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Il y a 42 citations sur la scène.
Au fur et à mesure que l’âge m’envahit, et me cerne, je comprends mieux la scène d’Illenau, j’en sens plus profond dans ma chair la signification déchirée. Louis Aragon — Blanche ou l’oubli
MADAME,Ce n’est pas sans sujet que je mets votre illustre nom à la tête de cet ouvrage. Et de quel autre nom pourrais-je éblouir les yeux de mes lecteurs, que de celui dont mes spectateurs ont été si heureusement éblouis ? On savait que VOTRE ALTESSE ROYALE avait daigné prendre soin de la conduite de ma tragédie ; on savait que vous m’aviez prêté quelques-unes de vos lumières pour y ajouter de nouveaux ornements ; on savait enfin que vous l’aviez honorée de quelques larmes dès la première lecture que je vous en fis. […] Pardonnez-moi, MADAME, si j’ose me vanter de cet heureux commencement de sa destinée. Il me console bien glorieusement de la dureté de ceux qui ne voudraient pas s’en laisser toucher. Je leur permets de condamner l’Andromaque tant qu’ils voudront, pourvu qu’il me soit permis d’appeler de toutes les subtilités de leur esprit au cœur de VOTRE ALTESSE ROYALE.Mais, MADAME, ce n’est pas seulement du cœur que vous jugez de la bonté d’un ouvrage, c’est avec une intelligence qu’aucune fausse lueur ne saurait tromper. Pouvons-nous mettre sur la scène une histoire que vous ne possédiez aussi bien que nous ? pouvons-nous faire jouer une intrigue dont vous ne pénétriez tous les ressorts ? et pouvons-nous concevoir des sentiments si nobles et si délicats qui ne soient infiniment au-dessous de la noblesse et de la délicatesse de vos pensées ? Racine — Andromaque
Scène premièreLe Public, qui arrive peu à peu. Cavaliers, Bourgeois, Laquais, Pages, Tire-laine, Le Portier, etc., puis les Marquis, CUIGY, BRISSAILLE, La Distributrice, les Violons, etc.(On entend derrière la porte un tumulte de voix, puis un cavalier entre brusquement.)LE PORTIER, le poursuivant. Holà ! vos quinze sols !LE CAVALIER. J’entre gratis !LE PORTIER. Pourquoi ?LE CAVALIER. Je suis chevau-léger de la maison du Roi !LE PORTIER, à un autre cavalier qui vient d’entrer. Vous ?DEUXIÈME CAVALIER. Je ne paye pas !LE PORTIER, Mais…DEUXIÈME CAVALIER. Je suis mousquetaire.PREMIER CAVALIER, au deuxième. On ne commence qu’à deux heures. Le parterre est vide. Exerçons-nous au fleuret. (Ils font des armes avec des fleurets qu’ils ont apportés.)UN LAQUAIS, entrant. Pst… Flanquin…UN AUTRE, déjà arrivé. Champagne ? …LE PREMIER, lui montrant des jeux qu’il sort de son pourpoint. Cartes. Dés.(Il s’assied par terre.) Jouons.LE DEUXIÈME, même jeu. Oui, mon coquin.PREMIER LAQUAIS, tirant de sa poche un bout de chandelle qu’il allume et colle par terre. J’ai soustrait à mon maître un peu de luminaire.UN GARDE, à une bouquetière qui s’avance. C’est gentil de venir avant que l’on n’éclaire !…(Il lui prend la taille.)UN DES BRETTEURS, recevant un coup de fleuret. Touche !UN DES JOUEURS. Trèfle !LE GARDE, poursuivant la fille. Un baiser !LA BOUQUETIÈRE, se dégageant. On voit ! …LE GARDE, l’entraînant dans les coins sombres.Pas de danger !UN HOMME, s’asseyant par terre avec d’autres porteurs de provisions de bouche.Lorsqu’on vient en avance, on est bien pour manger.LE BOURGEOIS, conduisant son fils. Plaçons-nous là, mon fils.UN JOUEUR. Brelan d’as !UN HOMME, tirant une bouteille de sous son manteau et s’asseyant aussi. Un ivrogneDoit boire son bourgogne… (Il boit.) à l’hôtel de Bourgogne !LE BOURGEOIS, à son fils. Ne se croirait-on pas en quelque mauvais lieu ? (Il montre l’ivrogne du bout de sa canne.) Buveurs… (En rompant, un des cavaliers le bouscule.) Bretteurs ! (Il tombe au milieu des joueurs.) Joueurs !LE GARDE, derrière lui, lutinant toujours la femme. Un baiser !LE BOURGEOIS, éloignant vivement son fils. Jour de Dieu !– Et penser que c’est dans une salle pareilleQu’on joua du Rotrou, mon fils ! Cyrano de Bergerac — Acte I
À travers la multiplicité des titres et des écrits se dessine en outre un projet de quête et de construction de soi, tout à la fois reflété et mis en scène dans l'écriture. Dictionnaire mondial des littératures — Larousse
