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Citations sur le grand - Page 3
Il y a 218 citations sur le grand.
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... l'homme est encombré de doutes. Il en sait trop et trop peu. L'infiniment grand le flatte. Il l'envisage. L'infiniment petit le gêne. Il s'y bute.
Cocteau — Fin du Potomak -
Les chefs fidjiens sont de grande taille
Durkheim — Division du travail social -
Notre grand mât avait été brisé la nuit par la foudre, et le mât de misaine, notre unique voile, avait été emporté le matin par le vent
Bernard de Saint-Pierre — Harmonies de la nature -
En ce moment, vous me donnez le noble spectacle d'un homme qui, ayant cédé à une impatience trop explicable, s'en punit par une générosité. J'ai toujours vu, dans ma vie, que ces retournements vers en haut, après une faiblesse, sont, du petit au grand, le propre des belles âmes.
Bourget — Sens mort -
Politiqueurs cessez vous bavardages, Car maintenant l’on connait vos forfaits ; Vous n’êtes grands que dans vos tripotages, N’espérez plus nous tromper désormais.
Étienne Pédron — la France Ouvrière -
J'avais peu d'estime, autrefois, pour les grandes personnes. J'avais tort. On ne vieillit jamais (1942, p. 361) :
Saint-Exupéry — Pilote de guerre -
"Oh, je ne crois pas du tout en l’homme avec un grand H, sans quoi je n’aurais rien à faire. Si je croyais en l’homme avec un grand H, il n’y aurait qu’à laisser faire les choses puisque ça marcherait forcément très bien pour cet homme avec un grand H. "
Jacques Ellul — « Sans arme ni armure » -
Il y avait déjà deux jours que le bateau filait vers le grand Nord, à la vitesse maintenue de vingt nœuds.
Jean Lhassa — Dernières nouvelles d’ailleurs -
Depuis le 3 novembre, les avocats du président sortant font tout leur possible pour invalider la victoire de Joe Biden, sans grand succès.
Pierre Breteau — Comment les recours de Donald Trump -
Une file d'enfants sortait indéfiniment par la porte de la grande classe et, vue du préau, faisait penser à une mèche noirâtre tirée par une maîtresse le long du mur de la cour
Frapié — Maternelle -
Les grands sont tellement habitués à voir les gens à genoux
Taine — Notes Anglet -
C’est ainsi que la quasi-totalité des prix des grands produits industriels connaissent au XIXe siècle un trend orienté à la baisse. Dans la sidérurgie française par exemple, les « fers et aciers ouvrés » passent de l’indice 100 en 1850 à l’indice 72 en 1911.
Jean-Pierre Rioux — La révolution industrielle : 1780-1880 -
Pendant un grand mois, ils s’enfermèrent, ils ne sortirent pas une seule fois de la Souleiade.
Émile Zola — Le Docteur Pascal -
Personne de vraiment grand, sentait-on, n’aurait eu une expression si virulente et si agressive, bien qu’en réalité Butteridge eût une taille de six pieds deux pouces (1m88) et un poids exactement proportionnel.
H. G. Wells — La Guerre dans les airs -
Cul-de-lampe, est aussi un ornement de menuiserie, ou de sculpture qui descend pendant, & en bas, comme on en voit au plancher de la grand-chambre du Palais de Paris.
Antoine Furetière — Dictionnaire universel -
Puis, avant qu'il n'ait eu le temps de comprendre ce qui se passait, il vit sa femme ouvrir grand la porte de la chambre pour se propulser dans le salon à la vitesse d'un claquement d'élastique.
Thomas Gunzig — Manuel de survie à l'usage des incapables -
Revenons-en à la rue des Gravilliers. Lisa continuait à attendre le Grand Soir. Les grands-parents et Renoir se moquaient un peu d’elle. Son mari, que ses journaux payaient bien, commençait à mettre de l’eau dans son vin.
