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Citations sur le soleil - Page 3
Il y a 142 citations sur le soleil.
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Oh, je voudrais tant que tu te souviennes,Des jours heureux quand nous étions amis,Dans ce temps-là, la vie était plus belle,Et le soleil plus brûlant qu’aujourd’hui.Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,Tu vois je n’ai pas oublié.Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,Les souvenirs et les regrets aussi,Et le vent du nord les emporte,Dans la nuit froide de l’oubli.Tu vois, je n’ai pas oublié,La chanson que tu me chantais.C’est une chanson, qui nous ressemble,Toi qui m’aimais, moi qui t’aimais.Nous vivions, tous les deux ensemble,Toi qui m’aimais, moi qui t’aimais.Et la vie sépare ceux qui s’aiment,Tout doucement, sans faire de bruit.Et la mer efface sur le sable,Les pas des amants désunis.Nous vivions, tous les deux ensemble,Toi qui m’aimais, moi qui t’aimais.Et la vie sépare ceux qui s’aiment,Tout doucement, sans faire de bruit.Et la mer efface sur le sableLes pas des amants désunis…
Jacques Prévert — « Les Feuilles mortes » -
Du pain, un verre de vin et la soupe, la table recouverte de la nappe à carreaux bleu foncé et bleu clair, la fourchette, le couteau, la cuillère, la serviette pliée sur l’assiette, le coup de poing sur le côté droit de la table du seau de jaune versé légèrement rosé vomi par le soleil essuyant la couleur mordorée dressée sur ses ergots lui faisant face.
Pablo Picasso — Les quatre petites filles -
Oh ! Quel triste soleil fut le témoin, en Flandre,Et des hameaux en feu, et des villes en cendreEt de la longue horreur et des crimes soudainsDont avait faim et soif le sadisme germain !
Emile Verhaeren — « La Belgique sanglante » -
Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L’automneFaisait voler la grive à travers l’air atone,Et le soleil dardait un rayon monotoneSur le bois jaunissant où la bise détone.
Paul Verlaine — Nevermore -
Il avançait en chancelant vers la sortie quand tout à coup la lumière du soleil le frappa en pleine figure. […]. Il se sauva vers sa maison, la figure cachée dans ses mains.
Michel Tournier — Vendredi ou la vie sauvage -
Va-t’en, lui disais-je, gueule de flic, gueule de vache, va-t’en je déteste les larbins de l’ordre et les hannetons de l’espérance. Va-t’en mauvais gris-gris, punaise de moinillon. Puis je me tournais vers des paradis pour lui et les siens perdus, plus calme que la face d’une femme qui ment, et là, bercé par les effluves d’une pensée jamais lasse je nourrissais le vent, je délaçais les montres et j’entendais monter de l’autre côté du désastre, un fleuve de tourterelles et de trèfles de la savane que je porte toujours dans mes profondeurs à hauteur inverse du vingtième étage des maisons les plus insolentes et par précaution contre la force putréfiante des ambiances crépusculaires, arpentée nuit et jour d’un sacré soleil vénérien.
Aimé Césaire — Cahier d’un retour au pays natal -
Je proclame l’opposition de toutes les facultés cosmiques à cette blennorragie d’un soleil putride sorti des usines de la pensée philosophique, la lutte acharnée, avec tous les moyens du dégoût dadaïste.
