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Citations sur la fois - Page 5
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Je ne sais pas très bien, parce que les jeunes filles ça ne sait pas ce que ça veut, ça doit être pour ça, ça veut tout et rien, les choses et leur contraire à la fois.
Marguerite Duras — Les petits chevaux de Tarquinia -
Alors, Zarazoff, je lui ai dit que la prochaine fois et caetera, et comme il y avait des témoins et que je n'étais pas très populaire dans le quartier, parce que ma mère m'envoyait casser la gueule à untel ou untel qui l'avait « offensée ».
Romain Gary — La nuit sera calme -
Je m’y soumettrai sans doute, il vaut mieux mourir que de vivre coupable. Déjà, je le sens, je ne le suis que trop ; je n’ai sauvé que ma sagesse, la vertu s’est évanouie. Faut-il vous l’avouer, ce qui me reste encore je le dois à sa générosité. Enivrée du plaisir de le voir, de l’entendre, de la douceur de le sentir auprès de moi, du bonheur plus grand de pouvoir faire le sien, j’étais sans puissance et sans force ; à peine m’en restait-il pour combattre, je n’en avais plus pour résister ; je frémissais de mon danger sans pouvoir le fuir. Eh bien ! il a vu ma peine et a eu pitié de moi. Comment ne le chérirais-je pas ? je lui dois bien plus que la vie.Ah ! si en restant auprès de lui je n’avais à trembler que pour elle, ne croyez pas que jamais je consentisse à m’éloigner. Que m’est-elle sans lui ? ne serais-je pas trop heureuse de la perdre ? Condamnée à faire éternellement son malheur et le mien ; à n’oser ni me plaindre, ni le consoler ; à me défendre chaque jour contre lui, contre moi-même ; à mettre mes soins à causer sa peine, quand je voudrais les consacrer tous à son bonheur : vivre ainsi n’est-ce pas mourir mille fois ? voilà pourtant quel va être mon sort. Je le supporterai cependant, j’en aurai le courage. Oh ! vous, que je choisis pour ma mère, recevez-en le serment !
Pierre Choderlos de Laclos — Les Liaisons dangereuses -
Ils s'aimeront toujours.Au moment que je parle, ah ! mortelle pensée !Ils bravent la fureur d'une amante insensée.Malgré ce même exil qui va les écarter,Ils font mille serments de ne se point quitter.Non, je ne puis souffrir un bonheur qui m'outrage,Œnone. Prends pitié de ma jalouse rage.Il faut perdre Aricie. Il faut de mon épouxContre un sang odieux réveiller les courroux.Qu'il ne se borne pas à des peines légères :Le crime de la sœur passe celui des frères.Dans mes jaloux transports je le veux implorer.Que fais-je ? Où ma raison va-t-elle s'égarer ?Moi jalouse ! Et Thésée est celui que j'implore !Mon époux est vivant, et moi je brûle encore !Pour qui ? Quel est le cœur où prétendent mes vœux ?Chaque mot sur mon front fait dresser mes cheveux.Mes crimes désormais ont comblé la mesure.Je respire à la fois l'inceste et l'imposture.Mes homicides mains, promptes à me venger,Dans le sang innocent brûlent de se plonger.
Jean Racine — Phèdre -
Chère Isabelle, chère Ghislaine, mille mercis de m'avoir fait une nouvelle fois confiance dans l'écriture de ce livre... Chère Marie, mille mercis pour votre vigilance, vos précieux conseils et votre sympathie...
Élise Delprat — Range ta vie ! -
Il en était question depuis notre départ de Paris et c'est le général de Castelnau qui en prononça officiellement le nom pour la première fois, juché comme un oracle de mauvais augure sur son tas de cailloux.
Blaise Cendrars — La main coupée -
Je suis allé à la salle de bains, je suis allé à la cuisine, j'ai fait encore trois fois le tour du séjour et je me suis rappelé que je lui devais deux leçons, six mille forints.
