attendre ! Mais les textes qui l’annoncent sont inspirés : l’avenir est donc crédité, l’aube sera claire ! Et, les yeux baissés, les mains jointes, ardemment il pria.Des Hernies se leva et fit quelques pas dans la pièce.– Tout cela est fort bien, grogna-t-il, mais ce siècle se fiche absolument du Christ en gloire ; il contamine le surnaturel et vomit l’au-delà. Alors comment espérer en l’avenir, comment s’imaginer qu’ils seront propres, les gosses issus des fétides bourgeois de ce sale temps ? Élevés de la sorte, je me demande ce qu’ils feront dans la vie, ceux-là ?Ils feront comme leurs pères, comme leurs mères, répondit Durtal, ils s’emplieront les tripes et se vidangeront l’âme par le bas-ventre ! Joris-Karl Huysmans — Là-bas 
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				C’est un soldat du premier empire, un vieux de la vieille, comme on dit, un dur-à-cuire, qui a fait toutes les campagnes du Ier Napoléon. Marie-Louise Gagneur — Jean Caboche à ses amis paysans 
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				Le long du vieux faubourg, où pendent aux masuresLes persiennes, abri des secrètes luxures,Quand le soleil cruel frappe à traits redoublésSur la ville et les champs, sur les toits et les blés,Je vais m’exercer seul à ma fantasque escrime,Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.Ce père nourricier, ennemi des chloroses,Eveille dans les champs les vers comme les roses ;Il fait s’évaporer les soucis vers le ciel,Et remplit les cerveaux et les ruches de miel.C’est lui qui rajeunit les porteurs de béquillesEt les rend gais et doux comme des jeunes filles,Et commande aux moissons de croître et de mûrirDans le coeur immortel qui toujours veut fleurir !Quand, ainsi qu’un poète, il descend dans les villes,Il ennoblit le sort des choses les plus viles,Et s’introduit en roi, sans bruit et sans valets,Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais. Baudelaire — Les Fleurs du Mal 
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				L’art révèle le transitoire comme absolu et comme l’existence transitoire se perpétue à travers les siècles, il faut aussi qu’à travers les siècles l’art perpétue cette révélation qui ne sera jamais achevée. Simone de Beauvoir — Pour une morale de l’ambiguïté 
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				Nous nous amusions comme des fous et parfois Javier intervenait, avec une dialectique fougueuse, dans ce jeu des choses cucul la praline. Mario Vargas Llosa — La tante Julia et le scribouillard 
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				Vous écrivez comme on recueille le parfum d’une fleur vers sa mort, sans pouvoir la guérir, sans savoir enlever cette tache brune sur un pétale, comme une trace de morsure minuscule des dents de lait, mortelles. Christian Bobin — La part manquante 
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				— Comme il est gentil ! il est déjà galant, il a un petit œil pour les femmes : il tient de son oncle. Ce sera un parfait gentleman, ajouta-t-elle en serrant les dents pour donner à la phrase un accent légèrement britannique. Est-ce qu’il ne pourrait pas venir une fois prendre a cup of tea, comme disent nos voisins les Anglais ; il n’aurait qu’à m’envoyer un « bleu » le matin. Marcel Proust — Du côté de chez Swann 
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				« […] Ce que je propose, moi, c’est de prendre dans la caisse de la coopérative de quoi lui monter un trousseau minimum, pour qu’il puisse tout faire comme les autres. Ça te va, bonhomme ? » ajouta-t-il en se tournant vers Nicolas. Ça lui allait, et la maîtresse aussi approuva. Emmanuel Carrère — La classe de neige 
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				Je connais le métier autant que toi. Je sais ce que vaut un papier comme ça. Si c’est un flop, tu ne me dois rien et on n’en parle plus. Ça te va comme marché ? Catherine Simon — Un baiser sans moustache 
