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Citations sur l'ainsi - Page 2
Il y a 127 citations sur l'ainsi.
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[…] lorsqu’elle ouvrait, ainsi qu’elle le faisait à présent, la petite boîte à musique et que, de ses très longs doigts veinés, elle prenait une pincée de tabac pour l’aspirer aux airs d’un menuet aimable, c’était toujours le signe d’une intense satisfaction et une façon de se congratuler elle-même de quelque gain au jeu. C’était de bonne guerre, dit-elle. Dent pour dent, œil pour œil.
Romain Gary — Europa -
Quand j’arrivai au bureau de porte, ma grand-mère m’avait déjà demandé ; j’entrai dans la cabine, la ligne était prise, quelqu’un causait qui ne savait pas sans doute qu’il n’y avait personne pour lui répondre car, quand j’amenai à moi le récepteur, ce morceau de bois se mit à parler comme Polichinelle ; je le fis taire, ainsi qu’au guignol, en le remettant à sa place, mais, comme Polichinelle, dès que je le ramenais près de moi, il recommençait son bavardage.
Marcel Proust — À la recherche du temps perdu. -
Il prenait, au volant, les mêmes poses qu’il avait remarquées, étant gosse, chez les blancs qui, à l’époque coloniale, étaient seuls à se déplacer sur quatre roues ; il avait ainsi l’impression d’être libre et possesseur de ce secret qui avait permis au blanc d’en imposer au nègre. Il faisait rêver les enfants aux pieds nus qui le regardaient passer et prendre ses virages sur les chapeaux de roues.
Henri Lopes — La Nouvelle Romance -
Son seul défaut c’était sa pétulance. Il montait… montait, ainsi qu’une soupe au lait, alors qu’il s’apercevait que des religieux n’observaient pas la règle. Il les réprimandait furieusement, frappant du poing la table, puis quand le coupable était parti, il courait après lui, l’embrassait, le suppliait de lui pardonner sa véhémence.
Huysmans — Oblat -
[Il était] assez près du secret, pour ainsi dire, pour en sentir l'odeur, en savoir la présence, tendre la main dans la bonne direction, mais son bras se trouvait trop court d'un centimètre pour qu'il pût poser la main dessus. C'était un supplice de Tantale. Et s'il s'obstinait, c'était pire.
Alexandre Vialatte — Le Fidèle Berger -
La déclaration des droits a placé la propriété parmi les droits naturels et imprescriptibles de l’homme, qui se trouvent ainsi au nombre de quatre: la liberté, l’égalité, la propriété, la sûreté.
Proudhon — Propriété -
Chaque art ne nous procure-t-il pas une sorte d'avantage particulier et non commun à tous, la médecine, la santé; le pilotage, la sécurité de la navigation, et ainsi des autres arts ? Si.
Platon — La République -
Ainsi ma fée c'est vous qui allez diriger nos coeurs puisqu'en retour vous êtes à moi et je veux que vous les dirigiez vers la passion la plus forte qu'il soit possible d'imaginer. C'est vous qui présidez à tous les desseins qu'il faut d'ores et déjà former.
Guillaume Apollinaire — Tendre comme le souvenir -
En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n’ayant plus que la moitié de son habit, c’est-à-dire d’un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite. "Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l’état horrible où je te vois ? — J’attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre. — Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t’a traité ainsi ? — Oui, monsieur, dit le nègre, c’est l’usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l’année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe." Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : "Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par-là la fortune de ton père et de ta mère." Hélas ! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. Les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible.
Voltaire — Candide -
Ô lac ! l’année à peine a fini a fini sa carrière,Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,Regarde ! Je viens seul m’asseoir sur cette pierreOù tu la vis s’asseoir !Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondesSur ses pieds adorés.
