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Citations sur le sur - Page 422
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Selon Jorge Luis Borges, le genre littéraire qu'est le "roman d'imagination raisonnée" est apparu pour la première fois en espagnol dans cette oeuvre. (...) Ce roman qui triomphe de l'association habituellement établie entre la fantaisie et la brièveté, explore une thèse unique : la possibilité d'enregistrer les sentiments et les événements d'une vie puis de les reproduire mécaniquement pour tous. (...) La fantaisie joue ainsi sur l'approche littéraire. Fable qui traite de l'immortalité et du désir de préserver les souvenirs du bonheur, L'invention de Morel est aussi un conte humoristique sur la perception erronée de soi, une parodie de l'ambiguïté et de la fidélité en amour, ainsi que l'un des premiers exemples littéraires situés aux confins de la fiction. (...) Adolfo Bioy Casares - L'invention de Morel
Jean d'Ormesson — Les 1001 livres qu'il faut avoir lus dans sa vie -
Comme dans n'importe quel jeu, il y a dans le jeu de l'histoire, avant et après la vie et la pensée, des gagnants et des perdants, des vainqueurs et des vaincus. Les hommes attribuent souvent les hasards qui ont décidé de leur destin à ce qu'ils appellent leur étoile. Il n'y a pas de grande figure, de conquérant, de découvreur, d'inventeur, de créateur qui n'ait pas, au moins une fois dans sa vie, été servi par le hasard. Une rencontre. Une occasion. Une situation passagère à saisir par les cheveux. Les Grecs anciens honoraient un petit dieu appelé Kairos, qui veillait sur l'instant opportun, sur le moment précis où il fallait s'emparer de l'avenir. L'empereur Napoléon, qui plus que personne, croyait à son étoile, avait l'habitude de demander à l'officier à qui il avait l'intention de confier un commandement s'il était heureux - c'est-à-dire s'il avait de la chance.
Jean d'Ormesson — Comme un chant d'espérance -
Avec l'aide de la science et de la technique, l'économie et la finance l'emportent sur l'art, la religion, les mœurs, la politique.
Jean d'Ormesson — Et moi, je vis toujours -
L'imprimerie donne le départ à une catégorie d'objets culturels nomades d'une utilisation aisée: les livres. Dans mes jeunesses innombrables et successives, j'ai lu des livres dans des couvents, sur des plages, sur des bateaux, dans des trains, dans de vastes fauteuils, dans des bibliothèques qui étaient leurs cathédrales, à l'ombre des tilleuls, dans des lits où je n'étais pas toujours seule, à l'école, dans le travail et pour le plaisir. Mes vies se sont confondues avec les livres. Les bibliothèques et les librairies ont été mon destin. Vivre, pour moi, pour tous les moi où je me suis glissée les uns après les autres, c'était d'abord lire un livre.
Jean d'Ormesson — Et moi, je vis toujours -
Je crois au fond de moi-même qu'il y a encore de beaux jours à vivre et de grandes choses à faire. Mais tu ne dois plus compter sur les structures qui nous entourent et qui se sont effondrées. Oublie tout ce que je t'ai dit et ne retiens que ceci : la vie est merveilleuse ; il faut tout trouver en toi-même : la justice, le bonheur, la simplicité, la grandeur. Et alors, peut-être, tu reconstruiras un monde.
Jean d'Ormesson — Dieu, les affaires et nous. Chroniques d'un demi siècle -
Quand Flaubert parle d'un roman sur rien, il se démarque d'Eugène Sue, de Ponson du Terrail et même du cher et grand Dumas qui, dans ses Mémoires comme dans ses romans, nous entraîne au galop dans d'inépuisables aventures. Contre Jules Verne, qui avait une espèce de génie, contre Sherlock Holmes ou Arsène Lupin ou James Bond qui nous ont tant amusés, ce que défend Flaubert, c'est le style. Les livres ne survivent pas grâce aux histoires qu'ils racontent. Ils survivent grâce à la façon dont elles sont racontées. La littérature est d'abord un style qui éveille l'imagination du lecteur.
