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Citations sur l'ainsi - Page 3
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Le roi des colombesLes colombes se cherchaient un seigneur.Comme roi, elles choisirent un autour,afin qu’il leur causât moins de mauxet qu’il les protégeât des autres.Mais, quand il fut devenu leur seigneuret qu’il eut obtenu tout pouvoir sur elles,il se mit à tuer et dévorertoutes celles qui s’approchaient de lui.Voilà pourquoi une des colombes prit la paroleet dit ainsi à ses compagnes :« Quelle grave erreur, dit-elle, nous avons commisequand nous avons choisi l’autour comme roi,lui qui nous tue jour après jour.Mieux aurait valu rester pour toujourssans seigneur plutôt que d’avoir celui-ci.Auparavant, nous nous méfiions soigneusement de luiet n’avions à redouter que ses pièges ;depuis que nous l’avons fait venir parmi nous,c’est au grand jour qu’il a commisles actes qu’il faisait auparavant en cachette. »Cette fable s’adresse à la plupart,qui choisissent des seigneurs mauvais.Il commet une grave erreurcelui qui se place sous la couped’un homme cruel ou sans parole :il n’en retirera rien sinon du déshonneur.
Marie de France — Le roi des colombes (Traduit par Baptiste Laïd) -
Le Torrent et la RivièreAvec grand bruit et grand fracasUn Torrent tombait des montagnes :Tout fuyait devant lui ; l'horreur suivait ses pas,Il faisait trembler les campagnes.Nul voyageur n'osait passerUne barrière si puissante :Un seul vit des voleurs, et se sentant presser,Il mit entre eux et lui cette onde menaçante.Ce n'était que menace, et bruit, sans profondeur ;Notre homme enfin n'eut que la peur.Ce succès lui donnant courage,Et les mêmes voleurs le poursuivant toujours,Il rencontra sur son passageUne Rivière dont le coursImage d'un sommeil doux, paisible et tranquilleLui fit croire d'abord ce trajet fort facile.Point de bords escarpés, un sable pur et net.Il entre, et son cheval le metA couvert des voleurs, mais non de l'onde noire :Tous deux au Styx allèrent boire ;Tous deux, à nager malheureux,Allèrent traverser, au séjour ténébreux,Bien d'autres fleuves que les nôtres.Les gens sans bruit sont dangereux ;Il n'en est pas ainsi des autres.
Jean de La Fontaine — Le Torrent et la Rivière -
JULIETTE. – Ô Roméo ! Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou, si tu ne le veux pas, jure de m’aimer, et je ne serai plus une Capulet.ROMÉO, à part. – Dois-je l’écouter encore ou lui répondre ?JULIETTE. – Ton nom seul est mon ennemi. Tu n’es pas un Montague3, tu es toi-même. Qu’est-ce qu’un Montague ? Ce n’est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni rien qui fasse partie d’un homme… Oh ! sois quelque autre nom ! Qu’y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons une rose embaumerait autant sous un autre nom. Ainsi, quand Roméo ne s’appellerait plus Roméo, il conserverait encore les chères perfections qu’il possède… Roméo, renonce à ton nom ; et, à la place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi tout entière.ROMÉO. – Je te prends au mot ! Appelle-moi seulement ton amour et je reçois un nouveau baptême : désormais je ne suis plus Roméo.JULIETTE. – Quel homme es-tu, toi qui, ainsi caché par la nuit, viens de te heurter à mon secret ?ROMÉO. – Je ne sais par quel nom t’indiquer qui je suis. Mon nom, sainte chérie, m’est odieux à moi-même, parce qu’il est pour toi un ennemi : si je l’avais écrit là, j’en déchirerais les lettres.JULIETTE. – Mon oreille n’a pas encore aspiré cent paroles proférées5 par cette voix, et pourtant j’en reconnais le son. N’es-tu pas Roméo et un Montague ?ROMÉO. – Ni l’un ni l’autre, belle vierge, si tu détestes l’un et l’autre.JULIETTE. — Comment es-tu arrivé jusqu’ici, dis-le moi, et qu’y viens-tu faire? Les murs du verger sont élevés et difficiles à escalader. Songe qui tu es; ces lieux sont pour toi la mort si quelqu’un de mes parents vient à t’y rencontrer.ROMÉO. — Des ailes légères de l’amour j’ai volé sur le haut de ces murailles; car des barrières de pierre ne peuvent exclure l’amour; et tout ce que l’amour peut faire, l’amour ose le tenter: tes parents ne sont donc point pour moi un obstacle.JULIETTE. — S’ils te voient, ils te tueront.