Alphonse de Lamartine — Le Lac -
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,Dans la nuit éternelle emportés sans retour,Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âgesJeter l'ancre un seul jour ?Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierreOù tu la vis s'asseoir !(…)Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadenceTes flots harmonieux.(…)Tout à coup des accents inconnus à la terreDu rivage charmé frappèrent les échos,Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chèreLaissa tomber ces mots :« Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices,Suspendez votre cours !Laissez-nous savourer les rapides délicesDes plus beaux de nos jours ! »
Alphonse de Lamartine — « Le Lac » -
Un mal qui répand la terreur,Mal que le ciel en sa fureurInventa pour punir les crimes de la terre,La peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom),Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,Faisait aux animaux la guerre.Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :On n’en voyait point d’occupésÀ chercher le soutien d’une mourante vie ;Nul mets n’excitait leur envie ;Ni loups ni renards n’épiaientLa douce et l’innocente proie ;Les tourterelles se fuyaient :Plus d’amour, partant plus de joie.Le lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,Je crois que le ciel a permisPour nos péchés cette infortune.Que le plus coupable de nousSe sacrifie aux traits du céleste courroux ;Peut-être il obtiendra la guérison commune.L’histoire nous apprend qu’en de tels accidentsOn fait de pareils dévouements.Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgenceL’état de notre conscience.Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,J’ai dévoré force moutons.Que m’avaient-ils fait ? nulle offense ;Même il m’est arrivé quelquefois de mangerLe berger.Je me dévouerai donc, s’il le faut : mais je penseQu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi ;Car on doit souhaiter, selon toute justice,Que le plus coupable périsse.Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi ;Vos scrupules font voir trop de délicatesse.Eh bien ! manger moutons, canaille, sotte espèce,Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes, seigneur,En les croquant, beaucoup d’honneur ;Et quant au berger, l’on peut direQu’il était digne de tous maux,Étant de ces gens-là qui sur les animauxSe font un chimérique empire.Ainsi dit le renard ; et flatteurs d’applaudir.On n’osa trop approfondirDu tigre, ni de l’ours, ni des autres puissances,Les moins pardonnables offenses :Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples mâtins,Au dire de chacun, étaient de petits saints.L’âne vint à son tour, et dit : J’ai souvenanceQu’en un pré de moines passant,La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et, je pense,Quelque diable aussi me poussant,Je tondis de ce pré la largeur de ma langue ;Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net.À ces mots, on cria haro sur le baudet.Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangueQu’il fallait dévouer ce maudit animal,Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.Sa peccadille fut jugée un cas pendable.Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable !Rien que la mort n’était capableD’expier son forfait. On le lui fit bien voir.Selon que vous serez puissant ou misérable,Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
Jean de La Fontaine — Les animaux malades de la peste -
Maupassant est un des maîtres du conte fantastique et son art rappelle celui d’Edgar Allan Poe. Écrites surtout dans ses dernières années, les nouvelles de la peur et de l’angoisse sont inspirées par ses troubles nerveux, ses hallucinations, son inquiétude devant le mystère. Les aliénistes les considèrent comme de précieux témoignages sur les progrès de son mal. Ainsi, dans Le Horla, obsédé par la présence d’un être invisible dont il devient peu à peu l’esclave, le héros en vient à incendier sa demeure et décide de se tuer.
Lagarde et Micard — op.cit. -
…c'est Laurie qui a le code du coffre, Laurie, la seule héritière du peu que je possède, la seule ayant droit que je me reconnaisse, ainsi que je l'ai en bonne et due forme consigné sur mon testament dont un exemplaire se trouve ici et l'autre chez mon avocat, cette petite Laurie qui est si empêchée et qui les dépasse tous cent fois, sauf Denver.