Jean d'Ormesson — Comme un chant d'espérance -
Avant les hommes pas de mal. Pas l’ombre du moindre mal. Mais dès que les hommes surgissent, malheureux et coupables en dépit de leurs triomphes, le mal est comme chez lui en même temps que la pensée et il règne presque en maître. pourquoi ne règnerait-il pas sur moi puisqu’il règne sur nous tous ?
Jean d'Ormesson — Je dirai malgré tout que cette vie fut belle -
Connaître, c'est connaitre par les causes. Comprendre, c'est remonter aux origine. Dans la forêt, dans la savane, sur la mer, dans les sables du désert, le commencement des commencements, le début de toutes choses est le mythe majeur des hommes.
Jean d'Ormesson — C’est une chose étrange à la fin que le monde -
La ferme africaine est le plus célèbre des romans de Karen Blixen, à la fois mémoires de la période où elle a vécu dans une plantation de café au Kenya et portrait du début du déclin de l'impérialisme européen. (...) Voici un roman qui traite de la disparition de l'impérialisme et de déplacement, de sauvagerie, de beauté et de lutte humaine. Célébré comme l'une des plus grandes élégies pastorales du modernisme, c'est par-dessus tout un livre sur l'Afrique.
Jean d'Ormesson — Les 1001 livres qu'il faut avoir lus dans sa vie -
Par sa prose nuancée et son attention pour les détails, Murakami harmonise les tons d'un univers chaotique et surréaliste en une sorte de méditation zen. Kafha sur le rivage est une oeuvre qui tente de se réconcilier avec le monde moderne en mariant la pensée orientale et occidentale de manière à mieux explorer et mettre en exergue nos attitudes envers les mystères du temps, de la vie et de la mort.
Jean d'Ormesson — Les 1001 livres qu'il faut avoir lus dans sa vie -
A coté des horreurs qui n'avaient jamais cessé de s’enchaîner les unes aux autres et en attendant les désastres qui ne pouvaient manquer de survenir, il y avait aussi des roses, des instants filés de soie à toutes les heures de la journée, de vieilles personnes irascibles qui laissaient derrière elles un souvenir de tendresse, des enfants à aimer, de jolies choses à lire, à voir, à écouter de très bonnes choses à manger et à boire, des coccinelles pleines de gaieté sous leur damier rouge et noir, des dauphins qui étaient nos amis, de la neige sur les montagnes, des îles dans une mer très bleue. J'étais plutôt porté au rire et à dire oui qu'aux larmes et à dire non. Plutôt à la louange et à l’émerveillement qu'à la dérision ou à l'imprécation. J'étais une exception. Quelle chance ! Il y a toujours avantage à être un peu invraisemblable.
Jean d'Ormesson — C'était bien -
...Le tribunal a percé votre système de défense. Vous ne jouez pas, comme beaucoup, le délire,la folie, l'inconscience, l'irresponsabilité. Non. Vous êtes plus malin que ca. Vous vous présentez plutôt comme une sorte de bouchon en train de flotter gaiement sur le eaux de la culture.Vous plaidez la légèreté, le goût de vivre, l'amusement devant le spectacle du monde. (p.177 - Jean, en procureur, s'accuse de ne pas avoir vécu sérieusement, avec humour bien entendu).
Jean d'Ormesson — Je dirai malgré tout que cette vie fut belle -
- Qui est Marie? me dit A. - C'est une femme, lui dis-je. - Une femme? - Oui, lui dis-je. Enfin, un être humain. Un homme. - Un homme? - La Terre est peuplée d'hommes. Et les hommes règnent sur la création. Ils sont la mesure de toute chose. Ils ont une idée de l'infini. Ils sont à l'image de l'absolu. Les hommes assurent souvent qu'il n'y a rien au-dessus des hommes. Il y a même des philosophes qui ont pensé et écrit qu'il n'y aurait pas d'univers s'il n'y avait pas d'homme. Ils soutiennent que c'est l'homme qui est la cause de l'univers et non pas l'univers qui est la cause de l'homme. L'homme a inventé la science, la morale, la peinture, la sculpture, la Bourse, l'Etat, le socialisme, le théâtre, la musique, le calembour et le golf. N'avez-vous jamais, sur Urql, entendu parler de ce centre de toutes choses, de ce chef-d'oeuvre qu'est l'homme?