Tristan Tzara — Manifeste Dada -
Nos cœurs étaient muets à force d’être pleins ;Nous effeuillions sur l’eau des tiges dans nos mains ;Je ne sais quel attrait des yeux pour l’eau limpideNous faisait regarder et suivre chaque ride,Réfléchir, soupirer, rêver sans dire un mot,Et perdre et retrouver notre âme à chaque flot.Nul n’osait le premier rompre un si doux silence,Quand, levant par hasard un regard sur Laurence,Je vis son front rougir et ses lèvres trembler,Et deux gouttes de pleurs entre ses cils rouler,Comme ces pleurs des nuits qui ne sont pas la pluie,Qu’un pur rayon colore, et qu’un vent tiède essuie.— Que se passe-t-il donc, Laurence, aussi dans toi ?Est-ce qu’un poids secret t’oppresse ainsi que moi ?— Oh ! je sens, me dit-il, mon cœur prêt de se fendre ;Mon âme cherche en vain des mots pour se répandre :Elle voudrait créer une langue de feu,Pour crier de bonheur vers la nature et Dieu.— Dis-moi, repris-je, ami, par quelles influencesMon âme au même instant pensait ce que tu penses ?Je sentais dans mon cœur, au rayon de ce jour,Des élans de désirs, des étreintes d’amourCapables d’embrasser Dieu, le temps et l’espace ;Et pour les exprimer ma langue était de glace.Cependant la nature est un hymne incomplet,Et Dieu n’y reçoit pas l’hommage qui lui plaît,Quand l’homme, qu’il créa pour y voir son image,N’élève pas à lui la voix de son ouvrage :La nature est la scène, et notre âme est la voix.Essayons donc, ami, comme l’oiseau des bois,Comme le vent dans l’arbre ou le flot sur le sable,De verser à ses pieds le poids qui nous accable,De gazouiller notre hymne à la nature, à Dieu :Créons-nous par l’amour prêtres de ce beau lieu !Sur ces sommets brûlants son soleil le proclame,Proclamons-l’y nous-même et chantons-lui notre âme !La solitude seule entendra nos accents : Écoute ton cœur battre, et dis ce que tu sens.
Alphonse de Lamartine — Jocelyn -
Le long du vieux faubourg, où pendent aux masuresLes persiennes, abri des secrètes luxures,Quand le soleil cruel frappe à traits redoublésSur la ville et les champs, sur les toits et les blés,Je vais m’exercer seul à ma fantasque escrime,Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.Ce père nourricier, ennemi des chloroses,Eveille dans les champs les vers comme les roses ;Il fait s’évaporer les soucis vers le ciel,Et remplit les cerveaux et les ruches de miel.C’est lui qui rajeunit les porteurs de béquillesEt les rend gais et doux comme des jeunes filles,Et commande aux moissons de croître et de mûrirDans le coeur immortel qui toujours veut fleurir !Quand, ainsi qu’un poète, il descend dans les villes,Il ennoblit le sort des choses les plus viles,Et s’introduit en roi, sans bruit et sans valets,Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais.
Baudelaire — Les Fleurs du Mal -
Par les journées de juillet très chaudes, le mur d’en face jetait sur la petite cour humide une lumière éclatante et dure.Il y avait un grand vide sous cette chaleur, un silence, tout semblait en suspens ; on entendait seulement, agressif, strident, le grincement d’une chaise traînée sur le carreau, le claquement d’une porte. C’était dans cette chaleur, dans ce silence – un froid soudain, un déchirement.Et elle restait sans bouger sur le bord de son lit, occupant le plus petit espace possible, tendue, comme attendant que quelque chose éclate, s’abatte sur elle dans ce silence menaçant.Quelquefois le cri aigu des cigales, dans la prairie pétrifiée sous le soleil et comme morte, provoque cette sensation de froid, de solitude, d’abandon dans un univers hostile où quelque chose d’angoissant se prépare.Étendu dans l’herbe sous le soleil torride, on reste sans bouger, on épie, on attend.Elle entendait dans le silence, pénétrant jusqu’à elle le long des vieux papiers à raies bleues du couloir, le long des peintures sales, le petit bruit que faisait la clef dans la serrure de la porte d’entrée. Elle entendait se fermer la porte du bureau.Elle restait là, toujours recroquevillée, attendant, sans rien faire. La moindre action, comme d’aller dans la salle de bains se laver les mains, faire couler l’eau du robinet, paraissait une provocation, un saut brusque dans le vide, un acte plein d’audace. Ce bruit soudain de l’eau dans ce silence suspendu, ce serait comme un signal, comme un appel vers eux, ce serait comme un contact horrible, comme de toucher avec la pointe d’une baguette une méduse et puis d’attendre avec dégoût qu’elle tressaille tout à coup, se soulève et se replie.Elle les sentait ainsi, étalés, immobiles, derrière les murs, et prêts à tressaillir, à remuer.Elle ne bougeait pas. Et autour d’elle toute la maison, la rue semblaient l’encourager, semblaient considérer cette immobilité comme naturelle.Il paraissait certain, quand on ouvrait la porte et qu’on voyait l’escalier, plein d’un calme implacable, impersonnel et sans couleur, un escalier qui ne semblait pas avoir gardé la moindre trace des gens qui l’avaient parcouru, pas le moindre souvenir de leur passage, quand on se mettait derrière la fenêtre de la salle à manger et qu’on regardait les façades des maisons, les boutiques, les vieilles femmes et les petits enfants qui marchaient dans la rue, il paraissait certain qu’il fallait le plus longtemps possible – attendre, demeurer ainsi immobile, ne rien faire, ne pas bouger, que la suprême compréhension, que la véritable intelligence, c’était cela, ne rien entreprendre, remuer le moins possible, ne rien faire.Tout au plus pouvait-on, en prenant soin de n’éveiller personne, descendre sans le regarder l’escalier sombre et mort, et avancer modestement le long des trottoirs, le long des murs, juste pour respirer un peu, pour se donner un peu de mouvement, sans savoir où l’on va, sans désirer aller nulle part, et puis revenir chez soi, s’asseoir au bord du lit et de nouveau attendre, replié, immobile.
