Accueil > Citations > Citations sur la dune
Citations sur la dune - Page 3
Il y a 175 citations sur la dune.
-
Il subissait cet ensorcellement féminin, mystérieux et tout-puissant, cette force inconnue, cette domination prodigieuse, venue on ne sait d’où, du démon de la chair, et qui jette l’homme le plus sensé aux pieds d’une fille quelconque sans que rien en elle explique son pouvoir fatal et souverain.
Maupassant — Contes et nouvelles -
Ô géraniums, ô digitales… Celles-ci fusant des bois-taillis, ceux-là en rampe allumés au long de la terrasse, c’est de votre reflet que ma joue d’enfant reçut un don vermeil. Car « Sido » aimait au jardin le rouge, le rose, les sanguines filles du rosier, de la crois-de-Malte, des hortensias, et des bâtons-de-Saint-Jacques, et même le coqueret-alkékenge, encore qu’elle accusât sa fleur, veinée de rouge sur pulpe rose, de lui rappeler un mou de veau frais… A contre-cœur, elle faisait pacte avec l’Est : « Je m’arrange avec lui », disait-elle. Mais elle demeurait pleine de suspicion et surveillait, entre tous les cardinaux et collatéraux, ce point glacé, traître aux jeux meurtriers. Elle lui confiait des bulbes de muguet, quelques bégonias, et des crocus mauves, veilleuses des froids crépuscules. Hors une corne de terre, hors un bosquet de lauriers-cerises dominés par un junkobiloba, – je donnais ses feuilles, en forme de raie, à mes camarades d’école, qui les séchaient entre les pages de l’atlas – tout chaud jardin se nourrissait d’une lumière jaune, à tremblements rouges et violets, mais je ne pourrais dire si ce rouge, ce violet, dépendaient, dépendent encore d’un sentimental bonheur ou d’un éblouissement optique. Étés réverbérés par le gravier jaune et chaud, étés traversant le jonc tressé de mes grands chapeaux, étés presque sans nuits… Car j’aimais tant l’aube, déjà, que ma mère me l’accordait en récompense. J’obtenais qu’elle m’éveillât à trois heures et demis, et je m’en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues. A trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensible que tout le reste de mon corps… J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion… Ma mère me laissait partir, après m’avoir nommée « Beauté, Joyau-tout-en-or » ; elle regardait courir et décroître sur la pente son œuvre, - « chef-d’œuvre » disait-elle. J’étais peut-être jolie ; ma mère et mes portraits de ce temps-là ne sont pas toujours d’accord… Je l’étais à cause de mon âge et du lever du jour, à cause des yeux bleus assombris par la verdure, des cheveux blonds qui ne seraient lissés qu’à mon retour, et de ma supériorité d’enfant éveillée sur les autres enfants endormis. Je revenais à la cloche de la première messe. Mais pas avant d’avoir mangé mon saoul, pas avant d’avoir, dans les bois, décrit un grand circuit de chien qui chasse seul, et goûté l’eau de deux sources perdues, que je révérais. L’une se haussait hors de la terre par une convulsion cristalline, une sorte de sanglot, et traçait elle-même son lit sableux. Elle se décourageait aussitôt née et replongeait sous la terre. L’autre source, presque invisible, froissait l’herbe comme un serpent, s’étalait secrète au centre d’un pré où des narcisses, fleuris en ronde, attestaient seuls sa présence. La première avait goût de feuille de chêne, la seconde de fer et de tige de jacinthe… Rien qu’à parler d’elles, je souhaite que leur saveur m’emplisse la bouche au moment de tout finir, et que j’emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire…
Colette — Sido -
La terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres. Parce qu’elle nous résiste. L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle. Mais, pour l’atteindre, il lui faut un outil. Il lui faut un rabot, ou une charrue. Le paysan, dans son labour, arrache peu à peu quelques secrets à la nature, et la vérité qu’il dégage est universelle. De même l’avion, l’outil des lignes aériennes, mêle l’homme à tous les vieux problèmes.J’ai toujours, devant les yeux, l’image de ma première nuit de vol en Argentine, une nuit sombre où scintillaient seules, comme des étoiles, les rares lumières éparses dans la plaine.Chacune signalait, dans cet océan de ténèbres, le miracle d’une conscience. Dans ce foyer, on lisait, on réfléchissait, on poursuivait des confidences. Dans cet autre, peut-être, on cherchait à sonder l’espace, on s’usait en calculs sur la nébuleuse d’Andromède. Là on aimait. De loin en loin luisaient ces feux dans la campagne qui réclamaient leur nourriture. Jusqu’aux plus discrets, celui du poète, de l’instituteur, du charpentier. Mais parmi ces étoiles vivantes, combien de fenêtres fermées, combien d’étoiles éteintes, combien d’hommes endormis… Il faut bien tenter de se rejoindre. Il faut bien essayer de communiquer avec quelques-uns de ces feux qui brûlent de loin en loin dans la campagne.