William Shakespeare — Roméo et Juliette -
Je me rappelle le jour où j’ai compris que j’étais devenu adulte. Je vivais déjà avec Marie, nous avions Agustín depuis deux ou trois ans, je travaillais depuis des années comme je le fais toujours plus ou moins aujourd’hui, charpentier ici et là, bricoleur à droite et à gauche, électricien quand il faut, plombier ou même jardinier si on me le demande, ni trop souvent ni trop peu, juste ce qu’il faut pour maintenir le juste équilibre, rapporter à la maison ma part de revenus et me garder du temps à moi, ne pas me perdre tout entier en chantiers. Marie était déjà traductrice, traduisait déjà Lodoli et d’autres auteurs qu’elle aimait. C’est-à-dire que notre vie était déjà à peu près ce qu’elle est maintenant, et que nous en étions satisfaits, nous songions souvent que nous avions de la chance, nous nous plaisions à V., nous avions des amis, nous sentions que c’était un endroit où nous étions susceptibles de rester un bon moment encore, bref nous allions bien.Et un matin je me suis levé et je me suis dit que ça y est, tu es grand. J’ai réalisé qu’il fallait que j’arrête de me répéter ces mots, plus tard quand je serai grand. Que c’était fait : j’étais grand. Je l’étais devenus à mon insu. Sans que personne vienne me prévenir. J’ai compris qu’il n’y aurait pas d’épreuve. Pas de monstre à vaincre ni de noeud à trancher. Pas de coup de gong solennel. Pas de voix paternelle pour me souffler à l’oreille ces mots, c’est maintenant, t’y voilà. J’ai compris qu’il n’y aurait nulle ligne à franchir. Nul cap à passer. Nul obstacle à surmonter. Qu’être grand simplement désormais ce serait ça : la continuation de ce présent, de cette lente translation, de ce glissement presque imperceptible, seulement décelable à l’érosion de certaines de mes facultés, au grisonnement de mes tempes et de celles de Marie, à notre renoncement de plus en plus fréquent à telle ou telle folie qui autrefois nous aurait semblé le sel même de la vie, à la taille chaque année accrue d’Agustín, à son énergie toujours plus fascinante. À son appétit d’ogre lui aussi décidé à nous dévorer chaque jour un peu plus.J’ai réalisé qu’il ne se passerait rien. Qu’il n’y avait rien à attendre. Que toujours ainsi les semaines continueraient de passer, que le temps continuerait d’être cette lente succession d’années plus ou moins investies de projets, de désirs, d’enthousiasmes, de soirées plus ou moins vécues. De jours tantôt habités avec intensité, imagination, lumière, des jours pour ainsi dire pleins, comme on dit carton plein devant une cible bien truffée de plombs. Tantôt abandonnés de mauvais gré au soir venu trop tôt. Désertés par excès de fatigue ou de tracas. Perdus. Laissés vierges du moindre enthousiasme, De la moindre récréation, du moindre élan véritable. Jours sans souffle, concédés au soir trop tôt venu, à la nuit tombée malgré nos efforts pour différer notre défaite, et résignés alors nous marchons vers votre lit en nous jurant d’être plus rusés le lendemain – plus imaginatifs, plus éveillés, plus vivants.
