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Acculé

Définitions de « acculé »

Trésor de la Langue Française informatisé

ACCULÉ, ÉE, part. passé et adj.

I.− Part. passé de acculer*.
II.− Adjectif
A.− [Suivi d'un compl. désignant une chose concr. ou un lieu]
1. [En parlant d'une pers.] Poussé dans un coin, dans une pièce sans issue ou contre un mur (de telle sorte que tout recul est impossible) :
1. Je me dégageai par un mouvement brusque, et avant que personne eût pensé à m'arrêter, je levai ma canne et je l'abattis de toutes mes forces sur son visage. Il poussa un cri en mettant la main sur ses yeux. J'avais déjà fait un bond en arrière et j'étais acculé dans un angle de la muraille. M. Du Camp, Mémoires d'un suicidé,introd., 1853, p. 82.
Rem. L'expr. dans un angle de la muraille montre l'étroite correspondance entre les expr. dans un coin et contre un mur.
2. ... les camarades [les mineurs restés au fond] étaient certainement montés (...) jusque dans les tailles les plus hautes, de sorte qu'ils se trouvaient sans doute acculés au bout de quelque voie supérieure. Cela, du reste, s'accordait avec les renseignements du père Mouque, dont le récit embrouillé donnait même à croire que l'affolement de la fuite avait séparé la bande en petits groupes semant les fuyards en chemin, à tous les étages. É. Zola, Germinal,1885, p. 1550.
En partic. [En parlant d'un homme de guerre (et de ses troupes)] Poussé dans un lieu qui fait obstacle, de telle sorte qu'il est impossible de reculer ou de fuir :
3. Le 18 au matin, avant les premiers coups de canon, le duc de Wellington déclara qu'il pourrait tenir jusqu'à trois heures; mais qu'à cette heure, si les Prussiens ne paraissaient pas, il serait nécessairement écrasé : acculé sur Planchenois et Bruxelles, toute retraite lui était interdite. F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 608.
4. L'empereur se souleva à demi sur ses étriers. L'éclair de la victoire passa dans ses yeux. Wellington acculé à la forêt de Soignes et détruit c'était le terrassement définitif de l'Angleterre par la France... V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 394.
Absol. Poussé dans un endroit sans issue, poussé contre quelque chose (le dos contre quelque chose) :
5. ... le flot les rattrapa, ils baignèrent jusqu'à la ceinture. Debout, acculés, l'échine collée contre la roche, ils la [l'eau] regardaient croître, toujours, toujours. Quand elle atteindrait leur bouche, ce serait fini. É. Zola, Germinal,1885, p. 1572.
P. compar. :
6. ... quelque chose en Nietzsche ne parie que pour perdre : le mot de desperado qu'appliquent à son attitude Overbeck et Bernouilli me paraît correspondre à quelque chose d'inscrit très avant dans sa nature : il a besoin d'être acculé, d'être le dos au mur, besoin né de la nécessité de l'extrême, de l'antinomie... Ch. Du Bos, Journal,janv. 1924, p. 25.
2. [En parlant d'un animal] Poussé dans un endroit sans issue :
7. C'était un solitaire de la plus haute taille, maigre, allongé, haut sur jambes, d'un brun roussâtre, avec une mâchoire énorme et les plus redoutables défenses qu'on pût voir. L'heure de la fuite, il le comprit, était passée pour lui, et il s'apprêta pour le combat. Acculé contre les rochers, à demi accroupi et ramassé sur son arrière-train, il attendit, l'œil sanglant et la bouche béante, ses redoutables adversaires. P.-A. Ponson du Terrail, Rocambole,t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 597.
8. La bête acculée dans sa bauge fait une belle défense. Le mensonge ne veut pas céder. L'iniquité ne veut pas se rendre. G. Clemenceau, Vers la réparation,1899, p. 424.
Absolument :