Antoine de Saint-Exupéry — Terre des hommes -
Hier, je voulais vous écrire, et j’ai été accablé des lueurs d’une inspiration qui m’a dicté le plan d’une comédie (…) George Sand, à qui je l’ai contée à Nohant, m’a prédit le plus grand succès; cela me l’a remise en main, et le plus difficile est fait; c’est ce qu’on nomme le scénario, la détermination de toutes les scènes, des entrées et des sorties, etc.
Balzac — Lettres Étr. -
Nous avouerons que notre héros était fort peu héros en ce moment. Toutefois, la peur ne venait chez lui qu’en seconde ligne ; il était surtout scandalisé de ce bruit qui lui faisait mal aux oreilles. L’escorte prit le galop ; on traversait une grande pièce de terre labourée, située au delà du canal, et ce champ était jonché de cadavres.— Les habits rouges ! les habits rouges ! criaient avec joie les hussards de l’escorte, et d’abord Fabrice ne comprenait pas ; enfin il remarqua qu’en effet presque tous les cadavres étaient vêtus de rouge. Une circonstance lui donna un frisson d’horreur : il remarqua que beaucoup de ces malheureux habits rouges vivaient encore ; ils criaient évidemment pour demander du secours, et personne ne s’arrêtait pour leur en donner. Notre héros, fort humain, se donnait toutes les peines du monde pour que son cheval ne mît les pieds sur aucun habit rouge. L’escorte s’arrêta ; Fabrice, qui ne faisait pas assez d’attention à son devoir de soldat, galopait toujours en regardant un malheureux blessé.— Veux-tu bien t’arrêter, blanc-bec ! lui cria le maréchal-des-logis. Fabrice s’aperçut qu’il était à vingt pas sur la droite en avant des généraux, et précisément du côté où ils regardaient avec leurs lorgnettes. En revenant se ranger à la queue des autres hussards restés à quelques pas en arrière, il vit le plus gros de ces généraux qui parlait à son voisin, général aussi, d’un air d’autorité et presque de réprimande ; il jurait. Fabrice ne put retenir sa curiosité ; et, malgré le conseil de ne point parler, à lui donné par son amie la geôlière, il arrangea une petite phrase bien française, bien correcte, et dit à son voisin :— Quel est-il ce général qui gourmande son voisin ?— Pardi, c’est le maréchal !— Quel maréchal ?— Le maréchal Ney, bêta ! Ah ça ! où as-tu servi jusqu’ici ?Fabrice, quoique fort susceptible, ne songea point à se fâcher de l’injure ; il contemplait, perdu dans une admiration enfantine, ce fameux prince de la Moskowa, le brave des braves.Tout à coup on partit au grand galop. Quelques instants après, Fabrice vit, à vingt pas en avant, une terre labourée qui était remuée d’une façon singulière. Le fond des sillons était plein d’eau, et la terre fort humide, qui formait la crête de ces sillons, volait en petits fragments noirs lancés à trois ou quatre pieds de haut. Fabrice remarqua en passant cet effet singulier ; puis sa pensée se remit à songer à la gloire du maréchal. Il entendit un cri sec auprès de lui ; c’étaient deux hussards qui tombaient, atteints par des boulets ; et, lorsqu’il les regarda, ils étaient déjà à vingt pas de l’escorte. Ce qui lui sembla horrible, ce fut un cheval tout sanglant qui se débattait sur la terre labourée en engageant ses pieds dans ses propres entrailles ; il voulait suivre les autres : le sang coulait dans la boue.Ah ! m’y voilà donc enfin au feu ! se dit-il. J’ai vu le feu ! se répétait-il avec satisfaction. Me voici un vrai militaire. À ce moment, l’escorte allait ventre à terre, et notre héros comprit que c’étaient des boulets qui faisaient voler la terre de toutes parts. Il avait beau regarder du côté d’où venaient les boulets, il voyait la fumée blanche de la batterie à une distance énorme, et, au milieu du ronflement égal et continu produit par les coups de canon, il lui semblait entendre des décharges beaucoup plus voisines ; il n’y comprenait rien du tout.