Je voyais la scène, lointaine, violemment éclairée, en pensant sans arrêt que je n'avais pas mes règles. Je ne me souviens que du personnage d'Estelle, blonde en robe bleue, et du Garçon habillé en larbin, avec des yeux rouges et sans paupières. Annie Ernaux — L'événement
Je connus donc pour la première fois le plaisir, étrange pour un enfant, mais vivement senti par moi, de me trouver seule, et, loin d’en être contrariée ou effrayée, j’avais comme du regret en voyant revenir la voiture de ma mère. Il faut que j’aie été bien impressionnée par mes propres contemplations, car je me les rappelle avec une grande netteté, tandis que j’ai oublié mille circonstances extérieures probablement beaucoup plus intéressantes.Dans celles que j’ai rapportées, les souvenirs de ma mère ont entretenu ma mémoire ; mais dans ce que je vais dire je ne puis être aidée de personne.Aussitôt que je me voyais seule dans ce grand appartement que je pouvais parcourir librement, je me mettais devant la psyché et j’y essayais des poses de théâtre ; puis je prenais mon lapin blanc et je voulais le contraindre à en faire autant ; ou bien je faisais le simulacre de l’offrir en sacrifice aux dieux, sur un tabouret qui me servait d’autel. Je ne sais pas où j’avais vu, soit sur la scène, soit dans une gravure quelque chose de semblable. Je me drapais dans ma mantille pour faire la prêtresse, et je suivais tous mes mouvemens. On pense bien que je n’avais pas le moindre sentiment de coquetterie : mon plaisir venait de ce que, voyant ma personne et celle du lapin dans la glace, j’arrivais, avec l’émotion du jeu, à me persuader que je jouais une scène à quatre, soit deux petites filles et deux lapins. Alors le lapin et moi nous adressions, en pantomime, des saluts, des menaces, des prières, aux personnages de la psyché. Nous dansions le bolero avec eux, car, après les danses du théâtre, les danses espagnoles m’avaient charmée, et j’en singeais les poses et les grâces avec la facilité qu’ont les enfans à imiter ce qu’ils voient faire. Alors j’oubliais complétement que cette figure dansant dans la glace fût la mienne, et j’étais étonnée qu’elle s’arrêtât quand je m’arrêtais.Quand j’avais assez dansé et mimé ces ballets de ma composition, j’allais rêver sur la terrasse. George Sand — Histoire de ma vie
Face à un système qui prépare la femme à un rôle passif, en refusant de lui reconnaître la dimension intellectuelle, [Molière] met au grand jour, en la portant sur la scène, l’inanité d’une telle démarche. Jean Serroy — édition de L’École des femmes
Lettre CXXV :Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil.La voilà donc vaincue, cette femme superbe qui avait osé croire qu’elle pourrait me résister ! Oui, mon amie, elle est à moi, entièrement à moi, et depuis hier, elle n’a plus rien à m’accorder.Je suis encore trop plein de mon bonheur, pour pouvoir l’apprécier ; mais je m’étonne du charme inconnu que j’ai ressenti. Serait-il donc vrai que la vertu augmentât le prix d’une femme, jusque dans le moment même de sa faiblesse ? Mais reléguons cette idée puérile avec les contes de bonnes femmes. Ne rencontre-t-on pas presque partout une résistance plus ou moins bien feinte au premier triomphe ? et ai-je trouvé nulle part le charme dont je parle ? ce n’est pourtant pas non plus celui de l’amour ; car enfin, si j’ai eu quelquefois, auprès de cette femme étonnante, des moments de faiblesse qui ressemblaient à cette passion pusillanime, j’ai toujours su les vaincre et revenir à mes principes. Quand même la scène d’hier m’aurait, comme je le crois, emporté un peu plus loin que je ne comptais : quand j’aurais, un moment, partagé le trouble et l’ivresse que je faisais naître ; cette illusion passagère serait dissipée à présent ; et cependant le même charme subsiste. J’aurais même, je l’avoue, un plaisir assez doux à m’y livrer, s’il ne me causait quelque inquiétude. Serai-je donc, à mon âge, maîtrisé comme un écolier, par un sentiment involontaire et inconnu ? Non : il faut, avant tout, le combattre et l’approfondir. […]Paris, ce 29 octobre 17**. Pierre Choderlos de Laclos — Les Liaisons dangereuses