Sylvain Prudhomme — Par les routes – L’Arbalète -
Gente dame, auriez-vous des ailesComme un ange pour me fuir ainsi ?Je vous cherche encore aujourd’huiGente dame, auriez-vous des ailes ?Je suis tombé dans votre piègeFigé en votre sortilège.Gente dame, auriez-vous des ailesComme un ange pour me fuir ainsi ?
Théodore de Banville — À Philis -
Deux heures de récriminations, de discussions, d’engueulades entre les hommes, entre les gradés, se passèrent ainsi, dans la nuit et la neige, avant qu’on eût trouvé moyen de donner à tout le monde le petit morceau de ruine auquel il pensait avoir droit.
Romains — Les Hommes de bonne volonté -
D’autant plus magnifique à voir, que, tout en ayant l’air de jouer le rôle de la mouche du coche, Chicot jouait en réalité un rôle beaucoup plus sérieux. Chicot, petit à petit, et pour ainsi dire homme par homme, mettait sur pied une armée pour le service de son maître.
Alexandre Dumas — La Dame de Monsoreau -
Je m’y soumettrai sans doute, il vaut mieux mourir que de vivre coupable. Déjà, je le sens, je ne le suis que trop ; je n’ai sauvé que ma sagesse, la vertu s’est évanouie. Faut-il vous l’avouer, ce qui me reste encore je le dois à sa générosité. Enivrée du plaisir de le voir, de l’entendre, de la douceur de le sentir auprès de moi, du bonheur plus grand de pouvoir faire le sien, j’étais sans puissance et sans force ; à peine m’en restait-il pour combattre, je n’en avais plus pour résister ; je frémissais de mon danger sans pouvoir le fuir. Eh bien ! il a vu ma peine et a eu pitié de moi. Comment ne le chérirais-je pas ? je lui dois bien plus que la vie.Ah ! si en restant auprès de lui je n’avais à trembler que pour elle, ne croyez pas que jamais je consentisse à m’éloigner. Que m’est-elle sans lui ? ne serais-je pas trop heureuse de la perdre ? Condamnée à faire éternellement son malheur et le mien ; à n’oser ni me plaindre, ni le consoler ; à me défendre chaque jour contre lui, contre moi-même ; à mettre mes soins à causer sa peine, quand je voudrais les consacrer tous à son bonheur : vivre ainsi n’est-ce pas mourir mille fois ? voilà pourtant quel va être mon sort. Je le supporterai cependant, j’en aurai le courage. Oh ! vous, que je choisis pour ma mère, recevez-en le serment !
Pierre Choderlos de Laclos — Les Liaisons dangereuses -
Ces manières glacées étaient aussi loin des lettres charmantes que je l’imaginais encore il y a quelques jours, m’écrivant pour me dire sa sympathie, qu’est loin de l’enthousiasme de la Chambre et du peuple qu’il s’est représenté en train de soulever par un discours inoubliable, la situation médiocre, obscure, de l’imaginatif qui après avoir ainsi rêvassé tout seul, pour son compte, à haute voix, se retrouve, les acclamations imaginaires une fois apaisées, Gros-Jean comme devant.
Proust — À la recherche du temps perdu -
La Bruyère sait bien que sa vision du monde est en quelque sorte déterminée par la révolution linguistique du début de son siècle, et au-delà de cette révolution, par sa parole personnelle, cette sorte d’éthique du discours qui lui a fait choisir le fragment et non la maxime, la métaphore et non le récit, le naturel et non le précieux. Ainsi s’affirme une certaine responsabilité de l’écriture, qui est en somme très moderne.