Jean Renoir et Pierre-Auguste Renoir — mon père -
Non, de par Belzébuth, je suis trop bon chrétien ; et j’irais m’asseoir de grand cœur à la table du nonce qui chanterait, même un peu faux, le Benedicite sur un obélisque de truffes aromatisantes.
Castil-Blaze [François-Henri-Joseph Blaze] — Molière musicien -
Comme l’enfant, la femme se représente le bien et le mal en simples images d’Épinal ; le manichéisme rassure l’esprit en supprimant l’angoisse du choix ; décider entre un fléau et un moindre fléau, entre un bénéfice présent et un plus grand bénéfice à venir, avoir soi-même à définir ce qui est défaite, ce qui est victoire, c’est prendre de terribles risques ; pour le manichéiste le bon grain est clairement distinct de l’ivraie, et il n’y a qu’à arracher l’ivraie ; la poussière se condamne elle-même et la propreté est parfaite absence de souillure ; nettoyer, c’est expulser déchets et boue.
Simone de Beauvoir — Le deuxième sexe -
Une après-midi d’automne, Gervaise, qui venait de reporter du linge chez une pratique, rue des Portes-Blanches, se trouva dans le bas de la rue des Poissonniers comme le jour tombait. Il avait plu le matin, le temps était très doux, une odeur s’exhalait du pavé gras ; et la blanchisseuse, embarrassée de son grand panier, étouffait un peu, la marche ralentie, le corps abandonné, remontant la rue avec la vague préoccupation d’un désir sensuel, grandi dans sa lassitude. Elle aurait volontiers mangé quelque chose de bon. Alors, en levant les yeux, elle aperçut la plaque de la rue Marcadet, elle eut tout d’un coup l’idée d’aller voir Goujet à sa forge.
Émile Zola — L’Assommoir -
Comment obtenir la béatitude ? En disant Dada. Comment devenir célèbre ? En disant Dada. D’un geste noble et avec des manières raffinées. Jusqu’à la folie. Jusqu’à l’évanouissement. Comment en finir avec tout ce qui est journalisticaille, anguille, tout ce qui est gentil et propret, borné, vermoulu de morale, européanisé, énervé ? En disant Dada. Dada c’est l’âme du monde, Dada c’est le grand truc. Dada c’est le meilleur savon au lait de lys du monde. Dada Monsieur Rubiner, Dada Monsieur Korrodi, Dada Monsieur Anastasius Lilienstein. Cela veut dire en allemand : l’hospitalité de la Suisse est infiniment appréciable. Et en esthétique, ce qui compte, c’est la qualité. Je lis des vers qui n’ont d’autre but que de renoncer au langage conventionnel, de s’en défaire. Dada Johann Fuchsgang Goethe. Dada Stendhal, Dada Dalaï-lama, Bouddha, Bible et Nietzsche. Dada m’Dada. Dada mhm Dada da. Ce qui importe, c’est la liaison et que, tout d’abord, elle soit quelque peu interrompue.Je ne veux pas de mots inventés par quelqu’un d’autre. Tous les mots ont été inventés par les autres. Je revendique mes propres bêtises, mon propre rythme et des voyelles et des consonnes qui vont avec, qui y correspondent, qui soient les miens. Si une vibration mesure sept aunes, je veux, bien entendu, des mots qui mesurent sept aunes. Les mots de Monsieur Dupont ne mesurent que deux centimètres et demi. On voit alors parfaitement bien comment se produit le langage articulé. Je laisse galipetter les voyelles, je laisse tout simplement tomber les sons, à peu près comme miaule un chat… Des mots surgissent, des épaules de mots, des jambes, des bras, des mains de mots. AU. OI. U. Il ne faut pas laisser venir trop de mots. Un vers c’est l’occasion de se défaire de toute la saleté. Je voulais laisser tomber le langage lui-même, ce sacré langage, tout souillé, comme les pièces de monnaie usées par des marchands. Je veux le mot là où il s’arrête et là où il commence. Dada, c’est le coeur des mots. Toute chose a son mot, mais le mot est devenu une chose en soi. Pourquoi ne le trouverais-je pas, moi ? Pourquoi l’arbre ne pourrait-il pas s’appeler Plouplouche et Plouploubache quand il a plu ? Le mot, le mot, le mot à l’extérieur de votre sphère, de votre air méphitique, de cette ridicule impuissance, de votre sidérante satisfaction de vous-mêmes. Loin de tout ce radotage répétitif, de votre évidente stupidité.Le mot, messieurs, le mot est une affaire publique de tout premier ordre.
