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Philippe Sollers est mort : 146 citations du trublion des lettres françaises

Philippe Sollers est mort à 86 ans. Remarqué très tôt par Mauriac, le jeune prodige publie son premier texte avant sa majorité, avant de publier un premier roman, Une curieuse solitude, à 22 ans.

Romancier et essayiste, Philippe Sollers a publié plusieurs dizaines d’ouvrages au cours de sa carrière. En termes de littérature, il se frotte au Nouveau roman, publie de nombreux romans expérimentaux et s’essaye à tous les styles. Côté essais, il affiche son admiration du maoïsme, avant de revoir ses positions. Il étudie aussi la littérature, et partage son amour des belles lettres.

Philippe Sollers, considéré comme l’enfant chéri des lettres françaises, est mort le 6 mai 2023. Pour lui rendre hommage, voici 146 citations de cet auteur hors norme. Bonne découverte !

    Citation 0
  1. Fais à l'autre ce qu'il aime qu'on lui fasse. Si tu n'aimes pas ça, laisse tomber.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  2. Composer un livre, seul moyen de parler de soi sans assister à l'ennui des autres.
    Philippe Sollers
  3. Un homme averti en vaut deux, une femme trois. C'est une loi.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  4. La maladie de l'adolescence est de ne pas savoir ce que l'on veut et de le vouloir cependant à tout prix.
    Philippe Sollers
  5. Ludivine Sereni, bartleby /2 Cette rumeur serait-elle la basse et vile rumeur, la Fama, celle « qui remplit les peuples de mille bruits où elle annonçait également ce qui était arrivé et ce qui ne l’était pas » ? Ou bien est-elle celle dont parle Marcel Detienne dans l’Ecriture d’Orphée ? : A qui sait écouter, toute rumeur fait signe. C’est alors une voix ponctuelle, instantanée, comme un atome de rumeur constituée, de celle qui relayée de bouche en bouche et d’oreille en oreille, se métamorphose en récit formel déjà, chacun y ajoutant ou en retirant quelque chose, par une procédure inconsciente mais toujours en une création multiple. Si le consultant singulier peut donner un sens à une voix prélevée dans un essaim de sens, c’est assurément que les dieux ne cessent de faire signe aux hommes en leur envoyant des rêves, en leur dépêchant des vols d’oiseaux, des messages en même temps que des voix oraculaires. Toute rumeur, alors, trouve sa source dans le dieu sous le nom de Phémios comme l’aède au palais d’Ithaque. Et c’est auprès de Zeus que se tient docile et prête à partir la rumeur messagère, la puissance appelée ossa dont le nom est associé à une sorte de divination par les sons (otteia).(C’est moi qui souligne) J La rumeur veut que Bartleby ait travaillé un temps au service des Lettres au rebut. Ces lettres, messages de vie, qui courent vers la mort, sont pour l’éternité repliées sur elles-mêmes. Or, n’est-ce pas de cette façon que l’avoué retrouve pour la dernière fois Bartleby, dans cette prison à l’architecture égyptienne — et quoi de plus juste pour un scribe ? Bartleby replié sur lui-même, telle une lettre, disparaît doucement. La formule, sa répétition, ne faisait qu’accroître le repli de l’être-du-rien. Retiré dans les abîmes, d’où nul être humain ne ressort vivant, le scribe s’éteint doucement, dans un pieux et blanc silence, tel qu’il l’a toujours fait. Mais ne peut-on pas aussi voir dans cette étrange nouvelle, une démonstration de l’écriture percurrente d’Herman Melville ? Et comment distinguer, sinon dans la forme, Bartleby de la Baleine Blanche ?... [4] C’est l’histoire de l’encre comme sang, épousant ce blanc qui sonne comme un silence, un rien avant tout commencement... Le roman se fait tout seul, et ton roman est universel si tu veux...
    Philippe Sollers — L'Infini, n°17
  6. Mon père, fils d’ouvrier, ayant fait fortune dans l’édification d’une usine, était sombre, préoccupé, levé très tôt, pour aller à son bureau. Il se taisait beaucoup et son athéisme était radical. Il a fait, à mon égard, quelques gestes significatifs : m’amener, très jeune, voir un télescope, m’offrir un microscope, m’emmener visiter une grotte préhistorique, attirer mon attention sur la pensée anarchiste...
    Philippe Sollers — Légende
  7. Un lecteur, ou une lectrice, ouvre ce livre, le feuillette, le fait traduire, comprend vaguement que l'auteur a dû faire partie d'un complot subversif difficile à identifier. Les événements dont il est question sont lointains, on n'en garde qu'un souvenir contradictoire, la plupart des historiens les classent parmi les révoltes sans lendemain. Le narrateur commence par avoir envie de se suicider, ne le fait pas, rencontre une femme qui transforme son existence. Dora est une jeune et jolie veuve, avocate, dont le mari, disparu prématurément, possédait une vaste bibliothèque. Des livres anciens, des manuscrits rares, l'ouvre d'un collectionneur. [..] Il y a aussi une pianiste célèbre, Clara, une personnage mystérieux, François, ce dernier étant peut-être un espion chinois. Le ton général est très critique sur la société du temps de l'auteur, mais la société, au fond, à quelques transformations techniques près, est toujours la même. Les références chinoises abondent, ce qui est plutôt curieux pour un auteur occidental de cette période. Que veut-il Que cherche-t-il ? Le narrateur semble mener une vie clandestine organisée très libre, notamment sur le plan amoureux. Comme il pense à des tas de choses à la fois, son récit donne souvent l'impression d'une un tableau cubiste. Parfois on est perdu, mais on s'y retrouve toujours.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  8. La géographie mentale est sans limites, elle fleurit sans cesse au présent ...
    Philippe Sollers — Légende
  9. L'exil est une aventure pleine de péripéties plus ou moins tragiques.
    Philippe Sollers — Le Nouveau
  10. Citation 9
  11. Le monde a toujours été rempli de symboles, de signes, d'intersignes, de faux ou de vrais prophètes, de voyants, de voyantes, de messages nocturnes parfois décisifs.
    Philippe Sollers — Le Nouveau
  12. Le vrai personnage du couple, c'est le temps.
    Philippe Sollers
  13. Les Jeux spectaculaires olympique (énorme dépense d'argent) ont lieu tous les quatre ans. En 1936, à Berlin, Hitler fait brûler des livres, notamment Jules César, pièce séditieuse de Shakespeare. En 1940, pas de Jeux, en 1944 non plus. C'est seulement en 1948 que le grand cirque reprend à Londres. Il a dû se passer quelque chose de mondial entre-temps.