Stendhal — La Chartreuse de Parme -
Zadig, avec de grandes richesses, et par conséquent avec des amis, ayant de la santé, une figure aimable, un esprit juste et modéré, un cœur sincère et noble, crut qu’il pouvait être heureux. Il devait se marier à Sémire, que sa beauté, sa naissance et sa fortune rendaient le premier parti de Babylone. Il avait pour elle un attachement solide et vertueux, et Sémire l’aimait avec passion. Ils touchaient au moment fortuné qui allait les unir, lorsque, se promenant ensemble vers une porte de Babylone, sous les palmiers qui ornaient le rivage de l’Euphrate, ils virent venir à eux des hommes armés de sabres et de flèches. C’étaient les satellites du jeune Orcan, neveu d’un ministre, à qui les courtisans de son oncle avaient fait accroire que tout lui était permis. Il n’avait aucune des grâces ni des vertus de Zadig ; mais, croyant valoir beaucoup mieux, il était désespéré de n’être pas préféré. Cette jalousie, qui ne venait que de sa vanité, lui fit penser qu’il aimait éperdument Sémire. Il voulait l’enlever. Les ravisseurs la saisirent, et dans les emportements de leur violence ils la blessèrent, et firent couler le sang d’une personne dont la vue aurait attendri les tigres du mont Imaüs. Elle perçait le ciel de ses plaintes. Elle s’écriait : « Mon cher époux ! on m’arrache à ce que j’adore. » Elle n’était point occupée de son danger ; elle ne pensait qu’à son cher Zadig. Celui-ci, dans le même temps, la défendait avec toute la force que donnent la valeur et l’amour. Aidé seulement de deux esclaves, il mit les ravisseurs en fuite, et ramena chez elle Sémire évanouie et sanglante, qui en ouvrant les yeux vit son libérateur. Elle lui dit : « Ô Zadig ! je vous aimais comme mon époux ; je vous aime comme celui à qui je dois l’honneur et la vie. » Jamais il n’y eut un cœur plus pénétré que celui de Sémire ; jamais bouche plus ravissante n’exprima des sentiments plus touchants par ces paroles de feu qu’inspirent le sentiment du plus grand des bienfaits et le transport le plus tendre de l’amour le plus légitime. Sa blessure était légère ; elle guérit bientôt.
Voltaire — Zadig ou la destinée -
Il y avait en Vestphalie, dans le château de M. le baron de Thunder-ten-tronckh, un jeune garçon à qui la nature avait donné les mœurs les plus douces. Sa physionomie annonçait son âme. Il avait le jugement assez droit, avec l’esprit le plus simple ; c’est, je crois, pour cette raison qu’on le nommait Candide. Les anciens domestiques de la maison soupçonnaient qu’il était fils de la sœur de monsieur le baron et d’un bon et honnête gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais épouser parce qu’il n’avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre généalogique avait été perdu par l’injure du temps.Monsieur le baron était un des plus puissants seigneurs de la Vestphalie, car son château avait une porte et des fenêtres. Sa grande salle même était ornée d’une tapisserie. Tous les chiens de ses basses-cours composaient une meute dans le besoin ; ses palefreniers étaient ses piqueurs ; le vicaire du village était son grand aumônier. Ils l’appelaient tous Monseigneur, et ils riaient quand il faisait des contes.
Voltaire — Candide -
La courbe de tes yeux de Paul EluardLa courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,Un rond de danse et de douceur,Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécuC’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.Feuilles de jour et mousse de rosée,Roseaux du vent, sourires parfumés,Ailes couvrant le monde de lumière,Bateaux chargés du ciel et de la mer,Chasseurs des bruits et sources des couleurs,Parfums éclos d’une couvée d’auroresQui gît toujours sur la paille des astres,Comme le jour dépend de l’innocenceLe monde entier dépend de tes yeux pursEt tout mon sang coule dans leurs regards.