Hugo Ball — Manifeste littéraire -
Un Grand fait assez de bien quand il ne nous fait pas de mal.
Beaumarchais — Le Barbier de Séville -
Hugo puissant et fort, Vigny soigneux et fin,D’un destin inégal, mais aucun d’eux en vain,Tentaient le grand succès et disputaient l’empire.Lamartine régna ; chantre ailé qui soupire,Il planait sans effort. Hugo, dur partisan(Comme chez Dante on voit, Florentin ou Pisan,Un baron féodal), combattit sous l’armure,Et tint haut sa bannière au milieu du murmure :Il la maintient encore ; et Vigny, plus secret,Comme en sa tour d’ivoire, avant midi, rentrait.
Charles-Augustin Sainte-Beuve — Pensée d’Août -
Ce que cherche le lecteur, dans un livre de Dumas, ce qui en fait tourner les pages, c’est le récit d’une aventure, celle de D’Artagnan et de ses amis, celle d’Edmond Dantès (comte de Monte-Cristo, ndlr) ou de Joseph Hyacinthe Boniface de Lérac de La Môle, le gentilhomme protestant de La Reine Margot. Le grand art de l’auteur est de mêler les événements d’une destinée personnelle à ceux de l’Histoire majuscule en train de se faire.
Axel Preiss — Dictionnaire des littératures de la langue française -
Ce n’était pas les morts qu’éveilleLe son du nocturne tambour, Mais bien quelques vieux de la vieille Qui célébraient le grand retour.
Théophile Gautier — « Vieux de la vieille » -
Grand Thibault se voulent coucherAvecques sa femme nouvelle,S’en vint tout bellement cacherUn gros maillet en la ruelle.O mon doulx amy (ce dict elle)Quel maillet vous voy ie empoingner ?C’est (dist il) pour mieulx vous coingner.Maillet ? dist elle, il n’y fault nul.Quand gros Ian me vient besoingner,Il ne me coingne que du cul.
Rabelais — Quart Livre -
Par les journées de juillet très chaudes, le mur d’en face jetait sur la petite cour humide une lumière éclatante et dure.Il y avait un grand vide sous cette chaleur, un silence, tout semblait en suspens ; on entendait seulement, agressif, strident, le grincement d’une chaise traînée sur le carreau, le claquement d’une porte. C’était dans cette chaleur, dans ce silence – un froid soudain, un déchirement.Et elle restait sans bouger sur le bord de son lit, occupant le plus petit espace possible, tendue, comme attendant que quelque chose éclate, s’abatte sur elle dans ce silence menaçant.Quelquefois le cri aigu des cigales, dans la prairie pétrifiée sous le soleil et comme morte, provoque cette sensation de froid, de solitude, d’abandon dans un univers hostile où quelque chose d’angoissant se prépare.Étendu dans l’herbe sous le soleil torride, on reste sans bouger, on épie, on attend.Elle entendait dans le silence, pénétrant jusqu’à elle le long des vieux papiers à raies bleues du couloir, le long des peintures sales, le petit bruit que faisait la clef dans la serrure de la porte d’entrée. Elle entendait se fermer la porte du bureau.Elle restait là, toujours recroquevillée, attendant, sans rien faire. La moindre action, comme d’aller dans la salle de bains se laver les mains, faire couler l’eau du robinet, paraissait une provocation, un saut brusque dans le vide, un acte plein d’audace. Ce bruit soudain de l’eau dans ce silence suspendu, ce serait comme un signal, comme un appel vers eux, ce serait comme un contact horrible, comme de toucher avec la pointe d’une baguette une méduse et puis d’attendre avec dégoût qu’elle tressaille tout à coup, se soulève et se replie.Elle les sentait ainsi, étalés, immobiles, derrière les murs, et prêts à tressaillir, à remuer.Elle ne bougeait pas. Et autour d’elle toute la