Christian Garcin — Du Bruit dans les arbres -
Les murs de la cellule étaient nus, peints à la chaux. Une fenêtre étroite et grillée, percée très haut de façon qu'on ne pût pas y atteindre, éclairait cette petite pièce claire et sinistre; et le fou, assis sur une chaise de paille, nous regardait d'un œil fixe, vague et hanté. Il était fort maigre avec des joues creuses et des cheveux presque blancs qu'on devinait blanchis en quelques mois. Ses vêtements semblaient trop larges pour ses membres secs, pour sa poitrine rétrécie, pour son ventre creux. On sentait cet homme ravagé, rongé par sa pensée, par une Pensée, comme un fruit par un ver. Sa Folie, son idée était là, dans cette tête, obstinée, harcelante, dévorante. Elle mangeait le corps peu à peu. Elle, l'Invisible, l'Impalpable, l'Insaisissable, l'Immatérielle Idée minait la chair, buvait le sang, éteignait la vie. Quel mystère que cet homme tué par un Songe ! Il faisait peine, peur et pitié, ce Possédé ! Quel rêve étrange, épouvantable et mortel habitait dans ce front, qu'il plissait de rides profondes, sans cesse remuantes ?Le médecin me dit: "Il a de terribles accès de fureur, c'est un des déments les plus singuliers que j'ai vus. Il est atteint de folie érotique et macabre. C'est une sorte de nécrophile. Il a d'ailleurs écrit son journal qui nous montre le plus clairement du monde la maladie de son esprit. Sa folie y est pour ainsi dire palpable. Si cela vous intéresse vous pouvez parcourir ce document." Je suivis le docteur dans son cabinet, et il me remit le journal de ce misérable homme. "Lisez, dit-il, et vous me direz votre avis."
Guy de Maupassant — La Chevelure -
Les femmes avaient paru, près d'un millier de femmes, aux cheveux épars, dépeignés par la course, aux guenilles montrant la peau nue, des nudités de femelles lasses d'enfanter des meurt-de-faim. Quelques-unes tenaient leur petit entre les bras, le soulevaient, l'agitaient, ainsi qu'un drapeau de deuil et de vengeance. D'autres, plus jeunes, avec des gorges gonflées de guerrières, brandissaient des bâtons ; tandis que les vieilles, affreuses, hurlaient si fort, que les cordes de leurs cous décharnés semblaient se rompre. Et les hommes déboulèrent ensuite, deux mille furieux, des galibots, des haveurs, des raccommodeurs, une masse compacte qui roulait d'un seul bloc, serrée, confondue, au point qu'on ne distinguait ni les culottes déteintes, ni les tricots de laine en loques, effacés dans la même uniformité terreuse. Les yeux brûlaient, on voyait seulement les trous des bouches noires, chantant la Marseillaise, dont les strophes se perdaient en un mugissement confus, accompagné par le claquement des sabots sur la terre dure. Au-dessus des têtes, parmi le hérissement des barres de fer, une hache passa, portée toute droite ; et cette hache unique, qui était comme l'étendard de la bande avait, dans le ciel clair, le profil aigu d'un couperet de guillotine.
Émile Zola — Germinal -
Tout à coup il crut avoir été appelé par une voix terrible, et tressaillit comme lorsqu’au milieu d’un brûlant cauchemar nous sommes précipités d’un seul bond dans les profondeurs d’un abîme. Il ferma les yeux ; les rayons d’une vive lumière l’éblouissaient ; il voyait briller au sein des ténèbres une sphère rougeâtre dont le centre était occupé par un petit vieillard qui se tenait debout et dirigeait sur lui la clarté d’une lampe. Il ne l’avait entendu ni venir, ni parler, ni se mouvoir. Cette apparition eut quelque chose de magique. L’homme le plus intrépide, surpris ainsi dans son sommeil, aurait sans doute tremblé devant ce personnage extraordinaire qui semblait être sorti d’un sarcophage voisin. La singulière jeunesse qui animait les yeux immobiles de cette espèce de fantôme empêchait l’inconnu de croire à des effets surnaturels ; néanmoins, pendant le rapide intervalle qui sépara sa vie somnambulique de sa vie réelle, il demeura dans le doute philosophique recommandé par Descartes, et fut alors, malgré lui, sous la puissance de ces inexplicables hallucinations dont les mystères sont condamnés par notre fierté ou que notre science impuissante tâche en vain d’analyser.[…] Le moribond frémit en pressentant que ce vieux génie habitait une sphère étrangère au monde où il vivait seul, sans jouissances, parce qu’il n’avait plus d’illusion, sans douleur, parce qu’il ne connaissait plus de plaisirs. Le vieillard se tenait debout, immobile, inébranlable comme une étoile au milieu d’un nuage de lumière, ses yeux verts, pleins de je ne sais quelle malice calme, semblaient éclairer le monde moral comme sa lampe illuminait ce cabinet mystérieux. Tel fut le spectacle étrange qui surprit le jeune homme au moment où il ouvrit les yeux, après avoir été bercé par des pensées de mort et de fantasques images.