Paul Éluard — La courbe de tes yeux -
Un mal qui répand la terreur,Mal que le ciel en sa fureurInventa pour punir les crimes de la terre,La peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom),Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,Faisait aux animaux la guerre.Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :On n’en voyait point d’occupésÀ chercher le soutien d’une mourante vie ;Nul mets n’excitait leur envie ;Ni loups ni renards n’épiaientLa douce et l’innocente proie ;Les tourterelles se fuyaient :Plus d’amour, partant plus de joie.Le lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,Je crois que le ciel a permisPour nos péchés cette infortune.Que le plus coupable de nousSe sacrifie aux traits du céleste courroux ;Peut-être il obtiendra la guérison commune.L’histoire nous apprend qu’en de tels accidentsOn fait de pareils dévouements.Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgenceL’état de notre conscience.Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,J’ai dévoré force moutons.Que m’avaient-ils fait ? nulle offense ;Même il m’est arrivé quelquefois de mangerLe berger.Je me dévouerai donc, s’il le faut : mais je penseQu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi ;Car on doit souhaiter, selon toute justice,Que le plus coupable périsse.Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi ;Vos scrupules font voir trop de délicatesse.Eh bien ! manger moutons, canaille, sotte espèce,Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes, seigneur,En les croquant, beaucoup d’honneur ;Et quant au berger, l’on peut direQu’il était digne de tous maux,Étant de ces gens-là qui sur les animauxSe font un chimérique empire.Ainsi dit le renard ; et flatteurs d’applaudir.On n’osa trop approfondirDu tigre, ni de l’ours, ni des autres puissances,Les moins pardonnables offenses :Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples mâtins,Au dire de chacun, étaient de petits saints.L’âne vint à son tour, et dit : J’ai souvenanceQu’en un pré de moines passant,La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et, je pense,Quelque diable aussi me poussant,Je tondis de ce pré la largeur de ma langue ;Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net.À ces mots, on cria haro sur le baudet.Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangueQu’il fallait dévouer ce maudit animal,Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.Sa peccadille fut jugée un cas pendable.Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable !Rien que la mort n’était capableD’expier son forfait. On le lui fit bien voir.Selon que vous serez puissant ou misérable,Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
Jean de La Fontaine — Les animaux malades de la peste -
La raison du plus fort est toujours la meilleure :Nous l’allons montrer tout à l’heure.Un Agneau se désaltéraitDans le courant d’une onde pure.Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,Et que la faim en ces lieux attirait.Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?Dit cet animal plein de rage :Tu seras châtié de ta témérité.– Sire, répond l’Agneau, que votre MajestéNe se mette pas en colère ;Mais plutôt qu’elle considèreQue je me vas désaltérantDans le courant,Plus de vingt pas au-dessous d’Elle,Et que par conséquent, en aucune façon,Je ne puis troubler sa boisson.– Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,Et je sais que de moi tu médis l’an passé.– Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas né ?Reprit l’Agneau, je tette encor ma mère.– Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.– Je n’en ai point.– C’est donc quelqu’un des tiens :Car vous ne m’épargnez guère,Vous, vos bergers, et vos chiens.On me l’a dit : il faut que je me venge.Là-dessus, au fond des forêtsLe Loup l’emporte, et puis le mange,Sans autre forme de procès.
Jean de La Fontaine — Le Loup et l'agneau -
Afin de ne pas être pris par derrière, il s’accula contre le portail d’une maison d’apparence quasi princière, et là, ramassé sur lui-même, il présentait aux glaives son bouclier humain, dont il usait aussi parfois, à l'instar d'un martel, pour assommer les troupiers soûls de fureur
Léon Cladel — Ompdrailles -
Gervaise, cependant, se retenait pour ne pas éclater en sanglots. Elle tendait les mains, avec le désir de soulager l’enfant ; et, comme le lambeau de drap glissait, elle voulut le rabattre et arranger le lit. Alors, le pauvre petit corps de la mourante apparut. Ah ! Seigneur ! quelle misère et quelle pitié ! Les pierres auraient pleuré. Lalie était toute nue, un reste de camisole aux épaules en guise de chemise ; oui, toute nue, et d’une nudité saignante et douloureuse de martyre. Elle n’avait plus de chair, les os trouaient la peau. Sur les côtes, de minces zébrures violettes descendaient jusqu’aux cuisses, les cinglements du fouet imprimés là tout vifs. Une tache livide cerclait le bras gauche, comme si la mâchoire d’un étau avait broyé ce membre si tendre, pas plus gros qu’une allumette. La jambe droite montrait une déchirure mal fermée, quelque mauvais coup rouvert chaque matin en trottant pour faire le ménage. Des pieds à la tête, elle n’était qu’un noir. Oh ! ce massacre de l’enfance, ces lourdes pattes d’homme écrasant cet amour de quiqui, cette abomination de tant de faiblesse râlant sous une pareille croix ! On adore dans les églises des saintes fouettées dont la nudité est moins pure.
