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Citations sur le mais - Page 3
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Je vous dois des remerciements, Monsieur, pour votre pâté de perdrix, mais Mme Denis et les dames qui passent l’hiver avec nous, vous en doivent bien davantage, car elles s’en sont crevées, et il ne m’est pas permis d’en manger. Je suis réduit en tout genre à n’être que témoin du plaisir de mon prochain.
Voltaire — Correspondance -
Voilà. Ces personnages vont vous jouer l’histoire d’Antigone. Antigone, c’est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu’elle va être Antigone tout à l’heure, qu’elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu’elle va mourir, qu’elle est jeune et qu’elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n’y a rien à faire. Elle s’appelle Antigone et il va falloir qu’elle joue son rôle jusqu’au bout… Et, depuis que ce rideau s’est levé, elle sent qu’elle s’éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n’avons pas à mourir ce soir.Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle, l’heureuse Ismène, c’est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d’Antigone. Tout le portait vers Ismène : son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus belle qu’Antigone ; et puis un soir, un soir de bal où il n’avait dansé qu’avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et il lui a demandé d’être sa femme. Personne n’a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit « oui » avec un petit sourire triste… L’orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d’Antigone. Il ne savait pas qu’il ne devait jamais exister de mari d’Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir.Cet homme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c’est Créon. C’est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps d’Œdipe, quand il n’était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais Œdipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches, et il a pris leur place.Quelquefois, le soir, il est fatigué, et il se demande s’il n’est pas vain de conduire les hommes. Si cela n’est pas un office sordide qu’on doit laisser à d’autres, plus frustes… Et puis, au matin, des problèmes précis se posent, qu’il faut résoudre, et il se lève, tranquille, comme un ouvrier au seuil de sa journée.La vieille dame qui tricote, à côté de la nourrice qui a élevé les deux petites, c’est Eurydice, la femme de Créon. Elle tricotera pendant toute la tragédie jusqu’à ce que son tour vienne de se lever et de mourir. Elle est bonne, digne, aimante. Elle ne lui est d’aucun secours. Créon est seul. Seul avec son petit page qui est trop petit et qui ne peut rien non plus pour lui.Ce garçon pâle, là-bas, au fond, qui rêve adossé au mur, solitaire, c’est le Messager. C’est lui qui viendra annoncer la mort d’Hémon tout à l’heure. C’est pour cela qu’il n’a pas envie de bavarder ni de se mêler aux autres. Il sait déjà…Enfin les trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes, leurs chapeaux sur la nuque, ce sont les gardes. Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l’heure. Ils sentent l’ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et toujours satisfaits d’eux-mêmes, de la justice. Pour le moment, jusqu’à ce qu’un nouveau chef de Thèbes dûment mandaté leur ordonne de l’arrêter à son tour, ce sont les auxiliaires de la justice de Créon.Et maintenant que vous les connaissez tous, ils vont pouvoir vous jouer leur histoire. Elle commence au moment où les deux fils d’Œdipe, Étéocle et Polynice, qui devaient régner sur Thèbes un an chacun à tour de rôle, se sont battus et entre-tués sous les murs de la ville, Étéocle l’aîné, au terme de la première année de pouvoir, ayant refusé de céder la place à son frère. Sept grands princes étrangers que Polynice avait gagnés à sa cause ont été défaits devant les sept portes de Thèbes. Maintenant la ville est sauvée, les deux frères ennemis sont morts et Créon, le roi, a ordonné qu’à Étéocle, le bon frère, il serait fait d’imposantes funérailles, mais que Polynice, le vaurien, le révolté, le voyou, serait laissé sans pleurs et sans sépulture, la proie des corbeaux et des chacals… Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort.Pendant que le Prologue parlait, les personnages sont sortis un à un. Le Prologue disparaît aussi. L’éclairage s’est modifié sur la scène. C’est maintenant une aube grise et livide dans une maison qui dort. Antigone entr’ouvre la porte et rentre de l’extérieur sur la pointe de ses pieds nus, ses souliers à la main. Elle reste un instant immobile à écouter. La nourrice surgit.
Jean Anouilh — Antigone -
Mes démarches impliquaient une certitude d’avenir que je n’avais pas mais, le temps pressant, je fis violence aux craintes superstitieuses qui, toute ma vie, m’avaient retenu de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.