Lorsqu’on met sur la scène une simple intrigue d’amour entre des rois, et qu’ils ne courent aucun péril ni de leur vie ni de leur État, je ne crois pas que, bien que des personnes soient illustres, l’action le soit assez pour s’élever jusqu’à la tragédie. Corneille — Discours de l’utilité et des parties du poème dramatique
Du Cid à Polyeucte, l’ordre héroïque et l’ordre politique se construisent simultanément. De La Mort de Pompée à Pertharite, toutes les valeurs de la nature et de l’héroïsme sont soumises à une véritable subversion politique : le tragique prend pour forme le désordre ou la confusion des ordres. D’Œdipe à Suréna, le héros quitte lentement la scène de la tragédie qui est envahie par l’État . M. Prigent — Le héros et l’État dans la tragédie de Pierre Corneille
Je ne pouvais plus avoir de doutes, l'abbé Sérapion avait raison. Cependant, malgré cette certitude, je ne pouvais m'empêcher d'aimer Clarimonde et je lui aurais volontiers donné tout le sang dont elle avait besoin pour soutenir son existence factice. D'ailleurs, je n'avais pas grand-peur; la femme me répondait du vampire, et ce que j'avais entendu et vu me rassurait complètement; j'avais alors des veines plantureuses qui ne se seraient pas de sitôt épuisées, et je ne marchandais pas ma vie goutte à goutte. Je me serais ouvert le bras moi-même et je lui aurais dit : « Bois ! et que mon amour s'infiltre dans ton corps avec mon sang! ». J'évitais de faire la moindre allusion au narcotique qu'elle m'avait versé et à la scène de l'aiguille, et nous vivions dans le plus parfait accord. Pourtant mes scrupules de prêtre me tourmentaient plus que jamais, et je ne savais quelle macération nouvelle inventer pour mater et mortifier ma chair. Quoique toutes ces visions fussent involontaires et que je n'y participasse en rien, je n'osais pas toucher le Christ avec des mains, aussi impures et un esprit souillé par de pareilles débauches réelles ou rêvées. Pour éviter de tomber dans ces fatigantes hallucinations, j'essayais de m'empêcher de dormir, je tenais mes paupières ouvertes avec les doigts et je restais debout au long des murs, luttant contre le sommeil de toutes mes forces; mais le sable de l'assoupissement me roulait bientôt dans les yeux, et, voyant que toute lutte était inutile, je laissais tomber les bras de découragement et de lassitude, et le courant me rentraînait vers les rives perfides. Théophile Gautier — La Morte Amoureuse
Au retour de l'église, elle régala son mari d'une scène de pleurs fort ennuyante. George Sand — Valentine
Le nom de ce masque italien vient d'un certain paysan de Sorrente, contrefait, mais de bonne humeur, qui, vers le milieu du XVIème siècle, apportait ses poulets au marché de Naples qu'il égayait de ses saillies. Après sa mort, on eut l'idée de transporter ce personnage sur le théâtre pour l'amusement du peuple, et il obtint un grand succès. Suivant une autre version, une troupe d'acteurs étant venue à Acerra, à l'époque des vendanges, fut accueillie par les sarcasmes des paysans qui se livraient aux folies de ce temps de joie; les acteurs remarquèrent surtout les bouffonneries d'un certain Pulci d'Aniello, et parvinrent à l'engager dans leur troupe. Il parut sur la scène avec une large robe blanche, de longs cheveux, et il plut tellement aux Napolitains qu'à sa mort il fallut trouver un autre Pulcinello. (...) Ce n'est pas tout-à-fait là le polichinelle que nous connaissons, à la double bosse, au nez particulier, au vaste chapeau tricorne, aux jambes grêles avec de gros sabots, au vêtement multicolore, qui amuse la foule dans sa petite baraque, où, armé d'un bâton, il frappe à son tour sa femme, le commissaire, le gendarme (quelquefois même un malheureux chat), qu'il assomme successivement, jusqu'à ce que le diable parvienne à s'emparer de lui. Encyclopédie des gens du monde — répertoire universel des sciences