Émile Zola — L’Assommoir -
Tout à coup il crut avoir été appelé par une voix terrible, et tressaillit comme lorsqu’au milieu d’un brûlant cauchemar nous sommes précipités d’un seul bond dans les profondeurs d’un abîme. Il ferma les yeux ; les rayons d’une vive lumière l’éblouissaient ; il voyait briller au sein des ténèbres une sphère rougeâtre dont le centre était occupé par un petit vieillard qui se tenait debout et dirigeait sur lui la clarté d’une lampe. Il ne l’avait entendu ni venir, ni parler, ni se mouvoir. Cette apparition eut quelque chose de magique. L’homme le plus intrépide, surpris ainsi dans son sommeil, aurait sans doute tremblé devant ce personnage extraordinaire qui semblait être sorti d’un sarcophage voisin. La singulière jeunesse qui animait les yeux immobiles de cette espèce de fantôme empêchait l’inconnu de croire à des effets surnaturels ; néanmoins, pendant le rapide intervalle qui sépara sa vie somnambulique de sa vie réelle, il demeura dans le doute philosophique recommandé par Descartes, et fut alors, malgré lui, sous la puissance de ces inexplicables hallucinations dont les mystères sont condamnés par notre fierté ou que notre science impuissante tâche en vain d’analyser.[…] Le moribond frémit en pressentant que ce vieux génie habitait une sphère étrangère au monde où il vivait seul, sans jouissances, parce qu’il n’avait plus d’illusion, sans douleur, parce qu’il ne connaissait plus de plaisirs. Le vieillard se tenait debout, immobile, inébranlable comme une étoile au milieu d’un nuage de lumière, ses yeux verts, pleins de je ne sais quelle malice calme, semblaient éclairer le monde moral comme sa lampe illuminait ce cabinet mystérieux. Tel fut le spectacle étrange qui surprit le jeune homme au moment où il ouvrit les yeux, après avoir été bercé par des pensées de mort et de fantasques images.
Honoré de Balzac — La peau de chagrin -
L’onde approche, se brise, et vomit à nos yeux,Parmi des flots d’écume, un monstre furieux.Son front large est armé de cornes menaçantes ;Tout son corps est couvert d’écailles jaunissantes ;Indomptable taureau, dragon impétueux,Sa croupe se recourbe en replis tortueux.Ses longs mugissements font trembler le rivage.Le ciel avec horreur voit ce monstre sauvage,La terre s’en émeut, l’air en est infecté ;Le flot qui l’apporta recule épouvanté.Tout fuit ; et sans s’armer d’un courage inutile,Dans le temple voisin chacun cherche un asile.Hippolyte lui seul, digne fils d’un héros,Arrête ses coursiers, saisit ses javelots,Pousse au monstre, et d’un dard lancé d’une main sûre,Il lui fait dans le flanc une large blessure.De rage et de douleur le monstre bondissantVient aux pieds des chevaux tomber en mugissant,Se roule, et leur présente une gueule enflamméeQui les couvre de feu, de sang et de fumée
Jean Racine — Phèdre -
On voit, on sent passer près de sa tête des éclats avec leur cri de fer rouge dans l’eau. À un coup, je lâche mon fusil, tellement le souffle d’une explosion m’a brûlé les mains. Je le ramasse en chancelant et repars tête baissée dans la tempête à lueurs fauves, dans la pluie écrasante des laves, cinglé par des jets de poussier et de suie.
Henri Barbusse — Le Feu -
Voici le plan qu’il avait arrêté. Il devait tout doucement gagner la chambre de Washington Otis, pousser des cris d’orfraie au pied de son lit, puis par trois fois se passer la dague dans la gorge au son d’une musique grave.
Oscar Wilde — Le Fantôme des Canterville et autres contes -
Quand Gervaise s’éveilla, vers cinq heures, raidie, les reins brisés, elle éclata en sanglots. Lantier n’était pas rentré. Pour la première fois, il découchait. Elle resta assise au bord du lit, sous le lambeau de perse déteinte qui tombait de la flèche attachée au plafond par une ficelle. Et, lentement, de ses yeux voilés de larmes, elle faisait le tour de la misérable chambre garnie, meublée d’une commode de noyer dont un tiroir manquait, de trois chaises de paille et d’une petite table graisseuse, sur laquelle traînait un pot à eau ébréché. On avait ajouté, pour les enfants, un lit de fer qui barrait la commode et emplissait les deux tiers de la pièce. La malle de Gervaise et de Lantier, grande ouverte dans un coin, montrait ses flancs vides, un vieux chapeau d’homme tout au fond, enfoui sous des chemises et des chaussettes sales ; tandis que, le long des murs, sur le dossier des meubles, pendaient un châle troué, un pantalon mangé par la boue, les dernières nippes dont les marchands d’habits ne voulaient pas. Au milieu de la cheminée, entre deux flambeaux de zinc dépareillés, il y avait un paquet de reconnaissances du mont-de-piété, d’un rose tendre. C’était la belle chambre de l’hôtel, la chambre du premier, qui donnait sur le boulevard.
