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Citations sur le bien - Page 7
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À quoi bon le nier, ce contretemps me contrarie un peu car j'aurais dû retourner en ville aujourd'hui mais, compte tenu de ce qui s'est passé, il faut bien trouver une solution.
László Krasznahorkai — Tango de Satan -
La mère d’Aladdin prit la lampe où elle l’avoit mise. « La voilà, dit-elle à son fils ; mais elle est bien sale, pour peu qu’elle soit nettoyée, je crois qu’elle en vaudra quelque chose davantage. » Elle prit de l’eau et un peu de sable fin pour la nettoyer ; mais à peine eut-elle commencé à frotter cette lampe, qu’en un instant, en présence de son fils, un génie hideux et d’une grandeur gigantesque s’éleva et parut devant elle, et lui dit d’une voix tonnante :« Que veux-tu ? Me voici prêt à t’obéir, comme ton esclave, et de tous ceux qui ont la lampe à la main, moi avec les autres esclaves de la lampe ! » […]Aladdin qui avoit déjà eu une apparition à-peu-près semblable dans le caveau, sans perdre de temps ni le jugement, se saisit promptement de la lampe, et en suppléant au défaut de sa mère, il répondit pour elle d’un ton ferme. « J’ai faim, dit-il au génie, apportez-moi de quoi manger. » Le génie disparut, et un instant après il revint chargé d’un grand bassin d’argent qu’il portoit sur sa tête, avec douze plats couverts de même métal, pleins d’excellents mets arrangés dessus, avec six grands pains blancs comme neige sur les plats, deux bouteilles de vin exquis, et deux tasses d’argent à la main. Il posa le tout sur le sofa, et aussitôt il disparut.
Histoire d’Aladdin ou la Lampe merveilleuse — Traduit par Antoine Galland -
C’est vrai, à quoi pensions-nous ? Dans ce Bonheur où tu te trouves, il ne peut y avoir rien à craindre. Pas de mauvais sort. Pas besoin de tapotements. De toucher du bois. Et bien sûr jamais de rampements pour sortir. Du Bonheur ? Moi ? Sortir du Bonheur ? Vers la souffrance ?
Nathalie Sarraute — Tu ne t’aimes pas -
Travail intéressant, bonne santé, les choses vont bien pour le moment (je touche du bois).
Roger Vailland — Lettres à sa famille -
Mais elle devait être dans des endroits qu'elle s'amusait bien car elle ne m'a pas seulement dit qu'elle était contrariée d'avoir fait attendre Monsieur, elle m'a répondu d'un air de se ficher du monde "Mieux vaut tard que jamais".
Marcel Proust — Sodome et Gomorrhe -
Ah ! dit-il, voilà donc comme tu veux me tromper, maudite femme ! Je ne sais à quoi il tient que je ne te mange aussi : bien t'en prend d'être une vieille bête. Voilà du gibier qui me vient bien à propos pour traiter trois ogres de mes amis, qui doivent me venir voir ces jours-ci.Il les tira de dessous le lit, l'un après l'autre. Ces pauvres enfants se mirent à genoux, en lui demandant pardon ; mais ils avaient affaire au plus cruel de tous les ogres, qui, bien loin d'avoir de la pitié, les dévorait déjà des yeux, et disait à sa femme que ce seraient là de friands morceaux, lorsqu'elle leur aurait fait une bonne sauce. Il alla prendre un grand couteau ; et en approchant de ces pauvres enfants, il l'aiguisait sur une longue pierre, qu'il tenait à sa main gauche. Il en avait déjà empoigné un, lorsque sa femme lui dit : " Que voulez-vous faire à l'heure qu'il est ? n'aurez-vous pas assez de temps demain ?- Tais-toi, reprit l'Ogre, ils en seront plus mortifiés. - Mais vous avez encore là tant de viande, reprit sa femme : voilà un veau, deux moutons et la moitié d'un cochon !- Tu as raison, dit l'Ogre : donne-leur bien à souper afin qu'ils ne maigrissent pas, et va les mener coucher.
Charles Perrault — Le Petit Poucet -
Eh bien, monsieur Minoret, dit le maire (ancien meunier devenu royaliste, un Levrault-Crémière), quand le diable devint vieux, il se fit ermite. Votre oncle est, dit-on, des nôtres. Vaut mieux tard que jamais, mon cousin, répondit le maître de poste en essayant de dissimuler sa contrariété.