Chico Buarque — Budapest -
Ces manières glacées étaient aussi loin des lettres charmantes que je l’imaginais encore il y a quelques jours, m’écrivant pour me dire sa sympathie, qu’est loin de l’enthousiasme de la Chambre et du peuple qu’il s’est représenté en train de soulever par un discours inoubliable, la situation médiocre, obscure, de l’imaginatif qui après avoir ainsi rêvassé tout seul, pour son compte, à haute voix, se retrouve, les acclamations imaginaires une fois apaisées, Gros-Jean comme devant.
Proust — À la recherche du temps perdu -
PYRRHUS.Madame, demeurez.On peut vous rendre encor ce fils que vous pleurez.Oui, je sens à regret qu’en excitant vos larmes,Je ne fais contre moi que vous donner des armes ;Je croyais apporter plus de haine en ces lieux.Mais, madame, du moins, tournez vers moi les yeux :Voyez si mes regards sont d’un juge sévère,S’ils sont d’un ennemi qui cherche à vous déplaire.Pourquoi me forcez-vous vous-même à vous trahir ?Au nom de votre fils, cessons de nous haïr.À le sauver enfin c’est moi qui vous convie.Faut-il que mes soupirs vous demandent sa vie ?Faut-il qu’en sa faveur j’embrasse vos genoux ?Pour la dernière fois, sauvez-le, sauvez-vous.Je sais de quels serments je romps pour vous les chaînes ;Combien je vais sur moi faire éclater de haines.Je renvoie Hermione, et je mets sur son front,Au lieu de ma couronne, un éternel affront ;Je vous conduis au temple où son hymen s’apprête ;Je vous ceins du bandeau préparé pour sa tête.Mais ce n’est plus, madame, une offre à dédaigner ;Je vous le dis : il faut ou périr, ou régner.Mon cœur, désespéré d’un an d’ingratitude,Ne peut plus de son sort souffrir l’incertitude.C’est craindre, menacer, et gémir trop longtemps.Je meurs si je vous perds ; mais je meurs si j’attends.Songez-y : je vous laisse, et je viendrai vous prendrePour vous mener au temple où ce fils doit m’attendre ;Et là vous me verrez, soumis ou furieux,Vous couronner, madame, ou le perdre à vos yeux.
Racine — Andromaque -
Mon tonneau des Danaïdes ne cessait de se remplir de chiffres que mon cerveau percé laissait fuir. J’étais le Sisyphe de la comptabilité et, tel le héros mythique, je ne me désespérais jamais, je recommençais les opérations inexorables pour la centième fois, la millième fois.
Amélie Nothomb — Stupeur et tremblements. -
Tout se passe comme si la satisfaction une fois pour toutes obtenue, l'arrachement subi jusque dans ses viscères, l'aurevoir contraint fait à Kiyoaki en présence de parents mondains jusqu'au bout, avaient consommé une totale rupture.
Marguerite Yourcenar — Essais et mémoires -
Tu peux me remercier de me rappeler à chaque fois ta figure. Voilà donc revenues ces discussions alexandrines qu’il fallait soutenir autrefois, quand j’avais dans le cœur des envies simples et vulgaires, comme de lui dire que je l’aimais, de la prendre dans mes bras.
