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Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques : À Elvire

Méditations Poértiques Alphonse de Lamartine

Méditations poétiques est le premier recueil de poèmes d'Alphonse de Lamartine, publié en 1820. La première édition comportait 24 poèmes. D'autres éditions suivirent ; celle de 1849 comportait alors 41 poèmes. Ce recueil marque l'aboutissement d'un courant de poésie élégiaque caractérisé par de nombreuses allusions mythologiques, une tonalité exclamative, des interrogations ainsi qu'une abondance de périphrases poétiques.

Pour citer l'œuvre : Œuvres complètes de Lamartine Chez l’auteur, 1860, 1 (p. 91-93).

À ELVIRE



Oui, l’Anio murmure encore
Le doux nom de Cinthie aux rochers de Tibur ;
Vaucluse a retenu le nom chéri de Laure ;
Et Ferrare au siècle futur
Murmurera toujours celui d’Éléonore.
Heureuse la beauté que le poëte adore !
Heureux le nom qu’il a chanté !
Toi qu’en secret son culte honore,
Tu peux, tu peux mourir ! dans la postérité

Il lègue à ce qu’il aime une éternelle vie ;
Et l’amante et l’amant, sur l’aile du génie,
Montent d’un vol égal à l’immortalité.
Ah ! si mon frêle esquif, battu par la tempête,
Grâce à des vents plus doux, pouvait surgir au port ;
Si des soleils plus beaux se levaient sur ma tête ;
Si les pleurs d’une amante, attendrissant le sort,
Écartaient de mon front les ombres de la mort ;
Peut-être… oui, pardonne, ô maître de la lyre !
Peut-être j’oserais (et que n’ose un amant ?)
Égaler mon audace à l’amour qui m’inspire,
Et, dans des chants rivaux célébrant mon délire,
De notre amour aussi laisser un monument !
Ainsi le voyageur qui, dans son court passage,
Se repose un moment à l’abri du vallon,
Sur l’arbre hospitalier dont il goûta l’ombrage,
Avant que de partir, aime à graver son nom.

Vois-tu comme tout change ou meurt dans la nature ?
La terre perd ses fruits, les forêts leur parure ;
Le fleuve perd son onde au vaste sein des mers ;
Par un souffle des vents la prairie est fanée ;
Et le char de l’automne, au penchant de l’année,
Roule, déjà poussé par la main des hivers !
Comme un géant armé d’un glaive inévitable,
Atteignant au hasard tous les êtres divers,
Le Temps avec la Mort, d’un vol infatigable,
Renouvelle en fuyant ce mobile univers !
Dans l’éternel oubli tombe ce qu’il moissonne :
Tel un rapide été voit tomber sa couronne
Dans la corbeille des glaneurs ;
Tel un pampre jauni voit la féconde automne
Livrer ses fruits dorés au char des vendangeurs.

Vous tomberez ainsi, courtes fleurs de la vie,
Jeunesse, amour, plaisir, fugitive beauté ;
Beauté, présent d’un jour que le ciel nous envie,
Ainsi vous tomberez, si la main du génie
Ne vous rend l’immortalité !

Vois d’un œil de pitié la vulgaire jeunesse,
Brillante de beauté, s’enivrant de plaisir :
Quand elle aura tari sa coupe enchanteresse,
Que restera-t-il d’elle ? à peine un souvenir :
Le tombeau qui l’attend l’engloutit tout entière,
Un silence éternel succède à ses amours ;
Mais les siècles auront passé sur ta poussière,
Elvire, et tu vivras toujours !



Commentaire de texte d'Alphonse de Lamartine : À Elvire

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L'auteur : Alphonse de Lamartine

Lamartine

Alphonse de Lamartine (1790-1869) est un poète, romancier, dramaturge français, ainsi qu'une personnalité politique qui participa à la Révolution de février 1848 et proclama la Deuxième République. Il est l'une des grandes figures du romantisme en France.

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