Honoré de Balzac — Ursule Mirouët -
La barque filait bien, compte tenu de ce qu'elle avait à traîner ; le vieux tenait la barre sous le bras. Il avait son poisson sous les yeux ; il lui suffisait d'ailleurs de sentir son dos douloureux contre le rebord de l'arrière, il lui suffisait de regarder ses mains, pour se convaincre que cette aventure avait réellement eu lieu, que ce n'était pas un songe.
Ernest Hemingway — Le vieil homme et la mer -
Les chroniques des Sassanides, anciens rois de Perse, qui avaient étendu leur empire dans les Indes, dans les grandes et petites îles qui en dépendent, et bien loin au delà du Gange, jusqu’à la Chine, rapportent qu’il y avait autrefois un roi de cette puissante maison, qui était le plus excellent prince de son temps. Il se faisait autant aimer de ses sujets par sa sagesse et sa prudence, qu’il s’était rendu redoutable à ses voisins par le bruit de sa valeur et par la réputation de ses troupes belliqueuses et bien disciplinées. Il avait deux fils : l’aîné, appelé Schahriar, digne héritier de son père, en possédait toutes les vertus ; et le cadet, nommé Schahzenan, n’avait pas moins de mérite que son frère.
Les Mille et Une nuits — Traduit par Antoine Galland -
Ô géraniums, ô digitales… Celles-ci fusant des bois-taillis, ceux-là en rampe allumés au long de la terrasse, c’est de votre reflet que ma joue d’enfant reçut un don vermeil. Car « Sido » aimait au jardin le rouge, le rose, les sanguines filles du rosier, de la crois-de-Malte, des hortensias, et des bâtons-de-Saint-Jacques, et même le coqueret-alkékenge, encore qu’elle accusât sa fleur, veinée de rouge sur pulpe rose, de lui rappeler un mou de veau frais… A contre-cœur, elle faisait pacte avec l’Est : « Je m’arrange avec lui », disait-elle. Mais elle demeurait pleine de suspicion et surveillait, entre tous les cardinaux et collatéraux, ce point glacé, traître aux jeux meurtriers. Elle lui confiait des bulbes de muguet, quelques bégonias, et des crocus mauves, veilleuses des froids crépuscules. Hors une corne de terre, hors un bosquet de lauriers-cerises dominés par un junkobiloba, – je donnais ses feuilles, en forme de raie, à mes camarades d’école, qui les séchaient entre les pages de l’atlas – tout chaud jardin se nourrissait d’une lumière jaune, à tremblements rouges et violets, mais je ne pourrais dire si ce rouge, ce violet, dépendaient, dépendent encore d’un sentimental bonheur ou d’un éblouissement optique. Étés réverbérés par le gravier jaune et chaud, étés traversant le jonc tressé de mes grands chapeaux, étés presque sans nuits… Car j’aimais tant l’aube, déjà, que ma mère me l’accordait en récompense. J’obtenais qu’elle m’éveillât à trois heures et demis, et je m’en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues. A trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensible que tout le reste de mon corps… J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion… Ma mère me laissait partir, après m’avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or » ; elle regardait courir et décroître sur la pente son œuvre, - « chef-d’œuvre » disait-elle. J’étais peut-être jolie ; ma mère et mes portraits de ce temps-là ne sont pas toujours d’accord… Je l’étais à cause de mon âge et du lever du jour, à cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu’à mon retour, et de ma supériorité d’enfant éveillée sur les autres enfants endormis. Je revenais à la cloche de la première messe. Mais pas avant d’avoir mangé mon saoul, pas avant d’avoir, dans les bois, décrit un grand circuit de chien qui chasse seul, et goûté l’eau de deux sources perdues, que je révérais. L’une se haussait hors de la terre par une convulsion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle-même son lit sableux. Elle se décourageait aussitôt née et replongeait sous la terre. L’autre source, presque invisible, froissait l’herbe comme un serpent, s’étalait secrète au centre d’un pré où des narcisses, fleuris en ronde, attestaient seuls sa présence. La première avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige de jacinthe… Rien qu’à parler d’elles, je souhaite que leur saveur m’emplisse la bouche au moment de tout finir, et que j’emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire…
Colette — Sido -
Il était une fois un mari et sa femme qui avaient depuis longtemps désiré avoir un enfant, quand enfin la femme fut dans l'espérance et pensa que le Bon Dieu avait bien voulu accomplir son vœu le plus cher.