    Philippe Sollers — Le Nouveau
  14. «Je dis passion fixe, puisque j'ai eu beau changer, bouger, me contredire, avancer, reculer, progresser, évoluer, déraper, régresser, grossir, maigrir, vieillir, rajeunir, m'arrêter, repartir, je n'ai jamais suivi, en somme, que cette fixité passionnée. J'ai envie de dire que c'est elle qui me vit, me meurt, se sert de moi, me façonne, m'abandonne, me reprend, me roule. Je l'oublie, je me souviens d'elle, j'ai confiance en elle, elle se fraye un chemin à travers moi. Je suis moi quand elle est moi. Elle m'enveloppe, me quitte, me conseille, s'abstient, s'absente, me rejoint. Je suis un poisson dans son eau, un prénom dans son nom multiple. Elle m'a laissé naître, elle saura comment me faire mourir. »
    Philippe Sollers — Passion fixe
  15. Je cherche le dissemblable, l’inamical de fond, l’opposé sexuel, racial ou social. J’aime d’instinct les Gitans, les Juifs, les noirs, les chinois, les femmes les plus étrangères, les différences d’âges, de rites, de signaux. J’aime que l’on ne soit pas moi, j’aime admirer et apprendre. Rien de plus répréhensible, plus tard, que ce goût pour l’étude et l’admiration.
    Philippe Sollers — Studio
  16. L'homme ne sait au fond ce qu'il peut penser; la fiction est là pour le lui apprendre.
    Philippe Sollers
  17. Tire-toi d'affaire comme tu pourras, m'a dit la nature en me poussant à la vie. Réponse de Fragonard à un ami
    Philippe Sollers — La Guerre du goût
  18. « Je me revois, à l’automne 1963, arrivant pour la première fois, de nuit, à Venise. Je viens de Florence, me voici tout à coup sur la place Saint-Marc. La précision de la scène est étonnante : debout, sous les arcades, regardant la basilique à peine éclairée, je laisse tomber mon sac de voyage, ou plutôt il me tombe de la main droite, tant je suis pétrifié et pris. J’entends encore le bruit sourd qu’il fait sur les dalles. Je sais, d’emblée, que je vais passer ma vie à tenter de coïncider avec cet espace ouvert, là, devant moi. J’ai ressenti une émotion du même genre, mais moins forte, en pénétrant, à Pékin, dans la Cité Interdite et, surtout, en allant aux environs visiter le temple du Ciel au toit bleu. C’est un mouvement bref de tout le corps violemment rejeté en arrière, comme s’il venait de mourir sur place et, en vérité, de rentrer chez soi. Etre dehors est peut-être une illusion permanente : il n’y aurait que du dedans et nous nous acharnerions à ne pas le savoir. La nuit (il était très tard, il n’y avait personne ni sur la place, ni dans les ruelles) favorisait ce choc semblable à celui qu’on ressent dans l’épaule en tirant un coup de fusil. Détonation silencieuse, vide, plein, vide ; évidence intime. [...] Casanova (Mémoires) : « Je me suis déterminé à solliciter ma grâce auprès des inquisiteurs d’Etat vénitiens [...] je l’ai obtenue. Ce fut le 14 septembre 1774. Mon entrée à Venise, au bout de dix-neuf ans, me fit jouir du plus beau moment de ma vie. » Philippe Sollers Venise éternelle, les voyageurs photographes au siècle dernier éditions Jean-Claude Lattès, 1993, p.34 39.
    Philippe Sollers
  19. Comme nous sommes, oui, dans une époque lourde, analphabète et triste (celle du populisme précieux), tout doit avoir l'air authentique et démagogique, alors que règne, sous couvert de coeur, une froideur rentabilisée.
    Philippe Sollers — La Guerre du goût
  20. Ce qui est intéressant, dans la vie, c'est quand elle se met à ressembler au roman qu'on est en train d'écrire...
    Philippe Sollers — Femmes
  21. Citation 19
  22. La volonté est un monde à part. Pour être sûr d'elle, de sa continuité, de sa veille constante et fermée, il faut aller chercher loin en soi, dans l'enfance et ses expériences les plus troubles, dans l'humiliation et le noir.
    Philippe Sollers — Studio
  23. Pourquoi l'érotisme rend-il heureux? Parce qu'il est un retour direct à l'enfance, à ses jeux, à sa gratuité, à sa profondeur de temps. L'adulte est en général un enfant durci, puritain malgré lui, péniblement pornographe. Il s'applique dans le vice comme dans la vertu, il est ennuyeux, peu doué pour la régression enchantée qui définit l'érotisme. Ce n'est pas par hasard que «le vert paradis des amours enfantines» (Baudelaire) lui reste fermé. Il en rêve, l'adulte, il se sent jeté en enfer, il devient parfois bassement pédophile pour tenter de rejoindre son corps perdu.
    Philippe Sollers
  24. Il n'y a pas d'homme au monde qui parvienne à savoir tout ; mais tout homme doit aspirer à tout savoir.
    Philippe Sollers — Casanova l'admirable
  25. J'espère simplement mettre ensemble des notes qui s'aiment.
    Philippe Sollers — Mystérieux Mozart
  26. [...] vous avez 1107 pages pour un volume qui va être vendu 30 euros. Soyons stricts sur le marketing : vous disposez-là de dix livres (ou 12), en un, ce qui fait donc livres à trois euros. Par conséquent, le rapport qualité-prix est imbattable. Je m'avance déraisonnablement sur le marché avec cette proposition d'acheter dix livres à trois euros chacun. C'est la meilleure définition que l'on puisse donner de la formulation comme passion dominante, c'est-à-dire qu'il s'agit immédiatement de l'évaluer en argent, tant il est vrai qu'il n'y a qu'une seule passion dominante de nos jours, c'est celle-là -et il n'y en a pas d'autre. -Transfuge n°61-
    Philippe Sollers
  27. Tu marches beaucoup, tu dors beaucoup, tu regardes les sols avec une avidité constante. Tu deviens expert en brindilles, en feuilles mortes, en mottes, en débris, en fourmis. Tu décides que la nature est un temple, et tu n’envies pas les marchands du temple. Les arbres sont des piliers, les bois des cathédrales, les buissons des autels, les nuages des mots du ciel. Tu es encore très maladroit, mais ça viendra. Tu as juré de ne jamais travailler, et tu ne travailleras pas.