Roland Barthes — Essais Critiques -
Dans cette œuvre, l’auteur imagine le personnage d’Émile, un enfant qu’il aurait à élever. Il expose ainsi les principes qui le guideraient pour lui faire découvrir la vie et le monde. Je ne conçois qu’une manière de voyager plus agréable que d’aller à cheval ; c’est d’aller à pied. On part à son moment, on s’arrête à sa volonté, on fait tant et si peu d’exercice qu’on veut. On observe tout le pays ; on se détourne à droite, à gauche ; on examine tout ce qui nous flatte ; on s’arrête à tous les points de vue. Aperçois-je une rivière, je la côtoie ; un bois touffu, je vais sous son ombre ; une grotte, je la visite ; une carrière, j’examine les minéraux. Partout où je me plais, j’y reste. À l’instant que je m’ennuie, je m’en vais. Je ne dépends ni des chevaux ni du postillon. Je n’ai pas besoin de choisir des chemins tout faits, des routes commodes ; je passe partout où un homme peut passer ; je vois tout ce qu’un homme peut voir ; et, ne dépendant que de moi-même, je jouis de toute la liberté dont un homme peut jouir. Si le mauvais temps m’arrête et que l’ennui me gagne, alors je prends des chevaux. Si je suis las... Mais Émile ne se lasse guère ; il est robuste ; et pourquoi se lasserait-il ? Il n’est point pressé. S’il s’arrête, comment peut-il s’ennuyer ? Il porte partout de quoi s’amuser. Il entre chez un maître, il travaille ; il exerce ses bras pour reposer ses pieds. Voyager à pied, c’est voyager comme Thalès, Platon et Pythagore. J’ai peine à comprendre comment un philosophe peut se résoudre à voyager autrement, et s’arracher à l’examen des richesses qu’il foule aux pieds et que la terre prodigue à sa vue. Qui est-ce qui, aimant un peu l’agriculture, ne veut pas connaître les productions particulières au climat des lieux qu’il traverse, et la manière de les cultiver ? Qui est-ce qui, ayant un peu de goût pour l’histoire naturelle, peut se résoudre à passer un terrain sans l’examiner, un rocher sans l’écorner, des montagnes sans herboriser, des cailloux sans chercher des fossiles ? Vos philosophes de ruelles étudient l’histoire naturelle dans des cabinets ; ils ont des colifichets ; ils savent des noms, et n’ont aucune idée de la nature. Mais le cabinet d’Émile est plus riche que ceux des rois ; ce cabinet est la terre entière. Chaque chose y est à sa place : le naturaliste qui en prend soin a rangé le tout dans un fort bel ordre : Daubenton ne ferait pas mieux. Combien de plaisirs différents on rassemble par cette agréable manière de voyager ! sans compter la santé qui s’affermit, l’humeur qui s’égaye. J’ai toujours vu ceux qui voyageaient dans de bonnes voitures bien douces, rêveurs, tristes, grondants ou souffrants ; et les piétons toujours gais, légers et contents de tout. Combien le cœur rit quand on approche du gîte ! Combien un repas grossier paraît savoureux ! Avec quel plaisir on se repose à table ! Quel bon sommeil on fait dans un mauvais lit ! Quand on ne veut qu’arriver, on peut courir en chaise de poste ; mais quand on veut voyager, il faut aller à pied.
Jean-Jacques Rousseau — Émile ou de l’éducation -
Je pose donc qu'une délicatesse élémentaire m'empêche de faire des avances directes sans détour à Mlle Dreyfus, car elle serait blessée dans son sentiment d'égalité, elle croirait que je suis raciste et que je me permets de lui proposer un bout de chemin parce qu'elle est une Noire et que donc « on peut y aller, on est entre égaux » et que j'exploite ainsi notre infériorité et nos origines communes.
Romain Gary — Gros-Câlin -
Ainsi nous avons la chance d'arriver (...) au moment où fourbu, démaquillé par la fatigue, son âge écrit sur ses traits, Pitoeff devient tout à coup le héros qu'il joue...
Colette — La Jumelle noire -
Ainsi, prêtant à six pour cent, augmenté d'un quart de commission, et les fournitures lui rapportant un bon tiers pour le moins, cela devait, en douze mois, donner cent trente francs de bénéfice et il espérait que l'affaire ne s'arrêterait pas là…
Gustave Flaubert — Madame Bovary -
Il se forma ainsi une sorte de radeau sur lequel fut empilée successivement toute la récolte, soit la charge de vingt hommes au moins.