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				Et Blum : « Et alors … » (mais cette fois Iglésia n’était plus là : tout l’été ils le passèrent une pioche (ou, quand ils avaient de la chance, une pelle) en main à des travaux de terrassement puis au début de l’automne ils furent envoyés dans une ferme arracher les pommes de terre et les betteraves, puis Georges essaya de s’évader, fut repris (par hasard, et non par des soldats ou des gendarmes envoyés à sa recherche mais – c’était un dimanche matin – dans un bois où il avait dormi, par de paisibles chasseurs), puis il fut ramené au camp et mis en cellule, puis Blum se fit porter malade et rentra lui aussi au camp, et ils y restèrent tous les deux, travaillant pendant les mois d’hiver à décharger des wagons de charbon, maniant les larges fourches, se relevant lorsque la sentinelle s’éloignait, minables et grotesques silhouettes, avec leurs calots rabattus sur leurs oreilles, le col de leurs capotes relevé, tournant le dos au vent de pluie ou de neige et soufflant dans leurs doigts tandis qu’ils essayaient de se transporter par procuration c’est-à-dire au moyen de leur imagination, c’est-à-dire en rassemblant et combinant tout ce qu’ils pouvaient trouver dans leur mémoire en fait de connaissances vues, entendues ou lues, de façon-là, au milieu des rails mouillés et luisants, des wagons noirs, des pins détrempés et noirs, dans la froide et blafarde journée d’un hiver saxon – à faire surgir les images chatoyantes et lumineuses au moyen de l’éphémère, l’incantatoire magie du langage, des mots inventés dans l’espoir de rendre comestible – comme ces pâtes vaguement sucrées sous lesquelles on dissimule aux enfants les médicaments amers – l’innommable réalité dans cet univers futile, mystérieux et violent dans lequel, à défaut de leur corps, se mouvaient leur esprit: quelque chose peut-être sans plus de réalité qu’un songe, que les paroles sorties de leurs lèvres: des sons, du bruit pour conjurer le froid, les rails, le ciel livide, les sombres pins. Claude Simon — La Route des Flandres 
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				Mardi prochain, lorsque vous trouverez Henriette en train de coudre à vous attendre, vous lui direz avant même qu’elle vous ait demandé quoi que ce soit : “Je t’ai menti, comme tu t’en es bien doutée ; ce n’est pas pour la maison Scabelli que je suis allé à Rome cette fois-ci, et c’est en effet pour cette raison que j’ai pris le train de huit heures dix et non l’autre, le plus rapide, le plus commode, qui n’a pas de troisième classe ; c’est uniquement pour Cécile que je suis allé à Rome cette fois-ci, pour lui prouver que je l’ai choisie définitivement contre toi, pour lui annoncer que j’ai enfin réussi à lui trouver une place à Paris, pour lui demander de venir afin qu’elle soit toujours avec moi, afin qu’elle me donne cette vie extraordinaire que tu n’as pas été capable de m’apporter et que moi non plus je n’ai pas su t’offrir ; je le reconnais, je suis coupable à ton égard, c’est entendu, je suis prêt à accepter, à approuver tous tes reproches, à me charger de toutes les fautes que tu voudras si cela peut t’aider le moins du monde à te consoler, à atténuer le choc, mais il est trop tard maintenant, les jeux sont faits, je n’y puis rien changer, ce voyage a eu lieu, Cécile va venir • tu sais bien que je ne suis pas une si grande perte, ce n’est pas la peine de fondre en larmes ainsi…”Mais vous savez bien qu’elle ne pleurera nullement, qu’elle se contentera de vous regarder sans proférer une parole, qu’elle vous laissera discourir sans vous interrompre, que c’est vous, tout seul, par lassitude, qui vous arrêterez, et qu’à ce moment-là vous vous apercevrez que vous êtes dans votre chambre, qu’elle est déjà couchée, qu’elle est en train de coudre, qu’il est tard, que vous êtes fatigué de ce voyage, qu’il pleut sur la place. Michel Butor — La Modification 