    Philippe Sollers — L'éclaircie
  28. moi-moi-moi en vérité presque rien côtoiement d'illusion couverture du cœur d'illusion aujourd'hui j'écris aujourd'hui et aujourd'hui j'écris le cœur d'aujourd'hui et hier j'écrivais aujourd'hui et demain j'écrirais aujourd'hui c'est vraiment aujourd'hui et rien qu'aujourd'hui on devrait l'écrire aujournuit différente manière d'être à jour en suivant ses nuits dans la nuit salle de séjour noire bleue
    Philippe Sollers — Paradis, tome 2
  29. Mais, au fond, qui est davantage baleine blanche qu'un pape tout en blanc ?
    Philippe Sollers — Légende
  30. J'écris, je brûle ce que j'écris, voilà une affaire privée, c'est mon droit, je le prends, je l'applique, j'améliore mon attention, ma respiration. D'où je viens ? De partout, de nulle part. Où je vais ? Partout, nulle part. La vie est un jeu, avec, au bout des lignes, le feu.
    Philippe Sollers — Une vie divine
  31. Les vrais problèmes ne sont sans doute pas là où l'on croit... On met tout l'accent sur les problèmes de sexualité et de reproduction, mais on est beaucoup plus discret sur l'hygiène... On dirait que l'hygiène est plus tabou que le sexe... Vous n'avez pas idée à quel point, pour les femmes notamment, la simple propreté, la propreté élémentaire, est une chose récente...
    Philippe Sollers — Femmes
  32. Citation 29
  33. Vous etes fou,c'est entendu,mais vous n'avez aucune raison de préféré la folie des autres à la votre.Celle des autres , vous la connaissez depuis l'enfance ,elle est lourde ,elle vous suit partout ,elle essaye ,par tous les moyens ,de briser la votre,que vous avez la folie(c'est le mot) de trouver enchantée,légère
    Philippe Sollers — Médium
  34. J'ai beaucoup voyagé, beaucoup étudié les hommes individuellement et en masse mais je n'ai trouvé la vraie sociabilité que chez les Français car eux seuls savent plaisanter et la plaisanterie fine et délicate, en animant la conversation, fait le charme de la société. p 44
    Philippe Sollers — Le Cavalier du Louvre : Vivant Denon, 1747-1825
  35. Qu'est-ce que la littérature ? Difficile de dire mieux que Hemingway : « Tous les bons livres ont en commun d'être plus vrais que la réalité et, après les avoir lus, vous avez l'impression que tout cela s'est produit, que tout cela vous est arrivé et vous appartient à jamais : le bonheur et le malheur, le bien et le mal, la joie et la peine, la nourriture, le vin, les lits, les gens et le temps qu'il faisait. Quand on peut apporter cela à un lecteur, alors on est un véritable écrivain.
    Philippe Sollers — Littérature et politique
  36. La discrétion est la première des vertus, on lui doit bien des instants de bonheur.
    Philippe Sollers — Le Cavalier du Louvre : Vivant Denon, 1747-1825
  37. L'ironie est la conscience claire de l'agilité éternelle, de la plénitude infinie du chaos.
    Philippe Sollers — Femmes
  38. Il aimait cette phrase d'un philosophe : « Je dis toujours la vérité. Pas toute, parce que toute la dire, on n'y arrive pas... Les mots y manquent. C'est même par cet impossible que la vérité tient au réel. » Je n'étais pas d'accord avec lui sur cette formulation. Je le lui ai dit un jour : « Le roman, et lui seul, dit la vérité... Toute la vérité... Autre chose que la vérité, et pourtant rien que la vérité... Les mots ne lui manquent pas... Au contraire... C'est pourquoi on préfère le tenir pour irréel alors qu'il est le réel lui-même... Le système nerveux des réalités... D'ailleurs, comme l'a dit quelqu'un que vous connaissez bien : “La vérité a structure de fiction”... »
    Philippe Sollers — Femmes
  39. Deux erreurs à ne pas faire : aimer ou détester son corps. Y être accroché, ou vouloir le supprimer. Narcissisme et haine de soi, argent et suicide ; même substance.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  40. À quoi bon raconter aux autres ce qu’ils ne vivent pas et ne sentent pas, puisqu’ils croiront qu’on ne l’a fait que pour les embêter ou les humilier ? François m’avait prévenu : « Écrivain ? Tu rêves ! Le milieu littéraire est une officine de police comme les autres, peut-être pire que les autres. Tu n’y seras toléré qu’en rampant, en exhibant tes certificats d’identité ou de doute, de nostalgie ou de désespoir. N’oublie pas : tes origines doivent être modestes, ton embarras sexuel évident. Du bonheur ? Du luxe ? Des extases ? Tu rêves ! » (p. 74)
    Philippe Sollers — Passion fixe
  41. Alors cette question: écrire, pourquoi? Pour respirer, tâcher de rattraper cet instant si court, si décisif de l'enfance qu'on sent s'éloigner. Passe-t-on sa vie à regretter le passé qui ne s'incarne plus? Ou plutôt à mimer sa disparition ?. Je n'aurais, quant à moi, jamais pu écrire Paradis, Femmes, Portrait du Joueur, Le Cœur absolu, Les Folies Françaises, Le Lys d'Or, La Fête à Venise, Le Secret, si Je n'avais senti en permanence planer près de moi la main dégagée, active, cruelle et indulgente de Nietzsche.
    Philippe Sollers
  42. Un universitaire, l'autre jour, à la télévision, me traite brusquement de "papillon médiatique". Je me demande s'il a bu, mais non.
    Philippe Sollers — Littérature et politique
  43. Citation 39
  44. Tire-toi d'affaire comme tu pourras, m'a dit la Nature en me poussant à la vie,
    Philippe Sollers — Les surprises de Fragonard
  45. Le seul racisme sérieux, en définitive, se passe bien entre femmes et hommes... tout le reste est bavardage illuminé... et ce racisme-là se porte à merveille, il monte, il s'épanouit, il fleurit; c'est le moteur de toujours, la source du mouvement lui-même...
    Philippe Sollers — Femmes
  46. Freud s'est fait euthanasier avec l'accord de sa fille. Il n'en pouvait plus. Tout indique qu'il a quitté sans regret l'océan de la connerie humaine, transformée aujourd'hui en télé-irréalité. Kafka, au comble de la souffrance dit à son médecin : 《 Si vous ne me tuez pas, vous êtes un assassin. 》 La plupart des humains préfèrent la souffrance au néant. En revanche, des clandestins, pour ne pas parler sous la torture, se sont supprimés. Saluons-les.