Émile Zola — L’Assommoir -
[…], je ne veux point repartir [répondre] [aux] outrages [de Corneille] par d’autres, ni faire comme lui, d’une dispute académique, une querelle de crocheteurs, ni du Lycée [référence à l’école d’Aristote] un marché public.
Scudéry — Lettre à l’illustre Académie -
Comment vais-je poser ma main sur ton corps, Andreas ? Il se rapproche un peu et ôte ma chemise, nous sommes pleins et prêts. De nous être longtemps retenus, dans un silence et une contemplation suspendus à la surprise et au plaisir, provoque à cet instant une sorte de tumulte, et nous nous empoignons, par les bras, par la nuque, par le torse et les reins. Voilà comment tu prends mon corps, Andreas : de toutes parts, car l’ivresse t’a gagné comme elle m’a gagné moi, et j’accepte les acrobaties que ton ardeur soudaine m’oblige à faire. Tête penchée en arrière, mains cherchant un appui, trouvant un mur, bientôt le sol, quelle souplesse ! Et tes dents se plantent dans la peau de mon ventre, un peu de brutalité sourd de tes agissements, elle me va, elle cadre avec ton torse et ton silence, et je comprends que là tu voudrais bien m’ouvrir, non tant en métaphore, d’un coup de rein, mais déchirer ma peau en espérant trouver, derrière la peau, le muscle et les irrigations ce que cache mon âme française et apaisée. Voilà comment je prends ton corps, Andreas : allongé sur le sol, je ramène ta bouche qui traînait sur mon ventre, je la hisse à la mienne puis j’encercle ton dos, m’arrime à tes épaules, serre à en perdre haleine l’heureuse tresse de muscles ou gît ce que tu es, où bat ce que tu veux. Si je pouvais tout entier t’absorber dans un désir dément de gagner ton essence et ta vitalité, ficher dans mes entrailles cette magnificence sans âge et sans destin, j’aurais sans doute gagné, et l’Histoire avec moi, un peu de cette paix si douce à nos épaules quand nous la rencontrons. Voilà comment nous nous mêlons : ceci est notre corps, prenons-le pour en jouir, prenons l’autre pour aimer et retournons au vent. Mais s’il fallait que je noue Andreas autour d’une colonne, le hisse sur une croix, l’enterre, l’emmure vivant ou le jette au cachot, comment m’en saisirais-je ? Mais s’il fallait qu’au fond d’une tranchée d’Argonne, une rue de Stalingrad, nous nous rencontrions pour nous éliminer, à mains nues et sans larmes, où irions-nous d’abord : au coeur, au souffle, à l’âme ?
Mathieu Riboulet — Les Œuvres de miséricorde -
Toute la flottille fut halée sur la dune où, après les avoir démâtées, l'on retournait les barques sens dessus dessous et l'on relevait la terre contre les bords.
Queffélec — Recteur -
Cependant, changeant de langage, et lui prenant la main. – « Mon ami, lui dis-je, je souhaiterais que tout le clergé de l’Église romaine fût doué d’une telle modération, et d’une charité égale à la vôtre. Je suis entièrement de votre opinion ; mais je dois vous dire que si vous prêchiez une pareille doctrine en Espagne ou en Italie, on vous livrerait à l’Inquisition. »
Daniel Defoe — Robinson Crusoé -
C’est à ses solidement bonnes qualités que je me suis attachée, et par bonheur je vous en avois parlé à Paris, car sans cela vous croiriez que l’enthousiasme d’une bonne réception m’auroit enivrée ; enfin je souhaiterai toujours à ceux que j’aimerai plus de charmes ; mais je me contenterai qu’ils aient autant de vertus
Lettres de Madame de Sévigné — de sa famille et de ses amis -
Habillée en capitaine de cavalerie, et masquée, j’ai conté fleurette à la plus belle dame de l’assemblée. J’avais droit de m’applaudir de mes succès galans lorsque trois rivaux, oui, trois, sont venus me défier d’une manière très-peu courtoise.
Madeleine Maupain — Lettre du 15 juillet 1704 -
Mais cette ville basse elle-même s’étale autour d’une rue qui descend tout schuss de l’église à la gare, et qui procure une vue « dégagée », mais dépourvue de charme.
Gérard Genette — Bardadrac -
Jamais il ne faut se défier des sentiments mauvais en amour, ils sont très salutaires, les femmes ne succombent que sous le coup d’une vertu. L’enfer est pavé de bonnes intentions n’est pas un paradoxe de prédicateur.
Honoré de Balzac — La Femme de trente ans -
Hélas ! les larmes d’une femme,Ces larmes où tout est amer,Ces larmes où tout est sublime,Viennent d’un plus profond abymeQue les gouttes d’eau de la mer !
