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Il y a 43 citations sur le sérieux.
Voilà. Ces personnages vont vous jouer l’histoire d’Antigone. Antigone, c’est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu’elle va être Antigone tout à l’heure, qu’elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu’elle va mourir, qu’elle est jeune et qu’elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n’y a rien à faire. Elle s’appelle Antigone et il va falloir qu’elle joue son rôle jusqu’au bout… Et, depuis que ce rideau s’est levé, elle sent qu’elle s’éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n’avons pas à mourir ce soir.Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle, l’heureuse Ismène, c’est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d’Antigone. Tout le portait vers Ismène : son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus belle qu’Antigone ; et puis un soir, un soir de bal où il n’avait dansé qu’avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et il lui a demandé d’être sa femme. Personne n’a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit « oui » avec un petit sourire triste… L’orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d’Antigone. Il ne savait pas qu’il ne devait jamais exister de mari d’Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir.Cet homme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c’est Créon. C’est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps d’Œdipe, quand il n’était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais Œdipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches, et il a pris leur place.Quelquefois, le soir, il est fatigué, et il se demande s’il n’est pas vain de conduire les hommes. Si cela n’est pas un office sordide qu’on doit laisser à d’autres, plus frustes… Et puis, au matin, des problèmes précis se posent, qu’il faut résoudre, et il se lève, tranquille, comme un ouvrier au seuil de sa journée.La vieille dame qui tricote, à côté de la nourrice qui a élevé les deux petites, c’est Eurydice, la femme de Créon. Elle tricotera pendant toute la tragédie jusqu’à ce que son tour vienne de se lever et de mourir. Elle est bonne, digne, aimante. Elle ne lui est d’aucun secours. Créon est seul. Seul avec son petit page qui est trop petit et qui ne peut rien non plus pour lui.Ce garçon pâle, là-bas, au fond, qui rêve adossé au mur, solitaire, c’est le Messager. C’est lui qui viendra annoncer la mort d’Hémon tout à l’heure. C’est pour cela qu’il n’a pas envie de bavarder ni de se mêler aux autres. Il sait déjà…Enfin les trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes, leurs chapeaux sur la nuque, ce sont les gardes. Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l’heure. Ils sentent l’ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et toujours satisfaits d’eux-mêmes, de la justice. Pour le moment, jusqu’à ce qu’un nouveau chef de Thèbes dûment mandaté leur ordonne de l’arrêter à son tour, ce sont les auxiliaires de la justice de Créon.Et maintenant que vous les connaissez tous, ils vont pouvoir vous jouer leur histoire. Elle commence au moment où les deux fils d’Œdipe, Étéocle et Polynice, qui devaient régner sur Thèbes un an chacun à tour de rôle, se sont battus et entre-tués sous les murs de la ville, Étéocle l’aîné, au terme de la première année de pouvoir, ayant refusé de céder la place à son frère. Sept grands princes étrangers que Polynice avait gagnés à sa cause ont été défaits devant les sept portes de Thèbes. Maintenant la ville est sauvée, les deux frères ennemis sont morts et Créon, le roi, a ordonné qu’à Étéocle, le bon frère, il serait fait d’imposantes funérailles, mais que Polynice, le vaurien, le révolté, le voyou, serait laissé sans pleurs et sans sépulture, la proie des corbeaux et des chacals… Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort.Pendant que le Prologue parlait, les personnages sont sortis un à un. Le Prologue disparaît aussi. L’éclairage s’est modifié sur la scène. C’est maintenant une aube grise et livide dans une maison qui dort. Antigone entr’ouvre la porte et rentre de l’extérieur sur la pointe de ses pieds nus, ses souliers à la main. Elle reste un instant immobile à écouter. La nourrice surgit. Jean Anouilh — Antigone