Jean d'Ormesson — La Douane de mer -
Théoriquement "roman d'amour", Nadja est en réalité une réflexion sur le surréalisme comme mode de vie, qui renverse les distinctions entre art et monde, rêve et réalité. André Breton - Nadja
Jean d'Ormesson — Les 1001 livres qu'il faut avoir lus dans sa vie -
La littérature n'est pas faite d'abord d'histoires, quelques belles ou séduisantes qu'elles puissent être, ni de passions, ni d'expérience : elle est faite d'abord de mots. La littérature n'est pas un message. Elle n'est pas non plus une plaisanterie, une gaudriole, un divertissement. Il y a quelque chose de presque indéfinissable, quelque chose d'obscur et de lumineux, qui règne sur la littérature : ce quelque chose est le style. S'il fallait résumer en deux mots l'image que nous nous faisons de la littérature, nous dirions : le plaisir et le style. Ils ne cessent de se mêler et de s'entrecroiser. Le plaisir : les histoires, l'intrigue, les personnages, la surprise et la gaieté, l'intelligence et la hauteur, le souvenir et l'espérance. Tout cela n'est rien et ne peut rien être sans le dieu mystérieux qui règne sur les mots et qui donne son statut à la littérature : le style.
Jean d'Ormesson — Une autre histoire de la littérature française, tome 2 -
Au nom de l'espèce humaine, qui est la vôtre autant que la mienne, allez donc à Vérone. Vous y prendrez un repas de rêve aux Dodici Apostoli, vous irez voir les portes de bronze de l'église San Zeno, vous admirerez dans l'église Sant Anastasia le tableau de Pisanello - Saint Georges délivrant la princesse de Tréhizonde - où brille la croupe d'un cheval blanc. Et vous vous promènerez sur le Ponte Pietra où flotte encore au-dessus de l'Adige, le souvenir de Dietrich von Bern.
Jean d'Ormesson — Et moi, je vis toujours -
Je crois que la littérature, qui est probablement bien autre chose, est d'abord source de plaisir. Je crois, comme Corneille, comme Molière, comme Boileau, comme Racine, qu'il s'agit de plaire au lecteur et au public, qui est le juge suprême. A ce souci de retenir le lecteur et de lui donner un peu de bonheur en compagnie de ce qu'il y a de mieux dans notre pensée, dans nos passions et dans leur expression, se joint une préoccupation, n'ayons pas honte de le dire, franchement didactique et pédagogique. J'ai pensé, je l'avoue, aux jeunes gens que les manuels, souvent excellents, qu'on leur propose font bâiller et qui voudraient pourtant en savoir un peu plus, sans se décrocher les mâchoires, sur les textes à leur programme : dans la gaieté, dans l'allégresse devant le génie ou le talent, ces portraits visent à fournir sur les auteurs un minimum d'informations. (extrait de l'avant-propos, par l'auteur)
Jean d'Ormesson — Une autre histoire de la littérature française : Coffret 2 volumes -
Le matin, à peine réveillé, je guettais à travers les volets la lumière du soleil sur le point de se lever et je me jetais hors de mon lit pour profiter d'un jour qui ressemblerait à la veille et qui ressemblerait au lendemain. L'été, j'entendais de ma fenêtre le bruit déchirant du râteau manié par l'aide-jardinier sur les graviers de la cour. Sur le palier, au seuil du billard, il y avait un gong venu je ne sais d'où sur lequel ceux qui passaient frappaient d'un air distrait pour annoncer les repas régis par des règles sévères et auxquels aucun d'entre nous n'aurait pris le risque de se présenter en retard ou en tenue négligée. Rien ne m'amusait ni ne me faisait peur autant que le téléphone, composé d'une manivelle et d'un cornet de bois, qui permettait à mon grand-père d'obtenir une demoiselle qu'on entendait très mal et qui ne comprenait jamais rien. Deux fois par mois, M. Machavoine, horloger de son état, venait remonter en silence les horloges du château. Il se glissait dans le billard, dans le petit salon, dans le grand salon, dans la bibliothèque, dans la