Victor Hugo — Les chants du crépuscule -
Lettre CXXV :Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil.La voilà donc vaincue, cette femme superbe qui avait osé croire qu’elle pourrait me résister ! Oui, mon amie, elle est à moi, entièrement à moi, et depuis hier, elle n’a plus rien à m’accorder.Je suis encore trop plein de mon bonheur, pour pouvoir l’apprécier ; mais je m’étonne du charme inconnu que j’ai ressenti. Serait-il donc vrai que la vertu augmentât le prix d’une femme, jusque dans le moment même de sa faiblesse ? Mais reléguons cette idée puérile avec les contes de bonnes femmes. Ne rencontre-t-on pas presque partout une résistance plus ou moins bien feinte au premier triomphe ? et ai-je trouvé nulle part le charme dont je parle ? ce n’est pourtant pas non plus celui de l’amour ; car enfin, si j’ai eu quelquefois, auprès de cette femme étonnante, des moments de faiblesse qui ressemblaient à cette passion pusillanime, j’ai toujours su les vaincre et revenir à mes principes. Quand même la scène d’hier m’aurait, comme je le crois, emporté un peu plus loin que je ne comptais : quand j’aurais, un moment, partagé le trouble et l’ivresse que je faisais naître ; cette illusion passagère serait dissipée à présent ; et cependant le même charme subsiste. J’aurais même, je l’avoue, un plaisir assez doux à m’y livrer, s’il ne me causait quelque inquiétude. Serai-je donc, à mon âge, maîtrisé comme un écolier, par un sentiment involontaire et inconnu ? Non : il faut, avant tout, le combattre et l’approfondir. […]Paris, ce 29 octobre 17**.
Pierre Choderlos de Laclos — Les Liaisons dangereuses -
Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi.
Marcel Proust — À la recherche du temps perdu -
La chaîne d’information en continu BFMTV a annoncé, jeudi 22 juillet, qu’elle allait porter plainte contre les auteurs de menaces visant ses journalistes lors d’une manifestation contre le pass sanitaire à Paris.
Le Point — Deux journalistes de BFMTV pris à partie par des anti-pass sanitaire -
Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblaient avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques.
Marcel Proust — À la recherche du temps perdu -
LA REINE : Hamlet, tu as beaucoup offensé ton père.HAMLET Mère, vous avez beaucoup offensé mon père.LA REINE : Allons, allons ! Votre réponse est le langage d’un extravagant.HAMLET : Tenez, tenez, votre question est le langage d’une coupable.
William Shakespeare — Hamlet -
SÉVÈRE - Que je me prive ainsi du seul bien qui me reste !PAULINE - Sauvez-vous d’une vue à tous les deux funestesSÉVÈRE - Quel prix de mon amour ! quel fruit de mes travaux !PAULINE - C’est le seul remède qui peut guérir nos maux.SÉVÈRE - Je veux mourir des miens : aimez-en la mémoire.PAULINE - Je veux guérir des miens : ils souilleraient ma gloire.
Pierre Corneille — Polyeucte -
Face à un système qui prépare la femme à un rôle passif, en refusant de lui reconnaître la dimension intellectuelle, [Molière] met au grand jour, en la portant sur la scène, l’inanité d’une telle démarche.
Jean Serroy — édition de L’École des femmes -
Mon père, ce héros au sourire si doux, Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille, Parcourait à cheval, le soir d’une bataille, Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Victor Hugo — Après la bataille -
En se réveillant un matin après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva, dans son lit, métamorphosé en un monstrueux insecte. Il était sur le dos, un dos aussi dur qu’une carapace, et, en relevant un peu la tête, il vit, bombé, brun, cloisonné par des arceaux plus rigides, son abdomen sur le haut duquel la couverture, prête à glisser tout à fait, ne tenait plus qu’à peine. Ses nombreuses pattes, lamentablement grêles par comparaison avec la corpulence qu’il avait par ailleurs, grouillaient désespérément sous ses yeux. « Qu’est-ce qui m’est arrivé ? » pensa-t-il. Ce n’était pas un rêve. Sa chambre, une vraie chambre humaine, juste un peu trop petite, était là tranquille entre les quatre murs qu’il connaissait bien. Au-dessus de la table où était déballée une collection d’échantillons de tissus – Samsa était représentant de commerce –, on voyait accrochée 5 l’image qu’il avait récemment découpée dans un magazine et mise dans un joli cadre doré. Elle représentait une dame munie d’une toque et d’un boa tous les deux en fourrure et qui, assise bien droite, tendait vers le spectateur un lourd manchon de fourrure où tout son avant-bras avait disparu.