Nathalie Sarraute — Tropismes -
Mais plus proche encore, si on essaie de pencher la tête, il y a le mur, les feuilles déchiquetées, les persiennes vertes, les pigments de la chaux qui s’enflent presque au soleil de quatre heures, le mimosa, la poussière, le croisement, les feux de signalisation, une ou deux voitures qui passent, de nouveau une vespa, et ce sable rouge partout, chante, petite, chante encore, tant que le monde est immobile.
Colette Fellous — Le Petit Casino -
Vous que le printemps opéraMiracles ponctuez ma stanceMon esprit épris du départDans un rayon soudain se perdPerpétué par la cadenceLa Seine au soleil d’avril danseComme Cécile au premier balOu plutôt roule des pépitesVers les ponts de pierre ou les criblesCharme sûr La ville est le val […]
Louis Aragon — Le Mouvement perpétuel -
Après le tremblement de terre qui avait détruit les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n’avaient pas trouvé un moyen plus efficace pour prévenir une ruine totale que de donner au peuple un bel auto-da-fé ; il était décidé par l’université de Coïmbre que le spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu, en grande cérémonie, est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler. il était décidé par l’université de Coïmbre que le spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu, en grande cérémonie, est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler.On avait en conséquence saisi un Biscayen convaincu d’avoir épousé sa commère, et deux Portugais qui en mangeant un poulet en avaient arraché le lard : on vint lier après le dîner le docteur Pangloss et son disciple Candide, l’un pour avoir parlé, et l’autre pour l’avoir écouté avec un air d’approbation : tous deux furent menés séparément dans des appartements d’une extrême fraîcheur, dans lesquels on n’était jamais incommodé du soleil : huit jours après ils furent tous deux revêtus d’un san-benito, et on orna leurs têtes de mitres de papier : la mitre et le san-benito de Candide étaient peints de flammes renversées, et de diables qui n’avaient ni queues ni griffes ; mais les diables de Pangloss portaient griffes et queues, et les flammes étaient droites. Ils marchèrent en procession ainsi vêtus, et entendirent un sermon très-pathétique, suivi d’une belle musique en faux-bourdon. Candide fut fessé en cadence, pendant qu’on chantait ; le Biscayen et les deux hommes qui n’avaient point voulu manger de lard furent brûlés, et Pangloss fut pendu, quoique ce ne soit pas la coutume. Le même jour la terre trembla de nouveau avec un fracas épouvantable.
Voltaire — Candide ou l’Optimisme -
Je suis un pâle enfant du vieux Paris, et j’aiLe regret des rêveurs qui n’ont pas voyagé.Au pays bleu mon âme en vain se réfugie,Elle n’a jamais pu perdre la nostalgieDes verts chemins qui vont là-bas, à l’horizon.Comme un pauvre captif vieilli dans sa prisonSe cramponne aux barreaux étroits de sa fenêtrePour voir mourir le jour et pour le voir renaître.Ou comme un exilé, promeneur assidu,Regarde du coteau le pays défenduSe dérouler au loin sous l’immensité bleue,Ainsi je fuis la ville et cherche la banlieue.Avec mon rêve heureux j’aime partir, marcherDans la poussière, voir le soleil se coucherParmi la brume d’or, derrière les vieux ormes,Contempler les couleurs splendides et les formesDes nuages baignés dans l’occident vermeil,Et, quand l’ombre succède à la mort du soleil,M’éloigner encor plus par quelque agreste rueDont l’ornière rappelle un sillon de charrue,Gagner les champs pierreux, sans songer au départ,Et m’asseoir, les cheveux au vent, sur le rempart.Au loin, dans la lueur blême du crépuscule,L’amphithéâtre noir des collines recule,Et, tout au fond du val profond et solennelParis pousse à mes pieds son soupir éternel.Le sombre azur du ciel s’épaissit. Je commenceA distinguer des bruits dans ce murmure immense,Et je puis, écoutant, rêveur et plein d’émoi,Le vent du soir froissant les herbes près de moi,Et parmi le chaos des ombres débordantes,Le sifflet douloureux des machines stridentes,Ou l’aboiement d’un chien, ou le cri d’un enfant,Ou le sanglot d’un orgue au lointain s’étouffant,Ou le tintement clair d’une tardive enclume,Voir la nuit qui s’étoile et Paris qui s’allume
François Coppée — « Un pâle enfant du vieux Paris » -
Tel qu’un morne animal, meurtri, plein de poussière,La chaîne au cou, hurlant au chaud soleil d’été,Promène qui voudra son coeur ensanglantéSur ton pavé cynique, ô plèbe carnassière !