Jules Verne — l'Île mystérieuse. -
Le rendez-vous, donné si haut, à la sortie de l’Opéra[1], fut entendu comme je l’avais espéré. Prévan s’y rendit ; & quand la Maréchale lui dit obligeamment qu’elle se félicitait de le voir deux fois de suite à ses jours, il eut soin de répondre que depuis mardi soir il avait défait mille arrangements, pour pouvoir disposer ainsi de cette soirée. À bon entendeur, salut !
Pierre Choderlos de Laclos — Les Liaisons dangereuses -
Elle éclata encore de rire, en la voyant ainsi accoutrée, nageant dans le pardessus de son homme, le feutre bois-de-rose vissé sur son front, laissant échapper une mèche blonde. Là, tu es belle, le vrai baigneur ! L'autre jeta un coup d'œil mi-figue, mi-raisin à l'image d'elle que lui renvoyait la grande glace du fond.
Ange Bastiani — Le pain des jules -
Ainsi cette reine éplorée,Par ses larmes et par ses cris,Ses messages et ses écrits,Ne peut fondre ce cœur de glace :Il persiste, quoi qu’elle fasse,Et n’en est pas plus ébranléQue cet arbre dont j’ai parléQuelque larme à la dérobé,Sans son consentement tombée,Peut sa face humidifier ;Mais il ne s’y faut pas fier :Ce sont larmes de crocodile, Quoi qu’en dise messer Virgile.
Scarron — La Virgile travesti -
« Ainsi va la vie, dit Tabouret, en descendant de son banc, les chiens soufflent comme des phoques, les Bulgares sont forts comme des Turcs, tout le monde part pour la guerre comme un seul homme, et c'est à qui pleure comme un veau des larmes de crocodile, quelle vacherie, il faut que ça change, nous allons nous y employer. »
Jacques Prévert — La cinquième saison -
En Afrique, au pays des Egyptians, proche la seconde cataracte du Nil, habitent, parmi les roseaux, d’énormes lézards de trois toises et plus de longueur, de figures difformes et de mœurs sanguinaires, dont le seul métier est, quand ils ne dorment pas étendus au soleil sur la vase chaude, de guetter les hommes et les animaux qui se hasardent sur les bords du fleuve, pour s’en saisir et les dévorer.[…] Nonobstant leur aspect farouche, leur voracité insatiable, et la dureté telle de leurs écailles que point ne sauroit la percer un robuste archer de son vireton le plus aigu, ces animaux féroces sont pourvus d’une sensibilité exquise ; à ce point que souventes fois les ai moi-même ouys geignants ou se lamentants es rozeaux, poussants des sanglots qui semblent mugissement de bœufs, et versants, ainsi qu’il m’a été assuré, larmes qui jaillissent du pertuis de leurs yeux, comme de pommes d’arrosoirs. […] Maintes foys, au dire de mes guides, gens réputés pour leur prud’homie et leur grande honnêteté, aucuns voyageurs, trompés par l’effusion de ces larmes, et s’assurant que tant de gémissements ne pouvoient provenir que de coeurs vrayment marris de tant de crimes et assassinats, s’estant voulu approchier des pélunques èsquelles se tiennent ces grands lézards, furent eux-mêmes saysis et méchamment dévorés par ces traîtres et hypocrites qui pleurent non par douleur vraye de leurs péchiés, mais par feintise pour engaigner les trop crédules, et bien et commodément se remplir le ventre en les dévorant.
Jean de Mandeville — Livre des merveilles du monde (Extrait du journal Le Courrier de Vaugelas -
Depuis, tous les matins, en sucrant les fraises, ses mains tiraient hors de la bande Le Provençal du colonel Moutiers. Jusqu’à ce jour, rien ne s’était produit mais le tremblement de la chair, chez la Félicie, ne se calmait pour ainsi dire jamais, même pas entre les bras du grand Magne qui la coinçait dans tous les cagibis.