Jean-Paul Sartre — La Nausée -
Je connus donc pour la première fois le plaisir, étrange pour un enfant, mais vivement senti par moi, de me trouver seule, et, loin d’en être contrariée ou effrayée, j’avais comme du regret en voyant revenir la voiture de ma mère. Il faut que j’aie été bien impressionnée par mes propres contemplations, car je me les rappelle avec une grande netteté, tandis que j’ai oublié mille circonstances extérieures probablement beaucoup plus intéressantes.Dans celles que j’ai rapportées, les souvenirs de ma mère ont entretenu ma mémoire ; mais dans ce que je vais dire je ne puis être aidée de personne.Aussitôt que je me voyais seule dans ce grand appartement que je pouvais parcourir librement, je me mettais devant la psyché et j’y essayais des poses de théâtre ; puis je prenais mon lapin blanc et je voulais le contraindre à en faire autant ; ou bien je faisais le simulacre de l’offrir en sacrifice aux dieux, sur un tabouret qui me servait d’autel. Je ne sais pas où j’avais vu, soit sur la scène, soit dans une gravure quelque chose de semblable. Je me drapais dans ma mantille pour faire la prêtresse, et je suivais tous mes mouvemens. On pense bien que je n’avais pas le moindre sentiment de coquetterie : mon plaisir venait de ce que, voyant ma personne et celle du lapin dans la glace, j’arrivais, avec l’émotion du jeu, à me persuader que je jouais une scène à quatre, soit deux petites filles et deux lapins. Alors le lapin et moi nous adressions, en pantomime, des saluts, des menaces, des prières, aux personnages de la psyché. Nous dansions le bolero avec eux, car, après les danses du théâtre, les danses espagnoles m’avaient charmée, et j’en singeais les poses et les grâces avec la facilité qu’ont les enfans à imiter ce qu’ils voient faire. Alors j’oubliais complétement que cette figure dansant dans la glace fût la mienne, et j’étais étonnée qu’elle s’arrêtât quand je m’arrêtais.Quand j’avais assez dansé et mimé ces ballets de ma composition, j’allais rêver sur la terrasse.
George Sand — Histoire de ma vie -
Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,Dont le doigt nous menace et nous dit : « Souviens-toi !Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d’effroiSe planteront bientôt comme dans une cible,Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizonAinsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;Chaque instant te dévore un morceau du déliceA chaque homme accordé pour toute sa saison.Trois mille six cents fois par heure, la SecondeChuchote : Souviens-toi ! – Rapide, avec sa voixD’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)Les minutes, mortel folâtre, sont des ganguesQu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !Souviens-toi que le Temps est un joueur avideQui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! »
Charles Baudelaire — Les fleurs du mal -
Il y a quelque chose d'adorable dans la personnalité du savon. Pourquoi adorable ? Parce que son comportement est à la fois au plus haut point sympathique et tout à fait inimitable.
Francis Ponge — Le Savon -
Comme chaque fois que les événements l’imposent, Alphonse débarque d’on ne sait où pour s’enquérir de la situation et dispenser ses conseils, avant de repartir tout aussi vite au diable Vauvert.
Richard Di Domenico — Moi -
À travers la multiplicité des titres et des écrits se dessine en outre un projet de quête et de construction de soi, tout à la fois reflété et mis en scène dans l'écriture.
Dictionnaire mondial des littératures — Larousse -
... mais le duc de Bourbon, le duc d'Alençon et les jeunes seigneurs ne voulaient point des gens des communes, et disaient que ceux qui n'étaient point de leur avis avaient peur. « Qu'avons-nous affaire de ces gens de boutique? disaient-ils; nous sommes déjà trois fois plus nombreux que les Anglais.
P. de Barante — Histoire des ducs de Bourgogne -
Mais, tu es jalouse de Marco parce que, dans le fond, toute la ville d'Oiquixa admire et approuve son amitié pour le pauvre garçon cent fois plus que ta fameuse Association. Tu es jalouse, parce que tout le monde observe ses faits et gestes avec admiration.
Ana María Matute — Marionnettes -
Le rendez-vous, donné si haut, à la sortie de l’Opéra[1], fut entendu comme je l’avais espéré. Prévan s’y rendit ; & quand la Maréchale lui dit obligeamment qu’elle se félicitait de le voir deux fois de suite à ses jours, il eut soin de répondre que depuis mardi soir il avait défait mille arrangements, pour pouvoir disposer ainsi de cette soirée. À bon entendeur, salut !
Pierre Choderlos de Laclos — Les Liaisons dangereuses -
Nous nous vîmes ensuite, de jour, au Cream Rica près de La Cabafia, au parc de l’Exposition, et on alla au ciné, en se prenant la main et s’embrassant dans le noir. Je l’avais vue deux ou trois fois encore, sur son lieu de travail ou dans la rue, avant cette soudaine irruption dans ma chambre de clinique.