Roger Martin — Patron de droit divin… -
Je ne me suis même jamais senti tellement vivant et tellement batailleur qu’en ce moment. Il se peut que ma situation soit redressée et même devienne brillante avant l’automne ; mais la vie m’a appris à ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.
Roger Vailland — Lettres à sa famille -
« Je suis un partisan du dialogue (…) Depuis de nombreuses années, j’entends toujours les mêmes requêtes. Nous avons donné droit à certaines, nous travaillons sur d’autres. Mais certaines revendications me paraissent disproportionnées », estime-t-il, citant pour exemple la volonté des syndicats d’obtenir un SMIC à 2.250 euros bruts à Monaco, contre 1.946,88 euros bruts actuellement.
nice-matin — Le SMIC à 2.250 euros bruts à Monaco? C’est non pour le gouvernement princier -
Dans la salle d’attente du Centre de Réforme, où ils attendent de passer la visite, deux cents Français moyens, anciens combattants, ni bourgeois, ni peuple, mais de cette classe intermédiaire qui fait la France, avec leur génie français d’être ficelés comme l’as de pique, et leurs visages blêmes, ah, ma foi, pas beaux, de Parisiens.
Henry de Montherlant — Les jeunes filles -
On cherchait simplement à se maintenir, troupeau sans ambition. Des exceptions, il y en avait, Leguet, la bosseuse à mort, une des rares dont on est sûre qu’elle ira loin, mais pas question de l’admirer, quelle touche, renfrognée, habillée comme l’as de pique, son intelligence ne suscite aucune envie, on la plaindrait plutôt à cause du reste.
Annie Ernaux — La femme gelée -
Nos danses dans les rues et dans des bastringues, elles-mêmes quasi désuètes, en ont à leur manière pris la suite, mais désacralisées, sauf peut-être pour quelques lampées de patriotisme, motivées seulement dans la conscience claire des danseurs par quelques images d’Épinal de notre histoire.
Marguerite Yourcenar — Le Temps -
Lorsque je fus rentré au pays, j’estimai de mon devoir de me rendre aussitôt dans la ville d’Alberto afin de rapporter à sa mère et à son frère tout ce que je savais. Je fus accueilli avec courtoisie et cordialité, mais dès que j’eus commencé mon récit la mère me pria de l’interrompre, elle savait déjà tout, au moins en ce qui concernait Alberto, et il était inutile que je lui répète les sempiternelles et épouvantables histoires.
Marcel Proust — À la recherche du temps perdu -
Cependant, les fortes chaleurs étaient venues. Une après-midi de juin, un samedi que l’ouvrage pressait, Gervaise avait elle-même bourré de coke la mécanique, autour de laquelle dix fers chauffaient, dans le ronflement du tuyau. […] On avait laissé ouverte la porte de la rue, mais pas un souffle de vent ne venait ; les pièces qui séchaient en l’air, pendues aux fils de laiton, fumaient, étaient raides comme des copeaux en moins de trois quarts d’heure.
Emile Zola — L’Assommoir -
Tu m’en veux de ne pas plaindre ce garçon ? Mais, Fani, les souffrances d’un amoureux ne sont qu’un miroir aux alouettes, une des éternelles tactiques de la séduction, et la moins noble. Je ne dis pas qu’elles soient feintes, je dis seulement qu’un homme qui ne sait pas les dissimuler n’est pas digne d’être plaint.
Zoé Oldenbourg — Réveillés de la vie -
Car, on avait bien vu dernièrement un lieutenant de louveterie (il était venu avec l’ingénieur des mines de La Mûre et un chocolatier de Grenoble, soi-disant pour une battue aux sangliers qui s’était transformée finalement en partie de miroir aux alouettes suivie d’un dîner de garçon) mais on n’avait jamais vu de commandant.
Jean Giono — Un roi sans divertissement -
Quelle heure est-il ? Je regardai ma montre Six heures. Mais n’essaie pas de noyer le poisson. Je t’ai dit que j’allais t’expliquer mais je veux d’abord voir les infos.