salle à manger, dans la salle à manger des enfants, dans l'office, dans l'immense cuisine, dans la vingtaine de chambres – aucune n'avait de salle de bains – qui restaient ouvertes toute l'année. Il vérifiait si les pendules, si les horloges, si les cartels donnaient bien l'heure exacte, et il les remontait. Il m'arrivait de le suivre de pièce en pièce dans un état de conscience extrêmement diminué et avec une fascination qui m'étonnait moi-même. Ses gestes de chirurgien, de contrôleur et de mécanicien me jetaient dans une torpeur bienheureuse dont je ne me réveillais qu'à son départ. Dans le soir qui tombait, nous nous promenions à bicyclette autour des étangs mélancoliques ou le long des layons des forêts de la Haute-Sarthe, entre les chevreuils et les sangliers, libres et sauvages comme nous. À mon retour, quand je rentrais de promenade, que je pénétrais dans le vestibule encombré de trophées de chasse et de râteliers chargés de fusils et que je m'apprêtais à gravir quatre à quatre l'escalier de pierre vers les deux salons bourrés de portraits de famille et de fauteuils en tapisserie, l'odeur de bois brûlé, de vieux cuir, de renfermé me prenait à la gorge. Je m'ennuyais beaucoup. J'étais très heureux – et je ne m'en doutais pas. Chez nous ! Chez nous ! Tout cela avait pris longtemps des allures d'éternité. Et tout cela était fini.
Jean d'Ormesson — Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit -
Le matin, à peine réveillé, je guettais à travers les volets la lumière du soleil sur le point de se lever et je me jetais hors de mon lit pour profiter d'un jour qui ressemblerait à la veille et qui ressemblerait au lendemain. L'été, j'entendais de ma fenêtre le bruit déchirant du râteau manié par l'aide-jardinier sur les graviers de la cour. Sur le palier, au seuil du billard, il y avait un gong venu je ne sais d'où sur lequel ceux qui passaient frappaient d'un air distrait pour annoncer les repas régis par des règles sévères et auxquels aucun d'entre nous n'aurait pris le risque de se présenter en retard ou en tenue négligée. Rien ne m'amusait ni ne me faisait peur autant que le téléphone, composé d'une manivelle et d'un cornet de bois, qui permettait à mon grand-père d'obtenir une demoiselle qu'on entendait très mal et qui ne comprenait jamais rien. Deux fois par mois, M. Machavoine, horloger de son état, venait remonter en silence les horloges du château. Il se glissait dans le billard, dans le petit salon, dans le grand salon, dans la bibliothèque, dans la salle à manger, dans la salle à manger des enfants, dans l'office, dans l'immense cuisine, dans la vingtaine de chambres – aucune n'avait de salle de bains – qui restaient ouvertes toute l'année. Il vérifiait si les pendules, si les horloges, si les cartels donnaient bien l'heure exacte, et il les remontait. Il m'arrivait de le suivre de pièce en pièce dans un état de conscience extrêmement diminué et avec une fascination qui m'étonnait moi-même. Ses gestes de chirurgien, de contrôleur et de mécanicien me jetaient dans une torpeur bienheureuse dont je ne me réveillais qu'à son départ. Dans le soir qui tombait, nous nous promenions à bicyclette autour des étangs mélancoliques ou le long des layons des forêts de la Haute-Sarthe, entre les chevreuils et les sangliers, libres et sauvages comme nous. À mon retour, quand je rentrais de promenade, que je pénétrais dans le vestibule encombré de trophées de chasse et de râteliers chargés de fusils et que je m'apprêtais à gravir quatre à quatre l'escalier de pierre vers les deux salons bourrés de portraits de famille et de fauteuils en tapisserie, l'odeur de bois brûlé, de vieux cuir, de renfermé me prenait à la gorge. Je m'ennuyais beaucoup. J'étais très heureux – et je ne m'en doutais pas. Chez nous ! Chez nous ! Tout cela avait pris longtemps des allures d'éternité. Et tout cela était fini.