9. ... soudain, l'animal et le cavalier sortirent de la forêt et se ruèrent dans un vallon, comme la lune apparaissait au-dessus des monts. Ce vallon était pierreux, fermé par des roches énormes, sans issue possible; et le loup acculé se retourna. François alors poussa un hurlement de joie que les échos répétèrent comme un roulement de tonnerre, et il sauta de cheval, son coutelas à la main. La bête hérissée, le dos rond, l'attendait... G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Le Loup, 1882, p. 1245.
3. [En parlant d'une voiture] Poussé contre quelque chose :
10. Vers le soir, entre quatre et cinq heures, Cadine et Marjolin étaient sûrs de rencontrer Claude à la vente en gros des mous de bœuf. Il était là, au milieu des voitures des tripiers acculées aux trottoirs, dans la foule des hommes en bourgerons bleus et en tabliers blancs... É. Zola, Le Ventre de Paris,1873, p. 775.
4. [En parlant d'une constr., d'une localité...] Situé près d'un lieu qui constitue un obstacle naturel (empêchant p. ex. toute extension) :
11. Devait-il éveiller l'Égyptienne? La faire évader? Par où? Les rues étaient investies, l'église était acculée à la rivière. Pas de bateau! pas d'issue! V. Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 466.
12. ... une très-petite commune perdue loin de tout grand centre, enfermée de marais, acculée contre la mer qui rongeait ses côtes et lui dévorait chaque année quelques pouces de territoire... E. Fromentin, Dominique,1863, p. 21.
5. Rare. [En parlant au dos d'une pers. ou d'un animal] Poussé contre quelque chose, adossé :
13. Comme au bord de la mare, (...), sans que rien lui pût faire deviner la cause d'une telle souffrance ou d'une telle détresse, une pie, le dos acculé contre une planche assez large, comme pour se protéger de l'humidité de la terre, agitait frénétiquement en l'air ses deux pauvres pattes en piaillant désespérément. L. Pergaud, De Goupil à Margot,1910, p. 194.
B.− [Suivi d'un compl. désignant une chose abstr.; en parlant d'une pers., d'un groupe, rarement d'un animal]
1. [Suivi d'un compl. désignant un lieu abstr.] Retranché dans, contre; poussé dans :
14. ... générateur de la piété catholique par l'abbé Gerbet, − défense ingénieuse et logique, mais dont il faudrait contester les points de départ, donnés beaucoup plus par l'histoire que par la raison. Or, c'est par de la raison et du raisonnement que l'auteur voudrait enlever les résistances, et une fois acculé à l'histoire, il combat de là, mais n'a plus de retranchements. J. Barbey d'Aurevilly, Premier memorandum,1838, p. 78.
15. Avant de vivre agréablement, il faut vivre. Je n'aime pas le célibat; mais je déteste encore plus l'esclavage que crée le besoin, surtout dans notre société genevoise où chacun aime à faire souffrir tout ce qui dépend de lui. − Redescendre de la fière liberté aux anxiétés du servage, me fait toujours horreur. D'autant plus que je me vois acculé à cette odieuse impasse par les circonstances et la nécessité. H.-F. Amiel, Journal intime,30 mars 1866, p. 204.
Rem. L'agent de l'action de acculer est exprimé, introd. par la prép. par.
16. La prison de l'inintelligible, où nous enferme un monde qui se flatte d'avoir fait tomber les défenses et les murailles de la morale et de la raison, est autrement étroite, « emmurée », que celle que tracent autour de notre liberté les normes de l'intelligence. À l'intérieur, l'homme a « la possibilité de danser »; l'autre, l'homme sans loi, n'ose aucun mouvement, tout occupé qu'il est à se chercher, à se connaître, à se comprendre, à morceler sa conscience, à poser des problèmes sans solutions. Acculé dans l'inexplicable et dans sa solitude, il n'y a pas d'être plus entravé, moins audacieux... H. Massis, Jugements,t. 2, 1924, p. 58.
2. [Suivi d'un inf., d'un subst. d'action ou d'un subst. marquant un état]
a) Poussé, forcé, contraint à une action :