    Philippe Sollers — Centre
  47. J'arrête la voiture sur les hauteurs, de l'autre côté du fleuve; je descends, je regarde la ville allongée... Silence. Brume. Port de la lune... Croissant argenté dans l'eau... Garonne miroitante blanche... Air d'ailleurs. D'où, au fait ? Voiliers vers Londres, Amsterdam. Anvers, cales bourrées de claret... Arrivées de Montevideo ou Valparaiso... Aliénor d'Aquitaine, mariage avec Louis VII, le 25 juillet 1137, dans la cathédrale Saint-André... Et puis, trahison, à nous l'Angleterre... Nous sommes des traîtres-nés... Nous avons nos bateaux, nos vins, ils n'appartiennent à personne... Palais de l'Ombrière, L'Ormée... Avocats, marchands, étendard blanc à croix rouge... Spectres sortis du gravier... La France? Méfiance. Taxes, commissions, limitation des libertés... A bas Jeanne d'Arc, Louis XIV, Mazarin, les Jacobins, Napoléon et l'Empire... Vivent les princes Condé ou Conti. Louis XV et l'Angleterre, toujours... L'Espagne, s'il le faut... La Fronde... "Caractère frondeur" ..... David contre Goliath... Girondins écrasés. mémoire niée, latérale, transmise à mots couverts contre la version scolaire, militaire... Entrepôts gardant l'odeur des Antilles, gingembre, cannelle, girofle, tiédeur du sucre imprégnant les murs... C'est ici qu'ils viennent se réfugier, ces emmerdeurs de Français, quand ils ont des ennuis à l'Est... Allemands? Russes? Pareils
    Philippe Sollers — Portrait du joueur
  48. Reproduire famille, reproduire société, reproduire argent, buée, vanité, tuer singularité, propulser nuée, progrès technique, misère mentale, prise de sexe, prise de fric, répétez, roulez. Tout mais pas de pensée, pas de gratuité calme.
    Philippe Sollers — L'étoile des amants
  49. nié face à face, niant la membrane,l'entrée:ce qui s'y trouve existe ailleurs,ce qui n'y est pas n'est nulle part:NE-
    Philippe Sollers — Lois
  50. « On n’a jamais entendu traiter un piano comme ça, force et délicatesse, de biais, sur un pied, à l’envers, en boitant, en s’enfonçant, en s’affirmant, en se désaccordant du faux monde où on n’écoute rien, où on fait semblant. C’est l’appel, à travers le brouillage, d’un moine sphérique tranchant, fou, c’est-à-dire en pleine raison retrouvée par-delà le bruit permanent.
    Philippe Sollers — L'étoile des amants
  51. Une telle éducation précoce fait du jeune Atlante doué un virtuose de la jouissance continue et inconclusive. Il devient l’instrument de lui-même, hyper-sensible aux voix, aux coups d’œil, à la peau du monde. Sa tante est une déesse, et elle est là, assise dans son peignoir blanc. Elle lui demande de se rapprocher, elle le déculotte, elle l’aère. Jamais l’acacia qu’on voit par la fenêtre du fond de la pièce n’a été plus frais au soleil.
    Philippe Sollers — Graal
  52. Les livres sont comme le printemps : ils fleurissent en douce, juste pour quelqu’un, juste quand il faut. (p. 50)
    Philippe Sollers — Passion fixe
  53. La grande pièce où vous travaillez est tapissée de livres.Ils vous attendent la matin, très tôt. Pas un bruit, l'appartement est vide. Vous débranchez votre téléphone, vous vous asseyez à votre table, vous vous concentrez, vous ne faites rien. ça peut durer dis minutes ou une heure, parfois la matinée entière. Ne rien faire est toujours une joie! ( p 190)
    Philippe Sollers — Mouvement
  54. Citation 49
  55. Pour exister il suffit de se laisser être, Mais pour vivre il faut être quelqu'un pour être quelqu'un il faut avoir un OS ne pas avoir peur de montrer l'os et de perdre la viande en passant. (Antonin Artaud)
    Philippe Sollers — L'Ecriture et l'Expérience des limites
  56. C’est d’abord un bruit souterrain, à peine audible, qui va durer toute la nuit, de 3 heures à 5 heures du matin. Il se déplace avec moi, il est bien réel, il ne disparaît qu’avec le jour, mais je ne crois pas aux fantômes. Les morts sont plus vivants qu’on ne croit, c’est certain, mais ils me laissent tranquille. Je vis avec ce murmure nocturne. Les murs ont des oreilles, dit-on, et je fais confiance aux murs. Je n’ai peur de rien.
    Philippe Sollers — Mouvement
  57. Werth n’en pouvait plus... Tout l’ennuyait, le fatiguait de plus en plus, le dégoûtait... Les demandes des uns, les supplications des autres ; l’atmosphère de malveillance implacable qui entoure la prostitution douce ; la niaiserie dépendante des garçons exigeant sans cesse d’être assistés, maternés, poussés, pistonnés... Pour quelques instants agréables (et encore), quel prix à payer... Téléphones, lettres, démarches, arbitrages... Conseils, indulgence à n’en plus finir, tutelle, pourboires déguisés... A ce jeu de la résignation, Werth était devenu une sorte de saint malgré lui, gardant quand même sa réserve ponctuée de soubresauts rageurs... Il ne vivait pas du tout son homosexualité comme le font la plupart, désormais, de façon triomphante, agressive, militante, dure, prononcée... L’obscénité en vitrine... Boîtes sado-maso, valse du cuir... Torses, poils, muscles, piscines d’argile, mer gluante... Floc-floc des râles et des grognements... La seule chose qui avait toujours fait peur à Werth, c’est que sa mère apprenne ses goûts par la presse... Qu’il y ait comme ça un scandale mettant en cause sa situation, d’ailleurs péniblement acquise, de grand professeur... Déjà, l’hostilité des collègues, l’inlassable calomnie des ratés universitaires... Rien à voir avec le gauchisme viril de Pasolini... Les sous-prolétaires dans le cambouis, sur la plage... Avec le risque d’assassinat au bout, c’est d’ailleurs ce qui a fini par arriver... Non, les Français sont plus réservés, que voulez-vous, ils souffrent de plus en plus, en demi-teintes... Proust dans une boîte de New York ? Charlus et Jupien dans les bains-douches directs de la 72e Rue ? Werth se battait, sans illusions, pour une sorte de sensualité atténuée, une variante d’épicurisme... Bouddhiste, japonisant, légèrement affaissé..