Sylvie Granotier — Sueurs chaudes -
Deux jours après, étant allé voir Elstir, il me dit la sympathie très grande qu’Andrée avait pour moi comme je lui répondais « Mais c’est moi qui ai eu beaucoup de sympathie pour elle dès le premier jour, je lui avais demandé à la revoir le lendemain, mais elle ne pouvait pas. Oui, je sais, elle me l’a raconté, me dit Elstir, elle l’a assez regretté, mais elle avait accepté un pique-nique à dix lieues d’ici où elle devait aller en break et elle ne pouvait plus se décommander. »
Marcel Proust — À l’ombre des jeunes filles en fleurs -
« Oui, j’allais à des tas de pique-niques autrefois, dit-il, mais j’ suis pas allé à un seul depuis bien longtemps. Comment, mais vous étiez avec nous ce matin s’écria Dulcie toute surprise. Vous ne vous rappelez pas? Vous avez mangé de la tarte aux pommes et une glace. »
William Faulkner — L’Arbre aux souhaits -
J’ai fait un voyage sur le plus beau bateau qui ait jamais été construit ; particularité étrange, à bord de ce transatlantique, passagers et hommes d’équipage étaient à cheval !Le capitaine, cavalier émérite, montait un pur-sang de courses, il portait un costume de chasse et sonnait du cor pour diriger la manœuvre, quant à moi, ayant horreur de l’équitation, j’avais pu obtenir de passer mes journées sur le cheval de bois de la salle de gymnastique. Nous débarquâmes sur une terre nouvelle où les chevaux étaient inconnus ; les indigènes prirent pour un animal à deux têtes les passagers montés de notre navire, ils n’osèrent s’en approcher en proie à la terreur ; moi seul, reconnu semblable à ces êtres primitifs, je fus fait prisonnier par eux. C’est de la prison ou l’on m’enferma que j’écrivis les lignes qui vont suivre. Cette prison était une île absolument déserte le jour, mais la nuit, les habitants d’une grande ville continentale ou le mariage et l’union libre étaient également défendus, s’y donnaient rendez-vous pour faire d’amour, j’ai pù ainsi rapporter de mon exil la plus splendide collection de peignes de femmes qui soit au monde, depuis le triste celluloïd jusqu’à l’écaille la plus transparente, couverte de pierres précieuses. J’ai offert cette collection à l’un de mes oncles, conchyliologiste distingué, chez lequel elle fait pendant à une vitrine de coquillages indiens.
Francis Picabia — Jésus-Christ Rastaquouère -
Ce soir, nous sommes deux devant ce fleuve qui déborde de notre désespoir. Nous ne pouvons même plus penser. Les paroles s’échappent de nos bouches tordues, et, lorsque nous rions, les passants se retournent, effrayés, et rentrent chez eux précipitamment.On ne sait pas nous mépriser.« Nous pensons aux lueurs des bars, aux bals grotesques dans ces maisons en ruines où nous laissions le jour. Mais rien n’est plus désolant que cette lumière qui coule doucement sur les toits à cinq heures du matin. Les rues s’écartent silencieusement et les boulevards s’animent: un promeneur attardé sourit près de nous. Il n’a pas vu nos yeux pleins de vertiges et il passe doucement. Ce sont les bruits des voitures de laitiers qui font s’envoler notre torpeur et les oiseaux montent au ciel chercher une divine nourriture.Aujourd’hui encore( mais quand donc finira cette vie limitée) nous irons retrouver les amis, et nous boirons les mêmes vins. On nous verra encore aux terrasses des cafés.Il est loin, celui qui sait nous rendre cette gaieté bondissante. Il laisse s’écouler les jours poudreux et il n’écoute plus ce que nous disons. » Est-ce que vous avez oublié nos voix enveloppées d’affections et nos gestes merveilleux? Les animaux des pays libres et des mers délaissées ne vous tourmentent-ils plus? Je vois encore ces luttes et ces outrages rouges qui nous étranglaient. Mon cher ami, pourquoi ne voulez-vous plus rien dire de vos souvenirs étanches? L’air dont hier encore nous gonflions nos poumons devient irrespirable. Il n’y a plus qu’à regarder droit devant soi, ou à fermer les yeux: si nous tournions la tête, le vertige ramperait jusqu’à nous.Itinéraires interrompus et tous les voyages terminés, est-ce que vraiment nous pouvons les avouer ? Les paysages abondants nous ont laisser un goût amer sur les lèvres. Notre prison est construite en livres aimés, mais nous ne pouvons plus nous évader, à cause de toutes ces odeurs passionnés qui nous endorment.
