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Citations sur le poids - Page 2
Il y a 55 citations sur le poids.
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Ô géraniums, ô digitales… Celles-ci fusant des bois-taillis, ceux-là en rampe allumés au long de la terrasse, c’est de votre reflet que ma joue d’enfant reçut un don vermeil. Car « Sido » aimait au jardin le rouge, le rose, les sanguines filles du rosier, de la crois-de-Malte, des hortensias, et des bâtons-de-Saint-Jacques, et même le coqueret-alkékenge, encore qu’elle accusât sa fleur, veinée de rouge sur pulpe rose, de lui rappeler un mou de veau frais… A contre-cœur, elle faisait pacte avec l’Est : « Je m’arrange avec lui », disait-elle. Mais elle demeurait pleine de suspicion et surveillait, entre tous les cardinaux et collatéraux, ce point glacé, traître aux jeux meurtriers. Elle lui confiait des bulbes de muguet, quelques bégonias, et des crocus mauves, veilleuses des froids crépuscules. Hors une corne de terre, hors un bosquet de lauriers-cerises dominés par un junkobiloba, – je donnais ses feuilles, en forme de raie, à mes camarades d’école, qui les séchaient entre les pages de l’atlas – tout chaud jardin se nourrissait d’une lumière jaune, à tremblements rouges et violets, mais je ne pourrais dire si ce rouge, ce violet, dépendaient, dépendent encore d’un sentimental bonheur ou d’un éblouissement optique. Étés réverbérés par le gravier jaune et chaud, étés traversant le jonc tressé de mes grands chapeaux, étés presque sans nuits… Car j’aimais tant l’aube, déjà, que ma mère me l’accordait en récompense. J’obtenais qu’elle m’éveillât à trois heures et demis, et je m’en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues. A trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensible que tout le reste de mon corps… J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion… Ma mère me laissait partir, après m’avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or » ; elle regardait courir et décroître sur la pente son œuvre, - « chef-d’œuvre » disait-elle. J’étais peut-être jolie ; ma mère et mes portraits de ce temps-là ne sont pas toujours d’accord… Je l’étais à cause de mon âge et du lever du jour, à cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu’à mon retour, et de ma supériorité d’enfant éveillée sur les autres enfants endormis. Je revenais à la cloche de la première messe. Mais pas avant d’avoir mangé mon saoul, pas avant d’avoir, dans les bois, décrit un grand circuit de chien qui chasse seul, et goûté l’eau de deux sources perdues, que je révérais. L’une se haussait hors de la terre par une convulsion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle-même son lit sableux. Elle se décourageait aussitôt née et replongeait sous la terre. L’autre source, presque invisible, froissait l’herbe comme un serpent, s’étalait secrète au centre d’un pré où des narcisses, fleuris en ronde, attestaient seuls sa présence. La première avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige de jacinthe… Rien qu’à parler d’elles, je souhaite que leur saveur m’emplisse la bouche au moment de tout finir, et que j’emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire…
Colette — Sido -
Aujourd'hui que le poids du gouvernement militaire ne se sent plus, (...) il faut nier les faits, parce qu'ils ne s'arrangent pas avec les théories du moment.
Chateaubriand — Mémoires -
Vous mentez, dit-il avec douceur. Il n'est pas mort. Avant que la main touchât son épaule, elle a cru en sentir le poids, ferme les yeux.
Bernanos — M. Ouine -
Il était las à mort. Il n'y avait qu'à voir son traîné de pied, le poids que le bâton pesait dans sa main.
Giono — Grand troupeau -
La lourdeur du sable gras double le poids de la pioche massive.
Pesquidoux — Livre raison -
On sait que le poids d'un corps varie avec l'intensité de la pesanteur, mais que sa masse ne varie pas.
Wurtz — Dict. chim. -
Les corbeilles crient sous le poids des pains.
Gustave Flaubert — Tentation -
Mon cher Lekain, ma recommandation, la recommandation d’un Suisse, n’est pas d’un grand poids ; cependant j’ai écrit comme vous l’avez voulu.