maison, la rue semblaient l’encourager, semblaient considérer cette immobilité comme naturelle.Il paraissait certain, quand on ouvrait la porte et qu’on voyait l’escalier, plein d’un calme implacable, impersonnel et sans couleur, un escalier qui ne semblait pas avoir gardé la moindre trace des gens qui l’avaient parcouru, pas le moindre souvenir de leur passage, quand on se mettait derrière la fenêtre de la salle à manger et qu’on regardait les façades des maisons, les boutiques, les vieilles femmes et les petits enfants qui marchaient dans la rue, il paraissait certain qu’il fallait le plus longtemps possible – attendre, demeurer ainsi immobile, ne rien faire, ne pas bouger, que la suprême compréhension, que la véritable intelligence, c’était cela, ne rien entreprendre, remuer le moins possible, ne rien faire.Tout au plus pouvait-on, en prenant soin de n’éveiller personne, descendre sans le regarder l’escalier sombre et mort, et avancer modestement le long des trottoirs, le long des murs, juste pour respirer un peu, pour se donner un peu de mouvement, sans savoir où l’on va, sans désirer aller nulle part, et puis revenir chez soi, s’asseoir au bord du lit et de nouveau attendre, replié, immobile.
Nathalie Sarraute — Tropismes -
VALÈRE: Monsieur, préparez-vous. Voici notre médecin qui entre. GÉRONTE: Monsieur, je suis ravi de vous voir chez moi, et nous avons grand besoin de vous.
Molière — Le Médecin malgré lui -
Les réputations éphémères meurent du soir au matin; grand homme la veille, on est un sot le lendemain, et tandis qu'une gazette fait votre apothéose, une autre gazette, à la même heure, vous traîne aux gémonies.
Chateaubriand — Mémoires -
Il est terriblele petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain il est terrible ce bruitquand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim elle est terrible aussi la tête de l'hommela tête de l'homme qui a faimquand il se regarde à six heures du matindans la glace du grand magasinune tête couleur de poussière [...]
Jacques Prévert — Paroles -
Le Capitaine : bien. Maintenant, si l’ennemi paraît, mettez le cap dessus ; et demain, au grand jour, nous aurons le plaisir de lui voir donner la cale. En attendant, bonsoir et bon vent.
Madame Friedelle — Amélie -
Le nom de ce masque italien vient d'un certain paysan de Sorrente, contrefait, mais de bonne humeur, qui, vers le milieu du XVIème siècle, apportait ses poulets au marché de Naples qu'il égayait de ses saillies. Après sa mort, on eut l'idée de transporter ce personnage sur le théâtre pour l'amusement du peuple, et il obtint un grand succès. Suivant une autre version, une troupe d'acteurs étant venue à Acerra, à l'époque des vendanges, fut accueillie par les sarcasmes des paysans qui se livraient aux folies de ce temps de joie; les acteurs remarquèrent surtout les bouffonneries d'un certain Pulci d'Aniello, et parvinrent à l'engager dans leur troupe. Il parut sur la scène avec une large robe blanche, de longs cheveux, et il plut tellement aux Napolitains qu'à sa mort il fallut trouver un autre Pulcinello. (...) Ce n'est pas tout-à-fait là le polichinelle que nous connaissons, à la double bosse, au nez particulier, au vaste chapeau tricorne, aux jambes grêles avec de gros sabots, au vêtement multicolore, qui amuse la foule dans sa petite baraque, où, armé d'un bâton, il frappe à son tour sa femme, le commissaire, le gendarme (quelquefois même un malheureux chat), qu'il assomme successivement, jusqu'à ce que le diable parvienne à s'emparer de lui.