André Breton et Philippe Soupault — Les Champs magnétiques -
Comment obtenir la béatitude ? En disant Dada. Comment devenir célèbre ? En disant Dada. D’un geste noble et avec des manières raffinées. Jusqu’à la folie. Jusqu’à l’évanouissement. Comment en finir avec tout ce qui est journalisticaille, anguille, tout ce qui est gentil et propret, borné, vermoulu de morale, européanisé, énervé ? En disant Dada. Dada c’est l’âme du monde, Dada c’est le grand truc. Dada c’est le meilleur savon au lait de lys du monde. Dada Monsieur Rubiner, Dada Monsieur Korrodi, Dada Monsieur Anastasius Lilienstein. Cela veut dire en allemand : l’hospitalité de la Suisse est infiniment appréciable. Et en esthétique, ce qui compte, c’est la qualité. Je lis des vers qui n’ont d’autre but que de renoncer au langage conventionnel, de s’en défaire. Dada Johann Fuchsgang Goethe. Dada Stendhal, Dada Dalaï-lama, Bouddha, Bible et Nietzsche. Dada m’Dada. Dada mhm Dada da. Ce qui importe, c’est la liaison et que, tout d’abord, elle soit quelque peu interrompue.Je ne veux pas de mots inventés par quelqu’un d’autre. Tous les mots ont été inventés par les autres. Je revendique mes propres bêtises, mon propre rythme et des voyelles et des consonnes qui vont avec, qui y correspondent, qui soient les miens. Si une vibration mesure sept aunes, je veux, bien entendu, des mots qui mesurent sept aunes. Les mots de Monsieur Dupont ne mesurent que deux centimètres et demi. On voit alors parfaitement bien comment se produit le langage articulé. Je laisse galipetter les voyelles, je laisse tout simplement tomber les sons, à peu près comme miaule un chat… Des mots surgissent, des épaules de mots, des jambes, des bras, des mains de mots. AU. OI. U. Il ne faut pas laisser venir trop de mots. Un vers c’est l’occasion de se défaire de toute la saleté. Je voulais laisser tomber le langage lui-même, ce sacré langage, tout souillé, comme les pièces de monnaie usées par des marchands. Je veux le mot là où il s’arrête et là où il commence. Dada, c’est le coeur des mots. Toute chose a son mot, mais le mot est devenu une chose en soi. Pourquoi ne le trouverais-je pas, moi ? Pourquoi l’arbre ne pourrait-il pas s’appeler Plouplouche et Plouploubache quand il a plu ? Le mot, le mot, le mot à l’extérieur de votre sphère, de votre air méphitique, de cette ridicule impuissance, de votre sidérante satisfaction de vous-mêmes. Loin de tout ce radotage répétitif, de votre évidente stupidité.Le mot, messieurs, le mot est une affaire publique de tout premier ordre.
Hugo Ball — Manifeste littéraire -
« Tu la payes en nature ? » dit-il. Ça me gêne de dire oui, mais je dis oui si ça peut le rassurer. Non, la chose m’intéresse en tant que spectacle d’art. Il me répond qu’il ne joue pas pour son plaisir, ni pour le plaisir des autres.