Mario Vargas Llosa — Le poisson dans l’eau -
Maman recommença d’écrire, et plusieurs fois par semaine, des lettres tantôt suppliantes, quand elle les rédigeait seule, et tantôt débordantes de rage quand mon père les avait dictées. Toutes ces lettres tombaient dans un puits sans fond et sans échos.
Duhamel — Notaire Havre -
En Afrique, au pays des Egyptians, proche la seconde cataracte du Nil, habitent, parmi les roseaux, d’énormes lézards de trois toises et plus de longueur, de figures difformes et de mœurs sanguinaires, dont le seul métier est, quand ils ne dorment pas étendus au soleil sur la vase chaude, de guetter les hommes et les animaux qui se hasardent sur les bords du fleuve, pour s’en saisir et les dévorer.[…] Nonobstant leur aspect farouche, leur voracité insatiable, et la dureté telle de leurs écailles que point ne sauroit la percer un robuste archer de son vireton le plus aigu, ces animaux féroces sont pourvus d’une sensibilité exquise ; à ce point que souventes fois les ai moi-même ouys geignants ou se lamentants es rozeaux, poussants des sanglots qui semblent mugissement de bœufs, et versants, ainsi qu’il m’a été assuré, larmes qui jaillissent du pertuis de leurs yeux, comme de pommes d’arrosoirs. […] Maintes foys, au dire de mes guides, gens réputés pour leur prud’homie et leur grande honnêteté, aucuns voyageurs, trompés par l’effusion de ces larmes, et s’assurant que tant de gémissements ne pouvoient provenir que de coeurs vrayment marris de tant de crimes et assassinats, s’estant voulu approchier des pélunques èsquelles se tiennent ces grands lézards, furent eux-mêmes saysis et méchamment dévorés par ces traîtres et hypocrites qui pleurent non par douleur vraye de leurs péchiés, mais par feintise pour engaigner les trop crédules, et bien et commodément se remplir le ventre en les dévorant.
Jean de Mandeville — Livre des merveilles du monde (Extrait du journal Le Courrier de Vaugelas -
Il saurait incidemment – en baisant Djamila pour la première fois – que ce parfum était Opium, d'Yves Saint Laurent, et que cette fragrance serait sa madeleine de Proust à tout jamais.
Ellen Guillemain — Esprit de famille -
À la fin tu es las de ce monde ancienBergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matinTu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaineIci même les automobiles ont l’air d’être anciennesLa religion seule est restée toute neuve la religionEst restée simple comme les hangars de Port-AviationSeul en Europe tu n’es pas antique ô ChristianismeL’Européen le plus moderne c’est vous Pape Pie XEt toi que les fenêtres observent la honte te retientD’entrer dans une église et de t’y confesser ce matinTu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout hautVoilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journauxIl y a les livraisons à 25 centimes pleines d’aventures policièresPortraits des grands hommes et mille titres diversJ’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nomNeuve et propre du soleil elle était le claironLes directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographesDu lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passentLe matin par trois fois la sirène y gémitUne cloche rageuse y aboie vers midiLes inscriptions des enseignes et des muraillesLes plaques les avis à la façon des perroquets criaillentJ’aime la grâce de cette rue industrielleSituée à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l’avenue des Ternes[…]
Apollinaire — Zone -