Jean d'Ormesson — Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit -
Le 26 juin, un peu avant midi, il m'est arrivé quelque chose que je n'oublierai plus : je suis mort. La vie est injuste. La mort aussi. J'ai eu de la chance. Tout s'est passé assez vite. Le coeur a lâché. J'aurais pu me blesser. Pas du tout. Je suis tombé d'un seul coup, sans la moindre égratignure, dans les bras de Marie, devant la Douane de Mer d'où la vue est si belle sur le palais des Doges et sur le haut campanile de San Giorgio Maggiore. J'avais essayé plus d'une fois de donner à l'un de mes livres le titre de La Douane de mer. On ne fait pas toujours ce qu'on veut. La Douane de mer s'est refusée à entrer dans ma vie. Elle est entrée dans ma mort.
Jean d'Ormesson — La Douane de mer -
L'argent tombe sur le monde, comme une vérole sur le pauvre peuple, bien après la pensée, bien après l'émotion, le cri, le rire, la parole, et après l'écriture. Maintenant qu'il est là, et bien là, il est difficile de s'en passer. Sa suppression entraînerait des souffrances plus grandes que ses excès. Qu'on le veuille ou non, il est devenu une espèce de malédiction âprement recherchée. Poussons le bouchon un peu loin : il est la forme prise par le mal pour se faire adorer. L'argent, écrit Cioran, a ruiné le monde. Pendant des milliards d'années, il n'y a pas de mal dans l'univers. Le mal naît avec la pensée. Il prospère avec l'argent.
Jean d'Ormesson — Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit -
Selon une division quatripartite, qui rivalise avec la division tripartite chère à Georges Dumézil et dont on retrouve les traces en Inde, en Chine et jusque chez les Wisigoths, les cochers étaient répartis en quatre groupes qui correspondaient à la fois à une division géographique, à une division religieuse et cosmique et à une division sociale : les Bleus, les Verts, les Blancs et les Rouges. Les Bleus et les Blancs représentaient les quartiers riches, favorables à l'orthodoxie et au gouvernement d'un petit nombre. Les Verts et les Rouges représentaient les quartiers populaires à tendance démocratique et inclinaient vers l'hérésie. Le célèbre Palio, la course qui se déroule à Sienne sur la Piazza del Campo incurvée en coquille vers le Palazzo Pubblico et où chaque cavalier est le champion d'une contrade, c'est-à-dire d'un quartier, peut donner, en petit et, malgré sa splendeur, en modeste, une idée de ces courses de chars de Byzance qui laissaient loin derrière elles la passion populaire de nos matches de football ou de rugby. Les deux groupes principaux étaient les Bleus et les Verts. Démétrios était Vert. p364
Jean d'Ormesson — Histoire du Juif errant -
- La Sicile ? .... disait Vintimille. - Elle est belle, disait Isaac. Nous irons à Noto, qui est baroque, à Ségeste et à Agrigente, qui sont des morceaux de Grèce égarés en Sicile, nous nous promènerons à Monreale, qui est arabe et normande, nous monterons jusqu'à Enna et jusqu'à Erice qui sont farouches et superbes, nous nous recueillerons, mon maître, devant les squelettes des capucins de Palerme et sur le tombeau de Frédéric II, qui frappa le monde de stupeur. p276
Jean d'Ormesson — Histoire du Juif errant -
Le monde n'a peut-être aucun sens : "Life is but a tale told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing." Ce qu'il y a pourtant de surprenant, c'est que tout ce qui s'y passe, et même la souffrance et le mal et la sottise et l'absurdité, ait l'air de faire un tout et d'avancer cahin-caha. Lorsque Macbeth, sur le point de périr, s'écrie que le monde est un tumulte dépourvu de tout sens, il donne, mieux que personne, un peu plus de sens au monde. p428
Jean d'Ormesson — Histoire du Juif errant -
La découverte du passé est réservé à l'avenir. Les hommes par la pensée, font en sens inverse le chemin suivi par l'histoire. Plus le monde vieillit, plus il en apprend sur sa jeunesse. Les hommes, à leurs débuts, ne savaient rien sur l'origine des choses. Ils en savent de plus en plus grâce au temps qui se déroule. Le passé s'éclaire à mesure qu'il s'éloigne.