Jean Giono — Œuvres romanesques complètes -
Je dois m’attendre à tout – ayant été l’homme le plus haï et le plus adoré du XVIIIe siècle !… Avec de la gaieté – et même de la bonhomie, j’ai eu des ennemis sans nombre – et n’ai pourtant croisé la route de personne. Or, j’ai trouvé la cause de tant d’inimitiés. Dès ma folle jeunesse, j’ai joué de tous les instruments, mais je n’appartenais à aucun corps de musiciens – les musiciens m’ont détesté. J’ai inventé quelques bonnes machines, mais je n’étais pas du corps des mécaniciens – et l’on a dit du mal de moi. Je faisais des vers et des chansons, mais qui m’eût reconnu pour poète ? – j’étais le fils d’un horloger ! N’aimant pas le jeu de loto, j’ai fait des pièces de théâtre, mais on disait : “De quoi se mêle-t-il ? Ce n’est pas un auteur, car il fait d’immenses affaires”. Faute de rencontrer qui voulût me défendre, j’ai imprimé de grands mémoires pour gagner des procès qu’on m’avait intentés. Les avocats se sont écriés : “Peut-on souffrir qu’un pareil homme prouve sans nous qu’il a raison !” J’ai traité avec les ministres de grands points de réformation dont nos finances avaient besoin, mais l’on disait encore : “De quoi se mêle-t-il, puisqu’il n’est point financier ?” Luttant contre tous les pouvoirs, j’ai relevé l’art de l’imprimerie française par les superbes éditions de Voltaire – mais je n’étais pas imprimeur et j’ai eu tous les marchands pour adversaires. J’ai fait le haut commerce dans les quatre parties du monde – mais je ne m’étais point déclaré négociant. J’ai eu quarante navires à la fois sur la mer – mais, n’étant pas un armateur, on m’a dénigré dans nos ports. Un vaisseau de guerre à moi de cinquante-deux canons a eu l’honneur de combattre en ligne avec ceux de Sa Majesté, mais regardé comme un intrus, j’y ai gagné de perdre ma flottille ! De tous les Français, quels qu’ils soient, je suis celui qui a fait le plus pour la liberté de l’Amérique – mais je n’étais point classé parmi les négociateurs…
Sacha Guitry — Beaumarchais -
Dès ce jour, elle fut non pas la bien-aimée, mais la plus aimée ; elle ne fut pas dans mon cœur comme une femme qui veut une place, qui s’y grave par le dévouement ou par l’excès du plaisir ; non, elle eut tout le cœur, et fut quelque chose de nécessaire au jeu des muscles ; elle devint ce qu’était la Béatrix du poète florentin, la Laure sans tache du poète vénitien, la mère des grandes pensées, la cause inconnue des résolutions qui sauvent, le soutien de l’avenir, la lumière qui brille dans l’obscurité comme le lys dans les feuillages sombres.
Honoré de Balzac — Le lys dans la vallée -
Des trois ou quatre lettres que je fis, il m’est resté ce commencement dont je ne fus pas content ; mais s’il me parut ne rien exprimer, ou trop parler de moi quand je ne devais m’occuper que d’elle, il vous dira dans quel état était mon âme.
Honoré de Balzac — Le lys dans la vallée -
Pour nous, les acteurs, vous êtes un vrai mystère. Souvent, j’ai demandé à Alain Séguret s’il était possible de vous rencontrer, mais il vous décrit comme des gens assez peu liants, enfermés dans leur tour d’ivoire.
Tonino Benacquista — Saga -
Et maintenant ? Où et quand trouverai-je le temps d’essayer de me voir. On veut me faire croire que pour penser un peu il n’est pas besoin d’une tour d’ivoire. Sans doute, mais elle est bien utile…
Raymond Dumay — Mon plus calme visage -
Mais comme chaque chose a sa raison, et que la fantaisie d’un individu me paraît tout aussi légitime que l’appétit d’un million d’hommes et qu’elle peut tenir autant de place dans le monde, il faut, abstraction faite des choses, et indépendamment de l’humanité qui nous renie, vivre pour sa vocation, monter dans sa tour d’ivoire et là, comme une bayadère dans ses parfums, rester, seul, dans nos rêves
Gustave Flaubert — Correspondance -
Hugo puissant et fort, Vigny soigneux et fin,D’un destin inégal, mais aucun d’eux en vain,Tentaient le grand succès et disputaient l’empire.Lamartine régna ; chantre ailé qui soupire,Il planait sans effort. Hugo, dur partisan(Comme chez Dante on voit, Florentin ou Pisan,Un baron féodal), combattit sous l’armure,Et tint haut sa bannière au milieu du murmure :Il la maintient encore ; et Vigny, plus secret,Comme en sa tour d’ivoire, avant midi, rentrait.