Encyclopédie des gens du monde — répertoire universel des sciences -
À la fin de 1667, dès sa troisième pièce, Racine commençait à passer pour le seul digne de pouvoir être comparé un jour au Grand Corneille. Tous les contemporains, qu’ils eussent aimé ou détesté Andromaque, avaient senti que le jeune poète venait de créer un écart décisif par rapport à la norme tragique.
G. Forestier — Jean Racine -
Cela dit, et vu les perspectives d'une trésorerie élargie, je me permets de vous signaler, à toutes fins utiles, que je rêve depuis longtemps d'un grand cou d'oie que je dégusterais solitairement tout en lisant quelque ouvrage de valeur !
Albert Cohen — Les Valeureux -
[Il est alors] en charge d’une mission que ses contemporains jugeaient infiniment supérieure à celle de poète, si grand fût-il. Une mission d’essence aristocratique qu’un compte de Bussy-Rabutin, cousin de la marquise de Sévigné, rêva vingt ans durant de se voir confier par Louis XIV.
id. — p. 16 -
Le dernier livre de M. Pierre Loti, Le Pêcheur d’Islande, nous donne cette note attendrie, jolie, captivante, mais inexacte qui doit, par le contraste voulu avec les observations cruelles et sans charme auxquelles nous sommes accoutumés, faire partie de son grand succès.
Maupassant — Gil Blas -
Loti a écrit des livres simples, beaux et vides comme la vie, et il y a dans Le Pêcheur d’Islande, en même temps que l’amour de la vérité, un souci de plein air, un grand souffle de poésie agreste et maritime.
Mirbeau — revue Gil Blas -
La mère d’Aladdin prit la lampe où elle l’avoit mise. « La voilà, dit-elle à son fils ; mais elle est bien sale, pour peu qu’elle soit nettoyée, je crois qu’elle en vaudra quelque chose davantage. » Elle prit de l’eau et un peu de sable fin pour la nettoyer ; mais à peine eut-elle commencé à frotter cette lampe, qu’en un instant, en présence de son fils, un génie hideux et d’une grandeur gigantesque s’éleva et parut devant elle, et lui dit d’une voix tonnante :« Que veux-tu ? Me voici prêt à t’obéir, comme ton esclave, et de tous ceux qui ont la lampe à la main, moi avec les autres esclaves de la lampe ! » […]Aladdin qui avoit déjà eu une apparition à-peu-près semblable dans le caveau, sans perdre de temps ni le jugement, se saisit promptement de la lampe, et en suppléant au défaut de sa mère, il répondit pour elle d’un ton ferme. « J’ai faim, dit-il au génie, apportez-moi de quoi manger. » Le génie disparut, et un instant après il revint chargé d’un grand bassin d’argent qu’il portoit sur sa tête, avec douze plats couverts de même métal, pleins d’excellents mets arrangés dessus, avec six grands pains blancs comme neige sur les plats, deux bouteilles de vin exquis, et deux tasses d’argent à la main. Il posa le tout sur le sofa, et aussitôt il disparut.