Honoré de Balzac — La peau de chagrin -
Ainsi l’on se mit à dire, par antiphrase, des propos et des renommées, vrai, sincère, garanti comme une blague à tabac. Au lieu de jabots, il y eut des vessies, soigneusement attifées et gonflées, que les marchands d’herbe à la reine suspendaient dans leurs boutiques, avec bouffettes et pendeloques en soie, à la façon des lanternes chinoises ; de là peut-être aussi le proverbe : Prendre des vessies pour des lanternes.
Auguste Luchet — Les Mœurs d’aujourd’hui -
Ainsi l’un est réputé généreux et un autre misérable […] ; l’un est bienfaisant, et un autre avide ; l’un cruel, et un autre compatissant ; l’un sans foi, et un autre fidèle à sa parole ; l’un efféminé et craintif, et un autre ferme et courageux ; l’un débonnaire, et un autre orgueilleux ; l’un dissolu, et un autre chaste…
Nicolas Machiavel — Le Prince -
Fut-il jamais douceur de cœur pareilleÀ voir Manon dans mes bras sommeiller ?Son front coquet parfume l'oreiller ;Dans son beau sein j'entends son cœur qui veille.Un songe passe, et s'en vient l'égayer. Ainsi s'endort une fleur d'églantier,Dans son calice enfermant une abeille.Moi, je la berce ; un plus charmant métierFut-il jamais ? Mais le jour vient, et l'Aurore vermeilleEffeuille au vent son bouquet printanier.Le peigne en main et la perle à l'oreille,À son miroir Manon court m'oublier.Hélas ! l'amour sans lendemain ni veilleFut-il jamais ?
Alfred de Musset — Fut-il jamais douceur de cœur pareille -
Ah! sous une feinte allégresseNe nous cache pas ta douleur!Tu plais autant par ta tristesseQue part ton sourire enchanteurÀ travers la vapeur légèreL’Aurore ainsi charme les yeux;Et, belle en sa pâle lumière,La nuit, Phoebé charme les cieux.Qui te voit, muette et pensive,Seule rêver le long du jour,Te prend pour la vierge naïveQui soupire un premier amour ;Oubliant l’auguste couronneQui ceint tes superbes cheveux,À ses transports il s’abandonne,Et sent d’amour les premiers feux !
Gérard de Nerval — Romance -
Qu’il fasse mieux, ce jeune jouvencel,À qui le Cid donne tant de martel,Que d’entasser injure sur injure,Rimer de rage une lourde imposture,Et se cacher ainsi qu’un criminel.5Chacun connoit son jaloux naturel,Le montre au doigt comme un fou solennelEt ne croit pas, en sa bonne écriture,Qu’il fasse mieux.Paris entier, ayant lu son cartel,L’envoie au diable, et sa muse au bordel ;Moi, j’ai pitié des peines qu’il endure ;Et comme ami je le prie et conjure,S’il veut ternir un ouvrage immortel,Qu’il fasse mieux.Omnibus invideas, livide ; nemo tibi.
Corneille — Rondeau -
Ils ont ensuite produit des contenus muséographiques pour la journée "mission pilotage", organisée sur deux jours, en mai : des sets de tables pour la brasserie, des quizz et des jeux ainsi qu’une marelle thématique. Certains de ces contenus sont destinés du reste à être pérennisés dans l’espace muséal.