En approchant de son usine, le père Sorel appela Julien de sa voix de stentor ; personne ne répondit. Il ne vit que ses fils aînés, espèce de géants qui, armés de lourdes haches, équarrissaient les troncs de sapin, qu’ils allaient porter à la scie. Tout occupés à suivre exactement la marque noire tracée sur la pièce de bois, chaque coup de leur hache en séparait des copeaux énormes. Ils n’entendirent pas la voix de leur père. Celui-ci se dirigea vers le hangar ; en y entrant, il chercha vainement Julien à la place qu’il aurait dû occuper, à côté de la scie. Il l’aperçut à cinq ou six pieds de haut, à cheval sur l’une des pièces de la toiture. Au lieu de surveiller attentivement l’action de tout le mécanisme, Julien lisait. Rien n’était plus antipathique au vieux Sorel ; il eût peut-être pardonné à Julien sa taille mince, peu propre aux travaux de force, et si différente de celle de ses aînés ; mais cette manie de lecture lui était odieuse : il ne savait pas lire lui-même.Ce fut en vain qu’il appela Julien deux ou trois fois. L’attention que le jeune homme donnait à son livre, bien plus que le bruit de la scie, l’empêcha d’entendre la terrible voix de son père. Enfin, malgré son âge, celui-ci sauta lestement sur l’arbre soumis à l’action de la scie, et de là sur la poutre transversale qui soutenait le toit. Un coup violent fit voler dans le ruisseau le livre que tenait Julien ; un second coup aussi violent, donné sur la tête, en forme de calotte, lui fit perdre l’équilibre. Il allait tomber à douze ou quinze pieds plus bas, au milieu des leviers de la machine en action, qui l’eussent brisé, mais son père le retint de la main gauche comme il tombait.« Eh bien, paresseux ! tu liras donc toujours tes maudits livres, pendant que tu es de garde à la scie ? Lis-les le soir, quand tu vas perdre ton temps chez le curé, à la bonne heure. »Julien, quoique étourdi par la force du coup, et tout sanglant, se rapprocha de son poste officiel, à côté de la scie. Il avait les larmes aux yeux, moins à cause de la douleur physique, que pour la perte de son livre qu’il adorait.« Descends, animal, que je te parle. » Le bruit de la machine empêcha encore Julien d’entendre cet ordre. Son père qui était descendu, ne voulant pas se donner la peine de remonter sur le mécanisme, alla chercher une longue perche pour abattre les noix, et l’en frappa sur l’épaule. À peine Julien fut-il à terre, que le vieux Sorel, le chassant rudement devant lui, le poussa vers la maison. Dieu sait ce qu’il va me faire ! se disait le jeune homme. En passant, il regarda tristement le ruisseau où était tombé son livre ; c’était celui de tous qu’il affectionnait le plus, le Mémorial de Sainte-Hélène.
Stendhal — Le Rouge et le Noir -
Nous avons marché sans parler quelque temps le long de la digue. Nous étions à l’extérieur de Cannes. Tu la connais depuis longtemps, Claude? Non. Nous nous étions vus deux fois à Paris. Et puis, le hasard. nous sommes dans le même hôtel.
Roger Nimier — Les Épées -
Tel fut ce roi des bons chevaux,Rossinante, la fleur des coursiers d'Ibérie,Qui trottant nuit et jour et par monts et par vaux,Galopa, dit l’histoire, une fois en sa vieNicolas Boileau, Sur le cheval de Don QuichottePUCK — Par monts et par vaux, par monts et par vauxJe vais les mener par monts et par vauxJe suis redoutée à la campagne, à la ville :Lutin, mène-les par monts et par vauxEn voici un qui vient.
William Shakespeare — Le Songe d’une nuit d’été -
Hugo l’avait chassé sans ménagement ; dans l’après-midi, alors qu’il baguenaudait sous les arcades de Colaba, on l’avait harponné pour les mêmes raisons, pas un délinquant passible de rédemption, mais un camé au bout du rouleau, le genre à vous faire la peau pour trois fois rien.
Élisabeth Barillé — À ses pieds -
DONA SOL, bas à Hernani. Demain, sous ma fenêtre, à minuit, et sans faute. Vous frapperez des mains trois fois.
Victor Hugo — Hernani -
C. rappelle leur itinéraire commun jusqu'à la spécialisation, le parcours sans faute de son condisciple, et dit plusieurs fois « Je lui confierais ma sœur ou ma femme les yeux fermés. »
Camille Laurens — Philippe -
Je le trouvai, le 6 août, comme d’habitude, dans cette grande pièce de Downing Street qui, de par la tradition, sert à la fois de bureau au Premier ministre et de salle de réunion au gouvernement de Sa Majesté.