Pierre Magnan — Les courriers de la mort -
SÉRAPHIN, paraissant, un rasoir à la main, un côté de la figure barbouillé de savon. Hein !… Qu’est-ce qu’il y a ?GÉVAUDAN, saluant à plusieurs reprises ainsi qu'Alfred et Laure.Monsieur l'agent… j'ai bien l’honneur…SÉRAPHIN.Bonjour ! bonjour ! (À part.) Ces domestiques sont assommants ! On dirait qu'on est à leur service. (Haut, continuant à se raser.) Asseyez-vous !GÉVAUDAN, gagnant la gauche.Oui, monsieur l'agent. (À Laure et à Alfred.) Asseyons-nous. (Ils s'asseyent sur les trois chaises qui sont presque en ligne à côté du poêle, de façon à faire face au bureau de l'agent. Moment de silence pendant lequel ils se regardent en riant bêtement, tandis que Séraphin se rase. Puis Gévaudan se lève.) Monsieur l'agent, nous venons…SÉRAPHIN, brusquement.Ne parlez pas, vous me feriez couper.Gévaudan soumis, retourne à sa place. Moment de silence. Séraphin achève de se raser, puis va au lavabo au fond et se débarbouille.GÉVAUDAN, bas à Laure.Arrange tes cheveux sur le front… tu es toute décoiffée.Nouveau moment de silence.
Georges Feydeau — Les fiancés de Loches -
Quoi qu'il en fût, le lendemain même il demanderait la cession et il ne doutait pas que, devant un chiffre astronomique, les Guzman ne se pliassent. Ainsi pensait-il, dirigeant ses pas vers la colline, dans cet air brûlé.
Ana Maria Ortese — L'Iguane -
La dernière fois, ayant formé le projet sans fantaisie d'un bain avant de partir pour La Rochelle, et m'étant obstiné longtemps dans cette cuvette, j'ai fini par atteindre ce port pour ainsi dire à pied.
Jacques Réda — L'Herbe des talus -
Tous les ans, elle renouvelait solennellement ses vœux, et, au moment de faire serment, elle disait au prêtre : Monseigneur saint François l'a baillé à monseigneur saint Julien, monseigneur saint Julien l'a baillé à monseigneur saint Eusèbe, monseigneur saint Eusèbe l'a baillé à monseigneur saint Procope, etc., etc. ; ainsi je vous le baille, mon père.
Victor Hugo — Les Misérables -
La vitalité de ma mère, son extraordinaire volonté, me poussaient cependant en avant et, en vérité, ce n’était pas moi qui errais ainsi d’avion en avion, mais une vieille dame résolue, vêtue de gris, la canne à la main et une gauloise aux lèvres, qui était décidée à passer en Angleterre pour continuer le combat.
Romain Gary — La promesse de l’aube -
C’est ainsi que, le plus souvent,Quand on pense sortir d’une mauvaise affaire,On s’enfonce encor plus avant :Témoin ce couple et son salaire.La vieille, au lieu du coq, les fit tomber par làDe Charybde en Scylla.
Jean de La Fontaine — La Vieille et les deux servantes -
Entre parents et enfants, le collage des collages forcé. Cohabitation forcenée. Jusqu’à l’âge d’homme, on vous accouche au forceps. Tête-à-tête de fauve à dompteur dans une cage, à l’infini des jours, féroce. Tendre. Toujours tendu. Le fouet rapproche. Qui aime bien châtie bien. Qui est bien châtié aime. La règle, ainsi que fonctionne le système. Mon système. Pas moi qui l’ai inventé, je fonctionne à mon tour dedans. À plein.