Jean d'Ormesson — C’est une chose étrange à la fin que le monde -
Il marchait. Il marcha jusqu'à la nuit. Il s'était déjà beaucoup éloigné de la ville lorsque la faim s'empara de lui. Et la soif. Les passions, les ambitions, les idées, les projets ne viennent qu'en seconde ligne. Il faut d'abord boire, et manger, et dormir, et tout le reste. Sans jamais en souffler mot dans les torrents de livres et de films qui nous tombent sur la tête, nous passons notre temps à mener notre corps au garage, à le ravitailler et à le vidanger. De "la Princesse de Clèves" au "Soulier de satin", en passant par "Adolphe" et par "La Chartreuse de Parme", on dirait que nos héros sont munis d'une dispense de trimbaler un corps. Ils n'ont le droit que de faire l'amour parce que l'amour est le lien entre le rêve et la machine. Nous sommes une machine avant d'être un esprit et une âme. Il peut y avoir des machines sans esprit et sans âme. Dans ce monde au moins, il n'y a pas d'esprit ni d'âme sans qu'il y ait une machine. Ashavérus avait soif. Et il avait faim. La nuit tombait. Il aperçut une lumière qui brillait dans une maison. Il poussa la porte après l'avoir frappée de son bâton et il entra dans la maison. p117
Jean d'Ormesson — Histoire du Juif errant -
Et, jouant avec la vieille canne, décolorée par le temps, entamée par la vie, qu'il faisait rouler entre ses mains noueuses, il se remit à parler. Et, soir après soir, dans le plus beau salon du monde, sous les étoiles de la nuit qui jetaient leur lueur sur le bassin de Saint-Marc et le palais des Doges, il nous raconta, à Marie et à moi, tout ce que je viens de vous raconter. Et tout ce que je vais encore, si vous avez un peu de temps pour écouter des fables qui ressemblent à des choses vraies, ou peut-être plutôt des choses vraies qui ressemblent à des fables, vous raconter maintenant. p176
Jean d'Ormesson — Histoire du Juif errant -
Il était le second Adam. Le premier avait légué au monde le péché originel. Lui portait sur ses épaules le poids écrasant du péché perpétuel. p174
Jean d'Ormesson — Histoire du Juif errant -
En face de l'argent, qu'y a-t-il? Il y a ceux qui n'en ont pas. On dirait que le monde moderne est fait d'argent et de pauvres. L'argent coule à flots : sur les palais des congrès, sur les aéroports, sur les avions, sur les trains à grande vitesse, sur les autoroutes et leurs échangeurs, sur les porte-avions et sur les sous-marins, sur les centrales nucléaires, sur les usines, sur les laboratoires, sur les hôpitaux qui manquent pourtant cruellement de ressources. Il ne coule pas sur les pauvres.