De Gaulle — Mémoires -
La dernière fois, ayant formé le projet sans fantaisie d'un bain avant de partir pour La Rochelle, et m'étant obstiné longtemps dans cette cuvette, j'ai fini par atteindre ce port pour ainsi dire à pied.
Jacques Réda — L'Herbe des talus -
Je ne pouvais pas imaginer qu'un jour je verrais un spectacle pareil ! Bérurier évoluant parmi l'élite mondiale, cohabitant avec tout ce que la Terre a pu produire comme rois, reines, présidents, milliardaires, sommités artistiques... Je vous jure qu'il faut avoir vu ça au moins une fois dans son existence ! Et si tout ce gratin (dont nous étions) n'avait pas été à deux doigts de l'anéantissement atomique, j'aurais ri, mais ri, à m'en mettre la rate au court-bouillon !
San Antonio — La rate au court-bouillon -
L’un dans les champs du ciel, pointe une cime aigüe, que couronne en tout temps une sombre nuée, et rien ne l’en délivre ; ni l’été, ni l’automne, il ne plonge en l’azur ; aucun homme mortel, quand bien même il aurait vingt jambes et vingt bras, ne saurait ni monter ni se tenir là-haut ; la roche en est trop lisse ; on la croirait polie. A mi-hauteur, se creuse une sombre caverne, qui s'ouvre, du côté du noroît, vers l'Erèbe. […] En cette cave, où Skylla, la terrible aboyeuse, a son gîte. […] L'autre Écueil, tu verras, Ulysse, est bien plus bas. Il porte un grand figuier en pleine frondaison ; c'est là-dessous qu'on voit la divine Charybde engloutir l'onde noire : elle vomit trois fois chaque jour, et trois fois, ô terreur ! elle engouffre. Ne va pas être là pendant qu'elle engloutit, car l'Ébranleur du sol lui-même ne saurait te tirer du péril...
Chant XII — v. 73-85 et v. 101-107 -
La duchesse de Guise, presque évanouie ; le duc de Guise, suivi de Saint-Paul, et de plusieurs hommes.LE DUC DE GUISE, après un coup d’œil rapide. – Il sera descendu par cette fenêtre... Mais Mayenne était dans la rue avec vingt hommes, et le bruit des armes... Va, Saint-Paul ; vous, suivez-le. Va, et tu me diras si tout est fini. (Heurtant du pied la duchesse.) Ah ! c’est vous, madame. Eh bien, je vous ai ménagé un tête-à-tête.LA DUCHESSE DE GUISE. – Monsieur le duc, vous l’avez fait assassiner !LE DUC DE GUISE. – Laissez-moi, madame ; laissez-moi.LA DUCHESSE DE GUISE, à genoux, le prenant à bras-le-corps. – Non, je m’attache à vous.LE DUC DE GUISE. – Laissez-moi, vous dis-je !... ou bien, oui, oui. Venez ! à la lueur des torches, vous pourrez le revoir encore une fois. (Il la traîne jusqu’à la fenêtre.) Eh bien, Saint-Paul ?SAINT-PAUL, dans la rue. – Attendez ; il n’est pas tombé seul. Ah ! ah ! LE DUC DE GUISE. – Est-ce lui ? SAINT-PAUL. – Non, c’est le petit page. LA DUCHESSE DE GUISE. – Arthur ! Ah ! pauvre enfant ! LE DUC DE GUISE. – L’auraient-ils laissé fuir ?... Les misérables !... LA DUCHESSE DE GUISE, avec espoir. – Oh !... SAINT-PAUL. – Le voici. LE DUC DE GUISE. – Mort ? SAINT-PAUL. – Non, couvert de blessures, mais respirant encore. LA DUCHESSE DE GUISE. – Il respire ! On peut le sauver. Monsieur le duc, au nom du ciel... SAINT-PAUL. – Il faut qu’il ait quelque talisman contre le fer et contre le feu... LE DUC DE GUISE, jetant par la croisée le mouchoir de la duchesse de Guise. – Eh bien, serre-lui la gorge avec ce mouchoir ; la mort lui sera plus douce ; il est aux armes de la duchesse de Guise. LA DUCHESSE DE GUISE. – Ah ! (Elle tombe.) LE DUC DE GUISE, après avoir regardé un instant dans la rue. – Bien ! et maintenant que nous avons fini avec le valet, occupons-nous du maître.