La Dépêche — Blagnac. Les collégiens et l’histoire des femmes dans l’aéronautique -
Le soleil en effet balaierait tout le studio, comme un projecteur de poursuite dans un music-hall frontalier. C’était dimanche, dehors les rumeurs étouffées protestaient à peine, parvenant presque à ce qu’on les regrettât. Ainsi tous les jours chômés, les heures des repas tendraient à glisser les unes sur les autres, on s’entendit pour quatorze heures – ensuite on s’y met. Un soleil comme celui-ci, développa le père de Paul, donne véritablement envie de foutre le camp. Ils s’exprimèrent également peu sur la difficulté de leur tâche qui requerrait, c’est vrai, de la patience et du muscle, puis des scrupules d’égyptologues en dernier lieu. Fabre avait détaillé toutes les étapes du processus dans une annexe aux plans. Ils mangèrent donc vers quatorze heures mais sans grand appétit, leurs mâchoires broyaient la durée, la mastication n’était qu’horlogère. D’un tel compte à rebours on peut, avant terme, convoquer à son gré le zéro. Alors autant s’y mettre, autant gratter tout de suite, pas besoin de se changer, on a revêtu dès le matin ces larges tenues blanches pailletées de vieilles peintures, on gratte et des stratus de plâtre se suspendent au soleil, piquetant les fronts, les cafés oubliés. On gratte, on gratte, et puis très vite on respire mal, on sue, il commence à faire terriblement chaud.
Jean Echenoz — L’Occupation des sols – Éditions de Minuit 1998 -
Ainsi, tous les petits matins, mon coude calé sur le comptoir d'un bar sans nom, j'appréciais ma solitude en musique d'ambiance. Ensuite, je rentrais chez moi complètement déchiré et me terminais à la bière avant de sombrer dans les bras de Morphée.
Philippe Isard — Dialogues de morts -
Tant pis, que veux-tu c'est l'Amour. Ainsi, soudainement, j'étais aux prises avec un troisième homme et je ne pensais plus aux autres. Rien du tout. Pauvre cher curé abandonné Pauvre spahi déshabillé. Ah tant pis, car je suis lasse de souffrir.
Florence Asie — Fascination -
À l’heure dite, Cyrus releva ce point, et, en mettant l’un par l’autre avec le soleil deux arbres qui devaient lui servir de repères, il obtint ainsi une méridienne invariable pour ses opérations ultérieures.
Jules Verne — Île mystérieuse -
Si l'union fait la force, la désunion fait la foiblesse ; ainsi on peut diviser les parties d'un état et subdiviser les sphères d'autorité jusqu'aupoint où elles se suffisent à elles-mêmes pour se bien gouverner, mais où elles ne puissent ombrager en rien l'autorité générale d'où elles relèvent. Ce seroit donc un bon plan de gouvernement que celui où l'on morcelleroit plus ou moins les corps nationaux et municipaux, trouvant l'art d'en écarter le danger et de leur imprimer une indépendance qui fit leur force.
René-Louis de Voyer de Paulmy — marquis d'Argenson -
Ainsi Damoclès se croyait le plus fortuné des hommes, lorsque tout d'un coup, au milieu du festin, il aperçut au-dessus de sa tète une épée nue, que Denys y avait fait attacher, et qui ne tenait au plancher que par un simple crin de cheval. Aussitôt les yeux de notre bienheureux se troublèrent : ils ne virent plus, ni ces beaux garçons, qui le servaient, ni la magnifique vaisselle qui était devant lui : ses mains n'osèrent plus toucher aux plats : sa couronne tomba de sa tête. Que dis-je? Il demanda en grâce au tyran la permission de s'en aller, ne voulant plus être heureux à ce prix. Pouvez-vous désirer rien de plus fort, rien qui prouve mieux que Denys lui-même sentait qu'avec de continuelles alarmes on ne goûte nul plaisir ?