    Philippe Sollers — Femmes
  58. Je n'en finis pas de me dérober au bavardage universel en ouvrant des livres.
    Philippe Sollers — Beauté
  59. Le monde appartient aux femmes, il n'y a que des femmes, et depuis toujours elles le savent et elles ne le savent pas, elles ne peuvent pas le savoir vraiment, elles le sentent, elles le pressentent, ça s'organise comme ça. Les hommes ? Ecume, faux dirigeants, faux prêtres, penseurs approximatifs, insectes... Gestionnaires abusés... Muscles trompeurs, énergie substituée, déléguée...
    Philippe Sollers — Femmes
  60. «  La vie est un songe, merci de l’avoir rêvée » ….
    Philippe Sollers — Femmes
  61. Si vous pensez qu'un paysage n'a pas de langue, c'est que vous n'avez pas su l'écouter.
    Philippe Sollers — Le Nouveau
  62. Acqua Alta. La ville est à fleur d'eau, elle se laisse envahir par elle. C'est l'inondation, et il faut installer sur des tréteaux des passerelles de planches. Restons sur les quais, des bottes sont nécessaires, mais on peut aussi retrousser ses pantalons et marcher pieds nus dans cette prairie liquide. Tu enlèves tes souliers à talons, tu danses un peu. Tu te souviens ? La main dans la main près de l'église ? Comme on a ri au soleil ?
    Philippe Sollers — Dictionnaire amoureux de Venise
  63. La musique est devenue espace, le temps se représente, dans un songe très lucide, comme une peinture en mouvement, un corps de beauté, le morceau est vu d'un seul regard, même s'il est long, les parties sont entendues toutes à la fois, et ces instants sont délicieux. Entendre un concerto, une symphonie ou un opéra en les voyant simultanément dans tous leurs détails, est une expérience divine.
    Philippe Sollers — Mystérieux Mozart
  64. oh elohim élohim toi si rapide agile pourquoi t'enfouir dans l'argile oh elohim comment as-tu pu t'abandonner dans la contraction du créé à notre image as-tu dit mais cette image est un crime un moment fuyant de déprime de l'image de l'image c'est tout ce qu'il sait faire notre mage une image donc pour multiplier les images déjà hollywood dans l'éden
    Philippe Sollers — Paradis, tome 2
  65. « Watteau reste le peintre du XVIIIe siècle qui a le mieux compris la musique de son temps : il en a donné un équivalent pictural... Ce que Couperin et les compositeurs contemporains avaient conçu en musique, Watteau l’a réalisé en peinture avec un métier de qualité exceptionnelle, alliant l’élégance désinvolte à la rêverie tendre, l’amour de la nature et le raffinement de la vision — et toujours avec cette pointe de moquerie qui évite à l’expression des sentiments l’emphase pathétique et l’émotion larmoyante. »
    Philippe Sollers
  66. L'Amour ne tourmente que ceux qui prétendent lui rogner les ailes ou l'enchainer quand il lui a plu de venir voler à eux. Comme c'est un enfant, et plein de caprices, il leur arrache les yeux, le foie et le coeur. Mais ceux qui acceuillent sa venue avec allégresse, et qui le flattent et le laissent s'en aller quand il lui plait, et quand il revient l'acceptent volontiers, ceux là sont toujours certains de ses faveurs et de ses caresses et de triompher sous son empire." Nicolas Machiavel -1513
    Philippe Sollers — Le Cavalier du Louvre : Vivant Denon, 1747-1825
  67. Les critiques de ce livre sont plutôt négatives, cela ne m'étonne pas plus que tant, mais je tiens quand même à défendre ce que j'ai aimé. Certaines longueurs, certes. Un style pas toujours digeste ? Par moment, c'est également vrai. D'ailleurs, l'auteur retrouvera par la suite une sobriété plus grande. Des inepties ? Cela par contre non, je ne suis pas d'accords. L'auteur touche juste et fait preuve d'une grande subtilité. Je me suis procuré ce livre après avoir lu une interview de son auteur sur le net. Ce qu'il disait de Lacan avait titillé ma curiosité et j'avais choisi ce pavé parmi d'autres livres à la bibliothèque de mon quartier. Je l'ai dévoré en 5 jours. Franchement, l'un des meilleurs livres que j'ai lu. Riche. Dense, Intelligent. Subtile. Critique. C'est vrai aussi que je n'aime ni le nouveau roman, ni le roman actuel. Un livre qui se lit comme on regarde un film, je ne croche généralement pas. Je suis plutôt un lecteur d'essai et de philosophie. Mais ce livre m'a réconcilié avec la littérature. J'ai depuis lu quatre ou cinq livres de Sollers que je ne connaissais pas. Je ne lis jamais les journaux littéraires et provincial, je ne connaissais pas son auteur. J'ai découvert quelqu'un qui défend une sensibilité qui est aussi la mienne : une certaine profondeur pas toujours policée de l'âme, l'homme hétérosexuel, l'Italie, une certaine façon de lire la Bible, Picasso. J'y ai découvert un auteur pour la vie. Merci Monsieur Sollers.
    Philippe Sollers — Femmes
  68. Qu'est ce que la Beauté ? Une jeune et jolie femme subtile a répondu un jour : "la discrétion". On l'approuve. Elle devait savoir de quoi elle parlait.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  69. La volupté aime la pudeur. Ce sont ses juges qui sont obscènes.
    Philippe Sollers
  70. Mener sa vie philosophiquement ( "philosophe", à l'époque, voulant dire "épicurien", athée, subversif, suspect) consiste à dormir, manger peu, dessiner, graver, se perfectionner, respirer autant que possible le Temps qui a trouvé l'espace qu'il faut : cette ville-là, cette mer-là, ce soleil-là, ces matins-là, ces soirs-là. Venise ne va nulle-part. Les préjugés contre elle n'ont pas encore cours.
    Philippe Sollers — Le Cavalier du Louvre : Vivant Denon, 1747-1825
  71. « Voilà, il va retrouver sa mère », m’a dit Deb quand nous sommes sortis de la salle d’urgence de l’hôpital où Werth agonisait sur sa table de perfusion... Il était là, presque nu, des tuyaux partout, comme un gros poisson encore respirant à la dérive... Il faisait un geste lent, mécanique, comme pour demander d’être débranché et qu’on en finisse... Tout le monde, là encore, avait menti. Il n’allait pas si mal, l’accident n’était pas si grave... En réalité, il était perdu tout de suite... Ses yeux, brûlant de fièvre et de mort, se sont levés sur moi, sa bouche a murmuré « merci, merci », quand je lui ai balbutié quelques mots... Quoi ? Je ne sais plus... Qu’il fallait tenir, que j’étais avec lui... Absolument avec lui... C’était un jour de printemps chaud, nauséeux, fermé sur lui-même... Je voyais Werth s’éloigner lentement, à la verticale, comme un noyé
    Philippe Sollers — Femmes
  72. Les corps humains ont besoin de ça, d'un silence approbateur et distants sur leurs os, leurs cellules, leurs tendons, leurs phalanges.