Alexandre DUMAS — Henri III et sa cour -
Depuis que j’écris ces pages, je me dis qu’il y a un moyen, justement, de lutter contre l’oubli. C’est d’aller dans certaines zones de Paris où vous n’êtes pas retourné depuis trente, quarante ans et d’y rester un après-midi, comme si vous faisiez le guet. Peut-être celles et ceux dont vous vous demandez ce qu’ils sont devenus surgiront au coin d‘une rue, ou dans l’allée d’un parc, ou sortiront de l’un des immeubles qui bordent ces impasses désertes que l’on nomme « square » ou « villa ». Ils vivent de leur vie secrète, et cela n’est possible pour eux que dans des endroits silencieux, loin du centre. Pourtant, les rares fois où j’ai cru reconnaître Dannie, c’était toujours dans la foule. Un soir, Gare de Lyon, quand je devais prendre un train, au milieu de la cohue des départs en vacances. Un samedi de fin d’après-midi, au carrefour du boulevard et de la Chaussée d’Antin dans le flot de ceux qui se pressaient aux portes des grands magasins. Mais, chaque fois, je m’étais trompé.Un matin d’hiver, il y a vingt ans, j’avais été convoqué au tribunal d’instance du treizième arrondissement, et vers onze heures, à la sortie du tribunal, j’étais sur le trottoir de la place d’Italie. Je n’étais pas revenu sur cette place depuis le printemps de 1964, une période où je fréquentais le quartier. Je me suis aperçu brusquement que je n’avais pas un sou en poche pour prendre un taxi ou le métro et rentrer chez moi. J’ai trouvé un distributeur de billets dans une petite rue derrière la mairie, mais après avoir composé le code une fiche est tombée à la place des billets. Il y était écrit : « Désolé. Vos droits sont insuffisants. » De nouveau, j’ai composé le code, et la même fiche est tombée avec la même inscription : « Désolé. Vos droits sont insuffisants. » J’ai fait le tour de la mairie et de nouveau j’étais sur le trottoir de la place d’Italie.Le destin voulait me retenir par ici et il ne fallait pas le contrarier. Peut-être ne parviendrais-je plus jamais à quitter le quartier, puisque mes droits étaient insuffisants. Je me sentais léger à cause du soleil et du ciel bleu de janvier. Les gratte-ciel n’existaient pas en 1964, mais ils se dissipaient peut à peu dans l’air limpide pour laisser place au café du Clair de lune et aux maisons basses du boulevard de la Gare. Je glisserais dans un temps parallèle où personne ne pourrait plus m’atteindre.Les paulownias aux fleurs mauves de la place d’Italie… Je me répétais cette phrase et je dois avouer qu’elle me faisait monter les larmes aux yeux, ou bien était-ce le froid de l’hiver ? En somme, j’étais revenu au point de départ et, si les distributeurs de billets avaient existé vers 1964, la fiche aurait été la même pour moi : Droits insuffisants. Je n’avais à cette époque aucun droit ni aucune légitimité. Pas de famille ni de milieu social bien défini. Je flottais dans l’air de Paris.
Patrick Modiano — L'Herbe des nuits -
Elles finissent par gonfler si parfaitement les joues, par suivre en une adhérence si exacte la ligne du nez, elles se mêlent si bien de nuancer la sonorité de la voix comme si celle-ci n’était qu’une transparente enveloppe, que chaque fois que nous voyons ce visage et que nous entendons cette voix, ce sont ces notions que nous retrouvons, que nous écoutons.