Leconte de Lisle — Les Poèlmes barbares -
Assises près de la fenêtre, elles coupaient, tailladaient, cousaient ; de temps à autre, elles levaient le nez et regardaient au travers des vitres. Un bout de soleil tachait la voie par places et trempait ses rayons pâles dans le ventre des flaques. Les parisiens abusaient de cette éclaircie pour aller encore à la campagne. Les trains de Versailles se succédaient de dix en dix minutes. Les impériales, bondées de monde, chantaient dans le vent qui cinglait le visage des femmes et secouait leurs jupes. Courbée sur la banquette, les yeux fripés, la main au chapeau, le parapluie entre les jambes, la flopée des voyageurs roulait dans un nuage de charbon et de poudre. Les fusées de cette allégresse indisposèrent les deux sœurs. Ce contentement de gens qui, après avoir pâti pendant toute une semaine, derrière un comptoir, ferment leurs volets le dimanche et délaissent le trottoir où, par les soirées tièdes, ils installent, du lundi au samedi, leurs enfants et leurs chaises ; cette manie des boutiquiers de vouloir s’ébattre, en plein air, dans un Clamart quelconque, cette satisfaction imbécile de porter, à cheval sur une canne, le panier aux provisions ; ces dînettes avec du papier gras sur l’herbe ; ces retours avec des bottelettes de fleurs ; ces cabrioles, ces cris, ces hurlées stupides sur les routes ; ces débraillés de costumes, ces habits bas, ces chemises bouffant de la culotte, ces corsets débridés, ces ceintures lâchant la taille de plusieurs crans ; ces parties de cache-cache et de visa dans des buissons empuantis par toutes les ordures des repas terminés et rendus, leur firent envie.
J.-K. Huysmans — Les Sœurs Vatard (1879) -
Ô géraniums, ô digitales… Celles-ci fusant des bois-taillis, ceux-là en rampe allumés au long de la terrasse, c’est de votre reflet que ma joue d’enfant reçut un don vermeil. Car « Sido » aimait au jardin le rouge, le rose, les sanguines filles du rosier, de la crois-de-Malte, des hortensias, et des bâtons-de-Saint-Jacques, et même le coqueret-alkékenge, encore qu’elle accusât sa fleur, veinée de rouge sur pulpe rose, de lui rappeler un mou de veau frais… A contre-cœur, elle faisait pacte avec l’Est : « Je m’arrange avec lui », disait-elle. Mais elle demeurait pleine de suspicion et surveillait, entre tous les cardinaux et collatéraux, ce point glacé, traître aux jeux meurtriers. Elle lui confiait des bulbes de muguet, quelques bégonias, et des crocus mauves, veilleuses des froids crépuscules. Hors une corne de terre, hors un bosquet de lauriers-cerises dominés par un junkobiloba, – je donnais ses feuilles, en forme de raie, à mes camarades d’école, qui les séchaient entre les pages de l’atlas – tout chaud jardin se nourrissait d’une lumière jaune, à tremblements rouges et violets, mais je ne pourrais dire si ce rouge, ce violet, dépendaient, dépendent encore d’un sentimental bonheur ou d’un éblouissement optique. Étés réverbérés par le gravier jaune et chaud, étés traversant le jonc tressé de mes grands chapeaux, étés presque sans nuits… Car j’aimais tant l’aube, déjà, que ma mère me l’accordait en récompense. J’obtenais qu’elle m’éveillât à trois heures et demis, et je m’en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues. A trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensible que tout le reste de mon corps… J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion… Ma mère me laissait partir, après m’avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or » ; elle regardait courir et décroître sur la pente son œuvre, - « chef-d’œuvre » disait-elle. J’étais peut-être jolie ; ma mère et mes portraits de ce temps-là ne sont pas toujours d’accord… Je l’étais à cause de mon âge et du lever du jour, à cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu’à mon retour, et de ma supériorité d’enfant éveillée sur les autres enfants endormis. Je revenais à la cloche de la