    Philippe Sollers — L'étoile des amants
  73. Que fait au juste Pierre Froissart, écrivain clandestin, dans un petit palais de Venise? Pourquoi est-il accompagné de cette jeune physicienne américaine, Luz, avec laquelle il a l'air de si bien s'entendre?...
    Philippe Sollers — La Fête à Venise
  74. Rejoindre dans ses tréfonds une jouissance féminine ignorée d'elle même.
    Philippe Sollers — Trésor d'amour
  75. Citation 69
  76. La vie du désir n’a aucune raison de vieillir.
    Philippe Sollers
  77. On saute du néant à l'être, de l'être au néant, sans qu'il y ait ni fin ni commencement, personne ne sait d'où il est éclos.
    Philippe Sollers — Centre
  78. Le masque n'est pas un déguisement mais un incognito
    Philippe Sollers — La Fête à Venise
  79. j'annonce au début ce qui vient ensuite
    Philippe Sollers — Paradis
  80. Vous n'êtes en vie que parce que vous résistez sans arrêt au suicide de votre organisme. Familiarisez-vous avec cette vision. Elle change tout.
    Philippe Sollers — Une vie divine
  81. Sans la musique, la vie serait une erreur" Friedrich Nietzsche
    Philippe Sollers — Mystérieux Mozart
  82. Diviser pour régner, tel était, bien entendu, le refrain élémentaire de l'ensemble... juifs contre chrétiens, juifs et chrétiens contre arabes, tout ce qui avait trait au monothéisme devant être agité, morcelé, fissuré, décomposé... Tout ce qui pouvait faire obstacle à un réglage scientifique, « libre », « épanoui », de la sexualité et de la reproduction en elle-même et pour elle-même, serait peu à peu réduit et gommé... A « opium du peuple », formule manifestement dépassée, succédait ainsi « poison de la femme », mot d'ordre dont on espérait un retentissement beaucoup plus profond et violent, d'autant plus que les « peuples » se mettaient maintenant de plus en plus souvent à se resservir de la religion abhorrée pour faire entendre leurs revendications...
    Philippe Sollers — Femmes
  83. Nous sommes faits de la même étoffe que les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil.
    Philippe Sollers — L'étoile des amants
  84. La passion doit être punie." - Ah oui ? Quel est le con qui a dit ça ?
    Philippe Sollers — Passion fixe
  85. Pourquoi les Anglo-saxons écrivent-ils des histoires, quand les Français se contentent souvent de romancer leur vie?
    Philippe Sollers — Trésor d'amour
  86. Céline au Panthéon ? On voit bien que la question ne se pose pas et ne se posera jamais . Il y a des écrivains qui font consensus (ce n’est pas pour ça qu’on les lit comme il doivent être lus) et d’autres qui seront toujours l’objet de polémique : Céline est évidemment de ceux-là. Ce n’est pas pour ça qu’on le lit vraiment. L’argument des détracteurs est connu : l’antisémitisme revendiqué de Céline. Il est indéniable et, bien sûr, insoutenable. Mais est-ce une raison pour ne pas lire ? A ce jour, à l’exception de Mea Culpa, les célèbres pamphlets — Bagatelle pour un massacre (1937), L’École des cadavres (1938), Les beaux draps 1941) — ne sont pas réédités [3]. Dans un récent article du N.O., Jacques Drillon rappelait ces mots de Philippe Muray : « Notre époque veut ignorer que l’Histoire était cette somme d’erreurs considérables qui s’appellent la vie, et se berce de l’illusion que l’on peut supprimer l’erreur sans supprimer la vie. » Drillon ajoutait : « Si l’on ne peut pas lire les pamphlets antisémites de Céline, on ne pourra pas démonter son antisémitisme, ni même démontrer que Céline était antisémite. Or il l’était. Donc, trompés, nous mentirons à notre tour. »
    Philippe Sollers
  87. La véritable pensée de l’Histoire ne sera reconnaissable qu’au petit nombre. HEIDEGGER
    Philippe Sollers — Complots
  88. Vous pensez sans doute que l’auteur exagère, vous allez me dire que personne n’a jamais vu des fleuves battre des mains, ni des montagnes crier de joie. Moi, si, mais je me garde bien de le dire. On me trouve assez fou comme ça. L’auteur est déchaîné, il veut que tout exulte et jubile. Il convoque des cors, des harpes, des cithares, des danseuses, des tambours, des cordes, des flûtes, des cymbales, bref « tout ce qui respire ». Qui a enregistré ces fêtes ? Tout n’a-t-il pas disparu ?
    Philippe Sollers — Mouvement
  89. On est tellement à contre courant qu'on ne sait plus où est le courant.
    Philippe Sollers — L'étoile des amants
  90. Les étoiles, les oiseaux, l'air, les mots : c'est notre voyage.
    Philippe Sollers — L'étoile des amants
  91. La beauté d'une femme désirée augmente, celle d'une femme non seulement désirée mais aimée rejaillit partout comme une apparition d'au-delà.
    Philippe Sollers — Médium
  92. On parle toujours trop, même en ne disant rien, le silence à deux est un art.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  93. La folie des enseignants et des enseignantes vous a renseigné,dès votre plus jeune age,sur le sadisme et la volonté de puissance qui habitent ces corps désertés.
    Philippe Sollers — Médium
  94. La fatigue fait grossir. Rien n'est plus fatigant que la connerie. A chaque bêtise endurée, dix particules de graisse.
    Philippe Sollers — Carnet de nuit
  95. Le nihiliste, à propos du génie : "Quel- que chose d'autre que lui vivait en lui, passait par lui, allait plus loin que lui, était très différent de lui", etc. Bref, sans cesse : lui n'était pas lui.