Jean d'Ormesson — Qu'ai-je donc fait ? -
Le souvenir n'est rien d'autre qu'une espèce d'imagination, appuyée sur du réel et bloquée par l'histoire. Chacun crée sa propre histoire, chacun invente son réel. p213
Jean d'Ormesson — Histoire du Juif errant -
S'il y a un Dieu, il est caché, il est ailleurs, il est hors du temps, il n'obéit pas à nos lois et nous ne pouvons rien dire de lui. Nous ne pouvons décréter ni qu'il existe ni qu'il n'existe pas. Nous avons seulement le droit d'espérer qu'il existe. S'il n'existe pas, notre monde est absurde. S'il existe, mourir devient une fête et la vie, un mystère. Je préfère, de loin, le mystère à l'absurde. J'ai même un faible pour le secret, pour l'énigme, pour un mystère dont la clé nous serait donnée quand nous serons sortis de ce temps qui est notre prison. Kant parle quelque part d'une hirondelle qui s'imagine qu'elle volerait mieux si l'air ne la gênait pas. Il n'est pas impossible que le temps soit pour nous ce que l'air est pour l'hirondelle. Tant pis ! Je prends le risque. Si tout n'est que néant, si les portes de la nuit s'ouvrent et que derrière il n'y a rien, être déçu par ma mort est le dernier de mes soucis puisque je ne serai plus là et que je n'en saurai rien. J'aurai vécu dans un rêve qui m'aura rendu heureux. Je m'amuse de cette vie qui se réduit à presque rien s'il en existe une autre. Les malheurs , trop réels, les ambitions, les échecs, les grands desseins, et les passions elles-mêmes si douloureuses et si belles, changent un peu de couleurs. Avec souvent quelques larmes, je me mets à rire de presque tout. Les imbéciles et les méchants ont perdu leur venin. Pour un peu, je les aimerais. Une espèce de joie m'envahit. je n'ai plus peur de la mort puisqu'il n'est pas interdit d'en attendre une surprise. Je remercie je ne sais qui de m'avoir jeté dans une histoire dont je ne comprends pas grand-chose mais que je lis comme un roman difficile à quitter et que j'aurai beaucoup aimé. J'ignore s'il y a un Dieu ailleurs, autre chose après la mort, un sens à cette vie et à l'éternité, mais je fais comme si ces promesses étaient déjà tenues et ces espérances, réalisées. Et je souhaite avec confiance qu'une puissance inconnue veille, de très loin, mais beaucoup mieux que nous, sur ce monde et sur moi.
Jean d'Ormesson — Qu'ai-je donc fait ? -
Je ne sais pas si Dieu existe mais, depuis toujours, je l’espère avec force. Parce qu’il faudrait qu’existe tout de même ailleurs quelque chose qui ressemble d’un peu plus près que chez nous à une justice et à une vérité que nous ne cessons de rechercher, que nous devons poursuivre et que nous n’atteindrons jamais. De temps en temps, je l’avoue, le doute l’emporte sur l’espérance. Et, de temps en temps, l’espérance l’emporte sur le doute. Ce cruel état d’incertitude ne durera pas toujours. Grâce à Dieu, je mourrai.
Jean d'Ormesson — C’est une chose étrange à la fin que le monde -
Le Saint Il n'y a pas de souffrance pour celui qui a terminé le voyage, qui est libéré de la douleur, qui s'est libéré de tous côtés, qui a rejeté toutes les chaînes. Les réfléchis s'exercent ; ils ne se plaisent pas dans une maison ; comme des cygnes qui ont quitté leur lac, ils quittent leur maison et leur demeure. Ceux qui n'ont pas d'accumulations, qui mangent correctement, qui ont perçu la libération et la liberté inconditionnée, leur chemin est difficile à comprendre, comme celui des oiseaux dans le ciel. Ceux dont les passions sont apaisées, qui sont indifférents au plaisir, qui ont perçu la libération et la liberté inconditionnée, leur chemin est difficile à comprendre, comme celle des oiseaux dans le ciel. Même les dieux admirent celui dont les sens sont contrôlés, comme les chevaux bien apprivoisés par le conducteur, qui est exempt d'orgueil et exempt d'appétits. Un tel obéissant qui est tolérant comme la terre, qui est ferme comme un pilier, qui est comme un lac sans boue : aucune nouvelle naissance n'est en réserve pour celui-ci. La pensée est calme ; le calme est sa parole et son action quand on a obtenu la liberté par la vraie connaissance et qu'on est devenu paisible. Celui qui est libre de toute crédulité, qui connaît l'incréé, qui a rompu tous les liens, supprimé toutes les tentations, renoncé à tous les désirs, est le plus grand des hommes. Dans un village ou dans une forêt, dans une vallée ou sur les collines, partout où vivent des saints, c'est un lieu de joie. Les forêts sont délicieuses; là où les autres ne trouvent pas de joie, là les sans désir trouveront la joie, car ils ne recherchent pas les plaisirs des sens.
Bouddha -
Mille victoires sur mille ennemis ne valent pas une seule victoire sur soi-même.