première messe. Mais pas avant d’avoir mangé mon saoul, pas avant d’avoir, dans les bois, décrit un grand circuit de chien qui chasse seul, et goûté l’eau de deux sources perdues, que je révérais. L’une se haussait hors de la terre par une convulsion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle-même son lit sableux. Elle se décourageait aussitôt née et replongeait sous la terre. L’autre source, presque invisible, froissait l’herbe comme un serpent, s’étalait secrète au centre d’un pré où des narcisses, fleuris en ronde, attestaient seuls sa présence. La première avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige de jacinthe… Rien qu’à parler d’elles, je souhaite que leur saveur m’emplisse la bouche au moment de tout finir, et que j’emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire…
Colette — Sido -
Une vieille femme toute petite apporta un breuvage dans un bol et le plaça sur un piédestal près du fauteuil. Puis les trois servantes attendirent, tandis que le soleil qui baissait annonçait le soir.
William Golding — Le Dieu Scorpion -
Il était né là-bas, près des côtes de France Où le soleil lui-même embaume l'aïoli.
Boris Vian — Vercoquin et le plancton -
Dans les premiers jours du mois d’octobre 1815, une heure environ avant le coucher du soleil, un homme qui voyageait à pied entra dans la petite ville de Digne. Les rares habitants qui se trouvaient en ce moment à leurs fenêtres ou sur le seuil de leurs maisons regardaient ce voyageur avec une sorte d’inquiétude. Il était difficile de rencontrer un passant d’un aspect plus misérable. C’était un homme de moyenne taille, trapu et robuste, dans la force de l’âge. Il pouvait avoir quarante-six ou quarante huit ans. Une casquette à visière de cuir rabattue cachait en partie son visage brûlé par le soleil et le hâle et ruisselant de sueur. Sa chemise de grosse toile jaune, rattachée au col par une petite ancre d’argent, laissait voir sa poitrine velue ; il avait une cravate tordue en corde, un pantalon de coutil bleu, usé et râpé, blanc à un genou, troué à l’autre, une vieille blouse grise en haillons, rapiécée à l’un des coudes d’un morceau de drap vert cousu avec de la ficelle, sur le dos un sac de soldat fort plein, bien bouclé et tout neuf, à la main un énorme bâton noueux, les pieds sans bas dans des souliers ferrés, la tête tondue et la barbe longue.
Victor Hugo — Les Misérables -
Il mêla ses doigts à ceux de Nadine et se colla au sable chaud ; entre la mer nonchalante que le soleil décolorait et le bleu impérieux du ciel, il y avait du bonheur en suspens ; pour qu'il pût s'en saisir, il aurait peut-être suffi d'un sourire de Nadine [...]
Simone de Beauvoir — Les Mandarins -
C’est un trou de verdure où chante une rivière,Accrochant follement aux herbes des haillonsD’argent ; Où le soleil, de la montagne fière,Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Arthur Rimbaud — Le dormeur du val -
Sur une route, derrière la grille d'un vaste jardin, au bout duquel apparaissait la blancheur château frappé par le soleil, se tenait un enfant beau et frais, habillé de ces vêtements de campagne si pleins de coquetterie. Le luxe, l'insouciance et le spectacle habituel de la richesse rendent ces enfants-là si jolis, qu'on les croirait faits d'une autre pâte que les enfants de la médiocrité ou de la pauvreté. A côté de lui, gisait sur l'herbe un joujou splendide, aussi frais que son maître, verni, doré, vêtu d'une robe pourpre, et couvert de plumets et de verroterie. Mais l'enfant riche ne s'occupait pas de son joujou préféré, et voici ce qu'il regardait : De l'autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties, il y avait un autre enfant, sale, chétif, fuligineux, un de ces marmots-parias dont un œil impartial découvrirait la beauté, si, comme l'œil du connaisseur devine une peinture idéale sous un vernis de carrossier, il le nettoyait de la répugnante patine de la misère.