Elle avait encore l’air d’une écolière ; son sarrau était repassé avec soin, bien froncé sur les épaules, la coiffure montait très haut, et on était un peu surpris, quand les yeux quittaient ces détails, de voir à la jeune fille un visage si sérieux. Elle tira sa révérence à la cuisinière, puis à Karl, et s’éloigna tandis que le jeune homme adressait involontairement à la cuisinière un regard d’interrogation. Franz Kafka — L’Amérique
Écoute-moi bien... Brotonneau, c'est très sérieux. Tu ne sais pas... tu ne peux pas savoir combien cette heure est grave pour moi Flers, Caillavet — Monsieur Brotonneau
− Avant de considérer ce Yann comme... ton Marcel, j'aimerais être sûre que c'est sérieux, dites-vous avec toute l'emphase maternelle dont vous êtes capable. Nathalie de Buron — C'est quoi, ce petit boulot? Paris, Flammarion
[…] : à leurs procédés s'applique le terme : « Fuite des capitaux ». Mais aucun industriel sérieux n'a voulu recourir à ces moyens. S'il a des capitaux à l'étranger, c'est pour couvrir ses achats de matières premières; […]. Max Hoschiller — Une enquête en Allemagne
Les voilà qui m'entourent ; les voilà qui me contemplent ; les voilà qui me disent en leurs provocations : « Jeune dieu d'Amour, enseigne aux nymphes bocagères la mollesse et le désir, l'inconstance et la passion , le sourire et le sérieux. » Jules Janin — La fin d'un monde et du neveu de Rameau
Le problème était d'autant plus sérieux qu'il y avait une date butoir fixée par les Koweitiens au 31 décembre 1990 pour la vente d'Ertoil. Loïk Le Floch-Prigent — Affaire Elf
Je n'ignore pas que la science n'est pour vos princes qu'un arsenal d'expédients moins sérieux que leurs carrousels, leurs panaches et leurs brevets. Marguerite Yourcenar — L'Œuvre au Noir
Mais le régime était au bout du rouleau, avec tous les gens en place déjà riches et gras qui n’avaient plus rien à gagner et commençaient donc à se prendre au sérieux, à construire des routes, des écoles, et parlaient même de nettoyer la capitale du vice, de façon à tout gâcher pour les autres. Il était vraiment temps que ça change. Romain Gary — Les mangeurs d’étoiles
Le record du monde du ridicule. Tant pis, je suis aussi barje que vous ! Trois jours plus tard, tout était prêt. Température idéale. Vent de nord/nord-est force faible. - On met la barre à 2,30 mètres pour vous échauffer ? demanda Perrigot mi-figue mi-raisin. Les officiels avaient du mal à garder leur sérieux. Max Dorra — La qualité du silence
Quant au projet de les ramener à vos principes, j'y trouve plus de zèle que de prudence si vous êtes trop sérieux pour être leur camarade, vous êtes trop jeune pour être leur Mentor, et vous ne devez vous mêler de réformer autrui que quand vous n'aurez plus rien à faire en vous-même. Rousseau — La Nouvelle Héloïse
D’autant plus magnifique à voir, que, tout en ayant l’air de jouer le rôle de la mouche du coche, Chicot jouait en réalité un rôle beaucoup plus sérieux. Chicot, petit à petit, et pour ainsi dire homme par homme, mettait sur pied une armée pour le service de son maître. Alexandre Dumas — La Dame de Monsoreau
Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie. Le reste, si le monde a trois dimensions, si l’esprit a neuf ou douze catégories, vient ensuite. Ce sont des jeux ; il faut d’abord répondre. Albert Camus — Le mythe de Sisyphe
Il était une fois un meunier qui possédait un moulin, un âne et un chat et avait trois fils. Lorsqu’il mourut, il laissa en testament le moulin à son fils ainé, l’âne au second, et le chat au plus jeune. Ce dernier se sentait défavorisé et se demandait bien ce qu’il ferait avec seulement un chat.Le chat, qui entendait cela lui dit d’un air posé et sérieux : Ne soyez pas triste, mon maître ; vous n’avez qu’à me donner un sac et me faire faire une paire de bottes pour aller aux champs, et vous verrez que vous n’êtes pas si mal lotis que vous le croyez. Charles Perrault — Le Chat Botté