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				Fort de ses trois ans d’expérience, Franck pense qu’il existe des conducteurs sérieux, même parmi les noirs. A… est aussi de cet avis, bien entendu. Elle s’est abstenue de parler pendant la discussion sur la résistance comparée des machines, mais la question des chauffeurs motive de sa part une intervention assez longue et catégorique. Il se peut d’ailleurs qu’elle ait raison. Dans ce cas, Franck devrait avoir raison aussi. Tous les deux parlent maintenant du roman que A… est en train de lire, dont l’action se déroule en Afrique. L’héroïne ne supporte pas le climat tropical (comme Christiane). La chaleur semble même produire chez elle de véritables crises :“C’est mental, surtout, ces choses-là”, dit Franck. Il fait ensuite une allusion, peu claire pour celui qui n’a pas feuilleté le livre, à la conduite du mari. Sa phrase se termine par “savoir la prendre” ou “savoir l’apprendre”, sans qu’il soit possible de déterminer avec certitude de qui il s’agit, ou de quoi. Franck regarde A…, qui regarde Franck. Elle lui adresse un sourire rapide, vite absorbé par la pénombre. Elle a compris, puisqu’elle connaît l’histoire. Non, ses traits n’ont pas bougé. Leur immobilité n’est pas si récente : les lèvres sont restées figées depuis ses dernières paroles. Le sourire fugitif ne devait être qu’un reflet de la lampe, ou l’ombre d’un papillon. Du reste, elle n’était déjà plus tournée vers Franck, à ce moment-là. Elle venait de ramener la tête dans l’axe de la table et regardait droit devant soi, en direction du mur nu, où une tache noirâtre marque l’emplacement du mille-pattes écrasé la semaine dernière, au début du mois, le mois précédent peut-être, ou plus tard. Le visage de Franck, presque à contre-jour, ne livre pas la moindre expression. Le boy fait son entrée pour ôter les assiettes. A… lui demande, comme d’habitude, de servir le café sur la terrasse. Là, l’obscurité est totale. Personne ne parle plus. Le bruit des criquets a cessé. Alain Robbe-Grillet — La Jalousie 
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				Par les journées de juillet très chaudes, le mur d’en face jetait sur la petite cour humide une lumière éclatante et dure.Il y avait un grand vide sous cette chaleur, un silence, tout semblait en suspens ; on entendait seulement, agressif, strident, le grincement d’une chaise traînée sur le carreau, le claquement d’une porte. C’était dans cette chaleur, dans ce silence – un froid soudain, un déchirement.Et elle restait sans bouger sur le bord de son lit, occupant le plus petit espace possible, tendue, comme attendant que quelque chose éclate, s’abatte sur elle dans ce silence menaçant.Quelquefois le cri aigu des cigales, dans la prairie pétrifiée sous le soleil et comme morte, provoque cette sensation de froid, de solitude, d’abandon dans un univers hostile où quelque chose d’angoissant se prépare.Étendu dans l’herbe sous le soleil torride, on reste sans bouger, on épie, on attend.Elle entendait dans le silence, pénétrant jusqu’à elle le long des vieux papiers à raies bleues du couloir, le long des peintures sales, le petit bruit que faisait la clef dans la serrure de la porte d’entrée. Elle entendait se fermer la porte du bureau.Elle restait là, toujours recroquevillée, attendant, sans rien faire. La moindre action, comme d’aller dans la salle de bains se laver les mains, faire couler l’eau du robinet, paraissait une provocation, un saut brusque dans le vide, un acte plein d’audace. Ce bruit soudain de l’eau dans ce silence suspendu, ce serait comme un signal, comme un appel vers eux, ce serait comme un contact horrible, comme de toucher avec la pointe d’une baguette une méduse et puis d’attendre avec dégoût qu’elle tressaille tout à coup, se soulève et se replie.Elle les sentait ainsi, étalés, immobiles, derrière les murs, et prêts à tressaillir, à remuer.Elle ne bougeait pas. Et autour d’elle toute la maison, la rue semblaient l’encourager, semblaient considérer cette immobilité comme naturelle.Il paraissait certain, quand on ouvrait la porte et qu’on voyait l’escalier, plein d’un calme implacable, impersonnel et sans couleur, un escalier qui ne semblait pas avoir gardé la moindre trace des gens qui l’avaient parcouru, pas le moindre souvenir de leur passage, quand on se mettait derrière la fenêtre de la salle à manger et qu’on regardait les façades des maisons, les boutiques, les vieilles femmes et les petits enfants