17. La vie économique du pays sera suspendue; (...). Les masses ouvrières, en arrêtant la production et les échanges, se seront affamées elles-mêmes; elles seront ainsi acculées à la violence, pour se nourrir, pour saisir vivres et denrées là où ils se trouvent. Elles seront acculées aussi à frapper d'épouvante les privilégiés, menacés dans leurs personnes et dans leurs biens par l'inévitable colère du prolétariat dont les souffrances séculaires seront comme exaspérées par la crise de misère et par la faim. J. Jaurès, Études socialistes,1901, p. 103.
18. ... je pense surtout aux malheureuses filles-mères, qui, lorsqu'elles ne sont pas acculées au suicide, se voient ordinairement contraintes à mourir de faim... F. Le Dantec, Savoir! Considération sur la méthode scientifique, la guerre et la morale,1920, p. 71.
19. ... ce qui me troubla (...), ce fut la dissension qui venait de se manifester entre elle et mon père : je ne voulais donner tort à aucun des deux. Je parlai à papa; il haussa les épaules, et dit que Zaza était une enfant; cette réponse ne me satisfit pas. Pour la première fois, j'étais acculée à prendre parti : mais je n'y connaissais rien et je ne décidai pas. S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 134.
b) Réduit par nécessité et sans autre issue possible, à un état extrême (de solitude, de misère...) :
20. ... le sanglier (...), devinant qu'il allait avoir à lutter contre un plus noble ennemi, s'était débarrassé des deux chiens les plus acharnés, et, ramassé sur lui-même, comme un chat prêt à bondir, il attendait que sir Williams eût fait deux pas encore pour se ruer sur lui avec l'aveugle impétuosité de la bête fauve acculée en ses derniers retranchements. P.-A. Ponson du Terrail, Rocambole,t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 598.
21. Il est seul par tempérament et par instinct, mais autre chose est la solitude où l'on naît, autre chose la solitude l'on croit avoir été acculé et forcé par la vie et par la société. Et d'avoir subi la seconde permet seul peut-être de bien connaître la première, et d'en parler éloquemment. J. Guéhenno, Jean-Jacques,En marge des Confessions, 1948, p. 127.
Absol. Réduit aux extrémités, poussé dans ses derniers retranchements :
22. Des bruits inquiétants commençaient à se répandre. On disait que le crédit de la banque était entamé. Le banquier avait beau affecter l'assurance avec ses clients, certains plus soupçonneux redemandèrent leurs fonds. (...). Les demandes de remboursement affluèrent. Acculé, aux abois, il perdit complètement la tête. R. Rolland, Jean-Christophe,Antoinette, 1908, p. 850.
23. Les dernières semaines de la guerre, dans une Allemagne enfin acculée où les ruines se multipliaient, n'ont pas pesé d'un poids égal sur les épaules de tous les prisonniers. F. Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 354.
Rem. Peut s'appliquer, p. ext., à un sent., une passion ou bien à une activité hum. :
24. Dans cette toile, se révélait le chef-d'œuvre de l'art acculé, sommé de rendre l'invisible et le tangible, de manifester l'immondice éplorée du corps, de sublimer la détresse infinie de l'âme. J.K. Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 19.
25. Les personnages de la tragédie, contrairement à ceux du drame, sont presque toujours intelligents. Ils savent ce qu'ils sont, et l'analysent avec une indicible joie, la joie de la conscience claire. Au milieu des excès d'une passion poussée aux dernières limites et acculée à la démence, une survivance d'esprit classique leur rend l'essentielle lucidité. R. Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 40.
C.− Spéc.
− 1. HÉRALD. ,,En termes de blason, se dit du cheval et du lion quand ils sont cabrés, et de deux canons placés sur leurs affûts, et dont les culasses sont opposées l'une à l'autre.`` (Littré).
2. MAR. Se dit de la courbure des varangues d'un navire Varangues acculées, demi-acculées. (Gruss 1952). Se dit aussi de l'enfoncement de l'arrière (Gruss 1952).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 169.