Marcel Proust — Du côté de chez Swann -
Je vous envoie le Deuxième Acte du scénario de Lolita. L'enchaînement des scènes s'est révélé très problématique, et je ne sais combien de fois j'ai réécrit la séquence du motel.
Vladimir Nabokov — Lettres choisies -
Le temps a cessé d’être une suite insensible de jours, à remplir de cours et d’exposés, de stations dans les cafés et à la bibliothèque, menant aux examens et aux vacances d’été, à l’avenir. Il est devenu une chose informe qui avançait à l’intérieur de moi et qu’il fallait détruire à tout prix. J’allais aux cours de littérature et de sociologie, au restau U, je buvais des cafés midi et soir à la Faluche, le bar réservé aux étudiants. Je n’étais plus dans le même monde. Il y avait les autres filles, avec leurs ventres vides, et moi. Pour penser ma situation, je n’employais aucun des termes qui la désignent, ni « j’attends un enfant », ni « enceinte », encore moins « grossesse », voisin de « grotesque ». Ils contenaient l’acceptation d’un futur qui n’aurait pas lieu. Ce n’était pas la peine de nommer ce que j’avais décidé de faire disparaître. Dans l’agenda, j’écrivais : « ça », « cette chose-là », une seule fois « enceinte ». Je passais de l’incrédulité que cela m’arrive, à moi, à la certitude que cela devait forcément m’arriver. Cela m’attendait depuis la première fois que j’avais joui sous mes draps, à quatorze ans, n’ayant jamais pu, ensuite – malgré des prières à la Vierge et différentes saintes -, m’empêcher de renouveler l’expérience, rêvant avec persistance que j’étais une pute. Il était même miraculeux que je ne me sois pas trouvée plus tôt dans cette situation. Jusqu’à l’été précédent, j’avais réussi aux prix d’efforts et d’humiliations – être traitée de salope et d’allumeuse – à ne pas faire l’amour complètement. Je n’avais finalement dû mon salut qu’à la violence d’un désir qui, s’accommodant mal des limites du flirt, m’avait conduite à redouter jusqu’au simple baiser. J’établissais confusément un lien entre ma classe sociale d’origine et ce qui m’arrivait. Première à faire des études supérieures dans une famille d’ouvriers et de petits commerçants, j’avais échappé à l’usine et au comptoir. Mais ni le bac ni la licence de lettres n’avaient réussi à détourner la fatalité de la transmission d’une pauvreté dont la fille enceinte était, au même titre que l’alcoolique, l’emblème. J’étais rattrapée par le cul et ce qui poussait en moi c’était, d’une certaine manière, l’échec social. Je n’éprouvais aucune appréhension à l’idée d’avorter. Cela me paraissait, sinon facile, du moins faisable, et ne nécessitant aucun courage particulier. Une épreuve ordinaire. Il suffisait de suivre la voie dans laquelle une longue cohorte de femmes m’avait précédée. Depuis l’adolescence, j’avais accumulé des récits, lus dans des romans, apportés par la rumeur du quartier dans les conversations à voix basse. J’avais acquis un savoir vague sur les moyens à utiliser, l’aiguille à tricoter, la queue de persil, les injections d’eau savonneuse, l’équitation – la meilleure solution consistant à trouver un médecin dit « marron » ou une femme au joli nom, une « faiseuse d’anges », l’un et l’autre très coûteux mais je n’avais aucune idée des tarifs. L’année d’avant, une jeune femme divorcée m’avait racontée qu’un médecin de Strasbourg lui avait fait passer un enfant, sans me donner de détails, sauf, « j’avais tellement mal que je me cramponnais au lavabo ». J’étais prêter à me cramponner moi aussi au lavabo. Je ne pensais pas que je puisse en mourir.
Annie Ernaux — L’Événement – Éditions Gallimard 2000