Les frères Grimm — Raiponce -
La terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres. Parce qu’elle nous résiste. L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle. Mais, pour l’atteindre, il lui faut un outil. Il lui faut un rabot, ou une charrue. Le paysan, dans son labour, arrache peu à peu quelques secrets à la nature, et la vérité qu’il dégage est universelle. De même l’avion, l’outil des lignes aériennes, mêle l’homme à tous les vieux problèmes.J’ai toujours, devant les yeux, l’image de ma première nuit de vol en Argentine, une nuit sombre où scintillaient seules, comme des étoiles, les rares lumières éparses dans la plaine.Chacune signalait, dans cet océan de ténèbres, le miracle d’une conscience. Dans ce foyer, on lisait, on réfléchissait, on poursuivait des confidences. Dans cet autre, peut-être, on cherchait à sonder l’espace, on s’usait en calculs sur la nébuleuse d’Andromède. Là on aimait. De loin en loin luisaient ces feux dans la campagne qui réclamaient leur nourriture. Jusqu’aux plus discrets, celui du poète, de l’instituteur, du charpentier. Mais parmi ces étoiles vivantes, combien de fenêtres fermées, combien d’étoiles éteintes, combien d’hommes endormis… Il faut bien tenter de se rejoindre. Il faut bien essayer de communiquer avec quelques-uns de ces feux qui brûlent de loin en loin dans la campagne.
Antoine de Saint-Exupéry — Terre des hommes -
Je ne sais plus bien quoi vous dire. D’ailleurs depuis cinq minutes je bafouille consciencieusement. Je vous embrasse de tout mon cœur en vous quittant comme je vous aime.
Antoine de Saint-Exupéry — Lettres à sa mère -
Seuls des mécènes pourraient financer un tel film que la censure, par ailleurs, empêcherait d'être projeté publiquement. D'autre part, je vous remercie de bien vouloir me faire le service de vos Éditions, j'espère y trouver plusieurs scénarios intéressants chaque année.
Louis-Ferdinand Céline — Lettres à la N.R.F. -
Nous avouerons que notre héros était fort peu héros en ce moment. Toutefois, la peur ne venait chez lui qu’en seconde ligne ; il était surtout scandalisé de ce bruit qui lui faisait mal aux oreilles. L’escorte prit le galop ; on traversait une grande pièce de terre labourée, située au delà du canal, et ce champ était jonché de cadavres.— Les habits rouges ! les habits rouges ! criaient avec joie les hussards de l’escorte, et d’abord Fabrice ne comprenait pas ; enfin il remarqua qu’en effet presque tous les cadavres étaient vêtus de rouge. Une circonstance lui donna un frisson d’horreur : il remarqua que beaucoup de ces malheureux habits rouges vivaient encore ; ils criaient évidemment pour demander du secours, et personne ne s’arrêtait pour leur en donner. Notre héros, fort humain, se donnait toutes les peines du monde pour que son cheval ne mît les pieds sur aucun habit rouge. L’escorte s’arrêta ; Fabrice, qui ne faisait pas assez d’attention à son devoir de soldat, galopait toujours en regardant un malheureux blessé.— Veux-tu bien t’arrêter, blanc-bec ! lui cria le maréchal-des-logis. Fabrice s’aperçut qu’il était à vingt pas sur la droite en avant des généraux, et précisément du côté où ils regardaient avec leurs lorgnettes. En revenant se ranger à la queue des autres hussards restés à quelques pas en arrière, il vit le plus gros de ces généraux qui parlait à son voisin, général aussi, d’un air d’autorité et presque de réprimande ; il jurait. Fabrice ne put retenir sa curiosité ; et, malgré le conseil de ne point parler, à lui donné par son amie la geôlière, il arrangea une petite phrase bien française, bien correcte, et dit à son voisin :— Quel est-il ce général qui gourmande son voisin ?— Pardi, c’est le maréchal !— Quel maréchal ?