Charles Baudelaire — Petits poèmes en prose -
Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé,Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie :Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constelléPorte le Soleil noir de la Mélancolie.Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m’as consolé,Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,Et la treille où le Pampre à la Rose s’allie.Suis-je Amour ou Phébus … Lusignan ou Biron ?Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;J’ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène…Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron :Modulant tour à tour sur la lyre d’OrphéeLes soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.
El Desdichado — Gérard de Nerval -
Le soleil en effet balaierait tout le studio, comme un projecteur de poursuite dans un music-hall frontalier. C’était dimanche, dehors les rumeurs étouffées protestaient à peine, parvenant presque à ce qu’on les regrettât. Ainsi tous les jours chômés, les heures des repas tendraient à glisser les unes sur les autres, on s’entendit pour quatorze heures – ensuite on s’y met. Un soleil comme celui-ci, développa le père de Paul, donne véritablement envie de foutre le camp. Ils s’exprimèrent également peu sur la difficulté de leur tâche qui requerrait, c’est vrai, de la patience et du muscle, puis des scrupules d’égyptologues en dernier lieu. Fabre avait détaillé toutes les étapes du processus dans une annexe aux plans. Ils mangèrent donc vers quatorze heures mais sans grand appétit, leurs mâchoires broyaient la durée, la mastication n’était qu’horlogère. D’un tel compte à rebours on peut, avant terme, convoquer à son gré le zéro. Alors autant s’y mettre, autant gratter tout de suite, pas besoin de se changer, on a revêtu dès le matin ces larges tenues blanches pailletées de vieilles peintures, on gratte et des stratus de plâtre se suspendent au soleil, piquetant les fronts, les cafés oubliés. On gratte, on gratte, et puis très vite on respire mal, on sue, il commence à faire terriblement chaud.
Jean Echenoz — L’Occupation des sols – Éditions de Minuit 1998 -
À l’heure dite, Cyrus releva ce point, et, en mettant l’un par l’autre avec le soleil deux arbres qui devaient lui servir de repères, il obtint ainsi une méridienne invariable pour ses opérations ultérieures.
Jules Verne — Île mystérieuse -
Le reste du temps, ils zigzaguent comme des bécassines, s’aveuglent de soleil au sortir de la cave. Ils passent des conduites les plus folles aux regards les plus sages, des baisers à tire-larigot à la messe du dimanche que Zélie oblige Arthur à servir.
Elvire de Brissac — Les Règles -
La chaleur, les mouches, la position des cadavres dans l'herbe et la quantité des papiers répandus, sont des impressions qui restent gravées. Mais il est impossible de se souvenir de l'odeur d'un champ de bataille, sous un soleil brûlant.
Ernest Hemingway — Histoire naturelle des morts et autres nouvelles -
à André BretonNi les couteaux ni la salièreNi les couchants ni le matinNi la famille familièreNi j’accepte soldat ni DieuNi le soleil attendre ou vivreLes larmes danseuses du rireN-I ni tout est finiMais Si qui ressemble au désirSon frère le regard le vinMais le cristal des roches d’aubeMais MOI le ciel le diamantMais le baiser la nuit où sombreMais sous ses robes de scrupuleM-É mé tout est aimé.
Louis Aragon — « La route de la révolte » -
Il faut aller voir de bon matin, du haut de la colline du Sacré-Cœur, à Paris, la ville se dégager lentement de ses voiles splendides, avant d’étendre les bras. Toute une foule enfin dispersée, glacée, déprise et sans fièvre, entame comme un navire la grande nuit qui sait ne faire qu’un de l’ordure et de la merveille. Les trophées orgueilleux, que le soleil s’apprête à couronner d’oiseaux ou d’ondes, se relèvent mal de la poussière des capitales enfouies. Vers la périphérie les usines, premières à tressaillir, s’illuminent de la conscience de jour en jour grandissante des travailleurs. Tous dorment, à l’exception des derniers scorpions à face humaine qui commencent à cuire, à bouillir dans leur or. La beauté féminine se fond une fois de plus dans le creuset de toutes les pierres rares. Elle n’est jamais plus émouvante, plus enthousiasmante, plus folle qu’à cet instant où il est possible de la concevoir unanimement détachée du désir de plaire à l’un ou à l’autre, aux uns ou aux autres.