Bouddha -
Quand les conditions sont suffisantes, la chose se manifeste, et quand elles ne sont plus suffisantes, la chose se cache. Il n'y a ni naissance, ni mort. Il n'y a que la manifestation. Le corps physique, le corps mental, l'ondicule se manifestent quand les conditions sont suffisantes. Des notions comme naissance et mort, être et non-être, ne peuvent vous être appliquées. La vague sur l'eau est libre de la naissance et de la mort. Elle est libre de l'être et du néant. La vague est la vague.
Bouddha -
Ne croyez pas en quelque chose simplement parce que vous l’avez entendu. Ne croyez pas en quelque chose tout simplement parce des gens le disent et que c’est répété par de nombreuses personnes. Ne croyez pas en quelque chose simplement parce c’est écrit dans vos livres religieux. Ne croyez pas en quelque chose sur la seule autorité de vos professeurs et des anciens. Ne croyez pas aux traditions parce qu’elles ont été prononcées pour de nombreuses générations. Mais après observation et analyse, lorsque vous trouverez que tout est en accord avec la raison et est propice au bien et au profit de tous et chacun, alors acceptez-le et vivez pour cela.
Bouddha -
Ne demeure pas dans le passé, ne rêve pas du futur, concentre ton esprit sur le moment présent.
Bouddha -
Et il se jetait sur le gazon, plongeait son visage dans ses mains et pleurait. - Pourquoi pleure-t-il ? demandait un petit lézard vert, comme il courait près de lui, sa queue en l'air. - Mais pourquoi ? disait un papillon qui voletait à la poursuite d'un rayon de soleil. - Mais pourquoi donc ? murmura une pâquerette à sa voisine d'une douce petite voix. - Il pleure à cause d'une rose rouge. - À cause d'une rose rouge. Comme c'est ridicule ! Et le petit lézard, qui était un peu cynique, rit à gorge déployée. Mais le rossignol comprit le secret des douleurs de l'étudiant, demeura silencieux sur l'yeuse et réfléchit au mystère de l'amour. ("Le rossignol et la rose")
Oscar Wilde — Le prince heureux, le géant égoïste et autres contes -
Et de temps à autre, les ombres fantastiques des oiseaux fuyants passaient sur les longs rideaux de tussor tendus devant la large fenêtre, produisant une sorte d’effet japonais momentané, le faisant penser à ces peintres de Tokio à la figure de jade pallide, qui, par le moyen d’un art nécessairement immobile, tentent d’exprimer le sens de la vitesse et du mouvement.
Oscar Wilde — Le portrait de Dorian Gray -
— C'est une charmante chose, m'écriai-je, mais quel est ce merveilleux jeune homme dont l’art nous a si heureusement conservé la beauté ? — C’est le portrait de monsieur W. H., dit Erskine avec un triste sourire. Ce peut être un effet de lumière dû au hasard, mais il me sembla que des larmes brillaient dans ses yeux. — Monsieur W. H. ! m’écriai-je. Qui donc est monsieur W. H. ? — Ne vous souvenez-vous pas ? répondit-il. Regardez le livre sur lequel reposent ses mains. — Je vois qu’il y a là quelque chose d’écrit, mais je ne puis le lire, répliquai-je. — Prenez cette loupe grossissante et essayez, dit Erskine sur les lèvres de qui se jouait toujours le même sourire de tristesse. Je pris la loupe et approchant la lampe un peu plus près, je commençai à épeler l’âpre écriture du seizième siècle : "À l’unique acquéreur des sonnets ci-après". — Dieu du ciel ! m’écriai-je. C’est le monsieur W. H., de Shakespeare. — Cyril Graham prétendait qu’il en était ainsi, murmura Erskine. — Mais il n’a pas la moindre ressemblance avec lord Pembroke, répondis-je. Je connais très bien les portraits de Penhurst. J’ai demeuré tout près de là il y a quelques semaines. — Alors vous croyez vraiment que les sonnets sont adressés à lord Pembroke ? demanda-t-il.
Oscar Wilde — Le portrait de Mr. W.H.