Voltaire — Correspondance -
[…] Ennemonde n'est pas un poids mort, c'est un poids vivant de ses regards (toujours si beaux !), de sa chaleur, de son intelligence précise, dont elle a donné tout le long du jour des quantités de preuves et qu'on sent en train de s'intéresser au fait qu'ils sont trois hommes, dont deux de ses fils, à la tripoter. Cet ensemble fait beaucoup plus de cent trente-cinq à cent quarante kilos. Enfin ils l'étendent sur le lit de sangles
Jean Giono — Ennemonde et autres caractères -
Notre monde vient d'en trouver un autre (et qui nous garantit que c'est le dernier de ses frères, puisque les Démons, les Sibylles et nous, avons ignoré celui-ci jusqu'à cette heure ?) non moins grand, plein et fourni de membres que lui, toutefois si nouveau et si enfant qu'on lui apprend encore son a, b, c ; il n'y a pas cinquante ans qu'il ne savait ni lettre, ni poids, ni mesure, ni vêtements, ni céréales, ni vignes. Il était encore tout nu dans le giron de sa mère nourricière et ne vivait que par les moyens qu'elle lui fournissait.
Michel de Montaigne — Essais -
LE RENARD ÉCOURTÉUn renard, ayant eu la queue coupée par un piège, en était si honteux qu’il jugeait sa vie impossible ; aussi résolut-il d’engager les autres renards à s’écourter de même, afin de cacher dans la mutilation commune son infirmité personnelle. En conséquence il les assembla tous et les engagea à se couper la queue, disant que c’était non seulement un enlaidissement, mais encore un poids inutile que cet appendice. Mais un des renards prenant la parole dit : « Hé ! camarade, si ce n’était pas ton intérêt, tu ne nous aurais pas donné ce conseil. »Cette fable convient à ceux qui donnent des conseils à leur prochain, non par bienveillance, mais par intérêt personnel.
Ésope — Recueil des Fables d’Ésope. -
Maître Laurent, bien qu’il fût sûr de lui-même, lut à plusieurs reprises le titre des fioles qu’il avait mises à part, en mira le contenu à la lumière, profitant d’un rayon du soleil levant qui filtrait à travers les rideaux, pesa les quantités qu’il empruntait à chaque bouteille dans une éprouvette d’argent dont il connaissait le poids, et composa du tout une potion d’après une recette dont il faisait mystère.
Théophile Gautier — Le Capitaine Fracasse -
En mettant l'air en équilibre avec d'autre fluide, on peut mesurer son poids : de là le baromètre, le syphon, la canne à vent, la machine pneumatique.
Rousseau — Émile -
Les masses de notations désordonnées que je t'expédie ainsi hors normes ont peu à peu pris du poids, alourdies par mon bonheur d'être encore vivante, c'est-à-dire honnête, c'est-à-dire amoureuse, ouverte aux aventures, en particulier celle d'arriver au bout d'un nouveau livre dont tu es la centrale invisible.
Dominique Rolin — Lettre à Lise -
Il faut bien sûr imaginer Paul, tout en force, le regard baissé déjouant pour l’instant la description, le menton saillant, la mâchoire prognathe, sa stature excédant la mienne, l’impossibilité dans laquelle il est toujours de faire oublier son corps en dépit des mouvements qui lui traversent l’âme, fréquemment d’ailleurs car Paul est un sensible, un sentimental, même, doublant chez lui le musculaire toujours trahi quelle que soit l’ampleur de la chemise, la coupe du pantalon, la délicatesse de certains gestes, passons sur certains gestes, le visage suscitant chez l’observateur un irrépressible besoin de poncifs, nez épais, lèvres fortes, sourire enfantin, gourmand, la manière dont ses mains battent l’air quand il s’échauffe, le verbe non point tant facile que haut, expéditif et désaccordé souvent, mais sincère, toujours, mieux vaut en rire, maintenant, et d’ailleurs il se tait, il ne répond pas, je dois répéter ma question, il lève enfin les yeux, de beaux yeux, surtout un beau garçon, non pas un beau regard, donc, c’est du reste dommage, avec un beau regard j’aurais compris que Sandra, je n’aurais sans doute rien eu à dire, je n’ai d’ailleurs rien dit, à quoi bon, que dire à une femme qui vous quitte pour un homme dont les yeux sont seulement beaux, on se prend à rêver au contraire d’un amant au charme secret, plus proche de celui qu’on croyait exercer, ou qu’on n’exerce plus, qu’importe, un homme qui puisse prétendre à quelque vraie relève, dont on puisse tirer sinon profit du moins fierté, mais non, c’est cet homme-là que Sandra avait choisi, contre tout attente, ou en réponse à son attente, comment savoir, un homme dont le poids s’aggravait maintenant de celui de son mensonge, peut-être plus pervers au fond que ce qu’on avait pensé, duplique derrière le muscle, noyant des trésors de rouerie dans l’eau bleutée de son regard.
Christian Oster — Paul au téléphone – Éditions de Minuit 1996