Franz Kafka — La métamorphose -
La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,Un rond de danse et de douceur,Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécuC’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu. Feuilles de jour et mousse de rosée,Roseaux du vent, sourires parfumés,Ailes couvrant le monde de lumière,Bateaux chargés du ciel et de la mer,Chasseurs des bruits et sources des couleurs, Parfums éclos d’une couvée d’auroresQui gît toujours sur la paille des astres,Comme le jour dépend de l’innocenceLe monde entier dépend de tes yeux pursEt tout mon sang coule dans leurs regards.
Paul Éluard — « La courbe de tes yeux » -
THÉSÉEEh bien ! vous triomphez, et mon fils est sans vie !Ah ! que j’ai lieu de craindre, et qu’un cruel soupçon,L’excusant dans mon cœur, m’alarme avec raison !Mais, madame, il est mort, prenez votre victime ;Jouissez de sa perte, injuste ou légitime :Je consens que mes yeux soient toujours abusés.Je le crois criminel, puisque vous l’accusez.Son trépas à mes pleurs offre assez de matièresSans que j’aille chercher d’odieuses lumières,Qui, ne pouvant le rendre à ma juste douleur,Peut-être ne feraient qu’accroître mon malheur.Laissez-moi, loin de vous, et loin de ce rivage,De mon fils déchiré fuir la sanglante image.Confus, persécuté d’un mortel souvenir,De l’univers entier je voudrais me bannir.Tout semble s’élever contre mon injustice ;L’éclat de mon nom même augmente mon supplice :Moins connu des mortels, je me cacherais mieux.Je hais jusques aux soins dont m’honorent les dieux ;Et je m’en vais pleurer leurs faveurs meurtrières,Sans plus les fatiguer d’inutiles prières.Quoi qu’ils fissent pour moi, leur funeste bontéNe me saurait payer de ce qu’ils m’ont ôté.PHÈDRENon, Thésée, il faut rompre un injuste silence ;Il faut à votre fils rendre son innocence :Il n’était point coupable.THÉSÉEAh ! père infortuné !Et c’est sur votre foi que je l’ai condamné !Cruelle ! pensez-vous être assez excusée…PHÈDRELes moments me sont chers ; écoutez-moi, ThéséeC’est moi qui sur ce fils, chaste et respectueux,Osai jeter un œil profane, incestueux.Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste :La détestable Œnone a conduit tout le reste.Elle a craint qu’Hippolyte, instruit de ma fureur,Ne découvrît un feu qui lui faisait horreur :La perfide, abusant de ma faiblesse extrême,S’est hâtée à vos yeux de l’accuser lui-même.Elle s’en est punie, et fuyant mon courroux,A cherché dans les flots un supplice trop doux.Le fer aurait déjà tranché ma destinée ;Mais je laissais gémir la vertu soupçonnée :J’ai voulu, devant vous exposant mes remords,Par un chemin plus lent descendre chez les morts.J’ai pris, j’ai fait couler dans mes brûlantes veinesUn poison que Médée apporta dans Athènes.Déjà jusqu’à mon cœur le venin parvenuDans ce cœur expirant jette un froid inconnu ;Déjà je ne vois plus qu’à travers un nuageEt le ciel et l’époux que ma présence outrage ;Et la mort à mes yeux dérobant la clarté,Rend au jour qu’ils souillaient toute sa pureté.PANOPEElle expire, seigneur !THÉSÉED’une action si noireQue ne peut avec elle expirer la mémoire !Allons, de mon erreur, hélas ! trop éclaircis,Mêler nos pleurs au sang de mon malheureux fils !Allons de ce cher fils embrasser ce qui reste,Expier la fureur d’un vœu que je déteste :Rendons-lui les honneurs qu’il a trop mérités ;Et, pour mieux apaiser ses mânes irrités,Que, malgré les complots d’une injuste famille,Son amante aujourd’hui me tienne lieu de fille !
Racine — Phèdre -
Dada naquit d’une révolte qui était commune à toutes les adolescences, qui exigeait une adhésion complète de l’individu aux exigences profondes de sa nature, sans égards pour l’histoire, la logique ou la morale ambiante : Honneur, Patrie, Morale, Art, Fraternité, autant de notions répondant à des nécessités humaines dont il ne subsistait que de squelettiques conventions car elles étaient vidées de leur contenu initial.
Tristan Tzara — Le surréalisme d’après-guerre -
De notre temps, cette maison se signale d’une autre façon à l’attention des curieux.
Guillaume Apollinaire — Le Flâneur des deux rives -
Beau comme une rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie.
Lautréamont — Chant VI