Wiktionnaire

Adjectif - français

acculé \a.ky.le\

  1. D’un humain ou d’un animal : poussé contre un obstacle sans issue ou fuite possibles.
    • Acculé contre un mur.
    • Acculé dans un coin.
    • Acculé à la montagne.
    • Ce n’est pas très agréable de voir un cerf acculé dans un corner par vingt-trois chiens à côté… — (Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Apocalypse – Les années Fillon, Fayard, Paris, 2020, ISBN 978-2-213-71296-3, IIIe partie, ch. 20, p. 326)
  2. (Sens figuré) D’un humain : confronté à une difficulté sans échappatoire.
    • Ce Shed-là s’était retrouvé acculé à se battre pour sauver sa peau. — (Glen Cook, Le Château noir, 1984)
  3. (Sens figuré) D’un humain : être obligé (à quelque chose).
    • Acculé à la prostitution.
    • Acculé à se battre.
  4. (Héraldique) Se dit d'un quadrupède (et en particulier du cheval) lorsqu’il est représenté cabré comme près à partir au galop. À rapprocher de cabré, effaré, effarouché, effrayé, forcené et furieux.
    • Acculé : Se dit : 1° d’un cheval cabré, qui paraît s’abaisser pour mieux s’élancer ; — 2° d’une licorne assise qui lève ses pattes de devant ; — 3° de deux croissants posés l’un sur l’autre, dont le premier est montant et le second versé ; — 4° de deux canons sur une même ligne, dont l’un est tourné à dextre et l’autre à senestre. — (Johannes Baptist Rietstap, Armorial général : précédé d’un Dictionnaire des termes du blason, tome 1 (A–K), G. B. van Goor Zonen, Gouda, 1884)
    • De gueules, au cheval acculé d’argent, qui est de Westphalie → voir illustration « cheval acculé »
  5. (Héraldique) pluriel Disposition particulière d’un ensemble de meubles. Voir acculés.
  6. (Héraldique) Se dit du fer de flèche, carreau, dard, phéon… qui est représenté attaché à une cornière (anse de pot). Utilisé dans l’expression « acculé en cornière ».
    • De gueules, au phéon acculé en cornière d’argent, qui est de la famille Ogończyk → voir illustration « phéon acculé en cornière »
  7. (Acadie) Variante de éculé.
  8. (Marine) Se dit d’une varangue, d’un étai peu cintré.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ACCULER. v. tr.
Pousser quelqu'un dans un endroit où il ne puisse plus reculer. Il le poursuivit l'épée à la main et l'accula contre la muraille. Notre armée était acculée à la montagne. Se voyant poursuivi par quatre hommes, il s'accula contre la muraille et se défendit longtemps. Il se dit aussi en parlant des Sangliers, des loups, des renards, etc. Les chiens avaient acculé le sanglier, le loup, le renard. Le blaireau était acculé dans son terrier. Fig., Acculer quelqu'un à une difficulté, à une impossibilité, et elliptiquement, Acculer quelqu'un. Il est acculé aux expédients. En termes de Manège, Le cheval s'accule, Il ne va pas assez en avant à chacune des voltes.

Littré (1872-1877)

ACCULÉ (a-ku-lé, lée) part. passé.
  • 1Mis dans un accul, au propre et au figuré. Le renard acculé. Cet homme acculé et ne sachant plus que dire. La comtesse de Roucy me répondit, acculée et dans l'excès de sa colère, qu'enfin Praslin était lieutenant général, et que son mari ne l'était pas, Saint-Simon, 104, 107.
  • 2 En termes de blason, se dit du cheval et du lion quand ils sont cabrés, et de deux canons placés sur leurs affûts, et dont les culasses sont opposées l'une à l'autre.
Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Étymologie de « acculé »

(Siècle à préciser) Participe passé d’acculer.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « acculé »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
acculé akkyle

Fréquence d'apparition du mot « acculé » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « acculé »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Traductions du mot « acculé »

Langue Traduction
Anglais cornered
Espagnol arrinconado
Italien messo alle strette
Allemand in die enge getrieben
Chinois 走投无路
Arabe محاصر
Portugais encurralado
Russe загнанный в угол
Japonais 追い詰められた
Basque izkinatuta
Corse accurtatu
Source : Google Translate API

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Nombre de points du mot acculé au scrabble : 9 points

Acculé

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