André Breton — Les Vases communicants -
Pour caractériser mon drame je me suis servi d’un néologisme qu’on me pardonnera car cela m’arrive rarement et j’ai forgé l’adjectif surréaliste qui ne signifie pas du tout symbolique comme l’a supposé M. Victor Basch, dans son feuilleton dramatique ; mais définit assez bien une tendance de l’art qui si elle n’est pas plus nouvelle que tout ce qui se trouve sous le soleil n’a du moins jamais servi à formuler aucun credo, aucune affirmation artistique et littéraire.
Guillaume Apollinaire — Les Mamelles de Tirésias -
Vous que le printemps opéraMiracles ponctuez ma stance Mon esprit épris du départ Dans un rayon soudain se perd Perpétué par la cadenceLa Seine au soleil d’avril danse Comme Cécile au premier balOu plutôt roule des pépitesVers les ponts de pierre ou les cribles Charme sûr La ville est le val […]
Louis Aragon — Feu de joie -
Elle descendit au soleil sur la terrasse, elles retrouvèrent les fous-rires de leur enfance toute proche.
Michelle Le Normand — Enthousiasme -
Le temps a laissé son manteauDe vent, de froidure et de pluie,Et s'est vêtu de broderie,De soleil luisant, clair et beau.Il n'y a bête ni oiseauQu'en son jargon ne chante ou crie :« Le temps a laissé son manteau !De vent, de froidure et de pluie, »Rivière, fontaine et ruisseauPortent, en livrée jolie,Gouttes d'argent, d'orfèvrerie ;Chacun s'habille de nouveau.Le temps a laissé son manteau
Charles d’Orléans — Le Printemps -
Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,Et de tous les côtés au soleil exposé,Six forts chevaux tiraient un Coche.Femmes, Moine, Vieillards, tout était descendu.L'attelage suait, soufflait, était rendu.Une Mouche survient, et des Chevaux s'approche ;Prétend les animer par son bourdonnement ;Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout momentQu'elle fait aller la machine,S'assied sur le timon, sur le nez du Cocher ;Aussitôt que le char chemine,Et qu'elle voit les gens marcher,Elle s'en attribue uniquement la gloire ;Va, vient, fait l'empressée ; il semble que ce soitUn Sergent de bataille allant en chaque endroitFaire avancer ses gens, et hâter la victoire.La Mouche en ce commun besoinSe plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin ; Qu'aucun n'aide aux Chevaux à se tirer d'affaire.Le Moine disait son Bréviaire ;Il prenait bien son temps ! une femme chantait ;C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait !Dame Mouche s'en va chanter à leurs oreilles,Et fait cent sottises pareilles.Après bien du travail le Coche arrive au haut.Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt :J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.Ça, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine.Ainsi certaines gens, faisant les empressés,S'introduisent dans les affaires :Ils font partout les nécessaires,Et, partout importuns, devraient être chassés.
Jean de La Fontaine — Le Coche et la Mouche -
À huit heure pétante les cloches de l’abbaye ont sonné sous quelques rayons de soleil et Jérémy Desdouets s’est élancé depuis le Mont-Saint-Michel à l’assaut du GR34.
Ouest France — Running. Jérémy Desdouets s’est élancé sur le GR34 -
Mais le plus souvent Mâtho, mélancolique comme un augure, s'en allait dès le soleil levant pour vagabonder dans la campagne. Il s'étendait sur le sable, et jusqu'au soir y restait immobile.
Gustave Flaubert — Salammbô -
Maître Laurent, bien qu’il fût sûr de lui-même, lut à plusieurs reprises le titre des fioles qu’il avait mises à part, en mira le contenu à la lumière, profitant d’un rayon du soleil levant qui filtrait à travers les rideaux, pesa les quantités qu’il empruntait à chaque bouteille dans une éprouvette d’argent dont il connaissait le poids, et composa du tout une potion d’après une recette dont il faisait mystère.
Théophile Gautier — Le Capitaine Fracasse -
On fait son entrée sur le turf; décidément, le soleil s'obstine; il fait un froid de canard.
La Vie parisienne : moeurs élégantes — choses du jour -
Et le soleil dardait un rayon monotoneSur le bois jaunissant où la bise détonne.
Paul Verlaine — Nevermore