Histoire d’Aladdin ou la Lampe merveilleuse — Traduit par Antoine Galland -
Ah ! dit-il, voilà donc comme tu veux me tromper, maudite femme ! Je ne sais à quoi il tient que je ne te mange aussi : bien t'en prend d'être une vieille bête. Voilà du gibier qui me vient bien à propos pour traiter trois ogres de mes amis, qui doivent me venir voir ces jours-ci.Il les tira de dessous le lit, l'un après l'autre. Ces pauvres enfants se mirent à genoux, en lui demandant pardon ; mais ils avaient affaire au plus cruel de tous les ogres, qui, bien loin d'avoir de la pitié, les dévorait déjà des yeux, et disait à sa femme que ce seraient là de friands morceaux, lorsqu'elle leur aurait fait une bonne sauce. Il alla prendre un grand couteau ; et en approchant de ces pauvres enfants, il l'aiguisait sur une longue pierre, qu'il tenait à sa main gauche. Il en avait déjà empoigné un, lorsque sa femme lui dit : " Que voulez-vous faire à l'heure qu'il est ? n'aurez-vous pas assez de temps demain ?- Tais-toi, reprit l'Ogre, ils en seront plus mortifiés. - Mais vous avez encore là tant de viande, reprit sa femme : voilà un veau, deux moutons et la moitié d'un cochon !- Tu as raison, dit l'Ogre : donne-leur bien à souper afin qu'ils ne maigrissent pas, et va les mener coucher.
Charles Perrault — Le Petit Poucet -
Ô géraniums, ô digitales… Celles-ci fusant des bois-taillis, ceux-là en rampe allumés au long de la terrasse, c’est de votre reflet que ma joue d’enfant reçut un don vermeil. Car « Sido » aimait au jardin le rouge, le rose, les sanguines filles du rosier, de la crois-de-Malte, des hortensias, et des bâtons-de-Saint-Jacques, et même le coqueret-alkékenge, encore qu’elle accusât sa fleur, veinée de rouge sur pulpe rose, de lui rappeler un mou de veau frais… A contre-cœur, elle faisait pacte avec l’Est : « Je m’arrange avec lui », disait-elle. Mais elle demeurait pleine de suspicion et surveillait, entre tous les cardinaux et collatéraux, ce point glacé, traître aux jeux meurtriers. Elle lui confiait des bulbes de muguet, quelques bégonias, et des crocus mauves, veilleuses des froids crépuscules. Hors une corne de terre, hors un bosquet de lauriers-cerises dominés par un junkobiloba, – je donnais ses feuilles, en forme de raie, à mes camarades d’école, qui les séchaient entre les pages de l’atlas – tout chaud jardin se nourrissait d’une lumière jaune, à tremblements rouges et violets, mais je ne pourrais dire si ce rouge, ce violet, dépendaient, dépendent encore d’un sentimental bonheur ou d’un éblouissement optique. Étés réverbérés par le gravier jaune et chaud, étés traversant le jonc tressé de mes grands chapeaux, étés presque sans nuits… Car j’aimais tant l’aube, déjà, que ma mère me l’accordait en récompense. J’obtenais qu’elle m’éveillât à trois heures et demis, et je m’en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues. A trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensible que tout le reste de mon corps… J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion… Ma mère me laissait partir, après m’avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or » ; elle regardait courir et décroître sur la pente son œuvre, - « chef-d’œuvre » disait-elle. J’étais peut-être jolie ; ma mère et mes portraits de ce temps-là ne sont pas toujours d’accord… Je l’étais à cause de mon âge et du lever du jour, à cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu’à mon retour, et de ma supériorité d’enfant éveillée sur les autres enfants endormis. Je revenais à la cloche de la première messe. Mais pas avant d’avoir mangé mon saoul, pas avant d’avoir, dans les bois, décrit un grand circuit de chien qui chasse seul, et goûté l’eau de deux sources perdues, que je révérais. L’une se haussait hors de la terre par une convulsion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle-même son lit sableux. Elle se décourageait aussitôt née et replongeait sous la terre. L’autre source, presque invisible, froissait l’herbe comme un serpent, s’étalait secrète au centre d’un pré où des narcisses, fleuris en ronde, attestaient seuls sa présence. La première avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige de jacinthe… Rien qu’à parler d’elles, je souhaite que leur saveur m’emplisse la bouche au moment de tout finir, et que j’emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire…
Colette — Sido