— Le maréchal Ney, bêta ! Ah ça ! où as-tu servi jusqu’ici ?Fabrice, quoique fort susceptible, ne songea point à se fâcher de l’injure ; il contemplait, perdu dans une admiration enfantine, ce fameux prince de la Moskowa, le brave des braves.Tout à coup on partit au grand galop. Quelques instants après, Fabrice vit, à vingt pas en avant, une terre labourée qui était remuée d’une façon singulière. Le fond des sillons était plein d’eau, et la terre fort humide, qui formait la crête de ces sillons, volait en petits fragments noirs lancés à trois ou quatre pieds de haut. Fabrice remarqua en passant cet effet singulier ; puis sa pensée se remit à songer à la gloire du maréchal. Il entendit un cri sec auprès de lui ; c’étaient deux hussards qui tombaient, atteints par des boulets ; et, lorsqu’il les regarda, ils étaient déjà à vingt pas de l’escorte. Ce qui lui sembla horrible, ce fut un cheval tout sanglant qui se débattait sur la terre labourée en engageant ses pieds dans ses propres entrailles ; il voulait suivre les autres : le sang coulait dans la boue.Ah ! m’y voilà donc enfin au feu ! se dit-il. J’ai vu le feu ! se répétait-il avec satisfaction. Me voici un vrai militaire. À ce moment, l’escorte allait ventre à terre, et notre héros comprit que c’étaient des boulets qui faisaient voler la terre de toutes parts. Il avait beau regarder du côté d’où venaient les boulets, il voyait la fumée blanche de la batterie à une distance énorme, et, au milieu du ronflement égal et continu produit par les coups de canon, il lui semblait entendre des décharges beaucoup plus voisines ; il n’y comprenait rien du tout.
Stendhal — La Chartreuse de Parme -
— Vite !... Vite !... Chère amie, faites-moi cette robe fleurie dont j’ai besoin ; vous aurez ajouté : Soyez gentille, allons, vous savez bien que je suis une bonne cliente. Faites-moi une grâce. Car, moi, je paie « rubis sur l’ongle ». Vous aurez illustré, alors, ce qu’à l’instant je viens de dire.Payer « rubis sur l’ongle » cela devrait vouloir dire non pas payer vite, comme vous le croyez, mais avec rigueur ; je dirai même, si ce n’est aussi impropre que le sens dans lequel vous usez de la locution, avec art, avec adresse.
Francis Cover — Comme disait ma grand’mère -
Le grand philosophe contemporain Georges Marchais, oui, celui rendu célèbre par ses juteux aphorismes comme « Taisez-vous Elkabbach » ou « En voiture, Simone », avait bien résumé le problème en affirmant sur Europe 1 : — Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.
Yves Boisset — La vie est un choix -
Sans parler du serpent de mer, démagogique autant qu’inopérant, qu'a été la dépénalisation du cannabis. Il faut bien avouer que par les temps qui courent l'idée a perdu beaucoup de son charme initial libertaire et baba cool.
François Kalfon — Que faisons-nous de leurs vingt ans ? : La génération Y désenchantée ? -
Si je venais à trébucher, il prendrait la fuite dans le meilleur des cas, ou encore se précipiterait sur moi. Bien sûr, il le comprenait fort bien et m'obéissait soit parce qu'il espérait s'enfuir en cours de route soit parce qu'il avait décidé de se livrer. Dans le premier cas, raisonnais-je, il prendrait la clé des champs et dans le second, quel besoin avais-je de le tenir sous la menace de mon fusil ? Halte criai-je. Il s'arrêta et se tourna vers moi.
Léonide Borodine — Récit d’une époque étrange -
Alors, qu'ai-je à dire, moi ? Carlos, Hogan, Lucie, est-ce que ce n'est pas la même chose ? Est-ce que je ne parle pas de problèmes, moi ? Est-ce que j'écris pour les hommes, ou bien pour les mouches ?
J. M. G. Le Clézio — Le Livre des fuites -
C’est alors que M. Patrigent, le juge d’instruction, fut le premier, je ne dirai pas à conseiller, mais à laisser entendre qu’on pourrait bien se risquer à confier la clé des champs à un de ces misérables. On suivit son avis, et trois jours plus tard l’évadé était surpris dans une carrière de champignonniste, en train de déterrer le trésor.
