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Citations sur la feuille - Page 2
Il y a 46 citations sur la feuille.
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J'avais reçu une feuille de route pour Sedan, où l'état-major du corps de cavalerie Sordet m'attendait, à toutes fins utiles, en qualité d'interprète.
François Sureau — La corruption du siècle -
Ô géraniums, ô digitales… Celles-ci fusant des bois-taillis, ceux-là en rampe allumés au long de la terrasse, c’est de votre reflet que ma joue d’enfant reçut un don vermeil. Car « Sido » aimait au jardin le rouge, le rose, les sanguines filles du rosier, de la crois-de-Malte, des hortensias, et des bâtons-de-Saint-Jacques, et même le coqueret-alkékenge, encore qu’elle accusât sa fleur, veinée de rouge sur pulpe rose, de lui rappeler un mou de veau frais… A contre-cœur, elle faisait pacte avec l’Est : « Je m’arrange avec lui », disait-elle. Mais elle demeurait pleine de suspicion et surveillait, entre tous les cardinaux et collatéraux, ce point glacé, traître aux jeux meurtriers. Elle lui confiait des bulbes de muguet, quelques bégonias, et des crocus mauves, veilleuses des froids crépuscules. Hors une corne de terre, hors un bosquet de lauriers-cerises dominés par un junkobiloba, – je donnais ses feuilles, en forme de raie, à mes camarades d’école, qui les séchaient entre les pages de l’atlas – tout chaud jardin se nourrissait d’une lumière jaune, à tremblements rouges et violets, mais je ne pourrais dire si ce rouge, ce violet, dépendaient, dépendent encore d’un sentimental bonheur ou d’un éblouissement optique. Étés réverbérés par le gravier jaune et chaud, étés traversant le jonc tressé de mes grands chapeaux, étés presque sans nuits… Car j’aimais tant l’aube, déjà, que ma mère me l’accordait en récompense. J’obtenais qu’elle m’éveillât à trois heures et demis, et je m’en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues. A trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensible que tout le reste de mon corps… J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion… Ma mère me laissait partir, après m’avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or » ; elle regardait courir et décroître sur la pente son œuvre, - « chef-d’œuvre » disait-elle. J’étais peut-être jolie ; ma mère et mes portraits de ce temps-là ne sont pas toujours d’accord… Je l’étais à cause de mon âge et du lever du jour, à cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu’à mon retour, et de ma supériorité d’enfant éveillée sur les autres enfants endormis. Je revenais à la cloche de la première messe. Mais pas avant d’avoir mangé mon saoul, pas avant d’avoir, dans les bois, décrit un grand circuit de chien qui chasse seul, et goûté l’eau de deux sources perdues, que je révérais. L’une se haussait hors de la terre par une convulsion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle-même son lit sableux. Elle se décourageait aussitôt née et replongeait sous la terre. L’autre source, presque invisible, froissait l’herbe comme un serpent, s’étalait secrète au centre d’un pré où des narcisses, fleuris en ronde, attestaient seuls sa présence. La première avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige de jacinthe… Rien qu’à parler d’elles, je souhaite que leur saveur m’emplisse la bouche au moment de tout finir, et que j’emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire…
Colette — Sido -
L’écriture a été spontanée. A l’époque, je travaillais dans un magasin alimentaire. Face à ma feuille, le contexte n’existait plus.
Louis Tardy — 27 ans -
Une fourmi altérée était descendue dans une source pour y boire, et allait s’y noyer. Mais une colombe perchée sur un arbre voisin arracha et laissa tomber une feuille sur laquelle la fourmi put se mettre à l’abri. Là-dessus, un oiseleur s’approcha avec ses gluaux ajustés pour y prendre la colombe ; mais la fourmi débarqua et le mordit au pied. L’oiseleur, en sursautant, fit bouger ses gluaux et alerta la colombe, qui se sauva.Même les petites gens peuvent rendre de grands services à leurs bienfaiteurs.
Ésope — La Fourmi et la Colombe (traductions de Daniel Loayza) -
« Il y en a eu une à Cattolica, trois à Rimini, une à Faenza, une à Imola, quatre entre Bologne, Modène et Ancora, donc. »Loris soulève ses lunettes et serre les paupières, levant et baissant la tête pour faire le point sur la feuille. Il murmure « Merde, le gamin m'a rayé les bons verres », puis il tapote ses ongles sur la liste et me la passe en la faisant glisser sur mon bureau.
Carlo Lucarelli — Loup-Garou -
Il écrivit quelques lignes « Je soussigné, affirme n'avoir jamais connu une personne habitant. » Il recommençait, s'embrouillait, les lignes dégringolaient sur la feuille. Il laissa enfin tout retomber, et eut plusieurs nausées, coup sur coup.
José Cabanis — Le Fils