J'étudiais un jour seul ma leçon dans la chambre contiguë à la cuisine. La servante avait mis sécher à la plaque les peignes de mademoiselle Lambercier. Quand elle revint les prendre, il s'en trouva un dont tout un côté de dents était brisé. A qui s'en prendre de ce dégât ? personne autre que moi n'était entré dans la chambre. On m'interroge : je nie d'avoir touché le peigne. M. et mademoiselle Lambercier se réunissent, m'exhortent, me pressent, me menacent : je persiste avec opiniâtreté ; mais la conviction était trop forte, elle l'emporta sur toutes mes protestations, quoique ce fût la première fois qu'on m'eût trouvé tant d'audace à mentir. La chose fut prise au sérieux ; elle méritait de l'être. La méchanceté, le mensonge, l'obstination, parurent également dignes de punition ; mais pour le coup ce ne fut pas par mademoiselle Lambercier qu'elle me fut infligée. Jean-Jacques Rousseau — Les confessions
Ou bien, si vous aimez ça, ils préparent l'aïoli comme je n'en ai mangé nulle part ailleurs. Les Américains sont quelquefois gastronomes, et avec tout leur sérieux et leur bonne volonté ils deviennent des connaisseurs avertis de la cuisine et des vins français. Patrick Modiano — Dimanches d'août
Vous me prenez pour un client sérieux ? Il a éclaté de rire. Peut-être voulait-il que j'oublie le ton agressif avec lequel il m'avait tenu ces propos. Il ne doit y avoir aucune gêne entre nous. Je peux vous verser un acompte. Patrick Modiano — Dimanches d'août
Quelque méritantes que puissent être, au point de vue du patriotisme, les œuvres dont je viens de passer la revue, elles ne témoignent cependant d’aucun effort artistique sérieux… Huysmans — Art moderne
Fort de ses trois ans d’expérience, Franck pense qu’il existe des conducteurs sérieux, même parmi les noirs. A… est aussi de cet avis, bien entendu. Elle s’est abstenue de parler pendant la discussion sur la résistance comparée des machines, mais la question des chauffeurs motive de sa part une intervention assez longue et catégorique. Il se peut d’ailleurs qu’elle ait raison. Dans ce cas, Franck devrait avoir raison aussi. Tous les deux parlent maintenant du roman que A… est en train de lire, dont l’action se déroule en Afrique. L’héroïne ne supporte pas le climat tropical (comme Christiane). La chaleur semble même produire chez elle de véritables crises :“C’est mental, surtout, ces choses-là”, dit Franck. Il fait ensuite une allusion, peu claire pour celui qui n’a pas feuilleté le livre, à la conduite du mari. Sa phrase se termine par “savoir la prendre” ou “savoir l’apprendre”, sans qu’il soit possible de déterminer avec certitude de qui il s’agit, ou de quoi. Franck regarde A…, qui regarde Franck. Elle lui adresse un sourire rapide, vite absorbé par la pénombre. Elle a compris, puisqu’elle connaît l’histoire. Non, ses traits n’ont pas bougé. Leur immobilité n’est pas si récente : les lèvres sont restées figées depuis ses dernières paroles. Le sourire fugitif ne devait être qu’un reflet de la lampe, ou l’ombre d’un papillon. Du reste, elle n’était déjà plus tournée vers Franck, à ce moment-là. Elle venait de ramener la tête dans l’axe de la table et regardait droit devant soi, en direction du mur nu, où une tache noirâtre marque l’emplacement du mille-pattes écrasé la semaine dernière, au début du mois, le mois précédent peut-être, ou plus tard. Le visage de Franck, presque à contre-jour, ne livre pas la moindre expression. Le boy fait son entrée pour ôter les assiettes. A… lui demande, comme d’habitude, de servir le café sur la terrasse. Là, l’obscurité est totale. Personne ne parle plus. Le bruit des criquets a cessé. Alain Robbe-Grillet — La Jalousie
Je n’imitais plus personne, je m’exprimais moi-même pour moi-même. Ce n’était pas un art, c’était un soulagement de mon propre cœur qui se berçait de ses propres sanglots. Je ne pensais à personne en écrivant çà et là ces vers, si ce n’est à une ombre et à Dieu. Ces vers étaient un gémissement ou un cri de l’âme. Je cadençais ce cri ou ce gémissement dans la solitude, dans les bois, sur la mer ; voilà tout. Je n’étais pas devenu plus poète, j’étais devenu plus sensible, plus sérieux et plus vrai. C’est là le véritable art : être touché ; oublier tout art pour atteindre le souverain art, la nature. Alphonse de Lamartine — Des Méditations