Émile Gaboriau — Monsieur Lecoq -
Bien sûr, j'ai soixante-quatre ans, et avec l'âge tout le monde décline, je décline. Mais je n'avais pas de problèmes.
Romain Gary — L'affaire homme -
Tu as fait quelque chose qui me semble bien (…) difficile (…). C’était de gagner de l’argent à Rouen, de te faire bien voir des parents, des instituteurs, des sheiks de toute façon et de toute farine…
Flaubert — Correspondance -
Chaque savant, grâce à une déformation professionnelle bien connue, s’imagine connaître l’être humain, tandis qu’il n’en saisit qu’une partie minuscule.
Carrel — L’Homme -
Et comme Eulalie savait avec cela comme personne distraire ma tante sans la fatiguer, ses visites, qui avaient lieu régulièrement tous les dimanches sauf empêchement inopiné, étaient pour ma tante un plaisir dont la perspective l’entretenait ces jours-là dans un état agréable d’abord, mais bien vite douloureux comme une faim excessive, pour peu qu’Eulalie fût en retard.
Marcel Proust — Du côté de chez Swann -
Eh ben. Cette histoire de volière me dit quelque chose. Ça se passait le vendredi. Incapable de te dire quoi, mais c'était tous les vendredis, pendant bien dix ans.
Tonino Benacquista — La boîte noire et autres nouvelles -
D’ailleurs, dans toutes leurs histoires bondieuses, c'est plein de moutons répugnants, de bergers à tête de parfaits demeurés. Ça leur va bien, elles sont averties. Et je me demande alors pourquoi les moutons de Panurge les font rire, je ne vois pas qu'elles aient lieu de rire, puisque c'est leur histoire à elles.
Anne Montague — La Poupée-massacre -
Ou bien, si vous aimez ça, ils préparent l'aïoli comme je n'en ai mangé nulle part ailleurs. Les Américains sont quelquefois gastronomes, et avec tout leur sérieux et leur bonne volonté ils deviennent des connaisseurs avertis de la cuisine et des vins français.
Patrick Modiano — Dimanches d'août -
De quelle émotion inconnue sens-je mon cœur atteint ! et quelle inquiétude secrète est venue troubler tout d'un coup la tranquillité de mon âme ? Ne serait-ce point aussi, ce qu'on vient de me dire, et sans en rien savoir, n'aimerais-je point ce jeune prince ? Ah ! si cela était, je serais personne à me désespérer : mais il est impossible que cela soit, et je vois bien que je ne puis pas l'aimer. Quoi ? je serais capable de cette lâcheté […] Les respects, les hommages et les soumissions n'ont jamais pu toucher mon âme, et la fierté et le dédain en auraient triomphé. J'ai méprisé tous ceux qui m'ont aimée, et j'aimerais le seul qui me méprise ? Non, non, je sais bien que je ne l'aime pas. Il n'y a pas de raison à cela : mais si ce n'est pas de l'amour que ce que je sens maintenant, qu'est-ce donc que ce peut être ? et d'où vient ce poison qui me court par toutes les veines, et ne me laisse point en repos avec moi-même ?