qui marchaient dans la rue, il paraissait certain qu’il fallait le plus longtemps possible – attendre, demeurer ainsi immobile, ne rien faire, ne pas bouger, que la suprême compréhension, que la véritable intelligence, c’était cela, ne rien entreprendre, remuer le moins possible, ne rien faire.Tout au plus pouvait-on, en prenant soin de n’éveiller personne, descendre sans le regarder l’escalier sombre et mort, et avancer modestement le long des trottoirs, le long des murs, juste pour respirer un peu, pour se donner un peu de mouvement, sans savoir où l’on va, sans désirer aller nulle part, et puis revenir chez soi, s’asseoir au bord du lit et de nouveau attendre, replié, immobile. Nathalie Sarraute — Tropismes 
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				De plus en plus furtif, de plus en plus présent, comme une rumeur ensemencée dans un village bafoué, le beau Ali a viré sa cuti, effacé à l’esprit-de-sel ses tatouages de petit maquereau romanesque et balancé la lame qui a assuré ses premiers succès ; il ne quitte plus son cache-poussière et sa Matt 49 ; il tue avec des motifs supérieurs ceux qu’il gardait hier pour un salaire de nervi. Boualem Sansal — Le serment des barbares 
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				Comme on n’avait pas pensé à temps à lui remettre son dentier, de blanches rides transversales barraient la ligne de ses lèvres, déchirure du silence reprisée à gros points, maintenant ce serait motus et bouche cousue, on voyait bien qu’elle était furieuse, pas décidée du tout à se laisser tirer les vers du nez. Camille Laurens — Romance 
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				Je ne répondais plus à aucune invitation en week-end. Ce n’était pas que ces vastes maisons à la campagne ne me faisaient pas envie, mais comme on dit, chat échaudé craint l’eau froide. Une grange, une étable même m’auraient très bien convenu, mais seule, tranquille. Je grognais toujours dans mon sommeil, une fois même je dois avouer que j’ai uriné sous moi. Marie Darrieussecq — Truismes 
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				Le 4 octobre dernier [1926], à la fin d’un de ces après-midi tout à fait désœuvrés et très mornes, comme j’ai le secret d’en passer, je me trouvais rue Lafayette : après m’être arrêté quelques minutes devant la vitrine de la librairie de L’Humanité et avoir fait l’acquisition du dernier ouvrage de Trotski, sans but je poursuivais ma route dans la direction de l’Opéra. Les bureaux, les ateliers commençaient à se vider, du haut en bas des maisons des portes se fermaient, des gens sur le trottoir se serraient la main, il commençait tout de même à y avoir plus de monde. J’observais sans le vouloir des visages, des accoutrements, des allures. Allons, ce n’étaient pas encore ceux-là qu’on trouverait prêts à faire la Révolution. Je venais de traverser ce carrefour dont j’oublie ou ignore le nom, là, devant une église. Tout à coup, alors qu’elle est peut-être encore à dix pas de moi, venant en sens inverse, je vois une jeune femme, très pauvrement vêtue, qui, elle-aussi, me voit ou m’a vu. Elle va la tête haute, contrairement à tous les autres passants. Si frêle qu’elle se pose à peine en marchant. André Breton — Nadja 
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				Le tout, avec les personnes un peu dingues, jamais les heurter en rien ! de faire tout comme si « ça va de soi ». jamais heurter ! les bêtes non plus ! jamais de surprises ! toujours « ça va de soi » ! naturel ! entendu ! incisions, piqûres, bistouri. pareil ! « ça va de soi » ! Louis-Ferdinand Céline — D’un château l’autre 
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				Dans la semaine, les personnes que vous croisez dans le village sont, il va de soi, presque toujours les mêmes et, vertu de l’accoutumance, ne semblent pas vieillir. Réciproquement, elles vous prêtent à vous-même un âge plus ou moins précis, mais fixe, immuable, comme le leur. Pierre Gascar — La Friche 