Quant à A. Dumas, tout le monde sait sa verve prodigieuse, son entrain facile, son bonheur de mise en scène, son dialogue spirituel et toujours en mouvement, ce récit léger qui court sans cesse, et qui sait enlever l’obstacle et l’espace sans jamais faillir. Il couvre d’immenses toiles sans fatiguer jamais ni son pinceau ni son lecteur. Il est amusant. Il embrasse, mais il n’étreint pas comme Balzac. Des trois derniers, Balzac est celui qui étreint et qui creuse le plus. Sainte-Beuve — Causeries du Lundi
Nos cœurs étaient muets à force d’être pleins ;Nous effeuillions sur l’eau des tiges dans nos mains ;Je ne sais quel attrait des yeux pour l’eau limpideNous faisait regarder et suivre chaque ride,Réfléchir, soupirer, rêver sans dire un mot,Et perdre et retrouver notre âme à chaque flot.Nul n’osait le premier rompre un si doux silence,Quand, levant par hasard un regard sur Laurence,Je vis son front rougir et ses lèvres trembler,Et deux gouttes de pleurs entre ses cils rouler,Comme ces pleurs des nuits qui ne sont pas la pluie,Qu’un pur rayon colore, et qu’un vent tiède essuie.— Que se passe-t-il donc, Laurence, aussi dans toi ?Est-ce qu’un poids secret t’oppresse ainsi que moi ?— Oh ! je sens, me dit-il, mon cœur prêt de se fendre ;Mon âme cherche en vain des mots pour se répandre :Elle voudrait créer une langue de feu,Pour crier de bonheur vers la nature et Dieu.— Dis-moi, repris-je, ami, par quelles influencesMon âme au même instant pensait ce que tu penses ?Je sentais dans mon cœur, au rayon de ce jour,Des élans de désirs, des étreintes d’amourCapables d’embrasser Dieu, le temps et l’espace ;Et pour les exprimer ma langue était de glace.Cependant la nature est un hymne incomplet,Et Dieu n’y reçoit pas l’hommage qui lui plaît,Quand l’homme, qu’il créa pour y voir son image,N’élève pas à lui la voix de son ouvrage :La nature est la scène, et notre âme est la voix.Essayons donc, ami, comme l’oiseau des bois,Comme le vent dans l’arbre ou le flot sur le sable,De verser à ses pieds le poids qui nous accable,De gazouiller notre hymne à la nature, à Dieu :Créons-nous par l’amour prêtres de ce beau lieu !Sur ces sommets brûlants son soleil le proclame,Proclamons-l’y nous-même et chantons-lui notre âme !La solitude seule entendra nos accents : Écoute ton cœur battre, et dis ce que tu sens. Alphonse de Lamartine — Jocelyn
Voilà. Ces personnages vont vous jouer l’histoire d’Antigone. Antigone, c’est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu’elle va être Antigone tout à l’heure, qu’elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu’elle va mourir, qu’elle est jeune et qu’elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n’y a rien à faire. Elle s’appelle Antigone et il va falloir qu’elle joue son rôle jusqu’au bout… Et, depuis que ce rideau s’est levé, elle sent qu’elle s’éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n’avons pas à mourir ce soir.Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle, l’heureuse Ismène, c’est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d’Antigone. Tout le portait vers Ismène : son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus belle qu’Antigone ; et puis un soir, un soir de bal où il n’avait dansé qu’avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et il lui a demandé d’être sa femme. Personne n’a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit « oui » avec un petit sourire triste… L’orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d’Antigone. Il ne savait pas qu’il ne devait jamais exister de mari d’Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir.Cet homme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c’est Créon. C’est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps d’Œdipe, quand il n’était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais Œdipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches, et il a pris leur place.Quelquefois, le soir, il est fatigué, et il se demande s’il n’est pas