Molière — Les amants magnifiques -
Je sais qu’il arrive toujours quelque chose d’intéressant chaque fois que je mange ou que je bois quoi que ce soit, se dit-elle. Je vais voir l’effet que produira cette bouteille. J’espère bien qu’elle me fera grandir de nouveau, car, vraiment, j’en ai assez d’être, comme à présent, une créature minuscule ! » Ce fut bien ce qui se produisit, et beaucoup plus tôt qu’elle ne s’y attendait : avant d’avoir bu la moitié du contenu de la bouteille, elle s’aperçut que sa tête était pressée contre le plafond, si bien qu’elle dut se baisser pour éviter d’avoir le cou rompu (…).Elle continuait à grandir sans arrêt, et, bientôt, elle fût obligée de s’agenouiller sur le plancher : une minute plus tard, elle n’avait même plus assez de place pour rester à genoux, et elle essayait de voir si elle serait mieux en se couchant, un coude contre la porte, son autre bras replié sur la tête. Puis, comme elle ne cessait toujours pas de grandir, elle passa un bras par la fenêtre, mit un pied dans la cheminée, et se dit : « À présent je ne peux pas faire plus, quoi qu’il arrive. Que vais-je devenir ? »
Lewis Carroll — Alice au Pays des Merveilles -
Un mal qui répand la terreur,Mal que le ciel en sa fureurInventa pour punir les crimes de la terre,La peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom),Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,Faisait aux animaux la guerre.Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :On n’en voyait point d’occupésÀ chercher le soutien d’une mourante vie ;Nul mets n’excitait leur envie ;Ni loups ni renards n’épiaientLa douce et l’innocente proie ;Les tourterelles se fuyaient :Plus d’amour, partant plus de joie.Le lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,Je crois que le ciel a permisPour nos péchés cette infortune.Que le plus coupable de nousSe sacrifie aux traits du céleste courroux ;Peut-être il obtiendra la guérison commune.L’histoire nous apprend qu’en de tels accidentsOn fait de pareils dévouements.Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgenceL’état de notre conscience.Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,J’ai dévoré force moutons.Que m’avaient-ils fait ? nulle offense ;Même il m’est arrivé quelquefois de mangerLe berger.Je me dévouerai donc, s’il le faut : mais je penseQu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi ;Car on doit souhaiter, selon toute justice,Que le plus coupable périsse.Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi ;Vos scrupules font voir trop de délicatesse.Eh bien ! manger moutons, canaille, sotte espèce,Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes, seigneur,En les croquant, beaucoup d’honneur ;Et quant au berger, l’on peut direQu’il était digne de tous maux,Étant de ces gens-là qui sur les animauxSe font un chimérique empire.Ainsi dit le renard ; et flatteurs d’applaudir.On n’osa trop approfondirDu tigre, ni de l’ours, ni des autres puissances,Les moins pardonnables offenses :Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples mâtins,Au dire de chacun, étaient de petits saints.L’âne vint à son tour, et dit : J’ai souvenanceQu’en un pré de moines passant,La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et, je pense,Quelque diable aussi me poussant,Je tondis de ce pré la largeur de ma langue ;Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net.À ces mots, on cria haro sur le baudet.Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangueQu’il fallait dévouer ce maudit animal,Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.Sa peccadille fut jugée un cas pendable.Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable !Rien que la mort n’était capableD’expier son forfait. On le lui fit bien voir.Selon que vous serez puissant ou misérable,Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
Jean de La Fontaine — Les animaux malades de la peste -
Il me frictionne brièvement la nuque, me donne l’impression de rêver — Ne te mets donc pas martel en tête. Concentre-toi. Je suis là. Et puis il se tourne vers l’horizon, vigilant. Fin de la communication. Je luis sais gré de ne pas attendre une réponse ou un commentaire de ma part. Il est là, à mes côtés, j’avais remarqué, c’est à cette heure mon plus grand tourment. Que je ne me mette pas martel en tête ; j’aimerais bien. Mais « martel en tête » est en la circonstance une expression sous-dimensionnée. Je fais mine de faire comme Louis, mon père. Je considère le panorama. Silencieux et inquiet.
Michel Drouard — Micron noir -
J’annonce dans cette froide nuit : « La tombe n’est pas le but ! » et ne reçois nulle réponse, pas même un écho qui me renverrait ce fait à la face. Mais ma bouche ne pivote pas bien et mes paupières s’alourdissent à mesure que vient la torpeur d’acier, je m’endormirais volontiers si je pouvais seulement être sûr que ma raison me reviendra dès potron-minet (…)
Joanna Scott — La Mouche la plus belle -
ANTIGONE. – Ô tombeau ! Ô lit nuptial ! Ô ma demeure souterraine !... (Elle est toute petite au milieu de la grande pièce nue. On dirait qu'elle a un peu froid. Elle s'entoure de ses bras. Elle murmure.) Toute seule…[Elle se décide à dicter une lettre d'adieu au garde.]Écris : « Mon chéri... »LE GARDE, qui a pris son carnet et suce sa mine. – C'est pour votre bon ami ?ANTIGONE. – Mon chéri, j'ai voulu mourir et tu ne vas peut-être plus m'aimer...LE GARDE, répète lentement de sa grosse voix en écrivant. – « Mon chéri, j'ai voulu mourir et tu ne vas peut-être plus m'aimer... »ANTIGONE. – Et Créon avait raison, c'est terrible, maintenant, à côté de cet homme, je ne sais plus pourquoi je meurs. J'ai peur...LE GARDE, qui peine sur sa dictée. – « Créon avait raison, c'est terrible... »ANTIGONE. – Oh ! Hémon, notre petit garçon. Je le comprends seulement maintenant combien c'était simple de vivre...LE GARDE, s'arrête. – Eh ! Dites, vous allez trop vite. Comment voulez-vous que j'écrive ? Il faut le temps tout de même...ANTIGONE. – Où en étais-tu ?LE GARDE, se relit. – « C'est terrible maintenant à côté de cet homme... »ANTIGONE. – Je ne sais plus pourquoi je meurs.LE GARDE, écrit, suçant sa mine. – « Je ne sais plus pourquoi je meurs... » On ne sait jamais pourquoi on meurt.ANTIGONE, continue. – J'ai peur... (Elle s'arrête. Elle se dresse soudain.) Non. Raye tout cela. Il vaut mieux que jamais personne ne le sache. C'est comme s'ils devaient me voir nue et me toucher quand je serais morte. Mets seulement : « Pardon. » [...] Pardon, mon chéri. Sans la petite Antigone, vous auriez tous été bien tranquilles. Je t'aime... [...]LE GARDE. – C'est une drôle de lettre.ANTIGONE. – Oui, c'est une drôle de lettre.