Serge Doubrovsky — Le Livre brisé -
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,Dans la nuit éternelle emporté sans retour,Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âgesJeter l’ancre un seul jour ?Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierreOù tu la vis s’asseoir !Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ;Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ;Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondesSur ses pieds adorés.Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadenceTes flots harmonieux.Tout à coup des accents inconnus à la terreDu rivage charmé frappèrent les échos :Le flot plus attentif, et la voix qui m’est chèreLaissa tomber ces mots :« Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices,Suspendez votre cours !Laissez-nous savourer les rapides délicesDes plus beaux de nos jours !Assez de malheureux ici-bas vous implorent,Coulez, coulez pour eux ;Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;Oubliez les heureux.Mais je demande en vain quelques moments encore,Le temps m’échappe et fuit ;Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’auroreVa dissiper la nuit.Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,Hâtons-nous, jouissons !L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;Il coule, et nous passons ! »Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse,Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur,S’envolent loin de nous de la même vitesseQue les jours de malheur ?Hé quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ?Quoi ! passés pour jamais ? quoi ! tout entiers perdus ?Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,Ne nous les rendra plus ?Éternité, néant, passé, sombres abîmes,Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimesQue vous nous ravissez ?Ô lacs ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !Vous que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,Au moins le souvenir !Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages,Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux,Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvagesQui pendent sur tes eaux !Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surfaceDe ses molles clartés !Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,Que les parfums légers de ton air embaumé,Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,Tout dise : Ils ont aimé !
Alphonse de Lamartine — Méditations poétiques -
Sous l’orbe du pied-destail on a trouvé une boète quarrée de plomb, incrustée vers le milieu du triple angle, et dans cette boète étoit le cœur d’un seigneur dont on ignore le nom ainsi que l’année.
Archives départementales d’Eure-et-Loir — Inventaire-sommaire des archives départementales antérieures à 1790 : Archives civiles -
Nous nous donnâmes ainsi deux logements, l'un à la ville et l'autre à la campagne. Ce changement mit bientôt le dernier désordre à nos affaires, en faisant naître deux aventures qui causèrent notre ruine.
Abbé Prévot — Manon Lescaut -
Les masses de notations désordonnées que je t'expédie ainsi hors normes ont peu à peu pris du poids, alourdies par mon bonheur d'être encore vivante, c'est-à-dire honnête, c'est-à-dire amoureuse, ouverte aux aventures, en particulier celle d'arriver au bout d'un nouveau livre dont tu es la centrale invisible.
Dominique Rolin — Lettre à Lise -
Je mourrai tout ensemble heureux et malheureux, Heureux pour vous servir de perdre ainsi la vie, Malheureux de mourir sans vous avoir servie.
Pierre Corneille — Cinna -
Voici venir les temps où vibrant sur sa tigeChaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir ;Valse mélancolique et langoureux vertige !Chaque fleur s’évapore ainsi qu’un encensoir ;Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige ;Valse mélancolique et langoureux vertige !Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige,Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige.Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,Du passé lumineux recueille tout vestige !Le soleil s’est noyé dans son sang qui se figeTon souvenir en moi luit comme un ostensoir !
Charles Baudelaire — Harmonie du soir -
Je demandai à Badu que nous remettions notre rencontre au samedi suivant, me préparant ainsi à poser un lapin à Jaareetu, car, dans mon esprit, il n’était pas question qu’une tierce personne soit présente ce jour-là à notre tête-à-tête.
