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Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques : Le Pasteur et le Pêcheur

Méditations Poértiques Alphonse de Lamartine

Méditations poétiques est le premier recueil de poèmes d'Alphonse de Lamartine, publié en 1820. La première édition comportait 24 poèmes. D'autres éditions suivirent ; celle de 1849 comportait alors 41 poèmes. Ce recueil marque l'aboutissement d'un courant de poésie élégiaque caractérisé par de nombreuses allusions mythologiques, une tonalité exclamative, des interrogations ainsi qu'une abondance de périphrases poétiques.

Pour citer l'œuvre : Œuvres complètes de Lamartine Chez l’auteur, 1860, 1 (p. 231-234).

VINGT-SIXIÈME

MÉDITATION



LE PASTEUR ET LE PÊCHEUR



FRAGMENT D’ÉGLOGUE MARINE

1826

C’était l’heure chantante où, plus doux que l’aurore,
Le jour en expirant semble sourire encore,
Et laisse le zéphyr dormant sous les rameaux
En descendre avec l’ombre et flotter sur les eaux ;
La cloche dans la tour, lentement ébranlée,
Roulait ses longs soupirs de vallée en vallée,
Comme une voix du soir qui, mourant sur les flots,
Rappelle avant la nuit la nature au repos.

Les villageois épars autour de leurs chaumières
Cadençaient à ses sons leurs rustiques prières,
Rallumaient en chantant la flamme des foyers,
Suspendaient les filets aux troncs des peupliers,
Ou, déliant le joug de leurs taureaux superbes,
Répandaient devant eux l’or savoureux des gerbes ;
Puis, assis en silence au seuil de leurs séjours,
Attendaient le sommeil, ce doux prix de leurs jours.

Deux enfants du hameau, l’un pasteur du bocage,
L’autre jeune pêcheur de l’orageuse plage,
Consacrant à l’amour l’heure oisive du soir,
À l’ombre du même arbre étaient venus s’asseoir ;
Là, pour goûter le frais au pied du sycomore,
Chacun avait conduit la vierge qu’il adore :
Néære et Næala, deux jeunes sœurs, deux lis
Que sur la même tige un seul souffle a cueillis.
Les deux amants, couchés aux genoux des bergères,
Les regardaient tresser les tiges des fougères.
Un tertre de gazon, d’anémones semé,
Étendait sous la pente un tapis parfumé ;
La mer le caressait de ses vagues plaintives ;
Douze chênes, courbant leurs vieux troncs sur ses rives,
Ne laissaient sous leur feuille entrevoir qu’à demi
Le bleu du firmament dans son flot endormi.
Un arbre dont la vigne enlaçait le feuillage
Leur versait la fraîcheur de son mobile ombrage ;
Et non loin derrière eux, dans un champ déjà mûr,
Où le pampre et l’érable entrelaçaient leur mur,
Ils entendaient le bruit de la brise inégale
Tomber, se relever, gémir par intervalle,
Et, ranimant les airs par le jour assoupis,
Glisser en bruissant entre l’or des épis.

Ils disputaient entre eux des doux soins de leur vie ;
Chacun trouvait son sort le plus digne d’envie :
L’humble berger vantait les doux soins des troupeaux,
Le pêcheur sa nacelle et le charme des eaux ;
Quand un vieillard leur dit, avec un doux sourire :
« Chantez ce que les champs ou l’onde vous inspire !
» Chantez ! Celui des deux dont la touchante voix
» Saura mieux faire aimer les vagues ou les bois,
» Des mains de la maîtresse à qui sa voix est chère
» Recevra le doux prix de ses accords : Néære,
» Offrant à son amant le prix des moissonneurs,
» À sa dernière gerbe attachera des fleurs ;
» Et Næala, tressant les roses qu’elle noue,
» De l’esquif du pêcheur couronnera la proue,
» Et son mât tout le jour, aux yeux des matelots,
» De ses bouquets flottants parfumera les flots. »
Ainsi dit le vieillard. On consent en silence ;
Le beau pêcheur médite, et le pasteur commence.


LE PASTEUR

Quand l’astre du printemps, au berceau d’un jour pur,
Lève à moitié son front dans le changeant azur ;
Quand l’aurore exhalant sa matinale haleine
Épand les doux parfums dont la vallée est pleine,
Et, faisant incliner le calice des fleurs,
De la nuit sur les prés laisse épancher les pleurs ;
Alors que du matin la vive messagère,
L’alouette quittant son nid dans la fougère,
Et modulant des airs gais comme le réveil,
Monte, plane et gazouille au-devant du soleil :

Saisissant mes taureaux par leur corne glissante,
Je courbe sous le joug leur tête mugissante ;
Par des nœuds douze fois sur leurs fronts redoublés,
J’attache au bois poli leurs membres accouplés ;
L’anneau brillant d’acier au timon les enchaîne ;
J’entrelace à leur joug de longs festons de chêne,
Dont la feuille mobile et les flottants rameaux
De l’ardeur du midi protégent leurs naseaux.

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Commentaire de texte d'Alphonse de Lamartine : Le Pasteur et le Pêcheur

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L'auteur : Alphonse de Lamartine

Lamartine

Alphonse de Lamartine (1790-1869) est un poète, romancier, dramaturge français, ainsi qu'une personnalité politique qui participa à la Révolution de février 1848 et proclama la Deuxième République. Il est l'une des grandes figures du romantisme en France.

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