Charles-Augustin Sainte-Beuve — Pensée d’Août -
Ce conflit, à quelques rares exceptions près, chaque homme, chaque femme qui aime longtemps, le porte en soi. Il est perçu ou non, il déchire ou il sommeille, mais il existe.
Joseph Kessel — Belle de Jour -
On le perçoit mais il est difficile de le localiser. Ce qu’on voit n’en est jamais que l’effet. En soi, le sourire se dérobe toujours
Patrick Drevet — Le Sourire -
Elle dit : « Je pourrais m’en tirer avec un tout petit mensonge, mais je préfère toujours à un mensonge une vérité déguisée. Je vous avouerai donc que j’espère de tout mon coeur, comme probablement je n’ai rien espéré dans ma vie, qu’à Saintes du moins, vous allez faire chou blanc. »
Sébastien Japrisot — Un long dimanche de fiançailles -
Or donc, voulut savoir Dupin, l’on a vingt fois soumis la maison du filou à l’inquisition ? Oui, admit Didot, mais l’on fit chou blanc à tous coups
Georges Perec — La disparition -
« Dis-moi ton vœu, Neal. » J’ai hésité. Puis j’ai essayé d’inventer quelque chose, mais j’étais si heureux que j’ai fait chou blanc.
Charles D’Ambrosio — Le cap -
Mais voilà que le photographe se retrouve au centre, que le petit oiseau déchire le drap. Il nous offre son texte intérieur, brut de décoffrage, et prévient « qu’il néglige depuis quelque temps volontairement, c’est-à-dire instinctivement, ce qu’on appelle l’élégance de style et de pensée, afin de la préserver, car toute finesse s’émousse rapidement ».
Marie-Louise Audiberti — Le Vagabond immobile -
Je vais prouver à Dieu l’existence de l’homme. Bingo. Voilà la solution. Que Joseph téléphone à cousin Razon et la rédac est faite. Cousin Samuel est le meilleur répondeur de la famille. Ses réponses écrasent toutes les réponses. Il arrive même que son silence rende les questions inutiles. Bien sûr, Joseph ne va pas lui fourguer le sujet de la rédac brut de décoffrage, mais, en l’interrogeant habilement.
Daniel Pennac — Messieurs les enfants -
Je lui disais que vous êtes un garçon sensible, un mélomane hors pair, un artiste. Merci, merci, Henri. C’est exact, mais je déteste les grands mots !
Patrick Modiano — La ronde de nuit -
Je ne suis pas un prophète, mais il arrive que je voie ce que les autres voient comme moi, mais ne veulent pas voir.
Georges Bernanos — La liberté -
Mais un chien, caniche ou saint-bernard, peu importe la taille, mais des poils, des puces, des tiques, voilà justement ce que n’entend pas tolérer notre infirmière-chef sans livrer un baroud d’honneur, dont ma sérénité pourrait bien faire les frais.
Bruno Krebs — La Mer du Japon -
Mais comment aurait-il appris le détail secret de l’affaire, que personne n’avait eu intérêt à ébruiter ? Elle en aurait le cœur net, et beaucoup plus vite que pour l’armoire qu’elle n’avait finalement obtenue qu’à l’issue de laborieuses et fratricides tractations.
Camille Laurens — Index -
Quant à A. Dumas, tout le monde sait sa verve prodigieuse, son entrain facile, son bonheur de mise en scène, son dialogue spirituel et toujours en mouvement, ce récit léger qui court sans cesse, et qui sait enlever l’obstacle et l’espace sans jamais faillir. Il couvre d’immenses toiles sans fatiguer jamais ni son pinceau ni son lecteur. Il est amusant. Il embrasse, mais il n’étreint pas comme Balzac. Des trois derniers, Balzac est celui qui étreint et qui creuse le plus.
Sainte-Beuve — Causeries du Lundi -
Mais très certainement. Mon père était un mulâtre, mon grand-père était un nègre et mon arrière-grand-père était un singe. Vous voyez, Monsieur : ma famille commence où la vôtre finit.
Daniel Zimmermann — Alexandre Dumas le grand -
Ils sont pour toujours hors d’état de nuire. Mais tu dois absolument savoir te défendre. Il faut apprendre à les reconnaître, il faut les suivre à la trace.
Nathalie Sarraute — « Disent les imbéciles »