Tusculanes — V -
Il est donc à croire que les besoins dictèrent les premiers gestes, et que les passions arrachèrent les premières voix. En suivant avec ces distinctions la trace des faits, peut-être faudrait-il raisonner sur l'origine des langues tout autrement qu'on n'a fait jusqu'ici. Le génie des langues orientales, les plus anciennes qui nous soient connues, dément absolument la marche didactique qu'on imagine dans leur composition. Ces langues n'ont rien de méthodique et de raisonné ; elles sont vives et figurées. On nous fait du langage des premiers hommes des langues de géomètres, et nous voyons que ce furent des langues de poètes.Cela dut être. On ne commença pas par raisonner, mais par sentir. On prétend que les hommes inventèrent la parole pour exprimer leurs besoins ; cette opinion me paraît insoutenable. L'effet naturel des premiers besoins fut d'écarter les hommes et non de les rapprocher. Il le fallait ainsi pour que l'espèce vînt à s'étendre, et que la terre se peuplât promptement ; sans quoi le genre humain se fût entassé dans un coin du monde, et tout le reste fût demeuré désert.De cela seul il suit avec évidence que l'origine des langues n'est point due aux premiers besoins des hommes ; il serait absurde que de la cause qui les écarte vînt le moyen qui les unit. D'où peut donc venir cette origine ? Des besoins moraux, des passions. Toutes les passions rapprochent les hommes que la nécessité de chercher à vivre force à se fuir. Ce n'est ni la faim, ni la soif, mais l'amour, la haine, la pitié, la colère, qui leur ont arraché les premières voix. Les fruits ne se dérobent point à nos mains, on peut s'en nourrir sans parler ; on poursuit en silence la proie dont on veut se repaître : mais pour émouvoir un jeune cœur, pour repousser un agresseur injuste, la nature dicte des accents, des cris, des plaintes. Voilà les plus anciens mots inventés, et voilà pourquoi les premières langues furent chantantes et passionnées avant d'être simples et méthodiques. Tout ceci n'est pas vrai sans distinction, mais j'y reviendrai ci-après.
Jean-Jacques Rousseau — Essai sur l’Origine des langues -
J’aime assez qu’en une œuvre d’art on retrouve ainsi transposé, à l’échelle des personnages, le sujet même de cette œuvre par comparaison avec ce procédé du blason qui consiste, dans le premier, à mettre le second en abyme.
André Gide — Journal -
LOUISE DE CHAULIEU À RENÉE DE MAUCOMBE.Janvier 1824.Comment, bientôt mariée ! mais prend-on les gens ainsi ? Au bout d’un mois, tu te promets à un homme, sans le connaître, sans en rien savoir. Cet homme peut être sourd, on l’est de tant de manières ! il peut être maladif, ennuyeux, insupportable. Ne vois-tu pas, Renée, ce qu’on veut faire de toi ? tu leur es nécessaire pour continuer la glorieuse maison de l’Estorade, et voilà tout. Tu vas devenir une provinciale. Sont-ce là nos promesses mutuelles ? À votre place, j’aimerais mieux aller me promener aux îles d’Hyères en caïque, jusqu’à ce qu’un corsaire algérien m’enlevât et me vendît au grand-seigneur ; je deviendrais sultane, puis quelque jour validé ; je mettrais le sérail c’en dessus dessous, et tant que je serais jeune et quand je serais vieille. Tu sors d’un couvent pour entrer dans un autre ! Je te connais, tu es lâche, tu vas entrer en ménage avec une soumission d’agneau. Je te donnerai des conseils, tu viendras à Paris, nous y ferons enrager les hommes et nous deviendrons des reines. Ton mari, ma belle biche, peut, dans trois ans d’ici, se faire nommer député. Je sais maintenant ce qu’est un député, je te l’expliquerai ; tu joueras très bien de cette machine, tu pourras demeurer à Paris et y devenir, comme dit ma mère, une femme à la mode. Oh ! je ne te laisserai certes pas dans ta bastide.