    Philippe Sollers — Carnet de nuit
  96. On travaille trois ans, en douce, à un roman, il vous a suivi partout, le jour, la nuit, en rêve. La fin s'annonce, les scènes et les dialogues d'adieu s'organisent, deux personnages doivent se rencontrer dans un restaurant et laisser leur aventure en suspens. Voici la dernière phrase. Elle va s'éloigner, rejoindre la première, là-bas. Un matin, très tôt, alors qu'il pleut violemment dehors, on boucle le manuscrit, et on sait que la seule chose à faire est d'en commencer aussitôt un autre. Le titre ? Trouvé. La première phrase ? Ça, c'est le plus dur, il faut la laisser venir et s'imposer d'elle-même. Le reste suivra.
    Philippe Sollers — Littérature et politique
  97. En tout cas, sale sexiste attardé, nous, on veut La Divine Comédie de Dante. Point. C'est le contrat.
    Philippe Sollers — Le coeur absolu
  98. D'une façon ou d'une autre, tout acte sexuel est une blessure irréparable. On porte atteinte au narcissisme de l'autre. On lui impose une identification qui ne peut que déboucher sur une lutte à mort. Toi ou moi, c'est ainsi, on ne peut pas être deux avec le sexe. Je veux dire dans le temps. Je veux dire constamment. Il n'y a précisément que les femmes qui pensent que c'est possible.
    Philippe Sollers — Femmes
  99. Qu’est-ce que la Beauté ? Une jeune et jolie femme subtile a répondu un jour : « la discrétion ». On l’approuve. Elle devait savoir de quoi elle parlait. Dora est belle. Cela veut dire que son corps est la manifestation d’un non-dit se connaissant comme tel. Ni grande ni petite, souple (gymnastique), brune, cheveux courts, yeux bleus, vous la voyez, vous ne remarquez rien d’extraordinaire, sauf, peut-être, un déplacement gracieux de réserve, un savoir-se-taire évident.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  100. Le matin, c'est encore sept bleus différents : celui, clair et profond, du ciel haut; le bleu-blanc plus chaud du ciel bas; le bleu-vert de la côte; le bleu cobalt océan central; le bleu turquoise océan latéral; le bleu-noir près des digues; le bleu renversé dans l'eau plus calme du lac. Et au moins une dizaine de verts : l'herbe ici et l'herbe là, pins parasols, lauriers, acacias, fusains, rosiers et lilas ... Et puis les plaques de soleil, inégales, variables, plus ou moins sensibles, on dirait, selon les parfums.
    Philippe Sollers — Le Lys d'or
  101. D'où il s'ensuit que mystère le plus mystérieux sera au moins égal à l'évidence la plus forte, au plus clair (mais c'est justement cette clarté qui paraît obscure), au plus logique, débordant l'esprit par l'excès. "La lecture de Poussin
    Philippe Sollers — L'Intermédiaire
  102. Est il supportable qu'un Titien croupisse chez des dégénérés qui ne le regardent même pas, qu'il y ait encore des Holbein, des Van Dyck dans des héritages.
    Philippe Sollers — La Fête à Venise
  103. l'art a toujours été hors la loi, il n'y a que les hors la loi pour le faire respecter à sa juste place.
    Philippe Sollers — La Fête à Venise
  104. On est en mai, il fait très beau, je suis avec Lisa à Athènes. La nuit, vers 3 h du matin, l’expérience se renouvelle. Mon corps n’est plus là, je plane au-dessus de lui, ça dure à peine trois secondes, mais j’ai tort de dire « secondes », puisque le temps a disparu. Plus de temps, plus d’espace, mais un drôle de lieu à faible lumière bleutée, juste à côté de Lisa qui dort sur cette planète. On en découvre tous les jours, des planètes, elles tournent autour de leurs étoiles, le problème étant de savoir si l’une ou l’autre est « habitable », c’est-à-dire comporte de l’eau, nécessaire pour produire la vie. Les humains, malgré leurs atrocités et leurs misères, ne renoncent pas à rencontrer leurs semblables à des années-lumière de leurs migrations terrestres. Il faut de l’eau, point. Je descends doucement, je me réincarne, je me lève avec précaution, je vais boire un verre d’eau.
    Philippe Sollers — Beauté
  105. Aujourd'hui, autre chose : pour une longue, très longue, période de temps, il est nécessaire de se taire ou de parler à voix basse, d'agir en sous-main, tout en étant apparemment bavard, superficiel, léger, désinvolte. Être pris pour un comédien par des comédiens est un plaisir. Combien de temps ? Impossible à dire. Laissons venir le présent, l'inutile : c'est urgent. D'ailleurs, on ne peut plus parler avec personne (sauf pour information -désinformation).
    Philippe Sollers — Une vie divine
  106. Faites l'expérience de vous dire sans cesse : j'étais là, je suis là, je serai toujours là, je suis avec moi jusqu'à la fin des temps, le ciel et la terre passeront, mais ma certitude ne passera pas. Le résultat est terrifiant ou comique. À moins de prendre tout ça à la légère, sur la pointe des pieds, de marcher sur l'eau, de voler. Regardez : j'ai l'air d'un boeuf mais je plane, je suis une mouette, un faucon, un héron. Ma vie est dans les fleurs, les marais, les vignes, les vagues. Je migre, je transmigre, je me réincarne au jugé. On m'enterre, je ressuscité ; on m'incinère, mes atomes persistent et se recomposent plus loin. Dans le monde humain, il m'arrive d'attendre longtemps avant de me reconnaître. J'ai des rêves, des attaques, des pressentiments, je fais des rencontres, je suis bien obligé d'admettre que je suis un autre, et soudain me revoilà,c'est plus fort que moi. Ici, il faut que je me parle doucement à mi-voix, comme quelqu'un qui a peur de réveiller des gens qui dorment et qu'il aime.
    Philippe Sollers — Une vie divine
  107. La domination d’une passion apporte plus de plaisir que sa réalisation.
    Philippe Sollers — Complots
  108. Pour vivre cachés, vivons heureux. On y est, au bout de la nuit, de l'autre côté des ombres. Rien à découvrir de plus perdu ni de plus absurde, de plus isolé pour rien en ce monde ou dans l'autre. Un pas de plus dans le désespoir, bien au fond, bien au bout, et tout se renverse : tu choisis l'espace, le temps ; ton espace, ton temps. Je dis la nuit, parce que écrire c'est tou- jours la nuit, « la nuit est aussi un soleil », « infracassable noyau de nuit », « soleil noir d'où rayonne la nuit », etc. La trace d'une ligne est la nuit.
    Philippe Sollers — Carnet de nuit
  109. Perdons nous un peu dans la forêt, jusqu'au fleuve surmonté de vignes. Rassemble ça en toi, avant de revenir dans les villes. Tu en auras besoin pour tenir le coup.