Jean Anouilh — Antigone -
Ah ! non ! c'est un peu court, jeune homme !On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme…En variant le ton, -par exemple, tenezAgressif : « Moi, Monsieur, si j'avais un tel nez,Il faudrait sur-le-champ que je me l'amputasse !Amical ; Mais il doit tremper dans votre tasse !Pour boire, faîtes-vous fabriquer un hanap ! Descriptif : « C’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap !Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule ! »Curieux : « De quoi sert cette oblongue capsule ?D’écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ? » […]
Edmond Rostand — Cyrano de Bergerac -
Il pleure dans mon cœurComme il pleut sur la ville,Quelle est cette langueurQui pénètre mon cœur ?Ô bruit doux de la pluiePar terre et sur les toits !Pour un cœur qui s’ennuie,Ô le chant de la pluie !Il pleure sans raisonDans ce cœur qui s’écœure.Quoi ! nulle trahison ?Ce deuil est sans raison.C’est bien la pire peineDe ne savoir pourquoi,Sans amour et sans haine,Mon cœur a tant de peine !
Paul Verlaine — Il pleure dans mon cœur -
Si vous pouviez me fournir ce renseignement, je vous en saurais un gré infini. Adieu, mon cher ami, mille amitiés bien sincères.
Tocqueville — Correspondance -
Je suis bien curieux de voir ta rédaction et je te sais bon gré de me demander là-dessus mes avis.
Flaubert — Correspondance -
Dès qu’ils sont face à face, les deux chevaliers s’élancent l’un contre l’autre à bride abattue et ils se heurtent avec violence. Le choc des lances est tel qu’elles se plient en arc et volent en éclats. Ils prennent leurs épées et se portent de rudes coups qui endommagent les écus, les heaumes et les cottes de maille. Ils font de larges brèches dans le bois des écus, rompent leurs cottes de mailles et se blessent en maints endroits. Ils se rendent leurs coups avec rage comme s’ils respectaient un contrat. Mais souvent, en glissant, les épées atteignent la croupe des chevaux. Elles se rougissent de sang en entaillant le flanc des malheureuses bêtes qui ne tardent pas à tomber mortes toutes les deux. À peine ont-ils roulé à terre, que les deux combattants se ruent à pied l’un contre l’autre. S’ils s’étaient haïs à mort, ils ne se seraient pas battus plus sauvagement avec leurs épées. Ils se frappent à un rythme rapide que celui avec lequel le joueur le plus invétéré lance ses deniers en doublant sa mise chaque fois qu’il perd. (…) Alors il l’assaille de coups redoublés qui pleuvent dru autour de sa tête ; il le bouscule comme un ouragan, le presse et le contraint à céder du terrain. Il le fait reculer et le malmène si durement que l’autre est bien près d’en perdre le souffle et qu’il n’a guère la force de se défendre.
Chrétien de Troyes — Lancelot ou le Chevalier de la charrette -
Je lui avouerai que je ne suis pas bien sûr, à présent, d'avoir jamais été à Carthage.
Flaubert — Correspondances