Honoré de Balzac — Mémoires de jeunes filles mariées -
On prétend que c'est la chose la moins mauvaise que la faiblesse humaine ait pu inventer... Bien inhumaine, pourtant, et inutile, à mon avis ! Plusieurs peuples, en cela moins « barbares » que les Grecs et les Romains, qui les appellent pourtant ainsi, estiment qu'il est horrible et cruel de faire souffrir et démembrer un homme, dont la faute n'est pas avérée. Que peut-il contre cette ignorance ? N'êtes-vous pas injustes, sous prétexte de ne pas le tuer sans raison, de lui faire subir quelque chose de pire encore que la mort ? Et pour preuve qu'il en est bien ainsi, voyez comment bien des fois il préfère mourir sans raison que de passer par cette épreuve. Elle est plus pénible que le supplice final lui-même, et bien souvent, tellement insupportable, qu'elle le devance et même l'exécute.Je ne sais d'où je tiens cette histoire, mais elle reflète bien la conscience dont sait faire preuve notre justice. Devant le Général d'armée, grand justicier, une villageoise accusait un soldat d'avoir enlevé à ses jeunes enfants ce peu de bouillie qui lui restait pour les nourrir, l'armée ayant tout ravagé. Mais pas de preuves !... Le Général somma la femme de bien considérer ce qu'elle disait, car elle devrait répondre de son accusation si elle mentait. Mais comme elle persistait, il fit alors ouvrir le ventre du soldat pour connaître la vérité. Et la femme se trouva avoir raison. Voilà bien une condamnation instructive.
Michel de Montaigne — Les essais -
Natacha participa à la cueillette et à la mise au point de l’ultime appareil issu du cerveau bizarre du notaire, une machine à applaudir composée de deux mains en bois, reliées à la base par une solide charnière. On pouvait ainsi les battre à tire-larigot pour acclamer les comédiens au théâtre sans s’échauffer les paumes.
Le Zèbre — Alexandre Jardin -
Celui qui trempe, ainsi, son pinceau dans la fange,Fut un anormal, il a souffert, il se venge,Il rit jaune, son rire est amer « Hein ! n’est-ce pas ? »
François Gauzi — Le nébuleux -
Bien qu’ayant renoncé, au vu de ses tarifs, à m’installer dans cet hôtel, je prélevai sur le comptoir de la réception un dépliant publicitaire dont les premières lignes étaient ainsi libellées « Dès votre premier contact avec l’hôtel et son personnel, vous comprendrez le vrai sens du mot hospitalité. »
Jean Rolin — Zones -
SÉVÈRE - Que je me prive ainsi du seul bien qui me reste !PAULINE - Sauvez-vous d’une vue à tous les deux funestesSÉVÈRE - Quel prix de mon amour ! quel fruit de mes travaux !PAULINE - C’est le seul remède qui peut guérir nos maux.SÉVÈRE - Je veux mourir des miens : aimez-en la mémoire.PAULINE - Je veux guérir des miens : ils souilleraient ma gloire.
Pierre Corneille — Polyeucte -
Elle n'a jamais regardé une tache. Une tache s'efface. Une tache n'existe que pour être effacée. On n'en tient compte que pour qu'elle disparaisse. Une tache est éphémère, n'a lieu d'être qu'ainsi. Elle la contemple.
Jeanne Benameur — Les mains libres -
Nadja était forte, enfin, et très faible, comme on peut l’être de cette idée qui toujours avait été la sienne, mais dans laquelle je ne l’avais que trop entretenue, à laquelle je ne l’avais que trop aidée à donner le pas sur les autres : à savoir que la liberté, acquise ici-bas au prix de mille et des plus difficiles renoncements, demande à ce qu’on jouisse d’elle sans restriction dans le temps où elle nous est donnée, sans considération pragmatique d’aucune sorte et cela parce que l’émancipation humaine, conçue en définitive sous sa forme révolutionnaire la plus simple, qui n’en est pas moins l’émancipation humaine à tous égards, entendons-nous bien, selon les moyens dont chacun dispose, demeure la seule cause qu’il soit digne de servir. Nadja était faite pour la servir, ne fut-ce qu’en démontrant qu’il doit se fomenter autour de chaque être un complot très particulier qui n’existe pas seulement dans son imagination, dont il conviendrait, au simple point de vue de la connaissance, de tenir compte, et aussi, mais beaucoup plus dangereusement, en passant la tête, puis un bras entre les barreaux ainsi écartés de la logique, c’est-à-dire de la plus haïssable des prisons […].
André Breton — Nadja -
Tous les problèmes sont ainsi militarisés, posés en termes de puissance et d'efficacité. Le général en chef détermine la politique et d'ailleurs tous les principaux problèmes d'administration.
Albert Camus — l'Homme révolté