vain de conduire les hommes. Si cela n’est pas un office sordide qu’on doit laisser à d’autres, plus frustes… Et puis, au matin, des problèmes précis se posent, qu’il faut résoudre, et il se lève, tranquille, comme un ouvrier au seuil de sa journée.La vieille dame qui tricote, à côté de la nourrice qui a élevé les deux petites, c’est Eurydice, la femme de Créon. Elle tricotera pendant toute la tragédie jusqu’à ce que son tour vienne de se lever et de mourir. Elle est bonne, digne, aimante. Elle ne lui est d’aucun secours. Créon est seul. Seul avec son petit page qui est trop petit et qui ne peut rien non plus pour lui.Ce garçon pâle, là-bas, au fond, qui rêve adossé au mur, solitaire, c’est le Messager. C’est lui qui viendra annoncer la mort d’Hémon tout à l’heure. C’est pour cela qu’il n’a pas envie de bavarder ni de se mêler aux autres. Il sait déjà…Enfin les trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes, leurs chapeaux sur la nuque, ce sont les gardes. Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l’heure. Ils sentent l’ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et toujours satisfaits d’eux-mêmes, de la justice. Pour le moment, jusqu’à ce qu’un nouveau chef de Thèbes dûment mandaté leur ordonne de l’arrêter à son tour, ce sont les auxiliaires de la justice de Créon.Et maintenant que vous les connaissez tous, ils vont pouvoir vous jouer leur histoire. Elle commence au moment où les deux fils d’Œdipe, Étéocle et Polynice, qui devaient régner sur Thèbes un an chacun à tour de rôle, se sont battus et entre-tués sous les murs de la ville, Étéocle l’aîné, au terme de la première année de pouvoir, ayant refusé de céder la place à son frère. Sept grands princes étrangers que Polynice avait gagnés à sa cause ont été défaits devant les sept portes de Thèbes. Maintenant la ville est sauvée, les deux frères ennemis sont morts et Créon, le roi, a ordonné qu’à Étéocle, le bon frère, il serait fait d’imposantes funérailles, mais que Polynice, le vaurien, le révolté, le voyou, serait laissé sans pleurs et sans sépulture, la proie des corbeaux et des chacals… Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort.Pendant que le Prologue parlait, les personnages sont sortis un à un. Le Prologue disparaît aussi. L’éclairage s’est modifié sur la scène. C’est maintenant une aube grise et livide dans une maison qui dort. Antigone entr’ouvre la porte et rentre de l’extérieur sur la pointe de ses pieds nus, ses souliers à la main. Elle reste un instant immobile à écouter. La nourrice surgit. Jean Anouilh — Antigone
Le premier souvenir aurait pour cadre l’arrière boutique de ma grand-mère. J’ai trois ans. Je suis assis au centre de la pièce, au milieu des journaux yiddish éparpillés. Le cercle de la famille m’entoure complètement […] toute la famille, la totalité, l’intégralité de la famille est là, réunie autour de l’enfant qui vient de naître (n’ai-je pourtant pas dit il y a un instant que j’avais trois ans ?), comme un rempart infranchissable. Tout le monde s’extasie devant le fait que j’ai désigné une lettre hébraïque en l’identifiant : le signe aurait eu la forme d’un carré ouvert à son angle inférieur […] et son nom aurait été gammeth ou gammel. La scène tout entière, par son thème, sa douceur, sa lumière, ressemble pour moi à un tableau, peut-être de Rembrandt ou peut-être inventé, qui se nommerait “Jésus en face des Docteurs”. Georges Perec — W ou le souvenir d’enfance
La scène du T.N.P. est une scène ouverte. L'espace scénique n'est pas identifié une fois pour toutes. La liberté de son indécision fonde la liberté de choix de l'espace dramatique Serrière — Théâtre National Populaire
Au point de vue purement technique, la scène tournante offrait des possibilités beaucoup plus variées qu'une construction permanente et unique
Il est de fait que le Tartuffe est sans contredit la meilleure comédie de Molière, un de ces chefs-d'œuvre dont on n'avait pas encore eu d’exemple à la scène. Albert du Casse — Histoire anecdotique de l'ancien théâtre en France