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				« Eh après tout, vous n’avez qu ’à vous répéter le proverbe arabe “Les chiens aboient, la caravane passe.” » Ce conseil que m’avait donné Gide m’est revenu bien des fois à la mémoire. Et à l’occasion je me représente (sur le mode romantique le plus désuet) comme un vagabond à l’échelle de la planète, un de ces voyageurs en train d’errer la nuit au milieu du désert, et passant près de campements désolés aux feux éteints, où de farouches natifs sont tapis (…) Truman Capote — Les chiens aboient 
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				Mais un bon averti en vaut deux ; ces injures il les a repoussées du pied, ajouta-t-il plus énergiquement encore, et avec un regard si farouche que nous cessâmes un instant de manger. Comme dit un beau proverbe arabe « Les chiens aboient, la caravane passe. » Après avoir jeté cette citation, M. de Norpois s’arrêta pour nous regarder et juger de l’effet qu’elle avait produit sur nous. Marcel Proust — À la recherche du temps perdu 
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				Il restait couché toute la journée sur un lit, il fumait, il lisait des livres policiers, mes brochures. Il fermait les yeux, ça durait des heures, comme ça. Il n’écrivait pas. Ça a duré deux mois. Je commençais à m’inquiéter, je ne l’avais jamais vu écrire de ma vie. Une nuit, il s’est levé brusquement, s’est mis à la table et s’est mis à écrire. Là, son visage s’est transformé, il faisait peur. Sa bouche se crispait. Il était d’une nervosité incroyable. Il a écrit sa pièce en huit jours sans presque de ratures. J’ai compris que lorsqu’il fermait les yeux, étendu sur le lit, il faisait sa pièce dans sa tête, phrase par phrase, acte par acte. A la table, il devenait son propre secrétaire. Jean Marais — interviewé à la radio française 
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				Nous avons tous un épiderme sensible aux tziganes et aux marches militaires. […]Il y a des œuvres longues qui sont courtes. L’œuvre de Wagner est une œuvre longue qui est longue, une œuvre en étendue, parce que l’ennui semble à ce vieux dieu une drogue utile pour obtenir l’hébétement des fidèles.Il en est ainsi des magnétiseurs qui hypnotisent en public. La bonne passe qui endort est généralement très courte et très simple, mais ils l’accompagnent de vingt passes postiches qui frappent la foule.La foule est séduite par le mensonge ; elle est déçue par la vérité trop simple, trop nue, trop peu inconvenante. […]Socrate disait : « Quel est cet homme qui mange du pain comme si c’était de la bonne chère, et la bonne chère comme si c’était du pain ? »Réponse : le mélomane allemand. Jean Cocteau — Le Coq et l’Arlequin 
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				Or, dans cette région lointaine, c’est la totalité de la terre qui est faite de telles couleurs ; bien mieux, de couleurs beaucoup plus éclatantes et plus pures que celles-ci : ici en effet elle est pourpre et d’une merveilleuse beauté, là elle est comme de l’or, ailleurs toute blanche et plus blanche que la craie ou que la neige ; et les autres couleurs dont elle est pareillement constituée sont aussi plus nombreuses encore et plus belles que toutes celles que, nous, nous avons pu voir. Platon — Phédon 
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				Et peu à peu au cours du lent pèlerinage, tandis que mon cheval boitait dans les ornières, ou tirait les rênes pour brouter l’herbe rase le long des murs, me vint le sentiment que mon chemin dans ses inflexions subtiles et ses respects et ses loisirs, et son temps perdu comme par l’effet de quelque rite ou d’une antichambre de roi, dessinait le visage d’un prince, et que tous ceux qui l’empruntaient, secoués par leurs carrioles ou balancés par leurs ânes lents, étaient, sans le savoir, exercés à l’amour. Antoine de Saint-Exupéry — Citadelle 
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				Tous ceux qui s’étaient mis en descente pour atterrir sur la terrasse sont tombés comme une grêle. Vous n’avez rien entendu, là-dessous ? Moi, dans mon petit appartement près du garage, c’est bien un miracle si je n’ai pas été aplati. René Barjavel — Ravage 
 
     
    