    Philippe Sollers — L'étoile des amants
  110. Le Diable aime les corps noués, les refus, les impasses, la mauvaise conscience, la colère, la frustration, la culpabilité.
    Philippe Sollers — L'étoile des amants
  111. La vie est un dimanche définitif, nos os sont revêtus d'un nouveau corps amoureux.
    Philippe Sollers — L'étoile des amants
  112. Le Diable a appris son catéchisme : chaque chose et chaque individu a son prix, tout doit pouvoir s'acheter ou se vendre.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  113. Entre dépenser du temps et le vivre, il y a un abîme.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  114. Il n'y a pas d'amour heureux, chacun ou chacune porte en soi l'image brisée de cette impossibilité, comme une déchirure, le cri étouffé d'un oiseau blessé.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  115. L'homme n'est pas un animal social, c'est un esprit errant, dont on ignore heureusement la nature.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  116. Citation 109
  117. Il faut écouter... Parler, écouter, écrire, tout ça est évidemment la même chose. Les tableaux s'écoutent aussi. Ils sont faits pour être vus mais plus encore pour être écoutés.
    Philippe Sollers — Entretien avec Carole Vantroys - Mars 1997
  118. Pour savoir où on en est avec quelqu'un, il suffit d'écouter de la musique ensemble. Le moindre désaccord nerveux vient faire taches dans les intervalles, mais si le son passe sans rencontrer personne, c'est le signe que tout va bien.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  119. Sera heureux celui ou celle pour qui tout est très important et, en même temps, sans aucune importance.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  120. Le sexe mène à la violence ou à la mélancolie.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  121. S'aimer n'importe où, célébrer le n'importe quand n'importe où, est le privilège des amants lucides.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  122. La vie est un songe, merci de l'avoir rêvée.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  123. L'amour est aveugle ? Quelle plaisanterie ! Dans un domaine où tout est regard !
    Philippe Sollers — Le Défi
  124. L'instant, rien d'autre, la notation pure et simple : une énorme liberté insoupçonnée est là.
    Philippe Sollers
  125. La fantaisie et la liberté d'imagination ne s'acquièrent pas comme ça, qu'il y faut du temps, de l'obstination, de la sévérité, de la rigueur, des mathématiques, de la raison.
    Philippe Sollers
  126. Le langage est notre corps et notre air, notre monde et notre pensée, notre perception et notre inconscient même.
    Philippe Sollers — Logique
  127. Citation 119
  128. A quoi bon raconter aux autres ce qu'ils ne vivent pas et ne sentent pas, puisqu'ils croiront qu'on ne l'a fait que pour les embêter ou les humilier ?
    Philippe Sollers — Passion fixe
  129. N'embêtez pas les humains avec vos idées, votre harcèlement social. Ils veulent simplement vivre, les humains, vivre le temps de vivre, et reproduire la vie pour se sentir vivre ou revivre, et vivre le plus longtemps possible, et même survivre.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  130. Toujours le Social. Le contrat social, le sens social, l'avenir social, la souffrance sociale, le spectre social. Cette croyance à la Société est quand même la plus étrange qui ait jamais existé.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  131. Le tournant peut surgir de façon subite. Une force fait signe, un soutien survient, une alliance qu'on n'attendait plus se décide, rien n'est fatal ni définitif.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  132. Les liaisons ennuyeuses ou tragiques sont des erreurs de peau, de squelette, de parfum, de voix.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  133. Qui comprend la réalité suprême ne regarde personne comme important ou insignifiant, car il reconnaît que toutes les âmes sont le suprême absolu.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  134. La culpabilité est une usine de fausse monnaie. Les réussites sont rares, mais moins qu'on ne dit.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  135. La vérité n'est pas le sol stable, mais le mouvement sans trêve qui détruit tout ce que tu es et tout ce que tu vois.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  136. Tous les amoureux ont douze ans, d'où la fureur des adultes.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  137. Les affaires de désir ont lieu dans le nez : buée, fumée, rosée, ondes, particules, répulsions ou attractions invisibles, odeurs en creux et limaille en l'air.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  138. Citation 129
  139. Lucidité, superficialité, vénalité : toutes les qualités pour bien coller à la réalité.
    Philippe Sollers — Femmes
  140. Gabriel Matzneff est un homme de l’Antiquité qui vit parmi nous avec un certain nombre de masques.
    Philippe Sollers — Figaro Littéraire, 5 février 2015
  141. L'écriture est la continuation de la politique par d'autres moyens.
    Philippe Sollers — Théorie d'ensemble, écriture et révolution
  142. Les hommes demanderont de plus en plus aux machines de leur faire oublier les machines.
    Philippe Sollers — Logiques
  143. La résistance est individuelle, elle ne se réfère à aucun programme.
    Philippe Sollers — Entretien avec Carole Vantroys - Mars 1997
  144. Ce n'est pas la peine de dissimuler : les jugements de nez sont toujours réciproques.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  145. Le coup d'oeil est souvent trompeur, pas le coup de nez.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  146. Les choses et les phénomènes se transforment, passent à leurs opposés, reviennent changés, mais ce qui fait que les choses sont les choses n'est pas une chose et reste fixe.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  147. Le crime est doux, souple, insidieux, curieux, il ne se satisfait de rien, il veut aller plus loin, savoir davantage.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  148. Les gens rient sournoisement de l'amour, ils en rêvent, ils disent le contraire, ils en ont peur, ils rôdent autour.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  149. Citation 139
  150. Les obsédés de la mort sont les ratés de l'amour physique.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  151. Qui aurait trouvé le secret de se réjouir du bien, sans se fâcher du mal contraire, aurait trouvé le point : c'est le mouvement perpétuel.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  152. Tous les hommes, femmes comprises, naissent prisonniers et inégaux, ce que le droit doit essayer de corriger dans la mesure du possible.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  153. La maladie de l’adolescence est de ne pas savoir ce que l’on veut et de le vouloir cependant à tout prix.
    Philippe Sollers — Le Défi
  154. L'amour est possible entre les mortels. La guerre des sexes est une illusion sociale imposée. Nous sommes en guerre, oui, mais contre ce pouvoir de destruction et de haine.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  155. Beaucoup de pourquoi au malheur, pas de pourquoi au bonheur.
    Philippe Sollers — Passion fixe
  156. Un homme et une femme qui s'aiment sont les plus grands pervers de la terre, les éléments les plus asociaux qu'on puisse rêver.
    Philippe Sollers — Passion fixe
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