Khadi Fall — Senteurs d’hivernage -
« Un jour que le peuple romain réclamait instamment et hors de propos une distribution de blé, Caton, essayant de l'en détourner, commença ainsi son discours : « Citoyens, il est difficile de parler à un ventre qui n'a point d'oreilles. » (239)
Plutarque — Vie de Caton -
ACTE I - SCENE PREMIEREDORANTE.Ce mage, qui d'un mot renverse la nature,N'a choisi pour palais que cette grotte obscure.La nuit qu'il entretient sur cet affreux séjour,N'ouvrant son voile épais qu'aux rayons d'un faux jour,De leur éclat douteux n'admet en ces lieux sombresQue ce qu'en peut souffrir le commerce des ombres.N'avancez pas : son art au pied de ce rocherA mis de quoi punir qui s'en ose approcher ;Et cette large bouche est un mur invisible,Où l'air en sa faveur devient inaccessible,Et lui fait un rempart, dont les funestes bordsSur un peu de poussière étalent mille morts.Jaloux de son repos plus que de sa défense,Il perd qui l'importune, ainsi que qui l'offense ;Malgré l'empressement d'un curieux désir,Il faut, pour lui parler, attendre son loisir :Chaque jour il se montre, et nous touchons à l'heureOù pour se divertir il sort de sa demeure.PRIDAMANT.J'en attends peu de chose, et brûle de le voir.J'ai de l'impatience, et je manque d'espoir.Ce fils, ce cher objet de mes inquiétudes,Qu'ont éloigné de moi des traitements trop rudes,Et que depuis dix ans je cherche en tant de lieux,A caché pour jamais sa présence à mes yeux.Sous ombre qu'il prenait un peu trop de licence,Contre ses libertés je roidis ma puissance ;Je croyais le dompter à force de punir,Et ma sévérité ne fit que le bannir.Mon âme vit l'erreur dont elle était séduite :Je l'outrageais présent, et je pleurai sa fuite ;Et l'amour paternel me fit bientôt sentirIl l'a fallu chercher : j'ai vu dans mon voyageLe Pô, le Rhin, la Meuse, et la Seine, et le Tage :Toujours le même soin travaille mes esprits ;Et ces longues erreurs ne m'en ont rien appris.Enfin, au désespoir de perdre tant de peine,Et n'attendant plus rien de la prudence humaine,Pour trouver quelque borne à tant de maux soufferts,J'ai déjà sur ce point consulté les enfers.J'ai vu les plus fameux en la haute scienceDont vous dites qu'Alcandre a tant d'expérience :On m'en faisait l'état que vous faites de lui,Et pas un d'eux n'a pu soulager mon ennui.L'enfer devient muet quand il me faut répondre,Ou ne me répond rien qu'afin de me confondre.[…]
Corneille — L'illusion comique -
Il n’y a plus de honte maintenant à cela ; l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer. Aujourd’hui, la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée ; et, quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement ; mais l’hypocrisie est un vice privilégié qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d’une impunité souveraine. On lie, à force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti. Qui en choque un, se les attire tous sur les bras ; et ceux que l’on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connaît pour être véritablement touchés, ceux-là, dis-je, sont toujours les dupes des autres ; ils donnent bonnement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs actions. Combien crois-tu que j’en connaisse qui, par ce stratagème, ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se font un bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont la permission d’être les plus méchants hommes du monde ? On a beau savoir leurs intrigues, et les connaître pour ce qu’ils sont, ils ne laissent pas pour cela d’être en crédit parmi les gens ; et quelque baissement de tête, un soupir mortifié, et deux roulements d’yeux, rajustent dans le monde tout ce qu’ils peuvent faire. C’est sous cet abri favorable que je veux me sauver, et mettre en sûreté mes affaires. Je ne quitterai point mes douces habitudes ; mais j’aurai soin de me cacher, et me divertirai à petit bruit. Que si je viens à être découvert, je verrai, sans me remuer, prendre mes intérêts à toute la cabale, et je serai défendu par elle envers et contre tous. Enfin, c’est là le vrai moyen de faire impunément tout ce que je voudrai. Je m’érigerai en censeur des actions d’autrui, jugerai mal de tout le monde, et n’aurai bonne opinion que de moi. Dès qu’une fois on m’aura choqué tant soit peu, je ne pardonnerai jamais, et garderai tout doucement une haine irréconciliable. Je ferai le vengeur des intérêts du ciel ; et, sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai d’impiété, et saurai déchaîner contre eux des zélés indiscrets, qui, sans connaissance de cause, crieront en public contre eux, qui les accableront d’injures, et les damneront hautement de leur autorité privée. C’est ainsi qu’il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu’un sage esprit s’accommode aux vices de son siècle.
Molière — Dom Juan -
Son âme montait, pour ainsi dire, à fleur de peau et s’épanouissait sur sa figure.
Charles Deulin — Contes d’un buveur de bière -
Déesses de déesses ! Du repos en liesses, De la calme gaîté, De malines fossettes Ainsi que des risettes
Verlaine — Odes en son honneur